Palais-Royal - Carte

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Palais-Royal - Carte
Palais-Royal
dit de boulevard.
La dernière grande date du Palais-Royal est l’installation
en 1986 de Les Deux Plateaux de Daniel Buren dans la
cour d’honneur.
1 Localisation
L'ensemble architectural du Palais-Royal est limité par la
rue Saint-Honoré et la place Colette au sud, par la rue de
Richelieu, puis la rue de Montpensier à l'ouest, par la rue
de Beaujolais au nord, et par la rue de Valois à l'est.
2 Histoire
2.1 Le Palais-Cardinal
Richelieu achète en 1624 l’hôtel de Rambouillet qui présente pour lui le double avantage d’être proche du Louvre
Le Palais-Royal, ensemble monumental (palais, jardin, et d’être bordé par un fragment de l’enceinte de Charles V
galeries, théâtre) au nord du palais du Louvre dans le 1er qui peut, s’il est démoli, fournir un grand espace en pleine
arrondissement de Paris, est un haut lieu de l’histoire de ville derrière son hôtel. Ce sera le cas en 1633, un brevet
France et de la vie parisienne.
royal lui donnant la propriété des terrains.
Construit par Richelieu en 1628, le Palais-Cardinal, lé- Il entreprend alors, en faisant appel à l’architecte Jacques
gué au roi en 1642, sert de résidence à Louis XIV enfant Lemercier, la transformation de l’hôtel en un véritable papendant les troubles de la Fronde et devient le Palais- lais avec des appartements somptueux et un théâtre qui
Royal. Donné en apanage à Philippe d'Orléans en 1692, demeurera longtemps le plus beau de Paris. Sauval[1] a
il devient le palais des Orléans. Le Régent y réside. Le laissé des témoignages précis sur la galerie des Hommes
futur Philippe Égalité y réalise en 1780 une grandiose Illustres du Palais-Cardinal qui comportait, accompagnés
opération immobilière conduite par l'architecte Victor de quatre statues et trente-huit bustes de marbres anLouis, en encadrant le jardin de constructions uniformes tiques, vingt-cinq portraits (dont celui de Louis XIII et le
et de galeries qui vont devenir pendant un demi-siècle, par sien) peints par Philippe de Champaigne et Simon Vouet.
leurs cafés, restaurants, salons de jeu et autres divertissements, le rendez-vous à la mode d’une société parisienne Il ne reste aujourd'hui du Palais-Cardinal incendié en
élégante et souvent libertine. La fermeture des maisons 1763 que la galerie des Proues, ornée de motifs de rostres
et d’ancres marines, rappelant la charge de surintendant
de jeu y mettra fin en 1836.
de la Navigation du Cardinal.
Restitué aux Orléans en 1814, mis à la disposition du roi
Jérôme sous le Second Empire, il est affecté à partir de
1871 à différentes administrations de la République. Il 2.2 Le Palais-Royal et Louis XIV
abrite aujourd’hui le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et le ministère de la Culture.
Richelieu lègue son palais au roi à sa mort en 1642. La
Le spectacle a toujours été présent au Palais-Royal. régente Anne d’Autriche s’y installe alors, quittant les apRichelieu avait son théâtre. Molière reprit la salle en partements incommodes du Louvre, pour profiter du jar1660. À sa mort, Lully y installa l’Opéra qui sera incendié din où peuvent jouer le jeune Louis XIV et son frère. Le
en 1781. L’histoire moderne de la Comédie-Française y Palais-Cardinal devient le Palais-Royal.
débute en 1799. Le théâtre Montansier inauguré en 1790 Les troubles de la Fronde marqueront le petit roi qui, en
et devenu théâtre du Palais Royal privilégie lui le théâtre 1649, devra fuir le palais en pleine nuit et, en 1651, verra
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HISTOIRE
Fêtes officielles et soupers galants se succèdent au PalaisRoyal. L’Opéra est alors situé dans une salle du palais.
Des bals, publics mais avec un droit d’entrée élevé, y sont
donnés l’hiver, trois fois par semaine. Le Régent s’y divertit incognito, le port obligatoire du masque favorisant
la confusion des rangs. C’est, selon Saint-Simon, une des
raisons du maintien de sa résidence à Paris : « M. le duc
d’Orléans n’avait qu’un pas à faire pour y aller au sortir de ses soupers et pour s’y montrer souvent en un état
peu convenable. » Saint-Simon aurait voulu « éloigner M.
le duc d’Orléans des pernicieuses compagnies avec qui il
soupait tous les soirs, de l’état auquel il se montrait souLe Palais-Royal sous Louis XIV. Le théâtre de Molière est à droite vent aux bals de l’Opéra et du temps qu’il perdait après
de l’entrée du palais.
toutes les représentations de ces spectacles. Mais c’est
précisément ce qui l’attachait au séjour de Paris duquel
[2]
les émeutiers envahir sa chambre. En 1692, il donne le il n’y eut pas moyen de le tirer. » .
palais en apanage à son frère Philippe d’Orléans dit Monsieur.
