MARCEL PAGNOL, CINEASTE DE LA PAROLE.

Transcription

MARCEL PAGNOL, CINEASTE DE LA PAROLE.
Marie Blétry
Lettres modernes appliquées
Mémoire de master 1
MARCEL PAGNOL,
CINEASTE DE LA PAROLE.
Sous la direction de M. Denis Guénoun
Septembre 2007
U.F.R. de Littérature française et comparée
SOMMAIRE
Introduction……………………………………………………………………...2
I - Du théâtre au cinéma : l’apprentissage de Marcel Pagnol…………………....4
A – Premiers contacts……………………………………………………..4
B – L’apprentissage de Pagnol……………………………………………7
C – Ebauche d’une théorie………………………………………………10
II - La controverse théorique : vers une définition du cinéma parlant…………15
A – Les termes de la querelle……………………………………………15
B – Vers une quête théorique……………………………………………19
C – Un compromis artistique……………………………………………23
III – Le rôle de Pagnol dans la légitimation artistique du cinéma parlant……...26
A – De l’attraction à l’oeuvre cinématographique………………………26
B – Une indépendance artistique exemplaire……………………………29
C – La postérité artistique de Pagnol…………………………………….32
Conclusion……………………………………………………………………...36
Bibliographie…………………………………………………………………...37
Annexes………………………………………………………………………...41
1
MARCEL PAGNOL,
CINEASTE DE LA PAROLE.
Introduction
C’est en 1928 qu’apparurent les premiers films parlants en France, au moment
où le cinéma muet avait enfin atteint la légitimité artistique qu’on lui avait longtemps
refusée. Les grands noms du muet constatèrent alors avec effroi le succès auprès du
public français de ce que l’on surnommait alors aux Etats-Unis les « talkies » ; mais ils
ne se résignèrent pas encore à adopter cette nouveauté : ils voyaient dans le cinéma
parlant une « attraction » pour laquelle l’engouement populaire n’était qu’un effet de
mode. De fait, les toutes premières productions parlantes attestaient davantage une
volonté de faire valoir cette avancée technique qu’un désir de servir l’expression orale.
Il ne s’agissait encore que de films sonores, et les gens du muet se rassurèrent au
constat de la vulgarité que le son semblait apporter aux œuvres. Car il y avait lieu de
s’inquiéter :
une
telle
avancée
ne
pouvait
que
révolutionner
l’industrie
cinématographique. Avec le dialogue, les coûts de production augmentaient
considérablement, les films n’étaient plus immédiatement accessibles à un marché
international et les gens de l’image n’étaient plus les seuls maîtres de la création
cinématographique. Aussi ces derniers allaient-ils, dans un premier temps, s’employer
à décrier le nouveau moyen d’expression.
Face à un tel procès, des personnalités mirent à profit une certaine intuition, en
se posant dès le début comme les défenseurs de cette prouesse technique destinée à
évincer le muet – malgré la qualité des œuvres qu’il avait produites. Parmi ces
partisans, le rôle d’un dramaturge alors aussi renommé que Marcel Pagnol est semblet-il prépondérant. Celui-ci découvrit le cinéma parlant en 1930 dans une salle de
cinéma anglaise. Il en sortit avec la conviction d’être en train d’assister à la naissance
du « nouveau moyen d’expression de l’art dramatique » auquel il décida de se
consacrer, sans hésiter à défendre parallèlement sa propre théorie sur le cinéma. Il
entreprit tout cela alors même que le monde du muet, c’est-à-dire toute l’industrie
cinématographique française et son cortège de critiques, ne reconnaissait pas encore le
parlant comme un nouvel outil d’expression cinématographique. L’audace du
2
dramaturge n’en fut que plus déstabilisante et
obtint un vif retentissement, qui
accéléra les prises de position critique jusqu’à l’accueil définitif du parlant. Aussi
semble-t-il légitime de mesurer le rôle qu’a joué Marcel Pagnol dans l’accession du
cinéma parlant au rang d’art.
La transition n’était pas aisée : il s’agissait pour un art de passer de l’expression
visuelle à l’expression audiovisuelle, ce qui modifiait considérablement la perspective
esthétique. Marcel Pagnol fut à la fois juge et partie de cette problématique culturelle,
puisqu’il sut apporter son expérience de dramaturge à la mise en scène
cinématographique dans ses propres films, et défendre ses positions dès 1930 dans la
presse critique, puis dans la revue qu’il fonda en 1933 : Les Cahiers du film. Les
critiques de l’époque réagirent acerbement, accusant l’ancien dramaturge de déserter le
monde du théâtre pour défendre un « théâtre filmé ». Aujourd’hui encore, certains
historiens et critiques se contentent de ces deux termes pour résumer la vision
pagnolienne du cinéma parlant. En réalité, son analyse fut bien plus complète et plus
audacieuse, et la controverse qu’elle fournit fut l’occasion d’amener les gens de
cinéma à accueillir peu à peu le texte comme un élément fondamental du Septième art.
Dès 1934, Marcel Pagnol et René Clair entretinrent ainsi un débat long et parfois
constructif, qui servira d’appui à cette étude, tant il est révélateur de l’évolution
cinématographique et de l’apport esthétique de Pagnol aux balbutiements du cinéma
parlant.
3
I - Du théâtre au cinéma : l’apprentissage de Marcel Pagnol
A – Premiers contacts
En 1928, l’irruption des procédés techniques autorisant l’usage du son au
cinéma constitue une véritable révolution pour les gens du métier : industriels,
réalisateurs et critiques. Apparu au début du siècle, le cinéma muet avait dû se
constituer une identité artistique après avoir été longtemps considéré comme une
attraction populaire. Il avait fallu quelques années et une détermination certaine des
pionniers de ce moyen d’expression pour que des réalisateurs de génie : Eisenstein,
René Clair, etc., puissent se saisir de lui et le faire accéder au rang d’art, jusqu’au
cinéma d’avant-garde des années 20. Si l’adaptation d’œuvres dramatiques et de
romans était déjà pratique courante, de nombreux cinéastes s’élevèrent alors contre
cette « prostitution » d’un art plastique avec la littérature. A l’instar de René Clair, ils
prônaient un cinéma purement plastique, s’adressant au langage visuel antérieur à
l’écriture et inhérent à la nature humaine, un cinéma qui s’adresse au « regard du
sauvage, de l’enfant qui s’intéresse moins à l’histoire de Guignol qu’à la pluie des
coups de bâton »1. L’idéal eût été, en fait, un cinéma muet épuré des cartons2 venant
interrompre l’harmonie de la poésie visuelle pour en éclairer le sens.
Dans un tel contexte, on conçoit aisément combien l’avènement du son a pu
déstabiliser l’industrie cinématographique. D’un point de vue financier, tout d’abord,
la distribution se vit limitée par la barrière de la langue3, les stars internationales du
muet furent pour la plupart évincées : les voix, accents nationaux ou étrangers ne
passaient majoritairement pas l’étape de l’appareil du son, encore très fragile, et le jeu
de tels comédiens, marqué par l’expression gestuelle dont ils avaient l’habitude,
semblait redondant dès lors qu’il était accompagné des paroles. Pour les cinéastes, le
désarroi fut grand, on espéra un temps que le cinéma muet continuerait sa carrière
auprès du parlant, ou encore, on vit dans le son un moyen de souligner simplement
1
René Clair, Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui, chap. « Un dialogue », Gallimard, 1970, p. 33 (dans ce
chapitre, René Clair imagine les propos qu’il aurait tenus ou pu tenir en 1923).
