1 Votre expérience de la Norvège et des - Norvege
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1 Votre expérience de la Norvège et des - Norvege
Votre expérience de la Norvège et des Norvégien(ne)s Rapport provisoire d’enquête par questionnaire Premier trimestre 2005 Sur l’enquête Mis en ligne il y a moins d’un an sur le site www.norvege-fr.com, le questionnaire dont il va être question avait pour objectif d’interroger des Français qui ont vécu un certain temps en Norvège sur leurs représentations des hommes, des femmes et de l’Etat norvégiens. Cette enquête s’inscrit dans une recherche doctorale en sociologie. La problématique de la thèse s’appuie sur un postulat : l’égalité entre les sexes en Norvège. Après une année Erasmus passée à Oslo en 2000/2001 et un mémoire de maîtrise portant sur la socialisation des petites filles norvégiennes, la Norvège est restée un terrain de prédilection pour analyser les rapports sociaux de sexes. Le welfare state norvégien fait-il réellement de l’égalité entre les sexes une priorité ? Cette égalité est-elle institutionnalisée ? Parallèlement à cette analyse de l’appareil étatique (institutions, législations, politiques publiques), il m’a paru indispensable d’interroger également la façon dont cette « égalité institutionnalisée » était intériorisée, incorporée par les Norvégiens. Les rapports hommes/femmes sont-ils égalitaires ? Comment les Norvégiens mobilisent-ils la « norme égalitaire » dans leurs rapports de séduction par exemple ? En Norvégien, la séduction (forføring) signifie la démarche ou la stratégie qui consiste à convaincre quelqu’un d’avoir un rapport sexuel avec lui/elle. C’est cette définition que j’ai adoptée dans cette recherche. La méthode de l’enquête s’appuie sur une comparaison entre la Norvège et la France et sur une comparaison intergénérationnelle ; une série de 60 entretiens a été réalisée auprès de personnes âgées de 20 à 30 ans (donc nées après les réformes institutionnelles des années 70) et âgées de plus de 55 ans (née cette fois avant cette période). L’échantillon peut-être divisé en deux catégories en fonction des caractéristiques sociales : l’une, relativement homogène, comprend des individus qui ont fait au moins deux ans d’études supérieures, qui vivent à Paris et Oslo et qui sont étudiants ou dans la vie active. L’autre, plus réduite, comprend exclusivement des individus que leur formation et leur activité professionnelle régulent fortement : des militaires et des gardiens de prison. Plusieurs séjours consécutifs ont permis de compléter les entretiens par des séquences d’observation, d’autres entretiens avec des professionnels de l’égalité (à Oslo au Centre National pour l’égalité, - Likestillings senteret, et en France auprès de chargées de mission pour la parité et la convention « Egalité des Chances ». La bibliographie est hétérogène : une grande partie est scandinave et porte sur la question des politiques sociales et familiales, sur le régime de protection sociale. Elle s’articule avec une série de recherches sociologiques sur les interactions, la sexualité et les rapports sociaux de sexes. Les résultats de cette enquête sont contrastés et sont actuellement en cours de rédaction. Les différentes dimensions de la comparaison font apparaître une diversité de facteurs qui peuvent expliquer les degrés d’égalité entre les sexes ; les mobilisations sociales, la religion, l’Histoire, et enfin les trajectoires individuelles apportent autant de nuances au postulat de départ. 