2.3
L'âge d'or du Palais-Royal : la Régence
Le Palais-Royal vers 1679.
Conseil du Régent au Palais-Royal. Les murs sont tendus de tapisseries des Gobelins et on distingue les armoiries des Orléans
au-dessus des portes.
La Régence est l’âge d’or du Palais-Royal qui devient de
1715 à 1723 le cœur de la vie politique et artistique et
supplante alors Versailles. Le régent Philippe d’Orléans,
neveu de Louis XIV, y réside et fait transformer le palais
par son premier architecte, Oppenord, l’un des principaux
créateurs du style rocaille.
Le palais comprend alors le grand appartement, avec
salle-à-manger, chambre de parade, grand cabinet où
sont reçus les ambassadeurs, les petits appartements du
Régent, les appartements de la duchesse d’Orléans. La
galerie d’Énée, peinte par Antoine Coypel, avec quatorze grandes compositions correspondant à des scènes
de l’Énéide, est considérée comme une des principales curiosités de la capitale. Mécène et grand collectionneur, le
Régent rassemble au Palais-Royal la plus importante collection de peintures après celle du roi, plus de cinq cents
œuvres de peintres illustres (la collection sera vendue en
1788 par le futur Philippe-Égalité).
L'incendie de l'Opéra en 1763.
À la mort du Régent, le palais sombre dans une
semi-léthargie. Les seuls travaux effectués par son fils
concernent les jardins restaurés par le neveu de Le Nôtre.
Les jardins sont alors ouverts au public (mais interdits aux
personnes en tenue négligée et aux domestiques en livrée)
et attirent une foule de promeneurs. C'est dans les jardins
que débute le Neveu de Rameau :
2.4
La grande opération immobilière du duc de Chartres
« Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, c’est mon
habitude d’aller sur les cinq heures du soir me
promener au Palais-Royal. C'est moi qu'on voit
toujours seul, rêvant sur le banc d'Argenson
[…] J'abandonne mon esprit à tout son libertinage. Je le laisse maître de suivre la première
idée sage ou folle qui se présente, comme on
voit dans l'allée de Foy nos jeunes dissolus marcher sur les pas d'une courtisane à l'air éventé, au visage riant, à l'œil vif, au nez retroussé, quitter celle-ci pour une autre, les attaquant
toutes et ne s’attachant à aucune. Mes pensées,
ce sont mes catins. (Diderot,1760) »
3
Le Palais-Royal sur le plan de Turgot en 1735.
L’apanage d’Orléans étant fermé à la police royale, différentes activités illicites se déroulent dans les jardins :
galanterie et agitation politique qui annoncent la vocation
du Palais-Royal.
L'Opéra, où Servandoni conçoit les décors des opéras et
des bals, constitue le lieu de rencontre de toute la haute
société. Il brûle en 1763, l’incendie endommageant une
partie du palais. Sous la pression du duc d'Orléans, le
roi ordonne sa reconstruction au même endroit. Ce nouvel Opéra inauguré en 1770 et où seront créés les chefsd’œuvre de Gluck, brûlera à nouveau en 1781. Ce sera
alors la fin de la présence de l’Opéra au Palais-Royal.
2.4
La grande opération immobilière du
duc de Chartres
Intérieur du Cirque du Palais-Royal en 1788.
d’Orléans à la mort de son père en 1785 et Philippe Égalité pendant la Révolution), reçoit l’entière propriété du
Palais-Royal. Très endetté, il s’engage sur la voie de la
spéculation immobilière. Son idée est de lotir sur le pourtour du jardin, de louer les rez-de-chaussées à des commerçants et de faire du Palais-Royal le pôle d’attraction
de tout Paris. Les nouveaux bâtiments ouvriront sur plusieurs nouvelles rues dédiées aux garçons du duc, la rue
de Montpensier à l'ouest du jardin, la rue de Beaujolais
au nord et la rue de Valois à l'est.
Il obtient l’autorisation de son cousin Louis XVI en juin
1781. Les 72 propriétaires des maisons qui avaient vue
sur le jardin protestent, sans effet. Le duc choisit comme
architecte Victor Louis qui vient d’achever le théâtre de
Bordeaux.