2
Les cartons sont ces intrusions de textes qui, dans le cinéma muet, exposaient les intertitres ou les dialogues.
3
Le procédé du doublage n’existait pas encore et le public huait celui des sous-titres.
4
l’image. A cet égard, il est extrêmement intéressant de consulter les divers points de
vue des artistes et industriels dans les revues de cinéma des années 1930 : la plupart
d’entre eux en conviennent, le cinéma parlant ne détient aucune valeur artistique en
lui-même, s’il en est une, c’est uniquement un perfectionnement du cinéma muet dont
il souligne les qualités visuelles, les pures qualités plastiques. Cependant, le succès des
talkies fut immédiat en France, et déjà l’on se résigna à interrompre des productions
muettes pour aller faire tourner des films sonores dans les studios britanniques, jusqu’à
ce que la Paramount installât en 1930 les premiers studios équipés des procédés
permettant l’enregistrement du son.
Au cœur de ce bouleversement esthétique, dès 1928, on retiendra ainsi deux
grands types de productions cinématographiques, proches d’un simple cinéma
d’attraction. La première tendance, que Marcel Pagnol qualifiait de « monstre
ridicule » ou encore de « film réticent », résulte d’une vaine tentative de conservation
intégrale des acquis du cinéma muet, sur lesquels on aurait greffé des sons, permettant
notamment de pallier l’étape du carton. Derrière une telle pratique se rangeaient alors
la plupart des cinéastes muets, encore inconscients de la nouveauté artistique que
représentait le film parlant. Bien qu’elle parût logique, la seconde tendance, celle du
théâtre filmé, n’était pas davantage légitime. Après la première vague d’enthousiasme
populaire pour la prouesse technologique, il fallut, afin de relancer son succès,
produire des œuvres justifiant précisément de l’appellation « film parlant », et l’on
adapta maladroitement 1 une foule de pièces de théâtre, employant ainsi le seul
répertoire
qui
relevait
alors
du
dialogue.
Faute
de
productions
plus
cinématographiques, ces adaptations hybrides mais vraiment parlantes connurent un
succès foudroyant. Comme ils l’avaient fait au temps du cinéma d’avant-garde, le
milieu critique et bon nombre de cinéastes issus du muet s’insurgèrent contre une telle
pratique, où le langage purement visuel qu’ils avaient tant contribué à épanouir
semblait encore une fois se prostituer avec la littérature.
Ce n’est que deux ans après l’irruption de ce moyen d’expression et du débat
qui l’accompagnait que Marcel Pagnol en prit connaissance. En 1930, l’auteur a 35
ans et sa réputation n’est plus à faire au théâtre. Ses quatre premières pièces : Les
1
Voir III A.
5
Marchands de gloire, Jazz, Topaze et Marius ont reçu les louanges unanimes de la
critique, et Topaze et Marius sont parvenus à convaincre un public nombreux. Fort du
succès de cette dernière pièce, qui emprunte pour la première fois des accents
marseillais, l’auteur s’apprête à mettre en scène sa suite : Fanny, au théâtre. C’est
alors que vers le mois de mai, son ami Pierre Blanchar lui fait part d’un événement
auquel il a assisté à Londres : la projection d’un film parlant. Intrigué, Marcel Pagnol
part sur le champ pour la capitale britannique, où il suit quatre séances du film
Brodway Melody, plus intéressé par cette prouesse technologique que par le film luimême. C’est ainsi qu’il rentre à Paris « la tête échauffée de théories et de projets »1.
L’auteur avait acquis la conviction que le cinéma serait « le nouveau moyen
d’expression de l’art dramatique » 2. Fort de cette assurance, il entreprit d’en faire part
au milieu théâtral, en publiant le 17 mai dans Le Journal 3, un papier qui fit grand bruit
dans les milieux autorisés. Avec le temps, et en considérant la sévérité des gens de
cinéma à l’égard du film parlant depuis 1928, on est frappé par l’intuition et la lucidité
qui animaient cet article où Pagnol, sans parler encore de l’avenir du théâtre,
développait une véritable théorie du cinéma parlant qui « [offrait] à l’écrivain des
ressources différentes, et, dans bien des cas, merveilleusement nouvelles ». Cet article
est de prime importance, puisqu’il exposait avant même que son auteur se fût lancé
dans le cinéma, une vision novatrice et une détermination certaine à puiser dans cet art
les ressources dramatiques et littéraires qu’il emploierait, de fait. A la grande surprise
de l’auteur, l’article fut très mal reçu : les gens de théâtre, pour la plupart - hormis les
fidèles de Pagnol - s’insurgèrent contre les propos du dramaturge, considérant cette
défense du cinéma comme un acte de trahison vis-à-vis d’un milieu qui avait tant
contribué à son édification littéraire. Les gens de cinéma se montrèrent, d’un point de
vue critique, encore plus sévères.
Mais la conviction de Pagnol était bien ancrée, et les critiques dont il fit l’objet
ne l’arrêtèrent pas. Il allait la défendre tout au long de sa carrière. Pour l’heure,
puisque ni le monde du cinéma, ni celui du théâtre ne tolérait son point de vue, l’auteur
décida de rejoindre, envers et contre tout, les bancs de ce moyen d’expression : il
1
In Cinématurgie de Paris, édition définitive, Œuvres Complètes, Tome 2, Ed. de Fallois, 1995, p. 14
In Cinématurgie de Paris, op. cit. p.14
3
Voir annexe B.
2
6
croyait fermement à sa valeur artistique et à son succès futur. Ses textes allaient servir
le cinéma et le cinéma ses textes.
B – L’apprentissage de Pagnol
Paradoxalement, l’atout de Pagnol, dans l’appréhension de ce nouveau média,
provenait de son expérience de dramaturge et de son inexpérience absolue en matière
de cinéma. Aussi ne s’attardera-t-il pas dans l’impasse des cinéastes alors
expérimentés, qui cherchaient à employer tous les acquis du Septième art muet et à ne
faire du son qu’un adjuvent de l’image.
C’est ainsi qu’en 1930, Marcel Pagnol, jouant de son relationnel hors pair – il
n’est aucun témoignage qui n’en convienne –, se vit ouvrir en grand les portes de la
Paramount par Robert T. Kane, son directeur dans les studios de Saint Maurice
fraîchement équipés, en France. Dans un premier temps, et conformément à ses projets,
le dramaturge se lança dans une observation minutieuse des rouages de l’industrie
cinématographique. Cette période fut déterminante, puisqu’en quelques mois, Pagnol
découvrit auprès des techniciens la dimension matérielle du métier de cinéaste, et
acquit parallèlement la lucidité nécessaire face à la mainmise de la Paramount sur
l’artiste et sur son oeuvre. Ce constat lui fit refuser une première fois à Robert T. Kane
l’achat des droits de Marius et de Fanny : un tel contrat eut été totalement étranger aux
projets de Pagnol, puisque la réalisation excluait toute intervention de sa part, jusque
dans le choix des acteurs, que la Paramount entendait remplacer par des vedettes de la
maison. Mais le succès du théâtre filmé se confirmait. Ainsi, après avoir siégé avec
quelques auteurs au sein d’un Comité littéraire de la Paramount destiné, en définitive,
à faire bonne impression pour convaincre le public de la qualité des films, et qui finit
par se dissoudre à l’initiative de ses membres, au bout de quelques mois ; ainsi, donc,
se vit-il proposer une deuxième fois l’adaptation de ses œuvres.
