Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au

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Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au
504042
2013
SCP60410.1177/0037768613504042Social CompassGauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
social
compass
Article
Les héritiers du baby-boom.
Jeunes et religion au Québec
Social Compass
60(4) 527­–543
© The Author(s) 2013
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DOI: 10.1177/0037768613504042
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François GAUTHIER
Université de Fribourg, Suisse
Jean-Philippe PERREAULT
Université Laval, Canada
Résumé
Au Québec, les jeunes sont aujourd’hui largement détachés des institutions religieuses
et vivent dans un contexte socioreligieux transformé par une modernisation sociale,
économique, politique et culturelle rapide survenue dans la deuxième moitié du 20e
siècle. Les jeunes ne sont pas tant les déshérités d’un catholicisme que les héritiers de
la révolution culturelle incarnée par les baby-boomers en tant qu’ils démontrent une
religion détachée des institutions traditionnelles et une immersion dans la société de
consommation et dans l’hyper-médiatisation. La spécificité québécoise s’effrite au profit
d’un alignement avec d’autres pays du nord-ouest européen et des caractéristiques
contemporaines du religieux dont il est fait la recension en insistant, au-delà des constats
de fragmentation et de sécularisation, sur leur systématicité et leur interdépendance.
Il en ressort le besoin d’une méthodologie donnant préséance au vécu des jeunes au
détriment du destin des institutions traditionnelles.
Mots-clés
jeunes, Québec, religion contemporaine, société de consommation, transmission
Abstract
Quebec youth are largely detached from traditional religious institutions today and
live in a socio-religious context that has been deeply transformed by the 1960s Quiet
Revolution’s rapid social, political and cultural modernization. As a result, the FrenchCanadian majority is not so much the Catholic Church’s orphans as the inheritors of the
Pour toute correspondance :
François Gauthier, Université de Fribourg, 90 Boul. de Pérolles, Fribourg, 1700, Suisse.
Email : [email protected]
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Cultural Revolution incarnated by baby boomers who have transmitted a spiritualized and
non-institutional type of religiosity and participation to the ambient hyper-mediatized
consumer society. Thus Quebec’s long-time specificity regarding religion has eroded
while aligning with other West-European societies. The characteristics of contemporary
youth religion are cast as forming a system, thus challenging the widespread diagnoses of
fragmentation, transience or blurriness. This supports the argument that a methodology
less concerned with the destiny of congregational religious institutions than with the
lives, experiences, and actual beliefs of youth is required for the sociology of religion
today.
Keywords
consumer society, contemporary religion, Quebec, transmission, youth
La question des jeunes et de la religion1 au Québec a reçu très peu d’intérêt de la part des
sciences sociales ces dernières décennies malgré les changements majeurs advenus à la
société québécoise des suites de la Révolution tranquille des années 1960-1970. C’est
pour remédier à cette situation que nous avons proposé de faire de cette question le
thème d’une réflexion transversale au sein de l’Observatoire jeunes et société de l’Institut
national de recherche scientifique (OJS-INRS), exercice ayant eu pour fruit l’ouvrage
collectif (Gauthier et Perreault, 2008) dont il s’agit ici de reprendre en partie la substance
en y ajoutant de nouvelles données disponibles.
Depuis les changements profonds qui ont vu une sortie massive des églises de la part
des Canadiens-français de confession catholique, la religiosité des jeunes québécois a
surtout été abordée d’un point de vue confessionnel concerné par le devenir du
catholicisme et profondément inquiet quant à la crise de sa transmission (Grand’Maison,
1992, 1993 ; Grand’Maison, Baroni et Gauthier, 1995 ; Lefebvre, 2008). Du côté des
sciences sociales, le catholicisme a aussi subsumé la grande majorité des travaux
(Gauthier, 1996 ; Lemieux et Montminy, 2000 ; Larouche et Ménard, 2001) à l’exception
notable de l’étude de Raymond Lemieux et de Micheline Milot sur les croyances des
Québécois au début des années 1990 (Lemieux et Milot, 1992). Le biais catholique et la
relative rareté des travaux s’expliquent notamment par le rapport trouble des Québécois
– et tout particulièrement de l’élite intellectuelle – à l’égard du religieux. Le sociologue
et théologien Jacques Grand’Maison explique ce mutisme des sciences sociales par une
« incroyable censure du religieux chez les chercheurs », conséquence d’une « certaine
sociologie de la sécularisation qui voit dans la religion un phénomène résiduel d’un
passé en train d’être liquidé » (Grand’Maison, 1992 : 128). Tandis qu’en Europe l’étude
des jeunes et de la religion a mobilisé les sociologues les plus influents et a suscité des
travaux importants tout particulièrement à partir de la fin des années 1980, il est
significatif que l’exercice de bilan et de prospective L’Étude de la religion au Québec
(Larouche et Ménard, 2001) n’y consacre aucune entrée.
Reprises dans les deux plus importants ouvrages portant sur la question de la religion
et des jeunes en Europe francophone (Lambert et Michelat, 1992 ; Campiche, 1997), les
hypothèses des chercheurs en sciences sociales sont sous-tendues par l’idée que nous
serions dans une période instable et transitoire. Ce présupposé véhicule à son tour l’idée
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
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implicite que chaque nouvelle génération introduirait une rupture par rapport à la
précédente. On remarque également que le religieux tend à y être rabattu sur les formes
institutionnelles et traditionnelles du christianisme, à partir desquelles on pense la
contemporanéité en termes d’écart par rapport à une « normale ». Or les résultats auxquels
nous avons accès nous incitent à revoir cette série de présupposés qui orientent et
structurent la recherche et la réflexion encore aujourd’hui.
Afin de survoler la question des jeunes et de la religion au Québec, cet article entreprend
d’abord de situer la jeunesse par rapport à la religion traditionnelle de la majorité
francophone, le catholicisme. Plus précisément, il s’agit de cerner les particularités du
Québec et d’interroger la question centrale des discontinuités et des continuités
générationnelles. Ces données nous mènent à des considérations méthodologiques et
épistémologiques en faveur d’une étude non plus du rapport des religions aux jeunes, mais
de l’univers religieux des jeunes, que nous esquissons dans un deuxième temps. Enfin,
nous suggérons que la révision des suppositions et présuppositions mentionnées milite en
faveur de l’hypothèse suivant laquelle le rapport des jeunes au religieux, tout éclaté qu’il
soit, n’est peut-être pas aussi dérégulé qu’on l’estime généralement.
