La Gruyere Online
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24 LE 35e DE DYLAN. Ce sera un des événements de l’automne: cinquante ans après son premier disque, Bob Dylan sera de retour dans les bacs le 10 septembre avec Tempest (Columbia). Un premier extrait de ce 35e album studio est déjà en ligne, un Duquesne whistle curieux, intrigant, enivrant… Culture La Gruyère / Jeudi 30 août 2012 / www.lagruyere.ch Qui parle de crise du livre? RENTRÉE LITTÉRAIRE. C’est la déferlante annuelle: cet automne, 646 romans seront publiés en France. Premier tour d’horizon des livres qui devraient faire parler d’eux. ÉRIC BULLIARD A nnée après année, Livres Hebdo publie des chiffres qui donnent le tournis: le magazine professionnel annonce la sortie cet automne de 646 romans en France (et donc chez nous). Contre 654 l’année dernière (et combien dont on se souvient?) et 701 en 2010 (et combien d’oubliés?). Légère baisse, mais toujours des kilos et des kilos de papier, des dizaines de perles à découvrir et encore plus d’historiettes aussi vite lues qu’oubliées… ● LES INCONTOURNABLES Depuis vingt ans, pas une rentrée littéraire sans elle: on va revoir sur tous les plateaux télé Amélie Nothomb, qui publie Barbe Bleue (Albin Michel). Christine Angot aussi est de retour: dans Une semaine de vacances (Flammarion), l’auteure de L’inceste évoque à nouveau la pédophilie, dans la langue crue qui a fait son succès. Toujours dans la catégorie vedette médiatique, Florian Zeller sort La jouissance (Gallimard) et Laurent Binet (remarqué avec HHhH, son premier roman, en 2010) a suivi la campagne de François Hollande pour écrire Rien ne se passe comme prévu (Grasset). ● LES VALEURS SÛRES DISQUES Trois des écrivains français les plus intéressants du moment seront de cette rentrée: Patrick Modiano publie L’herbe des nuits (Gallimard), Jean Echenoz sort 14 (Minuit) et Pascal Quignard Les désarçonnés (Grasset). Peu de surprises à en attendre et encore moins de risques de déception: s’il ne fallait en lire que trois, voilà un excellent choix. Très attendus aussi les nouveaux Philippe Djian (Oh, Gallimard), Tahar Ben Jelloun (Bonheur conjugal, Gallimard), Olivier Adam (Les lisières, Flammarion, déjà cité comme favori au Goncourt) et Véronique Olmi (Nous étions faits pour être heureux, Albin Michel). Patrick Modiano, Jean Echenoz, Pascal Quignard: ils n’obtiendront pas le Goncourt (tous trois l’ont déjà eu), mais s’il ne fallait lire que trois romans français de cette rentrée, autant choisir les leurs… Dans le genre très à la mode du roman inspiré de faits réels, Laurent Gaudé se penche sur la vie d’Alexandre le Grand (Pour seul cortège, Actes Sud), Patrick Deville sur l’extraordinaire trajectoire d’Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste (Peste et choléra, Seuil), alors que Lionel Duroy enquête sur les enfants de criminels de guerre (L’hiver des hommes, Julliard) et Stephane Zagdanski s’inspire librement de l’affaire DSK (Chaos brûlant, Seuil). ● DE RÉVÉLATIONS EN CONFIRMATIONS Les temps seraient-ils plus durs pour les jeunes écrivains? La baisse du nombre de publications concerne essentiellement les premiers romans, 69 cette année, contre 74 en 2011, 85 en 2010 et encore 121 en 2004… Aurélien Bellanger, avec Théorie de l’information (Gallimard) se présente comme LA révélation. On le considère déjà comme le nouveau Houellebecq, à qui il a consacré un essai (Houellebecq, écrivain romantique). Si Les Inrockuptibles le disent… Bloc Party FOUR Universal NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔ Parmi les plus éclatantes révélations de ces dernières années, on attend les nouveaux romans de Jean-Michel Guenassia, auteur du Club des incorrigibles optimistes, en 2009 (La vie rêvée d’Ernesto G., Albin Michel), de Tristan Garcia (Les cordelettes de Browser, Denoël) ou encore de Mathias Enard (Rue des voleurs, Actes Sud). ● EN TRADUCTION Quelque 220 romans traduits en français vont paraître cet automne. Et parmi eux, du très lourd: Salman Rushdie (Joseph Anton. Mémoires, Plon) évoque la fatwa qui lui a pourri l’existence, Jim Harrison a choisi un titre qui semble le qualifier lui-même (Grand maître, Flammarion) et Philip Roth évoque une épidémie de polio dans le New Jersey (Nemesis, Gallimard). Une curiosité: le premier roman adulte de J.K. Rowling, auteure de Harry Potter (Une place à prendre, Grasset). Trois Prix Nobel sont au rendez-vous, avec un roman pour Orhan Pamuk (Le musée de l’innocence, Gallimard), son Journal 2001- La légère baisse du nombre de publications concerne surtout les premiers romans: ils étaient encore 121 en 2004 et «seulement» 69 cette année. 