Ce deuxième contrat fait figure d’exception parmi tous ceux que la Paramount
avait l’habitude d’établir : Marcel Pagnol obtenait toutes les conditions nécessaires à
ses désirs d’indépendance. Certes, le réalisateur, Alexander Korda, restait un fidèle de
la Paramount, mais Pagnol se vit accorder le poste inédit de premier superviseur, qui
7
lui autorisait un contrôle absolu sur le scénario et les dialogues, ainsi que sur le choix
des acteurs. L’intransigeance de l’auteur avait donc porté ses fruits, et c’est ainsi qu’en
1931 il poursuivit très concrètement son apprentissage auprès d’Alexandre Korda, au
sujet duquel il répéterait toute sa vie qu’il lui avait tout appris. Le tournage fut fort
médiatisé, nombre de revues cinématographiques et littéraires vinrent réaliser des
entretiens aux studios de Saint Maurice afin de faire valoir le phénomène : d’une part
parce que Marcel Pagnol était un dramaturge de renom dont le public avait l’habitude
de suivre les évolutions, d’autre part car il était le premier écrivain à s’investir
réellement dans l’adaptation de l’une de ses pièces. Aussi les détracteurs du théâtre
filmé trouvèrent-ils matière à décrier le succès exceptionnel que le film le plus long de
la production cinématographique – jusque là – rencontra à sa sortie en octobre 1931.
Exception faite de la revue Cinémonde, très lue à l’époque, on attribua en effet ce
succès au mauvais goût du public (!), avide de théâtre filmé et incapable de
comprendre l’essence du cinéma, doublé de la popularité de l’auteur de Marius, et du
seul talent d’un réalisateur expérimenté. Ces objections, Marcel Pagnol allait les
affronter dans la majorité de ses films, jusqu’à sa réhabilitation progressive dès le
début des années cinquante.
Or, quoiqu’on ait pu en penser à l’époque, et même longtemps après, ce premier
film a su, à notre avis, éviter les écueils dans lesquels on lui a longtemps reproché
d’être tombé. Il nous semble en effet que le succès de Marius doit son ampleur, et pardessus tout, sa postérité, précisément à son essence cinématographique, obtenue grâce
aux termes de la collaboration avec Korda. Le coup de maître réalisé par Pagnol, et qui
évita à Marius de tomber dans le théâtre filmé du type « caméra dans le trou du
souffleur »1, s’explique par une collaboration très équilibrée entre deux talents : celui
de Korda, professionnel du cinéma de l’image, et celui d’un spécialiste de la parole qui
imposa véritablement sa présence sur le tournage. S’ajoute à cela une confiance
mutuelle dans leurs talents respectifs qui les conduisit à choisir ensemble les coupures
effectuées dans les dialogues, de telle sorte que le texte ne fait jamais, ou presque,
doublon avec l’image. De telle sorte aussi que le film parle, et que les paroles sont de
qualité.
1
Selon les termes employés alors par les détracteurs du théâtre filmé.
8
Pour des raisons qui nous paraissent surprenantes aujourd’hui – Hollywood ne
croyait pas au succès des suites –, la Paramount rendit à Marcel Pagnol les droits de
Fanny, événement notoire qui marqua très tôt un tournant décisif dans la carrière
cinématographique de Pagnol. L’auteur en profita, en effet, pour gagner son
indépendance et investir dans sa propre maison de production et de distribution : Les
Films Marcel Pagnol, en 1932, qui produisirent Fanny en collaboration avec les
établissements Roger Richebé. Dirigé par Marc Allégret, ce second opus fut réalisé à
la condition de garder encore une fois les acteurs de la troupe originale, mais
également, fait nouveau, de préserver intégralement les dialogues de la pièce, à peine
modifiés par l’intervention de Pagnol. Telle est sans doute l’explication de la moindre
qualité cinématographique du film – sur laquelle nous reviendrons, car il s’agit là aussi
et pour des raisons essentielles, de cinéma –, qui connut un succès comparable à celui
de Marius. Cette deuxième réussite conforta Marcel Pagnol dans l’idée illusoire que
les films tirés d’ouvrages dramatiques devaient leur force à la préservation intégrale
des dialogues. En témoignent les premières productions de sa maison de production,
ainsi que ses premières réalisations, tombées dans l’oubli.
En 1933 et 1934, Pagnol se lance dans la production et l’adaptation de deux
succès théâtraux dont il assure la réalisation (qui s’en souvient ?) : le Gendre de
Monsieur Poirier, d’après Emile Augier et Jules Sandeau (sorti en janvier 34) et
L’Article 330 (sorti en février 34), d’après Courteline, dont il ne modifie pas, ou que
fort peu, le texte1. Parallèlement, et suivant la même politique de conservation des
dialogues originaux, Les Films Marcel Pagnol produisent L’Agonie des aigles (sorti en
novembre 33), d’après le roman de Georges d’Esparbès, dont le scénario et les
dialogues furent élaborés par Pagnol, dans une réalisation de René Richebé. En marge
de ces productions, Pagnol assura le scénario et les dialogues d’une production Pathé
Natan (réalisation de Raymond Bernard, sortie en novembre 34) de Tartarin de
Tarascon, d’après Daudet. Enfin, il réalisa sa première œuvre adaptée de Jean Giono :
Jofroi, moyen métrage de cinquante-deux minutes réalisé pendant le montage du
Gendre de Monsieur Poirier, et sorti en complément du même film. Jofroi représente
1
Cf. annexe F, lettre à Madame Courteline.
9
le premier film, premier d’une longue liste, dont Pagnol assura absolument tous les
aspects : production, distribution, scénario, dialogues et réalisation.
Exception faite de Jofroi, ces quelques films, tombés en désuétude, connurent
une popularité conséquente que l’on peut sans aucun doute attribuer au succès
conjoncturel du théâtre filmé. Et ce n’est qu’avec la réalisation d’Angèle en 1934, tiré,
là encore, d’une nouvelle de Giono, et entièrement tourné, fait exceptionnel, en décors
naturels1, que Marcel Pagnol révéla son véritable talent de cinéaste. C’est également à
cette période que l’auteur abandonna l’adaptation de pièces de théâtre, pour se
consacrer exclusivement à des œuvres dont il prendra en charge, comme pour Jofroi,
tous les aspects de la réalisation2. Notons que Marcel Pagnol, si l’on pouvait alors
contester la valeur artistique de certaines de ses entreprises, avait toujours veillé à
investir les capitaux qu’il en avait tirés dans les productions suivantes, mettant un
point d’honneur à assurer son indépendance financière. Avec Angèle, Pagnol se
démarqua définitivement de la production cinématographique de son temps ; d’un
point de vue industriel, tout d’abord, puisqu’au terme de ce tournage, il investit ses
capitaux dans ses propres studios à Marseille; mais également d’un point de vue
artistique, en renonçant au texte d’autres auteurs, pour le plus grand bien de son œuvre
et du cinéma de l’époque.
C – Ebauche d’une théorie
Si nous avons tenu à revenir sur les premières expériences cinématographiques
de Pagnol, c’est parce qu’elles éclairent la façon dont l’auteur a élaboré son art et ses
théories. Or ces théories nous semblent impossibles à exclure de l’avènement du film
parlant. D’une part, parce qu’elles s’inscrivent un temps dans les erreurs du théâtre
filmé, phénomène déterminant dans la quête identitaire du cinéma des années trente ;
ce théâtre filmé dont Marcel Pagnol allait bientôt comprendre, intuitivement, les
limites. D’autre part, parce qu’elles suivent précisément l’exceptionnelle évolution
1
Pagnol usera dans toute son œuvre cinématographique des décors naturels, jusqu’à construire de véritables
bâtiments. Pour le tournage de Regain (1937) Pagnol avait ainsi fait reproduire à l’identique les ruines d’un
village de Haute-Provence.