Un passage obligé : générations et catholicisme au
Québec
Le peu de recherches sur les jeunes et la religion au Québec, on l’a mentionné, se sont
presque exclusivement vouées au rapport que les membres de la majorité d’ascendance
canadienne-française (autour de 80 % de la population totale) entretient avec le
catholicisme. Ce constat en fait un passage obligé qui s’avère éclairant.
En tant que religion inséparable de la culture, à la fois nationale et universaliste, le
destin des descendants de la Nouvelle-France en Amérique a paru longtemps
inextricablement lié à celui du catholicisme. Rempart de l’identité nationale canadiennefrançaise des suites de la conquête anglaise, l’Église catholique est devenue la matrice
culturelle du Canada français et son institution phare jusqu’au milieu du 20e siècle.
L’industrialisation, l’urbanisation et les idées de la modernité ont porté atteinte à
l’institution qui a néanmoins su résister dans le premier tiers du 20e siècle. Si son emprise
– par ses engagements en éducation, notamment – lui permet un temps de résister à ces
assauts, le même élan de l’Histoire opère à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Église :
« Il y a indubitablement, au cœur même de la société traditionnelle, une créativité
moderne du catholicisme québécois » (Lemieux et Montminy, 2000 : 48) qui a contribué
au passage d’une éthique post-tridentine à une éthique personnaliste (Meunier, 2007) et
ouvert la porte aux transformations sociales de la Révolution tranquille (Meunier et
Warren, 2002) ainsi qu’à la réception enthousiaste des transformations de Vatican II
(Routhier, 1993).
Heurté de plein fouet par la Révolution tranquille et l’avènement du Québec dans la
modernité, le rapport des jeunes d’aujourd’hui avec le catholicisme témoigne d’un
découplage radical entre ce dernier et la culture québécoise actuelle :
Le constat le plus évident à propos du rapport des jeunes au catholicisme porte sur la
« déchristianisation » des jeunes générations. Bien qu’une majorité [72 % des jeunes Québécois
se disent catholiques selon le sondage CROP/Radio-Canada réalisé auprès des jeunes canadiens
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de 16-35 ans en 2002] dise toujours y appartenir, les jeunes semblent de plus en plus éloignés de
l’univers catholique : ils pratiquent peu [8 % des 16-35 ans se disant catholiques disent assister
à une célébration hebdomadairement] ; ils juxtaposent des croyances hétérodoxes sans qu’il y ait
pour eux d’incohérence [43 % des jeunes se disant catholiques croient en la réincarnation] ; ils
n’affirment que difficilement leurs convictions religieuses [57 % disent ne pas affirmer
facilement leurs convictions religieuses] ; le quart d’entre eux avoue n’avoir jamais feuilleté la
Bible ; en grande majorité, ils ne connaissent pas le nom de leur évêque [81 % des jeunes se
disant catholiques affirment ne pas connaître le nom de leur évêque]. (Perreault, 2008 : 124)
Analysant minutieusement les données statistiques pour le Canada et le Québec,
E-Martin Meunier (2008) constate que la religiosité déclarée est un bon indicateur du
caractère distinct de la société québécoise par rapport au « Rest of Canada (ROC) »2
d’ascendance anglo-saxonne. En effet, les statistiques montrent une légère augmentation
du taux de la pratique religieuse confessionnelle chez les Canadiens du ROC, notamment
chez les jeunes. En ce sens, si le ROC semble adopter une trajectoire ressemblant en
mode mineur à ce qui se passe aux États-Unis (y compris en ce qui a trait à une certaine
croissance des Églises chrétiennes de type évangélique), le Québec présente des
similitudes remarquables avec des pays européens à majorité catholique comme la
France et la Belgique. Si l’on considère par exemple la participation aux offices
dominicaux dans la recherche quantitative Project Teen Canada menée par Reginald
Bibby en 2000, les jeunes Québécois (entre 15 et 19 ans ici) sont deux fois moins enclins
à s’y adonner (4 % seulement sur une base hebdomadaire, 9 % mensuellement) que les
Canadiens (10 % sur une base hebdomadaire, 17 % mensuellement) (Bibby, 2009).
Quant à l’identification à une religion autre que chrétienne des suites de l’immigration
(de 3 % en 1984 à 16 % en 2008 réparti sur l’ensemble du pays), le Québec s’inscrit cette
fois dans la tendance canadienne.
Ce portrait de la jeunesse québécoise dans son rapport à la religion institutionnelle ne
saurait être séparé d’une analyse intergénérationnelle. À la fin des années 1950, 60 % des
Canadiens-anglophones déclaraient avoir fréquenté un lieu de culte (protestant pour la
plupart, appartenant aux Églises anglicane, unie ou presbytérienne), contre près de 90 %
des Québecois pour la majorité catholique (Bibby, 2007-2008). De l’année 1960 à 2000,
cette situation a changé radicalement pour atteindre les taux cités ci-dessus. C’est donc
au Québec que la « sortie des églises » a été la plus marquée, passant du plus haut taux
de pratique au plus bas pour l’ensemble du Canada.
Au-delà de ce bal de statistiques, Meunier insiste sur les soubassements de la
spécificité québécoise. Plus encore que la chute de la pratique, c’est la radicalité de la
prise de distance des Canadiens-français avec l’institution religieuse (l’Église catholique)
qui est significative. En effet, la chute de la pratique et la désinstitutionnalisation
religieuse chez les Canadiens-anglophones n’a pas été accompagnée d’autant de
ressentiment envers l’institution et n’a pas produit la même méfiance envers la religion
en général. Dans l’ensemble de l’Occident, d’ailleurs, la modernité en pays protestants
n’a pas eu la même tendance à opposer catégoriquement raison et foi comme dans les
pays catholiques. En somme :
Par hypothèse, on pourrait proposer qu’il y a au Québec non pas tant un déclin du religieux
[…], mais une nette différence quant au rapport à l’encadrement religieux. L’épouvante des
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« sectes » qui a battu son plein dans les années 1975-1980 a vite cessé d’effrayer au fur et à
mesure qu’on se rendait compte que les Québécois semblaient plutôt cohérents dans leurs
rapports à l’encadrement. Peu intéressée par ces groupes non plus que par l’Église catholique
même renouvelée, la grande majorité des citoyens cherchait désormais à inscrire son rapport au
religieux différemment et en des lieux jugés plus authentiques[,] (Meunier, 2008 : 47)
suivant une démarche souvent plus personnaliste, à distance des institutions.