Sur la façade du jardin, Victor Louis aligne 180 arcades
séparées par des pilastres corinthiens et éclairées par 188
réverbères suspendus sous le cintre des arcades. Chaque
maison comprend un rez-de-chaussée et un entresol donnant en retrait sur la galerie, un étage noble, un second
Le duc de Chartres et sa famille.
plus réduit. Le troisième étage et les combles destinés aux
L’année 1780 marque un tournant dans l’histoire du domestiques sont à demi cachés par une balustrade supPalais-Royal qui va prendre l’aspect qu’il a conservé jus- portant des vases.
qu’à nos jours. L'arrière-petit-fils du Régent Louis Phi- Le duc, persuadé de la nécessité d’une salle de spectacle
lippe Joseph d’Orléans, duc de Chartres (qui sera duc dans l’enceinte de son palais (il avait échoué à faire re-
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2
HISTOIRE
construire une nouvelle salle d’Opéra par la Ville de Paris au lendemain de l’incendie de 1781) fait appel à Victor
Louis pour construire de 1786 à 1790 l’actuelle ComédieFrançaise à l’angle sud-ouest de son terrain. Ce dernier
avait déjà conçu à l’extrémité nord de la galerie Montpensier une petite salle de spectacle (destinée aux marionnettes d’un des fils du duc) qui allait devenir le futur
théâtre Montansier puis théâtre du Palais-Royal.
Débordant d’idées pour attirer le public, le duc fait aussi
construire en 1787 le Cirque du Palais-Royal au centre
du jardin pour organiser des courses de chevaux. Victor
Louis réalise un édifice de 72 colonnes ioniques, revêtu
de treillage, de 100 m de long sur 16,50 m de large, en
partie enterré (4,30 m) pour ne pas obstruer la vue sur les
galeries. 40 boutiques sont complètement enterrées annonçant nos centres commerciaux d'aujourd'hui. Le mo- Camille Desmoulins haranguant la foule.
nument enthousiasme les contemporains. « Le cirque est
le monument d’architecture le plus beau, le plus gracieux,
le plus original si on ose le dire qui existe à Paris. C’est
une création souterraine formée d’un coup de baguette
magique. » écrit Louis Sébastien Mercier en 1789. Mais
les problèmes financiers obligent le duc à le louer. On y
installe un salon de thé et un orchestre. Il est détruit par
un incendie fin 1798.
Le duc de Chartres avait transformé Paris. Le PalaisRoyal devenait le centre du commerce et des plaisirs de la
capitale. 180 boutiques attiraient une foule considérable.
Dans le jardin, trois rangées de chaises étaient disposées
à l’intention des promeneurs. On pouvait s’attabler aux
cafés pour boire.
Sur le plan financier, l’entreprise coûtait beaucoup plus Assassinat de Le Peletier de Saint-Fargeau.
que prévu. Comme les fonds manquaient, le duc obtint
du roi en 1784 l’autorisation de vendre les bâtiments
construits, en principe inaliénables. Ce ne fut pas suffisant. Il dut vendre le château de Saint-Cloud à la reine et
disperser les collections de peinture du Régent. La Révolution l’empêcha de tirer les bénéfices de son opération.
Un quatrième côté du quadrilatère devait achever le palais proprement dit. Faute d’argent, on y éleva en 1785
des boutiques en bois décorées en trompe l’œil qui furent
louées à des marchands. On appela cette galerie de Bois
le Camp des Tartares.
2.5
Le Palais-Royal de la Révolution à la
Restauration
Plusieurs épisodes de la Révolution française ont eu pour Le pape brûlé en effigie.
cadre le Palais-Royal. Les deux plus célèbres sont :
• L’épisode du 12 juillet 1789 où Camille Desmoulins ayant appris le renvoi de Necker appelle les Parisiens à l’insurrection. Un dessin de Prieur le représente haranguant la foule qui prend comme signe
de ralliement les feuilles des arbres du jardin. Les
bustes de Necker et du duc d’Orléans (très populaire
en raison de ses prises de position libérales) vont être
promenés dans le jardin et dans Paris. La cavalerie
va charger la foule place Louis XV et la réaction défensive des Parisiens sera la prise de la Bastille.
• L’épisode du 20 janvier 1793 où le député montagnard Lepeletier de Saint-Fargeau, qui avait voté la
mort du roi, est assassiné par un royaliste dans une
2.5
Le Palais-Royal de la Révolution à la Restauration
5
des salles du restaurateur Février installé au PalaisÉgalité, galerie de Valois, n° 114-118. Il devint l’un
des martyrs de la Révolution avec Marat et Chalier.