2
Voir annexe A, filmographie.
10
artistique de Marcel Pagnol : on en a trop critiqué le contenu, sans jamais tenter de les
analyser à la lumière de son œuvre. Même un critique aussi talentueux qu’André Bazin,
qui a tant contribué à réhabiliter, dès 1950, l’œuvre de Pagnol, a toujours exclu la
possibilité d’un lien essentiel entre sa théorie et ses œuvres : ces idées, selon lui,
étaient défendues par leur auteur par pure provocation, sous l’enseigne erratique de
théâtre filmé. A cela, nous voyons deux raisons principales. La première, historique,
trouve son origine dans la querelle du parlant, au cours de laquelle des cinéastes et
critiques chevronnés, parmi lesquels René Clair, ont entretenu le monde du cinéma
dans l’illusion que Pagnol a, comme beaucoup d’autres, exclusivement défendu le
théâtre filmé. De fait, ses activités de dramaturges et la production, un temps, de
quelques films relevant précisément d’une telle pratique ont entretenu cette étiquette.
Par la suite, on n’eut cesse de caricaturer ses propos en considérant qu’il n’entendait
par le film parlant que produire du théâtre. Ce constat nous amène à la seconde raison
de cette méprise sur sa théorie : Pagnol lui-même a souvent très mal défendu ses idées,
en les inscrivant de force dans le débat du théâtre filmé, qui questionnait l’essence du
cinéma, là où Marcel Pagnol considérait avant tout l’intérêt de ce moyen d’expression
pour sa création. Attachons-nous donc, dans un premier temps, à analyser la genèse de
sa théorie, indépendamment du contexte cinématographique, à la seule lumière de son
passé de dramaturge et de ses premiers scénarii. Cette théorie sera évoquée
succinctement : il faudrait, pour en comprendre l’évolution, une étude complète.
Marcel Pagnol, dans toutes ses entreprises, n’a jamais cherché autre chose que
le statut d’auteur littéraire. Cette volonté inédite d’être reconnu au cinéma comme un
écrivain justifie à elle seule son désir d’indépendance, à l’égard de l’industrie, mais
également dans la matière même de sa création cinématographique. Si Marcel Pagnol
se lance dans le cinéma, c’est aussi parce qu’il saisit essentiellement les bénéfices de
ce moyen pour son écriture. Dans son article du 17 mai, l’auteur ne tentait rien d’autre
que d’expliquer cela : l’écrivain, et à plus forte raison le dramaturge, trouvaient dans le
cinéma parlant un moyen nouveau de faire valoir leur texte, le libérant ainsi des
contraintes proprement théâtrales. Pour reprendre les termes de Pagnol, le cinéma
11
n’est qu’un nouveau moyen d’expression - d’impression même1 - de l’art dramatique.
Non pas une fin, mais un moyen. Texte et intrigue restèrent pour lui les ferments de
toute son entreprise artistique, ses films ne seraient pas sonores, ils seraient parlants. Il
importe de ne jamais le perdre de vue, cela résout nombre de confusions critiques de la
part de l’auteur et de ses contempteurs.
Par la suite, Pagnol définira toujours son cinéma par rapport au théâtre : cette
démarche se justifie dans la mesure où il ne questionnait pas son essence, mais
uniquement le bénéfice que ce nouveau moyen pouvait apporter à ses créations. Sa
première expérience littéraire publiquement reconnue, il la devait à ses talents de
dramaturge, qui lui valurent une reconnaissance immédiate au sein du monde du
théâtre. Et c’est tout naturellement qu’il puisa sa vocation de cinéaste dans son activité
de dramaturge, en théorie comme en pratique. Il résultera, nous le verrons, de son
étude comparée, une définition véritablement cinématographique du film parlant, mais
en filigrane. Pour Pagnol, comme au théâtre, le texte est moteur. Ses scenarii
l’attestent dès le début. Celui de Marius laissait ainsi libre cours au réalisateur pour
l’image, les coupures texte étant effectuées en collaboration2.
Avec Korda, Pagnol perçut très concrètement cette différence de la parole
cinématographique qu’il avait pressentie : libérée des contraintes scéniques, il n’est
désormais plus nécessaire de pallier l’unité de temps et de lieu par la parole descriptive
de l’action. Celle-ci se voit donc systématiquement remplacée par un dialogue in situ,
agrémenté de didascalies. Les scenarii de Pagnol3 ressemblèrent ainsi longtemps à des
pièces matériellement injouables à la scène, mais dont le texte, comme au théâtre,
suffisait à faire comprendre la situation. L’aspect visuel, dans l’élaboration du film,
n’existera en fait que dans l’imagination de Pagnol4. Phénomène qui explique en partie
que Marcel Pagnol soit le seul réalisateur dont on a pu publier l’ensemble des scenarii,
1
Dans la version de 1966 de la Cinématurgie de Paris, Pagnol voit dans le cinéma « la forme peut-être définitive
de l’écriture
2
Même si Pagnol reviendra en 1932 sur cette adaptation en déclarant qu’il souhaitait la refaire en conservant
tous les dialogues, il n’en fit rien, signe qu’il s’en contenta, contrairement à Topaze, dont il réalisa deux versions
en plus de celle Louis Gasnier avec Jouvet en 1932.
3
De ceux qui comptent encore d’un point de vue cinématographique, c'est-à-dire ceux de la trilogie marseillaise,
ainsi que tous ceux dont il administra les dialogues et scenarii originaux, et la réalisation (voir annexes).
4
Ce qui explique l’importance de sa présence sur le plateau.
12
et dont les scenarii ont connu un succès littéraire1. Cela n’est possible que chez lui.
Cette détermination lui valut de ne pas tomber dans les erreurs industrielles et
artistiques des débuts du parlant. Celles-ci étaient liées à la volonté d’atteindre le
cinéma universel des temps du muet et engendraient alors des films qui, projetés sans
le son, seraient restés compréhensibles.
Dans cette logique, Pagnol garde du théâtre, en premier lieu, la primauté
accordée au
texte, à l’intrigue, aux personnages. Il conserve aussi les meilleurs
défenseurs du dialogue : les acteurs, ses acteurs, et plus globalement sa troupe. Cette
dimension n’est pas négligeable, elle souligne plusieurs atouts déterminants :
l’aptitude indispensable au travail d’équipe, la science du choix des acteurs parlants,
dont Raimu, force incontestable de ses films, qui manifesta dès le début une
compréhension instinctive de l’interprétation cinématographique. Aussi Marcel Pagnol
sut-il relayer Korda dans la direction des acteurs, qualité déterminante, dès lors que,
l’article du Journal le montre bien, l’auteur avait compris que leur jeu devait, devant la
caméra, se démarquer de l’emphase théâtrale. Cette expérience de la scène lui avait
appris également à adapter son texte aux exigences matérielles de la réalisation et de
l’interprétation, exercice auquel il se prêta intelligemment dans les adaptations de ses
pièces. Enfin, Pagnol, connaissait le public « au corps », et maîtrisait indéniablement
l’usage de la bonne réplique, celle qu’il faut garder dans le scénario lorsque le cinéma
existe pour parler.