Mue par un idéal de liberté et ainsi par respect pour le libre choix de ses enfants, cette
génération s’est retenue de transmettre la substance de l’héritage chrétien, tout en
continuant de les faire baptiser dans des proportions très importantes – de 98 % à 88,7 %
de 1981 à 2001 chez les Canadiens-français (Meunier, Laniel et Demers, 2010). Cette
rupture dans la chaîne de transmission du catholicisme est précisément ce sur quoi a
insisté (souvent pour la déplorer) une bonne partie des écrits sur les jeunes et la religion
au Québec. À l’instar de toute une littérature sociologique, ces travaux sous-entendent
que s’il n’y a pas eu transmission des contenus catholiques, il n’y a pas eu de transmission
du tout, laissant les jeunes en proie à une vacuité du sens. Or, il convient à notre avis
d’adopter un autre point de vue suivant lequel il y a eu transmission de valeurs et de
normes entre les baby-boomers et leurs enfants. Comme l’écrivait François Ricard dans
son percutant essai La génération lyrique, l’ « arrivée des premiers-nés du baby-boom à
l’âge adulte marque le triomphe final, dans nos sociétés, des formes et des contenus de
ce qu’on appelle la modernité » (Ricard, 1992 : 189). Autrement dit, la Révolution
tranquille a consacré, au Québec, le passage d’une culture encore fortement marquée par
ses ancrages traditionnels (malgré l’industrialisation et l’urbanisation menées par les
pouvoirs économiques coloniaux à la fin du 19e et au début du 20e siècles) à une culture
proprement moderne définie par la libéralisation des marchés et l’avènement de la société
de consommation centrés sur la libéralisation des mœurs, ainsi que par la « restructuration
des institutions d’encadrement social [en fonction de] l’épanouissement personnel et
collectif » (Ricard, 1992 : 55 ; Gauthier, 1996).
Similairement, Charles Taylor a suggéré avec force que l’entrée dans la société de
consommation et l’ère médiatique au cours des années 1960 a constitué une révolution
culturelle (qui n’a pas épargné le Québec), radicalisant le tournant subjectif moderne et
sa culture de l’authenticité et de l’expressivité, culture dont les enjeux d’identité et de
reconnaissance ont eu un impact considérable sur la recomposition du religieux (Taylor,
2003 ; Gauthier, 2012).
Certes, cette « innovation religieuse » a créé un écart générationnel. Cependant, il
n’est pas celui de la jeune génération. « En 2000 au Québec, on note que ce taux [de
pratique dominicale] est très bas à la fois chez les catholiques des groupes 18-34 et 35-54
ans (respectivement 5 % et 9%), tandis que l’écart ne cesse de diminuer depuis 1990 »
(Meunier 2008 : 53). Le sondage de 2002 commandé par Radio-Canada démontre
également que ces deux groupes d’âge partagent essentiellement les mêmes croyances.
Bien que 83,4 % des Québécois se soient déclarés catholiques lors du recensement de
2001 (Meunier 2008 : 49), cette « appartenance », encore liée à l’identité nationale
québécoise, ne peut être comprise uniquement comme une adhésion. On remarque au
Québec le même processus d’individualisation noté ailleurs avec pour effet un
éloignement croissant du religieux vécu et cru par rapport à l’orthodoxie défendue par les
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institutions. Plus qu’une désaffection pour l’institution, il s’agit d’une désarticulation
entre les croyances, encore largement répandues, et l’appartenance à une confession
particulière, comme cela a été souligné par Grace Davie (1990). Nous assistons donc au
« divorce des représentations et des organisations religieuses », l’appartenance religieuse
déclarée dans les sondages ne déterminant « pas nécessairement un univers
représentationnel conforme aux propositions de celle-ci » (Lemieux et al., 1993 : 96).
L’affirmation de la croyance en Dieu n’a jamais été aussi plurivoque : « nous ne sommes
plus en présence d’une persistance des signifiés sous une mutation des signifiants, mais
d’une mutation des signifiés sous la persistance du signifiant » (Lemieux et al., 1993 :
97). Ainsi, l’univers religieux d’une personne se disant catholique peut, sans incohérence,
être habité de discours et d’éléments exogènes au christianisme. Par ailleurs, la forte
proportion de la majorité francophone se déclarant catholique dans les sondages sans
pour autant assister aux offices religieux pouvait s’expliquer jusqu’ici par le rôle
structurant du catholicisme pour l’identité canadienne-française. Il demeurait ainsi, au
plan culturel, un rempart contre les menaces toujours d’actualité de dissolution dans le
bassin anglophone qu’est l’Amérique du Nord. Or, passant au crible une impressionnante
batterie de statistiques dans un article récent, E-Martin Meunier et son équipe remarquent
une érosion du catholicisme culturel chez les plus jeunes générations dans l’ensemble du
Québec (Meunier et Wilkins-Laflamme, 2011). En résumé, ces considérations invitent à
la prudence : il est hardi d’interpréter l’appartenance catholique d’une majorité de jeunes
Québécois, tout autant que leur croyance en « Dieu », avant d’en avoir appelé à de
nouveaux travaux de fond plus qualitatifs que quantitatifs.
Nous pouvons ainsi dire que celui « qui cherche […] des effets de génération en
trouvera peut-être beaucoup plus entre les aînés et les boomers qu’entre ceux-ci et les
jeunes » (Meunier, 2008 : 53). Ce qui se confirme ici est « d’abord l’importance de la
rupture culturelle survenue lors des années 1960 » (54, emphase dans le texte). En ce
sens, la rupture consumée par l’arrivée des baby-boomers marque non pas une règle,
mais une exception. Dit simplement, si les boomers ont habité un monde différent de
leurs parents, leurs enfants et petits-enfants habitent aujourd’hui pour l’essentiel le même
monde qu’eux. La génération du baby-boom a inauguré l’ère de la religion sans institution
qui est maintenant celle de leurs enfants.
À terme, si les jeunes Québécois sont des « orphelins » du catholicisme, ils le sont en
tant qu’héritiers du baby-boom, de la société de consommation, de sa culture, de sa
religiosité et des socialités spécifiques. Sans nier les évolutions qui continuent de
marquer le religieux, la culture québécoise actuelle témoigne non pas de mutations
successives, mais d’une progressive institutionnalisation des conséquences de la rupture
boomer. Pour le ramasser dans une formule : à la Révolution tranquille succède désormais
une « Continuité tranquille ».