D’autres épisodes peuvent être cités, en particulier en
1789, où l’agitation devint très vive dans ce lieu le plus
couru de Paris : le 30 juin, des Gardes Françaises qui
avaient refusé de « tourner leurs armes contre le peuple »
sont libérées et amenées en triomphe au Palais-Royal, le
8 juillet, le supplice d’un espion de la police, le 22 juillet,
la tête de Foullon promenée dans le jardin…
Sur un autre épisode dessiné par Prieur, où le pape est
brûlé en effigie dans le jardin le 4 mai 1791 après son
refus d’avaliser la constitution civile du clergé, on peut
voir une intéressante reproduction du cirque portant sur La cour de Nemours vers 1840.
son toit un jardin suspendu.
Après la chute de la royauté (journée du 10 août 1792),
le duc d’Orléans prend le nom d’Égalité et le Palais-Royal
devient le Palais-Égalité. Le 2 avril 1793, le duc est arrêté dans ses appartements avec son plus jeune fils. Le
6 novembre, le jour de son exécution, le palais est réuni
au domaine de l’État. La cour d’honneur est concédée par
morceaux à des restaurateurs et des tenanciers. Malgré
Robespierre, plutôt porté à l’« assainissement », le jeu et
la prostitution continuent, justifiant le mot de Michelet :
« la vie, la mort, le plaisir rapide, grossier, violent, le plaisir exterminateur : voilà le Palais-Royal de 93. »
Après la chute de Robespierre, le Palais-Égalité devient
un foyer d’opposition à la Convention. Le Directoire souhaite la vente du palais proprement dit, mais le Conseil
des Cinq-cents refuse l’aliénation : le mobilier est vendu
mais le palais est loué. Les intérieurs sont altérés par les
locataires qui le cloisonnent et dépècent les décors. Le
Cirque brule le 15 décembre 1798.
La galerie d'Orléans vers 1840.
- La cour de Nemours (aujourd’hui, transformée et
agrandie, place Colette) entourée de portiques formant
galerie couverte et communiquant avec la cour d’honneur
par un passage vouté. Ses deux branches étaient égales et
allaient jusqu’à la rue Saint-Honoré. Le passage voûté et
En 1800, Napoléon Bonaparte installe dans le palais le l'une des branches subsistent toujours.
Tribunat, assemblée législative créée par la Constitution - Le péristyle et le pavillon Montpensier.
de l'an VIII (dissous en 1807). Puis la bourse s’installe
- Le pavillon de Valois.
jusqu’en 1816 au rez-de-chaussée du bâtiment central
donnant sur la cour d’honneur. Napoléon s’intéresse peu - En 1827, la magnifique galerie d’Orléans à
au Palais-Royal. De nombreux projets (tribunal de com- l'emplacement de la vétuste galerie de Bois, ancien
merce, état-major de la place de Paris, palais des fêtes, Camp des Tartares, qui venait d’être détruite par un inpalais des Beaux-Arts, habitation pour un prince) lui se- cendie. Achevée en 1829, elle présentait côté cour et côté
ront proposés sous l’Empire, mais aucun n’aboutira, faute jardin une ordonnance uniforme de colonnes doriques
supportant une plate-bande horizontale, formant ainsi
de volonté et de moyens.
Le palais fut restitué au fils de Philippe Égalité, futur roi deux promenades couvertes. La partie centrale était
Louis-Philippe, en 1814. La réhabilitation du palais, en- occupée par une verrière combinant le fer et le verre
treprise par Fontaine, l'architecte de confiance de Napo- d'une longueur de 70 m pour une portée de 8,50 m. Les
léon, dura dix-huit ans et coûta d’énormes dépenses. À 40 nouvelles boutiques avaient une vitrine sur le passage
l’intérieur fut aménagée une suite d’appartements presti- et une ouvrant sur l'extérieur. C’était la plus large et la
gieux pour le duc et sa nombreuse famille (huit enfants) plus lumineuse des galeries commerciales de l’époque.
et un grand nombre d’appartements de moindre ampleur
pour le personnel de la cour. Comme ses prédécesseurs,
Louis-Philippe se constitua, le long de la Cour de Nemours et du Théâtre français, une galerie de tableaux (75
m de long — 414 tableaux recensés en 1824). À l’extérieur furent construits :
Dans ce palais en perpétuel chantier, le duc d’Orléans menait une existence assez tranquille, avec une étiquette réduite. La fête la plus brillante fut donnée le 31 mai 1830
par le duc pour son beau-frère le roi de Naples quelques
semaines avant la chute de Charles X. Le 1er octobre
1831, le nouveau roi quittait à regret le Palais-Royal pour
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HISTOIRE
les Tuileries. Pendant seize ans (1832-1848) le palais,
dont la restauration venait à peine de s’achever, resta vide.
2.6
Les années folles du Palais-Royal
(1780-1830)
Le Palais-Royal en 1800.