Mais cette possibilité de retoucher ses textes, Marcel Pagnol ne pouvait
l’appliquer qu’à la condition où il réalisait les scenarii dont il était à l’origine.
Lorsque l’on énumère ses productions, un constat s’impose: les films de Pagnol
n’atteignent à une réussite cinématographique que dans la mesure où il en est l’auteur
et le réalisateur –ou le superviseur, dans les cas de Marius et de Fanny– . Sans cela,
soit l’auteur tombe dans le théâtre filmé, c’est le cas de toutes ses entreprises de
réalisation ou de production des textes des autres (Le Gendre de M. Poirier, L’Article
330…) ; soit l’auteur écrit un texte figé qu’un autre est contraint de conserver,
1
A cet égard, non content de la réalisation de ses films, Pagnol obtiendra la publication en 1935 du scénario de
Merlusse dans La Petite Illustration, et créera en 1948 une maison d’édition destinée à publier les dialogues de
ses films : « Les films que l’on peut lire ».
13
produisant un film hybride, où la parole s’impose, sans égard pour la matérialité
cinématographique. La matière définitive des bons scénarii de Pagnol n’existait en fait
réellement qu’à la fin des tournages auxquels il assistait1. C’est en fait précisément
dans ses erreurs des débuts que sa théorie le dépasse. Car pour qu’elle soit valide,
c’est-à-dire pour que le cinéma puisse servir le texte, il est indispensable que son
auteur soit là pour le modifier. En d’autres termes, Pagnol ne peut appliquer cette
vision qu’en étant présent à la réalisation de son œuvre. Plus généralement, le cinéma
ne peut bénéficier de l’expérience du dramaturge que lorsque celui-ci comprend ce
moyen d’expression et l’appréhende dans sa matérialité lors du tournage. Car selon
Pagnol2 nul autre que lui ne pourra modifier son texte : en homme de lettres, il se
refuse à profaner des textes sur lesquels on ne lui reconnaît aucun droit d’auteur3.
Aussi, loin de justifier sa théorie, s’est-il au contraire éloigné d’elle en adaptant
les pièces des autres. C’est ainsi qu’en 1934, avec Fanny, il renonça à cette expérience
en affirmant, aveu indirect de son égarement : « J’ai (…) commencé par le plus
difficile ; il est en effet plus aisé de tourner un roman qu’une pièce… Réaliser un film
d’après un roman, c’est faire une création ; réaliser un film d’après une pièce, c’est
refaire. Un roman n’est pas cristallisé. Je peux écrire une scène pour traduire à l’écran
une page de roman. S’il s’agit d’une pièce, la scène est déjà faite. Comme on ne peut
jamais la tourner intégralement, il faut adapter, alléger le texte : je n’ose pas, je ne me
reconnais pas un droit de couper les répliques de quelqu’un. Après avoir filmé des
pièces, je m’attaque maintenant aux romans. Il y a là, je le répète, matière à création ;
on change de plan : du littéraire, on passe au dramatique. 4»
En incluant le cinéma dans les arts dramatiques, Pagnol ne pouvait donc pas
défendre le théâtre filmé, puisque il entendait précisément se libérer des contraintes
théâtrales. L’erreur qu’il a faite est donc d’avoir confondu sa démarche avec celle d’un
cinéma – le théâtre filmé – qui se réclamait de la même origine, mais dont les
méthodes étaient en fait essentiellement différentes. Pagnol, en ne l’interrogeant pas,
1
Nombreux collaborateurs évoquent ces soirées de tournage où Pagnol s’employait à revoir ses dialogues.
Et selon ses directives en ce qui concerne l’adaptation de son texte ou des textes des autres.
3
Par ailleurs, cette démarche proprement littéraire, se démarquait -et se démarque encore, sauf exception- des
procédés employés par l’industrie cinématographique dans l’adaptation d’une pièce dont elle avait acquis les
droits.
4
Interview de Roger Régent, Candide, 27 septembre 1934.
2
14
n’a pas saisi cette distinction. Leur seul point commun était de vouloir faire du texte le
moteur du film. Cet aveuglement le conduisit un temps, à reproduire les erreurs de
ceux dont il pensait qu’ils avaient la même conviction, jusque dans ses productions et
ses allégations1. Ces erreurs, il en reviendra, non pas en dépit de sa théorie, comme on
a toujours tenu à le croire, mais bien guidé par cette théorie fondamentale qui ne
pouvait que le conduire au constat de l’échec des entreprises du théâtre filmé. Dès
1930, les vues de Pagnol définissent si bien ses œuvres cinématographiques, qu’il nous
a semblé légitime de les réhabiliter. Il s’agit, avant de les appliquer plus généralement
au cinéma, de les replacer dans le contexte de la querelle du parlant, tant l’avis de
Pagnol faisait alors figure d’exception dans la compréhension de ce nouvel art. Nous
étudierons cette période dans le cadre de la fameuse querelle entre l’auteur et René
Clair, particulièrement révélatrice de la quête identitaire du film parlant.
II - La controverse théorique : vers une définition du cinéma parlant.
A – Les termes de la querelle
Si la controverse entre Marcel Pagnol et René Clair reste célèbre dans l’histoire
du cinéma parlant, c’est qu’elle est un excellent
symbole du conflit artistique
engendré par l’avènement du cinéma parlant. Cet échange intervient en effet dans la
carrière de cinéastes qui, issus d’écoles esthétiques radicalement différentes,
atteignirent tous deux à un véritable épanouissement cinématographique avec le
parlant. On retient encore trop systématiquement les erreurs de Pagnol, sans considérer
combien son apport esthétique fut alors déterminant. Or, cet apport, nous en sommes
convaincu, n’entre pas en contradiction avec ses théories. Aussi nous paraît-il
nécessaire d’analyser avec soin les étapes de la controverse, pour comprendre plus
précisément la logique et le bon sens de la doctrine cinématographique de Pagnol. A
explorer ces idées, nous comprendrons comment deux artistes dont les conceptions
apparemment si opposées, on pu accéder à une telle réussite dans le même art. Les
1
Nous faisons ici référence à une interview de Pagnol dans Candide par René Régent datée du 12 octobre 1933,
dans laquelle l’auteur déclarait que le film parlant était « la nouvelle formule du théâtre ».
15
premiers échanges entre l’auteur et René Clair symbolisent clairement un affrontement
entre deux mondes.
Elevé à l’école de l’esthétique visuelle, René Clair s’était imposé dès ses débuts
comme une figure du cinéma d’avant-garde. En 1928, le cinéaste se trouva donc tout
aussi déstabilisé que l’industrie par l’arrivée des films sonorisés. Là où l’industrie
avait trouvé son compte dans le caractère purement visuel du muet, moyen de diffuser
internationalement chacune de ses productions, René Clair s’enchantait du caractère
universel de la poésie visuelle, et n’avait dès lors rien cherché d’autre qu’un nouveau
langage totalement épuré de littérature. Son génie avait fait de lui un artiste accompli
et ses films avaient su explorer à fond les ressources d’un moyen d’expression, en
cherchant toujours, notamment, à employer le moins possible les cartons, dont
l’essence verbale venait rompre l’esthétique des images. Or, ce cinéaste du muet ne
comprit pas immédiatement la nouveauté que constituait le film parlant. L’assimilation
entre ces deux moyens d’expression est fort logique, et Pagnol l’explique très bien
dans sa dernière version de la Cinématurgie de Paris. Elle provient entre autres du fait
que les procédés techniques employés nécessitaient, en partie, le même savoir-faire,
donc les mêmes équipements. On associa ainsi évidemment cette avancée à un
perfectionnement du cinéma muet et cette assimilation aboutit à une confusion dans les
termes. En conservant le mot « Cinéma » pour désigner deux moyens fort différents
dans leur essence, on obscurcissait a priori les débats destinés à comprendre le
phénomène du parlant. C’est ainsi que René Clair demeura dans un premier temps
aveuglé par son passé, dont l’accomplissement artistique et théorique justifie
pleinement ses regrets de l’époque.