Jeunes, religieux et religion
Une fois parcouru l’ensemble des données statistiques eu égard aux jeunes et à la religion,
force est de constater que nous savons peu de choses sur la religiosité des jeunes, tant sur
le plan de leurs représentations que leurs pratiques. Or, si les jeunes ne sont pas dans les
Églises, où sont-ils ? Que sait-on vraiment de ceux que l’on retrouve dans les religions
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
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traditionnelles ? Poser ces questions pourtant banales fait se dérober le sol sous nos pieds
tant la recherche a eu tendance à surdéterminer la question des jeunes et de la religion en
l’abordant systématiquement et strictement à partir des traditions religieuses plutôt qu’en
cherchant à savoir, sans doute de manière plus qualitative, ce qui, pour les jeunes,
constitue leur univers religieux. Au fond, ce que nous avons dit dans la section précédente
nous informe moins des jeunes que du catholicisme et de son devenir. Si les croyances
n’ont pas chuté, loin de là, avec la mutation survenue depuis le baby-boom et l’avènement
de la société de consommation, y a-t-il une majorité religieuse aujourd’hui ? Et quelle
serait-elle ?
La première chose qui saute aux yeux lorsqu’on considère l’évolution religieuse au
Québec ces quarante dernières années, c’est que la recomposition individualiste et le
désarrimage par rapport à la tradition se sont faits en réinscrivant le religieux dans une
sphère culturelle d’emblée transnationale, voire mondialisée. En somme, nous sommes
en désaccord avec Olivier Roy (2008) lorsque ce dernier affirme que les religiosités
actuelles témoignent d’une déculturation au profit d’un « pur religieux » flottant, réduit
à une fonction de « marqueur ». La religion ne saurait être « déculturée » : elle est
toujours productrice de culture et enracinée dans une culture. Si la religion a effectivement
été découplée de la culture traditionnelle, ce n’est que pour se « réencastrer » (Polanyi,
1983) dans une culture mondialisée dont les vecteurs premiers sont les moyens de
communication, le marché et la consommation.
Si on observe les jeunes, on s’aperçoit immédiatement que leur rapport à la religion
est constitutivement lié à la pratique de la sphère communicationnelle et inscrit dans un
paysage culturel marqué par la consommation et son impératif de distinction et de niche
identitaire. De la même manière que c’est sur Internet que les jeunes s’informent des
films passant au cinéma, c’est vers Internet (sites, blogues, médias sociaux) qu’ils se
tournent lorsqu’ils cherchent de l’information sur telle ou telle religion, telle ou telle
pratique (explicitement religieuse ou non), tel pèlerinage ou tel événement, etc. En ce
sens, la télévision, le cinéma, la publicité, Internet et tout ce qui s’y rattache (ordinateurs,
téléphones mobiles, téléphones intelligents, etc.) ne sont pas seulement des moyens de
transmission d’informations : ce sont des modes de communication et de socialité qui
structurent le rapport au monde et le rapport au sens, à l’identité, à la communauté, au
temps. Ce sont des véhicules de transmission au sens fort qui instituent une religiosité
émotionnelle et expérientielle, une religiosité de la quête et de la révélation, de
l’authenticité et de l’expressivité, à la fois hautement personnelle et, en même temps,
fortement relationnelle.
Cette approche s’impose d’autant plus que la « révolution numérique » touche
l’ensemble des recompositions religieuses. Dans un autre ouvrage, Roy (2004) a insisté
sur l’importance d’Internet pour les radicalités postislamistes dont on retrouve des
ramifications à Montréal. Étudiant les enfants d’immigrants musulmans (les jeunes de
seconde génération) sur les campus de Montréal, Ottawa et Toronto, Rubina Ramji
(2008) a pour sa part relevé comment les jeunes se recomposent une identité suivant
différentes trajectoires par rapport à la religion de leurs parents. Outrepassant la médiation
traditionnelle des parents et des imams locaux, c’est sur Internet (dont les blogues et les
sites de clavardage) et par les réseaux sociaux que les jeunes trouvent de l’information
sur l’islam, posent leurs questions et discutent de ce qui les tenaille. Ces phénomènes que
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Social Compass 60(4)
l’on pourrait croire dans une certaine mesure à l’abri de la médiasphère et du marché –
puisqu’ils sont le fait de populations issues de l’immigration et donc moins « intégrées »
– sont eux aussi inscrits d’emblée dans une culture transnationale et mondialisée.
Dans cet environnement consommant de plus en plus la rupture du baby-boom, les
jeunes québécois sont de manière générale intéressés ou très intéressés par les religions
et les spiritualités. Interrogeant par voie de questionnaire une cohorte de deux cent
soixante-deux élèves de 4e et 5e année du secondaire (entre 14 et 18 ans), l’étude de
Marie-Paule Martel-Reny (2008) a révélé cet intérêt pour les religions et les questions de
sens. Elle remarque une forte attirance pour les religions exotiques (le bouddhisme
surtout, mais aussi l’hindouisme, les « religions africaines » et « amérindiennes », le
chamanisme, le vaudou, etc.), devant les religions monothéistes et le catholicisme, avec
seulement 18 % des jeunes répondant ne s’intéresser à aucune religion4. Il est à noter que
dans cette étude réalisée en 2002, immédiatement après les attentats du 11 septembre, les
jeunes ont démontré très peu d’hostilité envers les religions en général et envers l’islam
en particulier, faisant bien la distinction entre religion et extrémisme. Effectuée en milieu
urbain dans une école typiquement multiculturelle (40 % de québécois de souche, 25 %
nés en sol québécois, mais issus de l’immigration et 35 % nés à l’étranger), on ne peut
évidemment pas étendre ces données à l’ensemble du territoire québécois sans
précautions, mais ces résultats concordent avec les observations que nous avons pu faire
dans plusieurs régions du Québec ainsi qu’avec les témoignages recueillis d’enseignants
et d’animateurs du Service d’animation à la vie spirituelle et l’engagement communautaire
(SAVSEC).
Un autre coup de sonde dans l’imaginaire des jeunes nous est fourni par Mircea Vultur
et Ève Paquette (2008) dans le cadre de leur étude portant sur l’insertion sociale d’une
vingtaine de jeunes « désengagés » de 18 à 30 ans. C’est d’une manière non sollicitée et
imprévue que le religieux est apparu dans l’enquête, tandis que les croyances
métaphysiques et les pratiques rituelles se sont avérées au cœur de plusieurs parcours
d’intégration de jeunes ayant décroché de l’école avant de fréquenter une série de
programmes d’aide à l’insertion sans parvenir à mettre en place un projet professionnel.