1 Pourquoi ce questionnaire ? En janvier dernier, une question m’interpellait particulièrement. Lorsque je présentais les premiers résultats d’enquête dans mon entourage français, l’égalité des sexes norvégienne faisait l’unanimité. La Norvège semblait jouir, pour les profanes, d’une réputation d’égalité. Les stéréotypes des Français sur les Norvégiens allaient exactement dans le sens de mon postulat : les rapports entre les sexes seraient plus égalitaires là-bas et l’Etat serait le garant de cette égalité. C’est pourquoi j’ai décidé d’interroger des Français familiers de la Norvège sur ces stéréotypes : les partagent-ils ? Cette égalité leur a-t-elle sauté aux yeux ? A partir de leur propre expérience, il devait être possible de trouver l’origine du discours stéréotypé Français sur la Norvège et de l’objectiver. Mis en ligne grâce à la participation de la webmestre du site, le questionnaire a reçu 72 réponses. En page d’accueil figurait un encadré « Votre expérience de la Norvège et des Norvégiens : répondez à un questionnaire en ligne ». En cliquant, on parvenait directement sur la page du questionnaire qui était ensuite retourné à mon adresse mail. Deux réponses me sont parvenues par courrier. Le questionnaire a par ailleurs suscité certaines réactions assez virulentes et constructives à propos de la méthode (l’intitulé ne précisait pas qu’il s’agissait d’une enquête d’opinion et trois étudiantes en sciences sociales m’ont reproché « d’aller à la pêche aux stéréotypes ») et du régime politique norvégien ; une personne en particulier a jugé ce questionnaire « scandaleux ». Selon lui, le régime du pays est une « mascarade », et le sujet de mon enquête le fait « doucement rire », c’est « une perte de temps et une totale hypocrisie ». Mais les réactions les plus fréquentes exprimaient au contraire un intérêt pour les questions et le souhait d’être tenu informé des résultats de cette enquête. Le nombre relativement réduit de réponses obtenues ne me permet malheureusement pas d’exploiter quantitativement cette enquête, mais il souligne néanmoins la diversité des représentations et des expériences des interrogés. L’unanimité sur l’égalité évoquée plus haut n’est plus à l’ordre du jour lorsque l’on interroge des individus familiers de la Norvège… 2 Résultats Le questionnaire comportait 40 questions. Les premières nous renseignent sur les caractéristiques des répondants : davantage de femmes (52) que d’hommes (20) ont répondu à ce questionnaire. Tous sont français et sont nés entre 1951 et 1985. Ils ont séjourné ou habité entre 3 mois et 8 ans en Norvège. Deux thématiques sont abordées ensuite : l’Etat et les politiques publiques (« votre expérience de la Norvège ») et les rapports sociaux de sexe (« votre expérience des Norvégien(ne)s »). « Votre expérience de la Norvège » Voici comment les répondants décrivent l’Etat norvégien : Figure 1 : caractéristiques de l’Etat en Norvège Pas de réponse Idéal Jeune sans expérience Communiste Archaïque Egalitaire Série1 Providence Moderne Conservateur Interventionniste De droite Un Etat de gauche 0 5 10 15 20 25 30 35 40 Si l’Etat norvégien apparaît à leurs yeux majoritairement « égalitaire » et « moderne », certains répondants le considèrent également « conservateur ». Plusieurs réponses étant possibles, les réponses d’une même personne peuvent recouvrir à la fois l’aspect moderne et conservateur du pays, ce qui correspond probablement à la spécificité de la Norvège : une monarchie, une religion d’Etat, mais aussi un IDH (indicateur de développement humain) le plus élevé du monde, un parlement paritaire, une forte égalité sociale etc. Il faut noter également que certains répondants ont ajouté les caractéristiques « idéal », « jeune sans expérience » et « communiste » pour décrire l’Etat. 3 « Selon vous, les Etats norvégien et français agissent-ils politiquement pour l’égalité homme femme ? » A cette question, la majorité des répondants considère que l’Etat norvégien agit beaucoup pour l’égalité. En revanche, selon eux, l’Etat français n’agit « pas vraiment » dans cette direction. Figure 2 : action politique en faveur de l’égalité entre les sexes (Norvège et France) 45 40 35 30 25 Norvégien Français 