Dès les premières expériences du cinéma sonore, René Clair s’inquiéta, et à
juste titre, des dangers que cette pratique pouvait représenter pour son art. Au constat
de son succès, l’auteur se plia rapidement à cette nouveauté, d’une part, car l’industrie
ne pouvait dès lors que l’y contraindre, d’autre part, car l’auteur, dans sa qualité de
pionnier, avait acquis l’ouverture nécessaire pour suivre le public dans le sens de la
révolution. Cependant, il n’en saisit pas encore l’ampleur, et s’employa à n’user du son
que pour perfectionner la conviction esthétique élaborée au temps du muet. C’est ainsi
qu’à l’occasion de la sortie en Allemagne de Sous les toits de Paris, sa première
16
œuvre sonore, en août 1930, il déclarait: « Le film parlant européen peut se sauver à
condition de garder, grâce à ses images, assez d’intérêt pour, au besoin, pouvoir être
saisi par un public dont la majorité même ne comprend pas le texte (ce qui sauve, en
partie, l’héritage du film muet), et de n’utiliser la parole que de manière brève[…], en
proscrivant les longs dialogues, les scènes où le texte est tout, les effets d’éloquence ou
les mots d’auteur, en somme tout ce qui vient du théâtre et menace de mort du
cinéma. »1
Inutile de chercher, en apparence, point de vue plus opposé à celui de Pagnol.
De fait, la querelle entre les deux hommes était alors bien engagée. En juillet 1930,
René Clair avait en effet saisi le prétexte de l’article de Pagnol dans le Journal, pour
lui répondre2 ainsi qu’à tous les partisans de la pratique alors fort récente du théâtre
filmé. Or, la première erreur du cinéaste fut d’assimiler Pagnol à ces derniers, sans
véritable égard pour le raisonnement du dramaturge. Cette assimilation impliqua une
lecture biaisée des propos de Pagnol, où Clair ne cessa de confondre avec lui moyen et
essence. Revenons sur les reproches qu’il lui adressa alors, et qui contiennent déjà à
peu près toutes les critiques que les détracteurs de Pagnol ne cessèrent de lui adresser.
Elles stigmatisent plusieurs phénomènes. Indépendamment de la réponse, l’auteur
manifestait tout d’abord une amertume évidente face à l’investissement par des
hommes de lettres d’un art dont les cinéastes du muet ne concevaient pas encore le
changement et qu’ils s’étaient, en fait, approprié. Les édificateurs du muet se sentirent
en effet à l’époque blessés dans leur amour propre, car certains dramaturges, sans les
convoquer, manifestaient un intérêt nouveau pour leur art, semblant reléguer au
second plan toutes les entreprises antérieures du Septième art en se proclamant soudain
prophètes du parlant3.
Pour autant, si cette attitude condescendante a pu caractériser certains auteurs
dramatiques partisans du film parlant, ce ne serait pas faire justice à Marcel Pagnol
1
Pour Vous, interview de Nino Franck, le 28.
cf. annexes, Pour Vous, 3 juillet 1930
3
« Certaines déclarations (…) s’ajoutèrent à celles de M. Pagnol et mous apprîmes ainsi que le cinéma n’était
rien jusqu’à ce jour, mais qu’il allait devenir quelque chose quand sa direction « intellectuelle » appartiendrait
aux auteurs de théâtre, de romans ou d’alexandrins, à tous les auteurs imaginables, sauf aux auteurs de films. (…)
tout ce qui justifie à nos yeux l’existence du cinéma est l’œuvre d’hommes « du métier », de véritables auteurs
de films. (…) »
2
17
que de la lui attribuer. Pagnol, en effet, nous le verrons dans sa Cinématurgie,
observait un grand respect pour ce que les cinéastes talentueux avaient produit
jusqu’alors. Plus tard, il vantera notamment les mérites de Chaplin et ceux de René
Clair. Pagnol se situe, en réalité, au-delà de ces considérations, il ne se pose pas encore
réellement la question de savoir qui, des cinéastes installés ou des auteurs dramatiques,
saura user du cinéma parlant. Ce qu’il croit, purement et simplement, c’est que
désormais le cinéma doit se frayer une place parmi les arts dramatiques, et que le film
parlant est un nouveau moyen au service du texte, du dialogue, donc de l’écrivain.
Cela il le pense théoriquement – et honnêtement, avec un certain recul. Dans son
article du Journal, il avait par ailleurs appréhendé le rôle que pouvait jouer l’image à
cet égard. Là où il se démarquait des gens du cinéma de l’époque, c’était en mettant le
son sur le même plan que l’image, en leur attribuant à tous deux, non pas les mêmes
effets, mais les mêmes fonctions, soumises à la volonté de l’art dramatique.
Une autre critique classique, cette fois-ci directement adressée à Pagnol,
s’attaquait à son sens des affaires indéniable, et qu’on lui a souvent reproché de
confondre avec ses entreprises artistiques. Ainsi donc, René Clair voyait dans les
ambitions cinématographiques de Pagnol un intérêt purement lucratif1. L’auteur n’a
jamais répondu à ces allégations, mais il nous semble qu’il s’agit là d’un faux débat, et
nous dirons avec Yvan Audouard2 : « En fait, il était « aussi » doué pour les affaires. Il
n’y a pas à en rougir […]. Mais j’ai du mal à croire que ce sont les mêmes qualités qui
lui ont servi à écrire Marius et à en assurer l’exploitation harmonieuse. » Ce que
Pagnol désirait, tout au plus, c’était conquérir un public plus large, car l’auteur s’était
toujours défendu d’un art élitiste. De fait, Pagnol tenait sa création à l’écart de la
critique, car ses œuvres, toutes littéraires qu’elles fussent, se voulaient atteindre un
public qu’il considérait comme le meilleur des juges. Cela, Marcel Pagnol le défendra
toujours. D’autre part, remarquons encore une fois que le sens des affaires de Pagnol a
servi son art. Grâce à lui, il a su préserver son indépendance artistique, n’hésitant pas,
1
« Cet auteur, étonné d’apprendre que les recettes produites en un mois par un film étaient plus fortes qu’une de
ses pièces en un an, se sentit soudain attiré par l’écran et proclama que désormais le cinéma serait la propriété
des auteurs dramatiques ou ne serait pas. »
2
In Audouard raconte Pagnol, Stock, 1973, p. 166.
18
précisément, à investir ses seuls capitaux dans son cinéma. Mais à l’instar de Pagnol,
considérons que le débat est vain.
La réponse de René Clair, par la suite, s’engageait à présager des qualités
nécessaires à qui veut édifier un art dont il convenait ici qu’il s’agissait d’une « forme
d’expression nouvelle » : « Ces hommes nous ne les trouverons pas, sinon par hasard,
parmi ceux qui ont consacré leur activité au théâtre et à la littérature. » Heureux hasard
que le cas Pagnol, qui sut à sa manière se placer parmi « ceux qui ont la passion du
cinéma, qui l’aiment pour lui-même et non seulement comme une source
providentielle de profit ». Ici, René Clair insistait sur l’apprentissage fastidieux que
devraient suivre de tels cinéastes. L’on sait déjà combien Pagnol allait s’investir à ses
débuts, dans l’aspect technique du métier. On observera également que cet aspect
resterait toujours l’une de ses préoccupations, de telle sorte que dans sa propre revue, il
confia à des ingénieurs le soin d’expliquer au lecteur les notions purement
scientifiques liées à l’élaboration des films.