La religiosité de ces jeunes (qui ne se retrouvent pas dans les statistiques) peut être
répartie en deux types dont le premier se caractérise par « un nomadisme religieux qui se
manifeste le plus souvent sous la forme de conversions successives » (Vultur et Paquette,
2008 : 76) et composé d’éléments à première vue disparates, alliant réincarnation, vie
après la mort, télépathie, porte-bonheurs et autres ésotérismes, le tout sur fond chrétien.
Un deuxième type se croit investi d’un « pouvoir mystique personnel ». Nos propres
recherches sur les jeunes marginalisés (les jeunes de la rue notamment) suggèrent que ce
dernier type est fréquent chez ces populations. Dans tous les cas, une forte croyance
religieuse, parfois le fruit d’une révélation personnelle intense, s’avère souvent fondatrice
dans les démarches d’intégration des plus précarisés (Colombo, 2008).
Nos recherches ont également porté sur le phénomène des sous-cultures musicales
jeunesse5. On n’a pas besoin d’insister sur l’importance que revêt la musique et les
pratiques qui lui sont associées (écoute, concerts, échanges, recherche, achats, alliages
vestimentaires, etc.) pour nombre de jeunes. Pour une part non négligeable de ces
derniers, les styles musicaux sont ce autour de quoi s’organise leur identité, leur
appartenance, leurs relations sociales, leurs expériences, leurs goûts et leurs aspirations,
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
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de l’adolescence jusque dans l’âge adulte. Ces pratiques et engagements ne sauraient être
réduits à une consommation superficielle ou à des efforts de distinction et d’acquisition
de capital culturel. Plus encore, qu’ils traitent du techno, du métal, du gothisme, du punk
ou du hip-hop (et tandis que de nouveaux styles et sous-styles se créent sans cesse), une
majorité écrasante de travaux en sociologie, en anthropologie et en Cultural Studies ont
relevé une dimension religieuse à ces phénomènes (voir Gauthier, 2008 ; Campiche,
1997 : 254-260). Nos travaux sur la sous-culture techno se sont d’ailleurs appliqués à
systématiser une analytique religiologique et à démontrer comment l’engagement dans
les sous-cultures musicales participe d’une forme de ritualité de passage au monde adulte
(Gauthier et Ménard, 2001 ; Gauthier, 2004a, 2004b, 2004c, 2005). Il faut insister sur le
fait que les jeunes que l’on retrouve dans ces sous-cultures interprètent leur expérience
en termes religieux (ou « spirituels »), notamment comme résurgences de pratiques
« tribales » ou archaïques en se réappropriant le thème du « réenchantement » d’un
monde moderne désenchanté par la rationalité, l’État bureaucratique, le capitalisme et les
médias de masse.
Considérées ensemble plutôt que séparément, les sous-cultures musicales représentent
une part non négligeable de la jeunesse. Si les acteurs les considèrent comme participant
de leur religiosité, ces phénomènes et leurs analyses demeurent en marge de la sociologie
des religions bien que leurs acteurs soient à bien des égards moins marginaux que les
jeunes catholiques. En fait, avec leur religiosité personnelle ponctuée de temps forts, de
pèlerinages, d’émotion et de socialité réticulaire, ces derniers partagent beaucoup plus
avec les jeunes adeptes des raves qu’avec les jeunes catholiques des années 1950. Il est
significatif qu’une publicité de l’Église catholique en prévision de la Journée mondiale
de la jeunesse tenue à Toronto en 2002 et diffusée dans les cinémas annonçait une
expérience « meilleure qu’un rave ». Ce qui témoigne bien de la manière dont ces
phénomènes pourtant aux antipodes suivant une analyse classique existent en fait sur un
même plan dans la vie des jeunes. L’Église catholique aurait-elle mieux saisi les contours
de la religiosité des jeunes que la sociologie des religions ?
Les pratiques sous-culturelles se combinent parfois avec d’autres pratiques inspirées
des traditions religieuses, telles que le yoga, la méditation ou diverses pratiques néochamaniques (tente de suerie, chanting, consommations rituelles de psychotropes à des
fins d’extase mystique ou de guérison, quêtes de visions, etc.). Si ces pratiques
appartiennent le plus souvent à la nébuleuse holiste, les sous-cultures musicales peuvent
également recouper les religions confessionnelles. C’est ainsi qu’il existe des courants
de rock, voire de métal chrétien, tandis que les références islamiques et chrétiennes sont
bien avérées dans certaines branches du hip-hop. La publication du livre The Taqwacores
par Michael Muhammad Knight (2004) a même contribué à créer l’improbable sous la
forme d’une sous-culture punk… musulmane.
D’autres phénomènes sont investis d’une manière similaire et comprennent une
dimension religieuse aux dires de leurs participants. Un examen rapide appuyé sur des
travaux d’étudiants de premier cycle universitaire sur le monde des jeux de rôles, par
exemple, où se mêlent mythologies fantastiques, magie et Moyen-Âge, rejoint notre
propos sur les sous-cultures musicales. Un des plus importants rassemblements de cette
sous-culture a lieu annuellement au Québec sur les terres du « Duché de Bicolline »,
alors que des participants abonnés aux rituels « grandeur nature » incarnent littéralement
536
Social Compass 60(4)
leur personnage. On pourrait ainsi multiplier les exemples pour y inclure d’autres
pratiques comme le tatouage et le piercing qui, pour certains au moins, s’inscrivent dans
une religiosité personnelle6.
Dans la même veine, Dominic Larochelle (2008) s’est intéressé à la pratique des arts
martiaux chinois (gong fu) par des jeunes ayant entre 18 et 35 ans (33 hommes et 5
femmes) dans la ville de Québec. Qu’ils soient novices ou avancés (jusqu’à dix ans de
pratique), les jeunes interrogés étaient fortement investis dans la pratique d’arts martiaux
et provenaient de tous les milieux sociaux, bien qu’en majorité étudiants ou diplômés
universitaires. D’appartenance déclarée catholique (10 : on retrouve ici nos catholiques
culturels), sans appartenance religieuse (15) ou d’appartenance « autre » (9), la quasiunanimité des répondants (37 sur 38) considéraient que leur pratique des arts martiaux
était beaucoup plus qu’un simple exercice physique ou un hobby et qu’elle comportait
« une dimension spirituelle ou religieuse ». Plus encore, « que cette religiosité/spiritualité
est essentielle (15), très importante (5) ou importante (8) dans la pratique ». Très
justement, Larochelle (2008 : 92) rajoute que
contrairement à ce qu’on aurait pu penser au départ, les données recueillies par le questionnaire
montrent que si la pratique des arts martiaux chinois comporte une dimension philosophicoreligieuse, cette dimension n’est pas fondamentalement associée à des traditions religieuses
asiatiques bien définies. Elle s’inscrit davantage dans un contexte religieux très occidental et
très contemporain
en s’apparentant aux spiritualités holistes avec lesquelles elle partage les éléments
caractéristiques : « l’importance d’unité entre le corps, l’esprit, l’âme et l’univers,
l’importance du thème de la guérison, et l’importance de la notion d’énergie »
(2008 : 96).