La prostitution au Palais-Royal en 1815 (Opiz).
Intérieur d'un café du Palais-Royal (Boilly).
« Tout ce qu’il est possible de trouver à Paris est au PalaisRoyal » (l’historien russe Nikolaï Karamzine en 1790),
« Paris est la capitale de la France, le Palais-Royal est
la capitale de Paris. » (Lamothe-Langon, La Province à
Paris, 1825). Le Palais-Royal est l’étape obligatoire des
étrangers et des provinciaux. Là, en effet, se trouve rassemblé dans un lieu clos, ne communiquant avec l’exté- Le café Corrazza de la galerie de Montpensier, ouvert en 1787
rieur que par des galeries ou des péristyles donnant, au
moins de trois côtés, sur des rues étroites, tout ce que la
du Palais-Royal), refait par Victor Louis, compte jusqu’à
capitale peut offrir en fait de luxe et de plaisirs. Les dis1300 places réparties en trois étages. Son foyer est partitractions voisinent avec les commerces les plus variés :
culièrement animé. Le Palais-Royal voit fleurir une profusion d’autres divertissements, logés souvent dans de mi• Les spectacles :
nuscules théâtres, qui se livrent une concurrence acharnée
et n’ont souvent qu’une existence éphémère. Le théâtre
L’histoire moderne de la Comédie-Française commence de Séraphin attire beaucoup de monde avec son spectacle
au Palais-Royal dans le nouveau théâtre construit par d’ombres chinoises. Les marionnettes sont aussi un genre
Victor Louis qui accueille dès 1791 Talma et ses amis très prisé. Curtius présente dans deux salles les personen rupture avec la troupe pour des raisons politiques, nages célèbres du moment, dont la famille royale, en fipuis en 1799 toute la troupe réunifiée. Au nord de la gures de cire (c'est lui qui fournit le 12 juillet 1789 les
galerie Montpensier, le théâtre Montansier (futur théâtre bustes de Necker et du duc d'Orléans portés en triomphe
2.7
Le Palais-Royal de 1845 à 1900
7
par la foule). Dans le jardin, quotidiennement au milieu du jour, cent à deux cents personnes se rassemblent,
montre en main, autour du petit canon dont la mise à feu
commandée par les rayons du soleil signale l’heure de midi.
tables dans le Cirque. La plus célèbre maison de jeu est
le 113 qui possède huit salles dont six tables de roulettes.
Au 154, il faut une présentation et il y a une table dite
« la table d’or » parce que les enjeux n’y sont mis qu’en
pièces d’or ou en billets de banque[6] . Dans La Comédie humaine, Raphaël de Valentin mise sa vie au 33 et
Rastignac croit trouver au n° 9 la fortune. Louis Verron
• Les restaurants et les cafés :
consacre le deuxième chapitre de ses Mémoires d’un bourgeois de Paris à raconter ses aventures dans les maisons de
Le restaurant, avec son repas à la carte et sa table injeu du Palais-Royal en 1818.
dividuelle (distinct de l’auberge avec sa table d’hôte),
est né avec l’Ancien Régime au Palais-Royal, a-t-on dit.
• La prostitution
Ils se multiplient dans les nouvelles galeries de Victor
Louis. On y trouve des restaurants de premier ordre célèbres dans toute l’Europe comme Very (n° 83-85)[3] ,
Véfour (n° 79-82), les Frères provençaux (n° 96-98),
mais aussi des établissements à la portée des bourses modestes. Les cafés sont tout aussi nombreux. Les plus fameux sont le café des Mille Colonnes (n° 36) sans doute
le plus luxueux, ouvert en 1807, où officie ensuite durant vingt ans la célèbre Belle Limonadière[4] , le café de
Foy (n° 56-60) devant lequel Camille Desmoulins lance
sa fameuse motion « aux armes », le café Lemblin (n°
100-101), rendez-vous des officiers de l’Empire puis des
demi-soldes [Quoi ?] nostalgiques sous la Restauration, le
café Valois, fréquenté par les royalistes, le café de la Rotonde (n° 89-92), qui a obtenu de Cambacérès l’autorisation d’établir une rotonde dans le jardin pour abriter sa
clientèle, le café des Aveugles (n° 99-102) un café-caveau
souterrain, où un orchestre d’aveugles alterne avec les roulements de tambour d’un « faux sauvage », le café Corrazza (n° 9-12) rendez-vous des Jacobins, fréquenté par
Bonaparte, le café Borel (n° 114) avec son propriétaire
ventriloque qui attire les curieux.