La conclusion ironique1 de l’article de René Clair fit, selon lui, couler beaucoup
d’encre à l’époque. En plus de manifester, là encore le sentiment des cinéastes qui
considéraient que leur art était comme pris en pitié, René Clair réaffirmait son désir de
ne trouver aucune trace de littérature. Marcel Pagnol n’avait pas participé au débat
artistique des cinéastes muets, mais l’on conçoit combien la vision qu’il avait déjà de
son art lui permit de se placer au-delà des écueils d’un certain cinéma de l’époque, en
inversant totalement cette hiérarchie. Les premiers termes de cette querelle manifestent
ainsi davantage l’aveuglement d’un univers artistique bouleversé qu’un véritable
affrontement théorique. A relire l’article de René Clair, on s’aperçoit que ses assauts
ne visent pas à décrier les propos de Pagnol, mais bien sa démarche. En cela, il ne
détenait rien de véritablement constructif, et n’a de valeur que symbolique. Il
représente le point de rencontre de deux écoles esthétiques dont l’une accorde la
primauté à l’image, l’autre au texte. Mais en incluant Pagnol parmi les partisans du
théâtre filmé, René Clair allait être à l’origine d’une vaste confusion sur les vues de
1
« Il est bien évident que si M. Pagnol ne donne aucun conseil à Charlie Chaplin, si M. José Germain ne vient
pas en aide à Poudovkine, si M. Kistemaekers ne secourt pas King Vidor, ces auteurs de films, abandonnés à leur
seule inspiration, seront perdus. Ils n’auront plus qu’une seule ressource : faire des films où l’on ne trouve trace
ni de théâtre ni de littérature. C’est grâce que je leur souhaite. »
19
Pagnol, qui du reste, commettra un temps l’erreur de répondre effectivement de cette
école – erreur compréhensible dans la mesure où le théâtre filmé, on l’a vu, se plaçait
également du côté du texte, mais d’un texte, essentiellement, bien différent –, alors
même que ses théories s’en démarquaient radicalement.
B – Vers une quête théorique
Il faudrait attendre quelque trois années pour que la querelle se défît en partie
des invectives ad hominem, dont les préjugés fondamentaux persistèrent cependant.
Trois années : le temps pour les deux cinéastes d’explorer cet art nouveau. Pendant
que Pagnol, fort du succès de Marius, s’enthousiasmait pour le film parlant en édifiant
sa maison de production et en s’égarant dans la réalisation de théâtre filmé ; René
Clair, lui, vécut une véritable période de marasme artistique durant laquelle il regretta
amèrement la période du cinéma muet tant l’usage du répertoire théâtral relevait pour
lui d’un cinéma d’attraction, dans lequel l’image avait perdu tout son prestige. « Je ne
connais pas le film parlant ! allait-il même déclarer en juin 1931 1 . Le cinéma doit
compter sur la voix, jamais sur la parole. » Entre 1930 et 1933, le cinéaste réalisa ainsi
trois films : Sous les toits de Paris, A nous la liberté et Quatorze Juillet. Si les deux
premiers rejoignaient la quête du film universel propre à son passé, en réduisant la
parole à sa plus simple expression pour s’attacher davantage au son et aux bruits,
Quatorze Juillet s’en démarqua par la quantité de dialogues. A sa sortie, le cinéaste
s’expliqua en ces termes : « On a un peu trop pris l’habitude de juger du caractère
cinématographique d’un film d’après la brièveté de son dialogue. On parle beaucoup
dans 14 Juillet et cependant je pense que c’est du cinéma. Le dialogue reste un fond
sonore. Les personnages parlent chaque fois que cela leur est naturel, mais ils ne
racontent pas l’action. L’important, c’est que le scénario d’un film soit basé ou non sur
l’image. Je crois qu’un étranger ou un sourd comprendront l’intrigue de 14 Juillet.» 2
Dans le même temps, Pagnol rêvait d’obtenir un jour un prix littéraire pour l’un de ses
scénarii.
1
2
A Pierre Leprohon pour Cinémonde, le 25 juin.
A François Vinneuil pour Candide le 12 janvier 33
20
En décembre 1933, après cette période d’exploration parallèle du parlant,
Marcel Pagnol relança fortement le débat en créant avec Gabriel d’Aubarède une revue
cinématographique : Les Cahiers du Film, destinée à édifier publiquement sa théorie.
Des trois numéros tirés à 5000 exemplaires qui sortirent respectivement le 15
décembre, le 15 janvier et le 1er mars, l’auteur ne vendit pas la moitié ; mais cela suffit
à orienter conséquemment la querelle vers une quête plus théorique. L’auteur entreprit,
dans les premières pages de chaque exemplaire, d’exposer sous forme de feuilleton
une doctrine cinématographique intitulée Cinématurgie de Paris1. Les autres articles,
confiés qui à ses collaborateurs, qui à des ingénieurs, s’employaient à appuyer cette
démarche en épuisant tous les aspects du film, des plus techniques aux plus abstraits.
Mais ce sont principalement ses idées qui suscitèrent le débat. Les trois chapitres qui la
constituaient s’employaient tout d’abord à ébaucher les orientations fondamentales du
cinéma parlant, puis à répondre aux détracteurs du cinéma selon Pagnol, enfin, à
étudier le devenir de la règle des trois unités au cinéma. L’on voit déjà combien la
démarche de Pagnol, toute littéraire, s’impose brutalement à l’univers du langage
visuel.
Dans le premier épisode2 de la Cinématurgie, Pagnol s’attacha préalablement à
interroger le film parlant en revenant sur l’histoire du cinéma dès le temps du muet.
Pour cela, il imposait un constat préalable : « Le muet est mort, le théâtre et à
l’agonie », faute de commerce pour les nourrir. Ce fut là la méprise principale de
l’auteur, qui, sans tenter de définir alors le théâtre, aboutit à une vision pragmatique de
son destin, que l’avenir démentirait. Cette absence de définition le conduisit aussi trop
souvent à substituer le terme de « théâtre » à celui d’ « art dramatique », autorisant
ainsi des contresens légitimes sur sa théorie. Dans ce premier chapitre de la
Cinématurgie, on s’aperçoit ainsi que la théorie de Pagnol n’est cohérente que si l’on
remplace le mot « théâtre » par les termes d’ « art dramatique », - exception faite de
quelques emplois, dont celui de la phrase suscitée. Car l’auteur, fondamentalement, ne
signifie pas autre chose que cela.3 Pour lui, ce n’est donc pas, quoi qu’il en dise, le
1
Il s’agit là de la première version, l’auteur publia dans les journaux puis dans ses œuvres complètes sous le
même intitulé des versions totalement reformulées de cette théorie entre 1939 et 1966.
2
Voir annexes.
3
Au reste, lorsqu’il éditera la version définitive, totalement reformulée, de la Cinématurgie, en 1966, l’auteur
prouvera qu’il avait pris conscience de cette méprise, en distinguant strictement les deux termes.