Il y a matière à penser que l’étude d’autres arts martiaux comme l’aïkido, le taekwon-do, le karaté, le judo, le jiu-jitsu, le wushu des moines de Shaolin, le bagua zhang,
voire même la capoeira brésilienne, sans parler de la « méditation en mouvement » du
taiji quan, pourrait fournir des résultats similaires. Pris ensemble, toutes ces sous-cultures
combinées, musicales et autres, forment un portrait qui n’a plus rien de marginal ou de
« hors piste » et qui esquisse les possibilités contemporaines du « religieux vécu » dans
l’étude desquelles la sociologie des religions devrait s’investir.
Quelles que soient sa forme et son intensité, le rapport des jeunes au religieux est une
affaire de marginalité et de sous-culture. Que le jeune vive sa religiosité sous l’étendard
du catholicisme, de l’islam, des arts martiaux ou des fêtes techno-trance, il le fait en
reconnaissance de son caractère marginal. Il ne faudrait d’ailleurs pas croire que cette
marginalité est perçue comme une disgrâce par les jeunes, au contraire. Cette marginalité
devient un élément structurant de leur expérience religieuse, confessionnelle ou non,
dans la mesure où cet ésotérisme est gage d’authenticité et répond aux impératifs d’une
niche identitaire. Ainsi les jeunes catholiques ont-ils la conviction de vivre « non pas tant
la fin du christianisme qu’une situation qui ressemble davantage à ses origines »
(Perreault, 2008 : 134) et dès lors d’autant plus signifiante et authentique. Ce primat de
l’authenticité ressort clairement comme principe phare de la recomposition religieuse
actuelle et plus largement de l’activité symbolique dans l’ensemble de nos sociétés
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
537
(Gauthier, 2012). La majorité religieuse serait-elle cette quête d’authenticité, actualisée
dans une myriade d’expressions dont nous n’avons donné ici qu’un aperçu ?
Miettes et éclats ou nouvelle régulation ?
Avant d’effectuer ce tour d’horizon de l’univers religieux des jeunes, nous avons suggéré
que la situation actuelle correspond plus à une institutionnalisation des conséquences de
la rupture survenue des suites de l’arrivée à maturité de la génération du baby-boom au
moment de la Révolution tranquille et de l’avènement de la société de consommation
qu’à une nouvelle période de mutations profondes. Nous pouvons maintenant revenir sur
la question à savoir s’il faut, avec la grande majorité des sociologues aujourd’hui,
conclure à une fragmentation du champ religieux des suites de la « dérégulation des
croyances et des pratiques ».
Il faut rappeler dans un premier temps la constance des caractéristiques du religieux
relevées par les sociologues des religions depuis quelques décennies maintenant
(Gauthier et Perreault, 2008) : l’individualisation du religieux couplé avec un fort besoin
de reconnaissance et de rapports sociaux authentiques ; la prééminence de la pratique sur
les contenus de croyance et la fidélité aux dogmes et au religieux-prescrit, le passage
d’une religion de l’orthodoxie à une religion de l’orthopraxie ; la désarticulation entre
croire et appartenir ; l’attitude mollement relativiste nommée possibilisme ; l’importance
de l’expérience, de l’émotion et de l’expérimentation ; l’émergence d’un nouvel
universalisme non plus abstrait et transcendant, mais pragmatique, immanent et corollaire
au sentiment croissant d’unité du monde et de l’humanité ; la réceptivité nouvelle à
l’égard des formes symboliques des suites de l’érosion du mythe de la raison ;
l’immanentisation du rapport au sens et l’immanentisation du salut jusque dans les
monothéismes ; etc.
Cette constance, couplée à une approche partant des jeunes plutôt que des religions et
laissant entrevoir un paysage certes pluriel, mais cohérent. Aborder la religion dans ses
aspects vécus sur fond de culture consumériste et communicationnelle permet une autre
perspective que celle de la régulation « classique », permettant de saisir les rouages
d’une régulation inédite. Autrement, comment expliquer que l’effritement du pouvoir
régulateur des institutions religieuses traditionnelles et l’individualisation des croyances
s’accompagnent « paradoxalement » d’une homogénéisation des modes de croire,
au-delà des contenus de croyance (Hervieu-Léger, 2001) ?
Que les jeunes accordent de la crédibilité à l’astrologie ou à ces différentes croyances
« parallèles » ou « pseudoreligieuses » comme le déplorait Jacques Grand’Maison,
témoigne certes d’une déculturation religieuse du point du vue du catholicisme, mais non
d’une dérégulation. Ces croyances s’inscrivent nécessairement dans un ordre du
vraisemblable où l’épanouissement personnel, l’individualisme, l’idée de progrès
spirituel et l’autonomie sont au nombre des attendus communs. Aussi laconique semblet-il, l’énoncé de croyance possède nécessairement une grammaire, une syntaxe, des
unités lexicales. Si les jeunes paraissent spirituellement et religieusement illettrés aux
yeux de certains, c’est peut-être surtout parce que le christianisme n’est plus leur langue
maternelle. C’est dans cette perspective qu’ils forment une génération de sécularisés :
non pas qu’ils participent d’une culture ayant évacué le religieux, mais d’une langue qui
538
Social Compass 60(4)
échappe à l’autorité des Églises. C’est l’apport des études de mouvements considérés
plus « à la marge » que de mettre en évidence les quêtes de cohérence et l’unité des
différents univers. Ainsi, ce que l’on constate chez les spiritualistes montréalais étudiés
par Deirdre Meintel (2005 : 146) pourrait être instructif pour les jeunes : « leurs croyances,
vues de l’extérieur, peuvent ressembler à une “religion à la carte” [Bibby], ou même à
une mystique-ésotérique [F Champion] liée à leur variabilité et à la diversité de leur
provenance. Pourtant, si nous écoutons les propos de nos interlocuteurs, leur foi semble
solide ». Ce qui apparaît paradoxal, ambigu, éclaté, inconsistant et inconséquent dans
l’univers religieux des jeunes ne peut l’être que dans l’esprit des observateurs. Pour le
sujet, il y a nécessairement cohérence, condition élémentaire pour que le tout fasse sens
(Lemieux et Milot, 1992).