• Les boutiques :
Pour le commerce, le succès vient de l’abondance et de la
variété des marchandises proposées. La densité des boutiques, parfois de simples inventaires, est incroyable : près
de 400 magasins pour tout le Palais-Royal. On trouve
des magasins de luxe, surtout de joaillerie et d’horlogerie, mais aussi des tailleurs, des traiteurs aux victuailles
rares et choisies, trois cabinets de lecture, un établissement de bains… Les modistes se tiennent surtout dans
la galerie de Bois. Là aussi les libraires (on en compta
jusqu'à quatorze[5] ) et les marchands d’estampes spécialisés dans les publications licencieuses. L’installation de la
bourse jusqu’en 1816 amène des personnes ayant de gros
moyens financiers, prêts à dépenser sur place une partie
des gains réalisés, ainsi que des employés, des changeurs
de monnaies, des prêteurs sur gages.
Toutes ces masses d’argent en circulation attirent un
monde interlope, bien décidé à en arracher quelques
bribes, et en particulier des filles de petite vertu
[réf. souhaitée]
, nombreuses et entreprenantes. « C’est surtout
le soir, écrit Berthier de Sauvigny[7] lorsque s’allument
les lumières, que le Palais-Royal prend son animation caractéristique ; c’est alors que de leurs logements situés
aux plus hauts étages, descendent les bataillons de filles
qui viennent se mêler aux promeneurs et faire la chasse
au client. » Ce sont également des habituées des caféscaveaux très à la mode sous le Premier Empire et dans
les premières années de la Restauration. Une aquarelle
d’Opiz[8] montre des officiers des troupes d’occupation à
la fin de 1815 discuter tarifs avec quelques filles aux coiffures très élaborées à la sortie de la fameuse maison de jeu
du 113 (Blücher y perdit, dit-on, 1 million et demi en une
soirée). On notera la manière dont les commerces utilisaient les arcades pour leur publicité (voir celle du théâtre
d'ombres chinoises de Séraphin sur l'une des arcades).
La poussée moralisatrice contre le jeu (qui rapportait gros
à l’État et à la ville en taxes et redevances) et la prostitution fut lente. En 1822, le préfet de police interdit le racolage entre le 15 décembre et le 15 janvier pour — prétexte avancé — que les femmes honnêtes puissent faire
leurs emplettes[9] . Cette mesure est reconduite les années
suivantes. Il faut attendre 1830 pour qu’il soit totalement
interdit au Palais-Royal et 1836 pour que, sous la pression de Louis-Philippe, les salles de jeu soient fermées.
Les théâtres et spectacles vont aller s’installer dans les
nouvelles artères. C’est la fin des années folles du PalaisRoyal.
2.7 Le Palais-Royal de 1845 à 1900
En 1845 Jean-Eugène Robert-Houdin ouvre un théatre de
magie attenant au côté est du Palais Royal au 11 de la rue
de Valois.
Le Palais-Royal est la victime de la Révolution de 1848
qui renverse Louis-Philippe. Le palais est pillé, les tableaux brulés ou lacérés, les meubles et objets d’art jeLe Palais-Royal est pendant toutes ces années un vaste tés par les fenêtres. À nouveau remis dans le domaine de
casino : creps, passe-dix, trente-un, biribi prospèrent aux l’État, il devient le Palais National.
nos 9, 14, 18, 33, 113, 129, 154, sans compter les vingt Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République,
• Le jeu :
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2
HISTOIRE
Projet d’Eugène Hénard d’ouverture du jardin à la circulation.
lier et d'objets d'art sont beaucoup plus faibles qu'en 1848.
Les façades endommagées sont restaurées à l’identique
par Chabrol de 1872 à 1874. Le Palais-Royal sert alors
à reloger le Conseil d’État à titre définitif et provisoireveut consacrer le palais aux Arts. Deux salons s’y tiennent ment la Cour des comptes, précédemment installés dans
en 1850 et 1852 avec, pour l’occasion, une salle provi- le Palais d’Orsay détruit par les incendies de la Commune.
soire bâtie au centre de la cour d'honneur. Empereur, il
met le palais à la disposition de Jérôme Bonaparte, der- Vers 1900, l’Office central des Colonies s’installe dans la
nier survivant des frères de Napoléon, qui y réside huit galerie d’Orléans sans la modifier.
ans jusqu’à sa mort. Son fils le prince Napoléon, surnom- Vers la fin du siècle, de nombreux projets (Théodore
mé Plon-Plon, d’abord installé dans l’aile de Nemours, oc- Charpentier, Henri Deverin, Eugène Hénard) d’aménacupe après son mariage et la mort de son père, l’aile de Va- gement du quartier passant par une ouverture du jardin à
lois, laissant l’aile de Nemours à sa femme Marie-Clotilde la circulation donnent lieu à de vives polémiques et sont
de Savoie, fille de Victor-Emmanuel. Pour l’essentiel, les tous rejetés.