2003 (Actes Sud) pour Imre Kertész – soit les années qui ont entouré la récompense suprême – alors que Toni Morrison s’est intéressée à la ségrégation en Amérique (Home, Christian Bourgeois). ● EN SUISSE Du côté romand, on attend avec intérêt Les lignes de ta paume, de Douna Loup (Mercure de France), qui avait marqué les esprits avec L’embrasure (2010), son premier roman. Basées à Charmey, les Editions de l’Hèbe annoncent un nouveau livre de la Veveysanne MarieClaire Dewarrat (Zones de quiétude) ainsi que Plaisirs au pluriel, recueil de textes brefs de la toute jeune Angélique Botti (20 ans). Antony & the Johnsons CUT THE WORLD Rough Trade/Musikvertrieb NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔ Chez Zoé, la rentrée est marquée par Le mineur et le canari, de Catherine Safonoff, Le rêve des naturels, de Marie Gaulis, et Rose Envy, de Dominique de Rivaz. Bernard Campiche annonce, entre autres, Le cadeau de Noël, deuxième roman de Daniel Abimi (après le polar Le dernier échangeur en 2009) et Les hommes s’appellent Mohammed, de Sylvaine Marguier. Enfin, forte présence fribourgeoise à L’Aire, qui prévoit une quinzaine de nouveaux titres (!), dont des livres de Jean-Bernard Fasel (Le moine et la putain), de Michel Bavaud (Lettres orphelines), d’Alain Favarger (Magnétique Amérique) et de Jean Winiger (De si jolis yeux). ■ Dirty Projectors SWING LO MAGELLAN Musikvertrieb NOTRE AVIS: ✔ ✔ ✔ ✔ Retour aux sources gagnant Version musique de chambre Joyeux mélange inclassable Depuis le succès de son premier album Silent alarm (2005), Bloc Party n’a cessé d’explorer de nouveaux horizons. Une glissade volontaire vers un son plus sophistiqué, plus expérimental. Voix samplées, arrangements baroques, production surchargée: malgré quelques pistes d’excellente facture, on frôle souvent l’indigestion avec Intimacy (2008). Après ce troisième essai au succès tout relatif, le leader Kele Okereke se lance dans un projet solo (The boxer, 2010), laissant libre cours aux rumeurs de rupture. Contre toute attente, les Londoniens retournent en studio en ce début d’année 2012. Et la surprise est de taille au moment de la livraison de Four: l’énergie nerveuse fait son retour, pour le plus grand bonheur des inconditionnels de la première heure. Chargé de la production, Alex Newport (Mars Volta, notamment) n’est pas étranger à ce retour aux sources. Un retour en grâce. LtR D’abord cette voix, ronde, suave, chaude, plutôt grave et surtout pas virtuose. Puis ce vibrato, reconnaissable entre tous. Rien qu’avec ces arguments, Antony Hegarty aurait déjà pu mener une honorable carrière. Sauf que l’androgyne (on dirait transgenre, pour faire actuel) s’est adjoint depuis 2000 les services d’un groupe à la hauteur de son spleen (the Johnsons) et que ses complaintes ont servi de bande-son aux chagrins de la moitié de la planète. Il n’y a qu’un pas entre la tristesse et la beauté (eh! oui! rien n’a changé depuis Baudelaire). Un pas que viennent de franchir Antony & the Johnsons avec Cut the world, un best of enregistré l’an dernier avec le Danish National Chamber Orchestra. Après un sympathique inédit tiré du spectacle The Life and Death of Marina Abramovic et un monologue (drôle, mais dispensable) sur la «gouvernance féminine» (sic), les New-Yorkais revisitent leur répertoire en version musique de chambre, avec des arrangements subtils et des sonorités qui ajoutent une dimension supplémentaire aux bleus de leur âme. CD Par où commencer? Disons, au risque d’en effrayer plus d’un, que Björk est parmi les plus grands fans de Dirty Projectors. Elle a d’ailleurs cosigné un album avec la bande de Brooklyn (Mount Witterberg Orca) en 2011. Vous allez peut-être imaginer que ce Swing Lo Magellan est un album conceptuel, perché dans un univers inaccessible entre lyrisme et psychédélisme? Il n’en est rien. Mais il n’en reste pas moins inclassable. Dès lors, comment vous rassurer? Disons que la structure des morceaux peut être qualifiée de classique sous l’étiquette pop-rock. Tout le reste est singulier: rythmiques décousues, chœurs entêtants – les deux choristes proposent des prouesses vocales étonnantes – riffs exotiques. Le mélange constant des phases expérimentales et des refrains faussement naïfs donne à cet album une douce impression d’insaisissabilité. LtR