Dès que la croyance se présente comme une performance personnelle (Lemieux,
2008) et non plus comme l’adhésion à une tradition, la fragilité de l’acte de croire ne
repose plus sur des institutions explicites du sens (Églises, traditions, nations), mais sur
l’Individu. L’Individu qui, à l’invitation de Kant, doit se définir lui-même à distance des
dogmes politiques et religieux et de toutes les autorités extérieures. Et qui est, dès lors,
en perpétuel besoin de reconnaissance. En somme, répondre d’un projet de Soi, se définir
et « faire sa marque », être révélé à soi dans des lieux jugés authentiques, quels qu’ils
soient (l’expérience de la parole de Dieu, le creux de la nuit dans un rave, l’équilibre
corps-esprit du gong fu), pour ensuite revêtir les signes extérieurs de cette identité et
s’exprimer, s’exposer afin d’être reconnu. D’où l’émergence récente du phénomène du
port de signes religieux ostensibles. La société de consommation fonctionne précisément
sur ce principe, comme le savent tous les bons agents de marketing (cf. Gauthier,
Martikainen et Woodhead, 2013). Kant et la logique du marché, à l’ère du numérique.
Insistons : la régulation, c’est bien ce qui encadre, délimite, autorise. C’est aussi ce qui
rend possible, permet, engendre. « Se fonder soi-même », se poser en être libre ne signifie
en rien l’obsolescence des conditionnements socioculturels. Si la quête d’autonomie procède
d’une mise à distance des déterminismes sociaux, politiques et religieux, ce sont toutefois
ces mêmes déterminismes qui la rendent possible. Certaines réappropriations populaires des
philosophies du sujet ne cessent d’affirmer que la liberté de l’individu tiendrait en sa capacité
à « s’inventer » et, conséquemment, que cette possible « invention » est la condition de la
liberté. Dans cette perspective, les formes de religieux régulateur (confessant ou non)
paraissent dépassées puisque la liberté commande à l’humain de s’en extirper.
Or, à la suite de Vincent Descombes (2004) et du tournant grammatical en philosophie,
nous sommes amenés à penser que la naissance du sujet tient en sa capacité non pas à
« s’auto-fonder » en se donnant à soi-même des règles, normes et valeurs (autonomie)
– ce qui est grammaticalement et logiquement impossible. Si un sujet peut prétendre
« être soi », c’est qu’il a appris comment « être soi ». Il ne s’agit pas d’un savoir
« substantiel » définissant le « vrai soi », mais d’une connaissance pratique. Cet
apprentissage est tout simplement le fruit de processus de socialisation et de transmission.
La régulation à laquelle nous référons ici est précisément ce qui dirige (regulare)
l’individu afin qu’il sache comment faire et pas nécessairement quoi faire. Dès lors, il est
raisonnable de penser qu’il y a un « être soi » propre à la société de consommation et à
l’héritage boomer qui n’est pas celui des sociétés de traditions. En toute conséquence
logique, il est également raisonnable de prétendre que la religiosité contemporaine
(confessionnelle ou non) procède de cette « manière d’être » propre à nos sociétés.
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
539
Conclusion
Partir du terrain d’observation plutôt que d’une conception donnée de la religion liée à
ses institutions traditionnelles permet de montrer l’ampleur de la recomposition religieuse
qui s’est opérée au Québec ces dernières décennies. Un des résultats les plus probants est
certainement la continuité surprenante qui existe entre le catholicisme des jeunes
d’aujourd’hui et le vécu des jeunes engagés dans des pratiques sous-culturelles. Par
exemple, la foi chrétienne doit désormais faire l’objet d’une appropriation et d’une
expérience. Tant le jeune catholique que l’adepte d’arts martiaux s’inscrivent dans cette
nouvelle culture de la quête et attestent du passage d’un religieux cru et coutumier à
un religieux vécu expérimenté. Ce n’est plus le sens donné et garanti par l’institution
mais l’indétermination et la virtualité du sens qui agit comme condition de la
communautarisation, de la croyance et de l’expérience religieuses.
Ainsi les religions confessionnelles, loin d’être des bastions inchangés d’un monde
survécu, participent d’une recomposition plus globale. En ce sens, on peut confirmer
pour le Québec les caractéristiques du religieux que les sociologues ont repérées en
Europe depuis quelques décennies, avec certaines particularités. La crise de crédibilité
des religions historiques n’efface en rien le religieux : les individus sont désormais
sommés de construire par eux-mêmes et pour eux-mêmes le sens de leur vie, et ce, à
partir des signifiants – foisonnants et divers, mais non illimités – mis à leur disposition
par la culture. Cette « liberté de se construire » est ainsi moins un choix qu’une donnée
objective, une mise en demeure que la société adresse au sujet. En apparence libre, cette
quête de sens est encadrée par des injonctions normatives : l’autoréalisation de soi, la
recherche du plaisir et l’épanouissement dans le travail, le contrôle de sa destinée
personnelle, la performance, la prise de risque, la sécurité, etc. L’individu, responsable à
la fois de sa réussite, de ses échecs et du sens à leur donner, se trouve constamment
poussé au retour sur soi, sommé de trouver l’explication « en lui-même », de se redéfinir…
bref, de se construire un « cosmos sacré » compatible avec l’univers symbolique de la
culture. On mesure le changement d’avec le Québec d’avant la Révolution tranquille.
Ainsi la croyance religieuse ne peut tout simplement plus survivre suivant son « économie »
traditionnelle, et le religieux des confessions traditionnelles, à l’instar du religieux dans
son ensemble, n’est plus, essentiellement (ou substantivement), ce qu’il était.
L’étude sociologique du rapport des jeunes aux religions et au religieux laisse voir une
évolution profonde de la société québécoise des suites de la Révolution tranquille. Les
indicateurs montrent que cette dernière, en tant que révolution culturelle, a marqué une
exception et non une règle. En cela, les jeunes ne sont pas tant des déshérités du
catholicisme (pour les francophones) que des héritiers des baby-boomers, et cela
doublement : d’une part ils ont hérité d’un type de religiosité spiritualisée et désarrimée
des institutions soumise au primat de l’authenticité et au besoin de reconnaissance
(Gauthier, 2012) ; d’autre part ils ont hérité d’une socialisation modulée par l’éthos de
la consommation et son imaginaire mondialisé, sans bris majeurs par rapport à leurs
parents. À la Révolution tranquille succède désormais une Continuité tranquille par
laquelle celle-ci institutionnalise le legs de celle-là.