appartements décorés par Fontaine pour les Orléans sont
conservés, sauf ceux donnant sur la cour d’honneur réaménagés par l’architecte du Palais Pierre Prosper Cha- 2.8 Le Palais-Royal de 1900 à nos jours
brol en une longue suite de salons connus sous le nom de
« Galerie des Fêtes » . Le prince, en opposition fréquente
avec l’Empereur, y reçoit la société libérale du temps :
Emile de Girardin, Sainte-Beuve, Taine, Renan, Gustave
Flaubert. Le Ministère des Colonies s’installe dans l’aile
de Montpensier.
Nouvelle façade de la Comédie Française (1860).
Les travaux de percement de l’avenue de l’Opéra en
1860 entrainent le réaménagement de la place du Théâtre
Français (future place Colette) et la destruction d’une
partie de la cour de Nemours. Le bâtiment de la
Comédie-Française prend alors la physionomie que nous
lui connaissons. Chabrol s’attaque à sa restauration intérieure. Un nouveau plafond est refait (qui devra lui-même
être remplacé après l’incendie de la scène du théâtre le 8
mars 1900). En 1880, une réfection complète du Théâtre
du Palais-Royal est entreprise par l’architecte Paul Sédille
qui met en place à cette occasion un escalier de secours en
façade pour ne pas modifier l’intérieur. Le théâtre connaît
alors une période faste avec le triomphe de La Vie parisienne (1866) et d’Un fil à la patte (1894) .
La galerie d'Orléans réduite à ses portiques (1933).
Au fond, le Théâtre éphémère en bois de la ComédieFrançaise (2012) installé, clin d’œil à l’histoire, à l’emplacement de l’ancien Camp des Tartares (1785-1829).
Article détaillé : Jardin du Palais-Royal.
En mai 1871, la Commune donne l’ordre d’incendier le Article détaillé : Les Deux Plateaux.
Palais-Royal. Trois foyers sont allumés dans la nuit du 23
au 24, mais le feu est maitrisé dès le lendemain matin Le XXe siècle est un siècle paisible pour le Palais-Royal
grâce à quelques habitants du quartier et à une trentaine qui continue à échapper à des projets d’architectes :
d’ouvriers de la Banque de France. Seuls sont gravement « Tour de cristal » de 30 m de haut dans le jardin (Ginouendommagés l’aile droite de la cour d’entrée et les étages vier), Ministère des Colonies de trois étages à la place de
du corps de bâtiment central. Les destructions de mobi- la galerie d’Orléans (Guadet), percée du jardin de Bloch-
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Levalois (la voie transversale était placée, non au milieu En 2012, pendant le temps des travaux de rénovation sur
du jardin comme Deverin et Hénard, mais à la place de sa scène historique, la Comédie-Française s’installe dans
la galerie d’Orléans).
un Théâtre éphémère, de 26 m sur 65 m, en bois et inséré
La seule transformation architecturale importante de dans la galerie d’Orléans, pouvant accueillir 700 places en
cette période est en 1933 la transformation de la ga- gradins.
lerie d’Orléans. Cette galerie, qui était l’une des plus En juin 2015 le Palais-Royal est choisi pour le dîner en
belles de Paris, abritait l’administration coloniale. Dans blanc qui se déroule chaque année dans un lieu public.
une conception purement décorative, elle fut réduite à
ses portiques latéraux en démolissant les boutiques et la
verrière qui la couvrait tout en maintenant les deux pé- 3 Le Palais-Royal et les arts
ristyles qui l’encadraient, apportant sans doute au palais
une transparence et une luminosité perdues.
Le commerce dans les galeries, qui s’était maintenu au
XIXe siècle, périclite lentement pendant le XXe , pour
connaître un renouveau au début du XXIe . Le commerce
des décorations (Bacqueville, « le duc de Chartres »), qui
se maintient depuis la Restauration, reste sans doute pendant cette période l'un des symboles du Palais-Royal.
3.1 Scènes de films tournées au PalaisRoyal
En 1959 s’installèrent, dans l’aile Montpensier le Conseil
constitutionnel créée par la constitution de 1958 et dans
l’aile de Valois le nouveau Ministère de la Culture dont
André Malraux resta ministre pendant plus de dix ans.
Colette a passé une bonne partie de sa vie au Palais-Royal
au 9 de la rue de Beaujolais (plaque sur sa maison). Lors
de ses obsèques en 1954, un hommage officiel lui fut rendu dans la cour d’honneur du palais. Jean Cocteau vécut
longtemps au 36 rue de Montpensier.