20 15 10 5 0 Oui un peu Oui beaucoup Pas vraiment Pas du tout 4 Pas de réponse En comparaison avec la France, l’Etat norvégien serait majoritairement « en avance socialement » (33%, valeur 61) ou « plus moderne » (27%, valeur 49). La lecture des résultats en pourcentage ne doit pas masquer le faible taux de réponse. La valeur étant inférieure à 100, le pourcentage est artificiel et requière une prudence dans l’interprétation ; mais il permet néanmoins de rendre visible les « grands traits » des résultats de ce questionnaire. Figure 3 : caractéristiques de l’Etat norvégien par rapport à l’Etat français Plus moderne Moins moderne En avance socialement En retard socialement Plus conservateur Moins conservateur Plus puritain Moins puritain Autre : plus libéral Pas de réponse 5 « Votre expérience des Norvégien(ne)s » « Selon vous, les rapports hommes/femmes sont-ils plus égalitaires en Norvège qu’en France ? » Tous les répondants disent oui (tout à fait : 67%, un peu 33%). Figure 4 : égalité des rapports de sexes (rapport Norvège sur France) Oui, tout à fait Oui, un peu Non, ils sont égalitaires dans les deux pays Non, ils sont plus égalitaires en France Non, ils sont plus égalitaires en France Pas de réponse Deux questions dans cette section consistaient à définir les hommes et les femmes en Norvège à partir d’adjectifs. Voici comment les Français répondants décrivent les Norvégien(ne)s : Les adjectifs qui reviennent le plus pour décrire les Norvégiens sont : sportifs, réservés, naturels, beaux, grands, timides. Sportifs (23 fois) Timides (12 fois), réservés (8 fois), trop retenus, introvertis Beaux (11 fois), grands (8 fois), soignés, coquets, fashion Naturels (10 fois) Pacifiques, passifs, calmes, dociles, domines, ours, gentils, fades Peu machos, castrés, allure homosexuelle, aucun sens de la séduction, pas assez galants, pas assez coquets Responsables (pour leur famille), travailleurs, volontaires, honnêtes directs, indépendants, libres, pleins de vie Simples, décontractés, polis envers les femmes, écolos 6 Intéressants, couards, taciturnes, parfois consensuels, mélancoliques, peu intéressants, manquant de confiance en soi, ne savent pas exprimer leurs sentiments, pas très ouverts sur le reste du monde, peu communicatifs. Concernant les Norvégiennes cette fois, les adjectifs qui reviennent le plus sont : sportives, naturelles, volontaires, belles et indépendantes. Sportives (21 fois) Indépendantes (12 fois) Volontaires (8 fois), déterminées, autonomes, libre, libérées, modernes Naturelles (19 fois), spontanées Belles (9 fois), épanouies, jolies, pleines de vie Superficielles, fashion, creuses, habillées très moderne, attachées a la mode, allumeuses, capricieuses, chiennes, hypocrites Honnêtes, un peu brutales, agressives, dominantes dans le groupe, relativement égoïstes, manquant de tolérance, dures Blondes (7 fois), boulottes, fraîches en dessous de 25 ans et classiques au dessus de 25 ans, pas assez coquettes, manquant de classe Pas farouches, gentilles, simples (voire un peu naïves) Éduquées (sur le plan études), Scandinaves (c’est une façon d’être) Pour conclure L’analyse des résultats de ce questionnaire reste dépendante de celle de la globalité de l’enquête menée dans le cadre de ma thèse. Pris indépendamment et hors contexte, ce questionnaire a effectivement peu d’intérêt. Mais il présente l’avantage de compléter les discours recueillis en entretien, de souligner le poids des représentations et d’asseoir une nouvelle hypothèse développée dans cette recherche : les Norvégiens ont-ils conscience des représentations qu’ils (et que leur culture) engendrent ? Dans quelle mesure mobilisent-ils ces représentations pour élaborer une stratégie de présentation de soi, à la fois lorsqu’ils se retrouvent face à une étrangère en entretien, mais aussi dans leurs interactions quotidiennes ? 7