Réparation du béton au mortier de ragréage hydraulique

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Réparation du béton au mortier de ragréage hydraulique
TECHNIQUES & PRATIQUE
1
LE BÉTON DÉGRADÉ PAR LA
CORROSION DES ARMATURES
Chacun de ces mécanismes conduit à la corrosion des aciers et requiert une technique de
réparation spécifique. Il importe dès lors
d’identifier les causes de dégradation lors
d’une inspection préliminaire.
2
LA RÉPARATION DU BÉTON
CARBONATÉ
Pour la réparation de la corrosion des armatures, la norme NBN ENV 1504-9 présente
cinq principes (numérotés de 7 à 11, voir tableau 1, p. 2). Il est à noter que ce tableau ne
distingue pas les principes selon la cause de la
corrosion.
" Valérie Pollet, ir., chef adjoint de la
division Technologie & Environnement,
conseiller technologique (2), CSTC
Josse Jacobs, ing., chef de projet, laboratoire Technologie du béton, conseiller
technologique (3), CSTC
Jef Van Gastel, ir., chercheur, laboratoire
Technologie du béton, conseiller technologique (3), CSTC
∅
rw
rd=c+∅+10
d
Fig. 1 Enrobage > 20 mm
et périphérie de l’armature majoritairement en
zone non carbonatée.
d(≥c)
Fig. 2 Enrobage > 20 mm
et périphérie de l’armature majoritairement en
zone carbonatée.
Surface initiale du béton
Limite minimum de décapage
Front de carbonatation
Surface de l’acier corrodé
Armature
Mortier de ragréage
En pratique, dans le cas d’une corrosion induite par la carbonatation, il existe essentiellement quatre méthodes de réparation :
• la réalcalinisation du béton, abordée dans
un article de CSTC-Magazine (hiver
1999) [3]
• l’utilisation d’inhibiteurs par imprégnation.
Cette technique fait actuellement l’objet
d’une recherche au CSTC; les résultats en
seront présentés dans une édition ultérieure
• la mise en place d’un bardage empêchant
l’eau et l’oxygène d’être présents autour des
armatures et d’alimenter la corrosion liée à
la carbonatation du béton
• la réparation locale au moyen d’un mortier
de ragréage hydraulique, complétée dans
certains cas par l’application d’un coating
en surface. Cette technique plus “traditionnelle”, décrite dans le Guide d’agrément
technique G0007 (2002) “Mortiers de réparation à base de liants hydrauliques” édité
par l’UBAtc [5], est traitée dans le présent
article.
(1) Les divers mécanismes de dégradation du béton ont fait l’objet d’un article paru dans CSTCMagazine [2].
(2) Guidance technologique “Réparation du béton” subsidiée par la Région wallonne.
(3) Guidance technologique “Herstellen van beton” subsidiée par la Région flamande (IWT, Vlaams
Innovatienetwerk).
10
20
c(>10
et <20)
rd=c+∅+10
rd=c+∅/2
d
Deux mécanismes principaux (1) sont souvent à l’origine du phénomène de corrosion
des aciers dans le béton :
• la carbonatation du béton
• la présence de chlorures provenant de l’environnement (sels de déneigement, piscine, ...) ou mixés dans le béton (adjuvants,
ciment, …).
20
∅(min.20)
∅
10
∅(min.20)
c(≥20)
rw
rw
c(≥20)
20
Le présent article a été élaboré dans le cadre de
la Guidance technologique “Réparation du béton” subsidiée par la Région wallonne et par la
Région flamande.
Réparation du béton au
mortier de ragréage
hydraulique
20
béton armé, la corrosion des armatures peut être due à un phénomène
de carbonatation. Le présent article
évoque la technique traditionnelle de
réparation au moyen d’un mortier de
ragréage hydraulique. Afin d’assurer
la pérennité de ce type de réparation,
on se conformera aux recommandations du Guide d’agrément technique G0007.
∅
Cause majeure de dégradation du
3
Fig. 3 Enrobage de
10 à 20 mm.