L’introduction de l’art contemporain au Palais-Royal en
1985 à l’initiative du ministère de la Culture dirigé par Restauration en cours des façades sur jardin (2012).
Jack Lang, avec l’implantation d’une composition monumentale, les colonnes de Buren, dans la cour d’hon• 1963 : Charade de Stanley Donen avec Audrey Hepneur (qui servait alors de parking à quelques privilégiés)
burn et Cary Grant
déclencha une nouvelle bataille des anciens et des modernes, teintée d’arrières pensées politiques. Elles sont
• 1992 : Le soleil naît derrière le Louvre (téléfilm, sédevenues aujourd'hui l’une des étapes incontournables du
rie « Nestor Burma ») de Joyce Bunuel avec Guy
Paris touristique.
Marchand
Le Palais suit depuis plusieurs années un plan de restauration. Après la restauration des colonnes de Buren en 2009,
l'année 2010 fut marquée par la restauration de la galerie
de Chartres, de la double rangée de portique de la galerie
d'Orléans et des façades rue de Valois.
• 1994 : Entretien avec un vampire (Interview with the
Vampire) de Neil Jordan
• 1996 : Hommes, femmes, mode d'emploi de Claude
Lelouch
• 2004 : Un fil à la patte de Michel Deville
• 2005 : Da Vinci Code (The Da Vinci Code) de Ron
Howard
• 2006 : Marie Besnard, l'empoisonneuse de Christian
Faure (téléfilm)
• 2007 : La vie sera belle d'Edwin Baily (téléfilm)
• 2007 : Nicolas Le Floch d'Edwin Baily (téléfilm)
• 2007 : Paris de Cédric Klapisch
• 2008 : Cash d'Éric Besnard
Dîner en blanc du mois de juin 2015.
• 2008 : Les Herbes folles d'Alain Resnais
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• 2009 : L'Armée du crime de Robert Guédiguian
• 2012 : Main dans la main de Valérie Donzelli
• 2012 : Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer
• 2013 : Alias Caracalla d’Alain Tasma
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Notes et références
VOIR AUSSI
• La source principale de cet article est le catalogue
de l'exposition « Le Palais Royal » au Musée Carnavalet en 1988. Les autres références sont indiquées
en notes.
[1] Henri de Sauval, Histoire et Recherches des Antiquités de
la Ville de Paris, Paris, 1724, p. 158-172.
[2] Saint-Simon, 1715.
[3] La numérotation des arcades des galeries du Palais-Royal
n’a pas changé depuis leur création. Il est donc facile de
localiser aujourd’hui un établissement disparu.
[4] Sur le site Internet Paris-bistro.com on lit :
...le Café des Mille-Colonnes, dès 1807 se
situe dans la galerie de Montpensier au 1er
étage du n°36. Il doit son nom aux multiples
colonnes (plus de 30) qui se réfléchissent dans
la glace. Et il doit sa vogue surtout à la beauté
de la maîtresse de maison, madame Romain,
surnommé « la Belle Limonadière »,…
[5] Parent-Lardeur, Lire à Paris au temps de Balzac, 1981, p.
149.
Vue de la galerie de Montpensier (café Corrazza, commerce des
décorations Bacqueville).
[6] Berthier de Sauvigny, Nouvelle histoire de Paris, La Restauration, Hachette, 1977, p. 199.
[7] Nouvelle histoire de Paris, La Restauration, Hachette,
1977, p. 380.
[8] Georges-Emmanuel Opiz ou Opitz (Prague 1775 – Leipzig 1841) venu à Paris en 1813 a laissé de nombreuses
aquarelles de scènes populaires, scènes de rues surtout.
[9] Berthier de Sauvigny, Nouvelle histoire de Paris, La Restauration, Hachette, 1977, p. 282.
5 Voir aussi
Vue de la galerie de Valois à hauteur du n° 113 (voir précédemment l'aquarelle d'Opiz en 1815 au même numéro).
5.1 Bibliographie
• Le Palais Royal : exposition Musée Carnavalet, 9
mai-4 septembre, éd. Paris-Musées, 1988.
• Espezel, Le Palais-Royal, Paris, 1936
• Rodolphe Trouilleux, Le Palais-Royal, un demi
siècle de folies (1780-1830), Bernard Giovanangeli, 2010.
• Eugène Hénard, Études sur les transformations de
Paris et autres écrits sur l'urbanisme, éd. L'Équerre,
1982.
Vue de la galerie de Beaujolais.
• Jean Cocteau & Véronique Filozof, Le PalaisRoyal, texte de Jean Cocteau, illustrations de Véronique Filozof, éd.Lambert-Schneider (1959) et Architecture d'aujourd'hui (1960), 94 p.

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