Ainsi le Québec a-t-il cessé d’évoluer suivant une trajectoire marquée principalement
par sa situation coloniale pour s’aligner avec l’ensemble des pays ouest-européens.
D’une certaine manière, la situation religieuse y a perdu beaucoup de sa spécificité. Ce
540
Social Compass 60(4)
n’est pas dire que le Québec vivait en vase clos avant les années 1960. Le Québec était
influencé par ce qui se déroulait ailleurs, en Europe et dans le reste de l’Amérique du
Nord, en matière religieuse comme en d’autres choses. Or, l’arrivée de la télévision et de
l’abondance d’après-guerre a radicalement changé les perceptions des Québécois, leur
permettant de se découvrir et de découvrir « le monde » d’un même souffle irrésistible,
et ce, en quelques années seulement. C’est alors que la « sécularisation » est devenue
effective au Québec, emmenant une diversité ethnique issue de l’immigration, une
mobilité accrue des populations et une urbanisation qui ont fortement distendu les liens
communautaires et favorisé un cosmopolitisme. Malgré tout, cette même sécularisation,
comme analyseur, nous en dit peu des jeunes et de la religion aujourd’hui, hormis les
constats évidents de déclin de la pratique catholique traditionnelle.
De plus amples recherches empiriques sur les pratiques et les « univers de sens »
des jeunes ajouteraient certainement bien d’autres phénomènes à ces exemples, et on
ne peut que souhaiter avec Liliane Voyé (2008 : 170) que l’on établisse un panorama
de ces différentes « niches » religieuses, de préférence sans gommer les rapports entre
les données sociologiques telles que l’origine nationale (autochtones, francophones et
anglophones) et ethnique, le contexte urbain ou non, le genre, la classe sociale, etc.
Financement
Aucun soutien financier spécifique émanant d’un organisme de financement public, d’une société
commerciale ou du secteur non-marchand n’a été attribué à cette recherche.
Notes
1.
D’un point de vue analytique, la religion n’est d’abord pas une chose ni une essence, mais bien,
du point de vue des sciences humaines et sociales, une catégorie permettant de faire sens, si
possible d’expliquer, une part de l’expérience humaine et sociale. En ce sens on parlera de «
religieux » (comme on dit le politique ou l’économique ou l’esthétique) pour signifier le domaine
le plus abstrait et général, potentiellement et hypothétiquement universel et transhistorique. On
appellera « religions » ces institutionnalisations particulières, dans chaque société, du religieux
(cette strate peut se diviser à son tour entre la version officielle des clercs et la religion dite
« populaire » qui s’en distingue). On parlera de « religiosité » dans le cas du religieux vécu
individuel, à savoir l’appropriation individuelle à une certaine distance de l’orthodoxie et des
prescriptions des religions. Pour une proposition similaire, voir Caillé (2009 : 77-96).
2. Nous reprenons ici cette expression usitée dans la presse canadienne, reprise par la presse
québécoise, pour désigner le Canada anglophone majoritaire dans toutes les provinces hors
Québec.
3. Orientation théorique de l’Observatoire Jeunes et Société (INRS-UCS), www.obsjeunes.qc.ca.
4. Cette attirance ne signifie aucunement une inclination à l’adhésion, mais bien une curiosité et,
potentiellement, la convocation de certains éléments au sein de la religiosité personnelle.
5. Le phénomène des sous-cultures voit le jour vers la fin des années cinquante, lors de l’arrivée
à l’adolescence des baby-boomers. Construite autour d’un type particulier de musique, la
sous-culture est d’abord une culture, c’est-à-dire un système symbolique (un monde complexe
de signes, de pratiques et de sens) qui s’inscrit dans une histoire (toujours partiellement
imaginaire) et qui cherche à se diffuser et à se transmettre. Traduction littérale de l’anglais «
subculture », le terme n’a pas de sens péjoratif. Au contraire, il traduit une valorisation de la
marginalité, de l’ésotérisme, de la transgression et de la subversion.
Gauthier et Perreault : Les héritiers du baby-boom. Jeunes et religion au Québec
6.
541
David Le Breton (2002) a étudié ces phénomènes en France en démontrant qu’ils participaient
d’expériences du sacré hors institutions. À nouveau, nos regards de socio-anthropologues
investis dans les lieux de production de la culture, appuyés par plusieurs travaux de nos
étudiants, attestent de la transposition de ces données pour le Québec.
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Biographies des auteurs
François GAUTHIER est professeur au département de sciences sociales de l’Université de
Fribourg et membre du GSRL. Il travaille sur les recompositions du religieux et du politique dans
les sociétés occidentales contemporaines et s’est notamment intéressé à la jeunesse et ses quêtes de
sens ainsi qu’aux ritualités que suscite le passage à l’âge adulte. Ses publications incluent la
direction avec T Martikainen de Religion in Consumer Society. Brands, Consumers and Markets
et de Religion in the Neoliberal Age. Modes of Governance and the New Political Economy
(Ashgate, 2013), ainsi que la codirection avec J-P Perreault de Jeunes et religion au Québec (PUL,
2008). Il anime la rubrique « Éthique, religion et symbolisme » de la Revue du MAUSS permanente
en ligne (www.journaldumauss.net).
Adresse : Université de Fribourg, Domaine Sociétés, Cultures et Religions, 90 Boul. de Pérolles,
Fribourg 1700, Suisse.
Email : [email protected].
Jean-Philippe PERREAULT est chargé d’enseignement à la Faculté de théologie et de sciences
religieuses de l’Université Laval. Il y termine également une thèse de doctorat, en sociologie de la
religion, portant sur l’imaginaire religieux des jeunes Québécois et sur leurs rapports au
catholicisme. Il a pour champs de recherche et d’enseignement les jeunes, le religieux contemporain,
le catholicisme québécois, la religion et l’éducation, la didactique de l’éthique et de la culture
religieuse. Avec François Gauthier, il a dirigé l’ouvrage Jeunes et religion au Québec (PUL, 2008).
Adresse : Université Laval, Faculté de théologie et de sciences religieuses, 2325 rue des
Bibliothèques, Québec G1V 0A6, Canada.
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