LA CLASSIFICATION DES MORTIERS DE RÉPARATION HYDRAULIQUES
Depuis 2003, un système de classification des
mortiers de ragréage a été défini au sein de
l’UBAtc (Union belge pour l’agrément technique dans la construction). L’annexe B du
Guide d’agrément G0007 [6] définit la classification des mortiers de ragréage à base de
liant hydraulique. Cette classification doit
permettre de choisir le produit le plus approprié au cas envisagé.
Les mortiers sont classés à la fois suivant l’utilisation prévue et suivant les caractéristiques
d’application :
• la lettre U correspond aux propriétés du
mortier; elle est suivie de trois chiffres entre parenthèses :
– le premier (en caractères romains) désigne la catégorie du mortier. La description des catégories est précisée au § 3.1
du Guide G0007. La catégorie 1 pour les
réparations non structurelles et la catégorie 2 pour les réparations structurelles
sont les plus fréquentes
– le deuxième chiffre désigne la résistance
aux agents de déverglaçage (1 : le mortier répond aux critères de résistance aux
produits de déverglaçage; 2 : le mortier
ne répond pas)
– le troisième chiffre désigne la résistance
à la carbonatation (1 : le mortier répond
aux critères de résistance à la carbonatation; 2 : le mortier ne répond pas)
Les Dossiers du CSTC – Cahier n° 6 – 2e trimestre 2004 – page 1
TECHNIQUES & PRATIQUE
Tableau 1 Principes et méthodes applicables à la corrosion des armatures (d’après la norme NBN ENV 1504-9).
Principe et description
Méthodes correspondantes
7. Protection de la couche de passivation ou repassivation
Mise en œuvre des conditions chimiques propres à
générer ou à conserver la couche de passivation à la
surface des armatures
7.1 Augmentation de l’enrobage des armatures par application d’une
couche supplémentaire de mortier ou de béton
7.2 Remplacement du béton attaqué ou carbonaté
7.3 Réalcalinisation électrochimique du béton (1)
7.4 Diffusion (imprégnation) de substances alcalines
7.5 Déchloruration électrochimique (1)
8. Accroissement de la résistivité
Augmentation de la résistivité électrique du béton
8.1 Réduction du taux d’humidité par traitement de la surface,
application de coatings ou pose de bâches
9. Contrôle cathodique
Mise en œuvre des conditions propres à empêcher la
production d’une réaction anodique par les zones
cathodiques éventuelles
9.1 Réduction de la teneur en oxygène (à la cathode) par saturation
ou par application d’un coating en surface (2)
10. Protection cathodique
10.1 Application d’un potentiel électrique (1)
11. Contrôle anodique
Mise en œuvre des conditions propres à empêcher les
zones anodiques des armatures de participer à une
réaction oxydante
11.1 Application sur les armatures d’une peinture à pigments actifs
11.2 Application sur les armatures d’une peinture imperméable
11.3 Emploi d’inhibiteurs dans le béton (1) (2)
(1) Cette technique fait appel à des produits et des systèmes non envisagés dans les normes de la série EN 1504.
(2) Le fait que cette technique soit mentionnée dans la norme n’implique pas qu’elle bénéficie d’un agrément.
• la lettre W correspond aux caractéristiques
d’application; elle est accolée d’un indice de
une ou deux lettres :
– h : applicable à la main (by hand)
– s : applicable par projection (spraying)
– c : applicable par coulage (casting)
• la lettre W est suivie de trois groupes de
chiffres ou de lettres entre parenthèses :
– premier groupe (deux ou trois chiffres) :
- 1er chiffre : épaisseur minimale par couche
- 2e chiffre : épaisseur maximale par couche dans l’inclinaison la plus défavorable
- 3e chiffre : épaisseur maximale par couche dans l’autre inclinaison (le cas échéant)
L’inclinaison à considérer pour déterminer l’épaisseur maximale de la couche est indiquée en indice du chiffre :
- o : au plafond (overhead)
- v : à la verticale
- h : à l’horizontale
– deuxième groupe (une ou deux lettres) :
humidité du support (a : sec; b : humide)
– troisième groupe (deux chiffres) : températures maximum et minimum d’utilisation.
Ainsi, par exemple, un produit classé U (II)
(1) (1) Wh (10, 40o) (a, b) (5, 30) désigne un
mortier de ragréage :
• de catégorie II
• résistant aux agents de déverglaçage et à la
carbonatation
• pouvant être appliqué à la main, en couches
de 10 à 40 mm d’épaisseur, sur support sec
ou humide au plafond, dans une ambiance
dont la température est comprise entre 5 et
30 °C.
4
QUELQUES RECOMMANDATIONS APPLICABLES AUX
RÉPARATIONS
Les recommandations ci-après, empruntées
au Guide d’agrément technique G0007, visent une réparation “durable” des bétons
carbonatés au moyen de mortier de ragréage.
Les travaux de réparation se déroulent en
plusieurs phases distinctes, à savoir :
• détection des zones endommagées par la
carbonatation ou susceptibles de l’être
• élimination des parties non adhérentes ou
contaminées du béton et enlèvement de la
rouille sur les armatures
• application d’un produit antirouille sur les
armatures si l’enrobage final après réparation est inférieur à 20 mm
• humidification du support au moins deux
heures avant l’application du mortier de
ragréage
• application du mortier de ragréage et d’un
produit de cure éventuel
• mise en place éventuelle d’un coating de
protection selon le Guide G0008 [8].
4.1 PRÉPARATION
DU SUPPORT
Les zones à réparer, d’abord sondées, sont
marquées dans les cas suivants :
• si leur surface présente des défauts ou des
dégradations
• si elles rendent un son creux
Les Dossiers du CSTC – Cahier n° 6 – 2e trimestre 2004 – page 2
• si la couche d’enrobage présente des caractéristiques mécaniques insuffisantes (désagrégation, aspect sableux, ...).
Les parties du béton non adhérentes ou de
moindre qualité sont éliminées dans les zones
ainsi délimitées, jusqu’au béton sain et sur
une profondeur d’au moins 5 mm (minimum
3Dmax si Dmax < 2 mm). Ce décapage s’effectue en principe au marteau pneumatique, au
marteau à aiguilles ou éventuellement à l’eau
sous pression (de 1000 à 20000 bars). Le décapage à la flamme est interdit. On évitera
toute transition abrupte dans l’épaisseur du
mortier à appliquer.
Au cas où l’armature est située en zone
carbonatée et qu’il y a danger de corrosion, la
règle générale est de décaper le béton autour
de l’armature jusqu’en zone non carbonatée.
La profondeur à laquelle le béton doit être
décapé au voisinage des armatures en cas de
dépassivation par carbonatation est fonction
de l’enrobage des armatures après réparation :
• si l’enrobage final après réparation est supérieur à 20 mm et si la périphérie de l’armature se trouve en majeure partie dans la
zone non carbonatée, il n’est pas nécessaire
de dégager complètement l’armature. La
moitié de la surface de l’acier est dégagée
(voir figure 1, p. 1)
• si l’enrobage final après réparation est supérieur à 20 mm et si la périphérie de l’armature se trouve majoritairement en zone
carbonatée, l’armature doit être complètement dégagée (voir figure 2, p. 1) de 2 cm
au moins de part et d’autre de l’armature et
de 1 cm derrière l’armature
TECHNIQUES & PRATIQUE
• si l’enrobage est situé entre 10 et 20 mm,
l’armature doit être complètement dégagée
comme le montre la figure 3 (p. 1)
• si l’enrobage est inférieur à 10 mm, l’armature
sera complètement dégagée. Dans ce cas, l’utilisation exclusive du mortier de réparation ne
peut garantir une réparation durable.
Si l’armature passe, dans le sens longitudinal,
d’une zone carbonatée à une zone non carbonatée, le décapage s’opère jusqu’à la zone non
carbonatée, sur une longueur égale au diamètre de l’armature, avec un minimum de 20 mm.
Les zones à réparer sont délimitées par un trait
de scie d’une profondeur minimale de 3Dmax
(Dmax étant le diamètre maximal des granulats),
perpendiculaire à la surface de l’élément en béton et suivant un tracé polygonal.
Après décapage, la surface du béton doit être
débarrassée de toute trace d’huile, de graisse,
de laitance et de granulats non adhérents, de
façon à obtenir une rugosité suffisante et à
garantir l’adhérence du mortier de ragréage.
Cette opération d’élimination peut s’effectuer
notamment par un grenaillage des zones à
réparer. Celles-ci sont ensuite dépoussiérées
à l’aide d’air comprimé exempt d’huile.
Après préparation, le support présentera une
cohésion superficielle au moins égale à l’adhérence exigée pour le mortier de ragréage. Si
cette condition ne peut être satisfaite pour le
béton de l’ouvrage à réparer, la cohésion su-
perficielle doit être égale à la résistance du
béton en traction.
4.2 MISE
EN PLACE DU MORTIER
Le support est humidifié au moins deux heures avant la mise en œuvre du mortier. Dans
le cas de structures sèches, en particulier, il
est recommandé de procéder à cette humidification à plusieurs reprises au cours de la
semaine qui précède la mise en œuvre du
mortier. Au moment de l’application, le support doit être humide, mais ne peut présenter
un aspect brillant. La méthode de réparation
varie en fonction de l’enrobage exigé a posteriori :
• si l’enrobage est supérieur à 20 mm, un
mortier de ragréage conforme aux prescriptions du Guide d’agrément G0007 suffit
• si l’enrobage varie entre 10 et 20 mm, toute
la périphérie de l’armature doit obligatoirement être traitée au moyen d’une couche
de protection anticorrosion, les propriétés
passivantes du mortier de ragréage pouvant
être insuffisantes
• si l’enrobage est inférieur à 10 mm, la réparation consiste en l’application combinée
d’une couche de protection anticorrosion sur
toute la périphérie de l’armature, d’un mortier de ragréage et d’un revêtement de protection complémentaire sur toute la surface
du béton. Pour être adéquat, ce traitement
combiné doit satisfaire aux critères décrits
dans le Guide d’agrément G0011 [7].
Enfin, la cure du mortier hydraulique doit être
assurée de façon à obtenir les propriétés escomptées : résistance mécanique et caractéristiques liées à la durabilité (résistance à la carbonatation, perméabilité, ...). Pour les techniques de cure, on peut se référer à l’article publié dans les précédents Dossiers du CSTC [4].
Il est à noter que l’adhérence ultérieure d’un
coating éventuel avec le mortier doit être assurée par l’enlèvement du produit de cure ou
l’usage d’un produit de cure permettant l’utilisation de ce coating sur ce produit de cure.
5
CONCLUSION
Le choix de la technique de réparation du
béton doit être fondé sur une étude préalable
permettant d’identifier les causes de la dégradation et de déterminer son étendue. Une
bonne préparation des zones à réparer s’impose si l’on souhaite assurer la pérennité de la
réparation sur un béton dégradé à la suite de
la corrosion des armatures induite par la carbonatation. Les dispositions du Guide d’agrément G0007 de l’UBAtc peuvent servir de
référence à cet effet. Le choix d’un mortier de
ragréage et d’un revêtement de protection
adéquats constitue la seconde condition à
remplir pour obtenir un résultat durable. Il
convient, pour ce faire, de bien comprendre
la classification des mortiers de réparation
adoptée par l’UBAtc depuis 2003. ■
t
BIBLIOGRAPHIE
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NBN EN 1504-9 Produits et systèmes pour la protection et la réparation de structures en béton. Définitions, prescriptions, maîtrise de la qualité et évaluation de la conformité. Partie 9 : principes généraux
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Protection de l’armature en cas de dépassivation par carbonatation, lorsque l’enrobage est inférieur à
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Revêtements de protection des surfaces en béton soumis aux influences extérieures et non soumis au
trafic. Bruxelles, UBAtc, Guide d’agrément n° G0008, 1996.
Les Dossiers du CSTC – Cahier n° 6 – 2e trimestre 2004 – page 3

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