21
théâtre mais bien l’art dramatique qui renaît avec le cinéma 1 . Dans cette logique,
l’agonie du théâtre « art dramatique » n’est plus à ressentir douloureusement,
puisqu’elle trouve un support d’expression nouveau voué au plus grand succès. Làdessus, Pagnol revient sur l’histoire du cinéma muet, héritage du pantomime – cette
idée, René Clair ne voulait pas l’admettre - et qui ne peut en cela servir le parlant, car
ce dernier est lui-même l’héritier du théâtre et doit comme lui s’employer à mettre en
scène la parole. D’un point de vue pragmatique, cette thèse est évidente et c’est ainsi
qu’il faut la lire. Elle n’accède au raisonnement ontologique qu’en filigrane. Pagnol
comprend en fait malgré lui l’essence du cinéma en questionnant les outils que cet art
emploie, et ce n’est qu’en comprenant ainsi ses théories que l’on peut saisir en quoi
elles ont porté son œuvre cinématographique. Voilà pourquoi, également, Pagnol a su
comprendre avec tant de justesse le caractère novateur du parlant2.
René Clair, lui, fait partie de ces cinéastes qui ont justement cherché à définir
l’essence de leur art. Dans cette logique, il s’insurgea, et avec lui de nombreux
critiques, dont le fameux critique de théâtre Emile Vuillermoz, contre ces théories de
Pagnol. L’auteur ne tarda pas à leur répondre, en consacrant le deuxième chapitre de sa
Cinématurgie3 à confondre ses détracteurs qui qualifiaient ses productions de « théâtre
en conserve », par une énumération des ressources nouvelles qu’apportait le cinéma au
dramaturge. Encore une fois, l’auteur interrogeait les moyens. Dans ce vaste quiproquo
qui s’envenimait, René Clair répondit sévèrement, voir injurieusement, à l’auteur, par
un article de Candide daté du 22 février 19344. Outre les arguments ad hominem de
mise, René Clair profita de cette article pour définir le cinéma parlant, admettant que
celui-ci « s’apparente au théâtre par sa structure et au roman par sa forme » pour
mieux critiquer le phénomène conjoncturel d’appropriation du cinéma par le théâtre et
rejeter ainsi l’intégralité des films de Pagnol : « quand il aura vraiment travaillé pour
l’écran, il pourra parler du cinéma comme il voudra. » La querelle se poursuivit en ces
termes un certain temps, puis resurgit à l’occasion, jusqu’en 1945 où Marcel Pagnol
1
Notons ici que cette méprise n’est pas négligeable, car à la même époque, Pagnol fait la promotion de ses
réalisations, qui sont autant d’exemples de théâtre filmé, et que dans la même veine, il avait déclaré en octobre
1931 à Roger Régent (le 12, dans Candide) un contresens notoire : « Mais il [le cinéma] est lui-même du
théâtre. »
2
Voir III.
3
Cahiers du film du 15 janvier 1934.
4
Voir annexe E.
22
déclara : « Sans l’avouer, nous nous sommes mutuellement convaincus. Il s’est mis à
faire des films parlants qui parlent. J’ai cherché, à cause de lui, à réaliser des images.
Si notre querelle continue et je crois qu’elle durera aussi longtemps que notre amitié,
qui est parfaitement indestructible, je finirai par tourner des films muets, pendant qu’il
fera du charme à la radio. » Les concessions publiques de Pagnol sont si rares qu’elles
nous portent à envisager sérieusement leur contenu. Analysons donc en quoi ces deux
visions du cinéma ont pu se reconnaître mutuellement, au moins dans une même
réussite cinématographique.
C – Un compromis artistique
Aux dires de Pagnol, le débat fut constructif, voire constitutif de leur art
réciproque. René Clair cependant restera toujours convaincu d’un désaccord esthétique
profond, tout en admirant certaines œuvres de Pagnol. En 1950, il affirmait
toujours : « Marcel Pagnol fut sans doute un des premiers à oublier que, selon sa
propre formule le film parlant est l’art d’imprimer, de fixer et de diffuser le théâtre, ou,
s’il ne l’oublia pas tout à fait, il fit preuve d’une distraction des plus heureuses quand il
composa des films comme Angèle, La Femme du boulanger, ou Manon des sources. »1
René Clair citait là précisément l’une de ces phrases où Pagnol confond théâtre et art
dramatique. Telle quelle, cette phrase est effectivement indéfendable : elle n’a même
aucun sens. Marcel Pagnol ne pensait évidemment pas que le cinéma était strictement
équivalent au théâtre, il en avait au contraire entrevu la différence matérielle. L’auteur
voulait en fait exprimer par là la soumission d’un art d’expression, « art mineur », à un
« art majeur » 2 , de création, qui ne peut être le théâtre – dont Pagnol connaît
concrètement les caractéristiques –, mais bien l’art dramatique. Cet art, il le définira
plus tard comme celui de «raconter des actions et d’exprimer des sentiments au
moyens de personnages qui agissent et qui parlent », et qui s’incarne au moyen des arts
mineurs que sont, entre autres, le théâtre et le film parlant. Pagnol considère donc, et a
1
2
René Clair, Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui, Gallimard, 1970, p. 264.
Ce sont là les termes employés par Pagnol, qui heurtèrent beaucoup les représentants des « arts mineurs ».
23
toujours considéré, que ces arts d’expression ne sont que des moyens de faire valoir la
parole dramatique.
De son côté, René Clair voyait dans le cinéma un langage avant tout visuel, au
sein duquel la parole n’a de légitimité que lorsque les « personnages parlent chaque
fois que cela leur est naturel, mais ne racontent pas l’action ». Pour simplifier, Pagnol
tendait à soumettre son cinéma à la parole, là ou René Clair voulait le soumettre à
l’image. Or, nous allons voir que c’est justement sur les points qui semblaient le plus
les opposer : l’usage de la parole et de l’image, que les deux cinéastes se rencontrèrent
théoriquement et dans leur art.
Dès 1930, Marcel Pagnol appréhenda les apports du cinéma pour son écriture.
En 1933, dans la Cinématurgie de Paris, il ne faisait pas autre chose. Libérée des
contraintes scéniques par la coupure, la parole dramatique se passait désormais de tous
les subterfuges verbaux nécessaires à la compréhension de l’intrigue pour le public. En
d’autres termes, le cinéma débarrassait l’auteur des contraintes que sont l’unité de
temps et de lieu, réduites à leur plus simple expression : la scène et la continuité de la
représentation. Dès lors, que reste-t-il de la parole dramatique sinon une parole qui
n’existe, pour reprendre la définition de la parole cinématographique d’André Bazin
que « par elle-même et pour elle-même » 1?
Ainsi donc, le cinéma permet au dramaturge d’épurer son dialogue en
n’imposant strictement rien d’autre à son créateur que l’intrigue, autre ferment de l’art
dramatique selon Pagnol. L’auteur va même plus loin : le film devient la forme la plus
parfaite de l’impression de ce dialogue. Certes, le dialogue doit atteindre à une
perfection telle qu’il mériterait un prix littéraire 2 , mais le meilleur support de ce
dialogue se trouve bien dans le film, non pas dans le livre où les didascalies viennent
l’interrompre - nous parlons bien entendu ici des dialogues de Pagnol, édités sous une
telle forme- . Or, si la parole surgit au mieux grâce au support filmique, c’est bien que
l’image animée remplace précisément les didascalies, et les « chevilles » théâtrales3,
devenant ainsi le complément essentiel du dialogue, l’autre pendant du film parlant. En
1
Qu’est-ce que le cinéma ?, Le Cerf, 1985, 2002, p.181.
Pagnol estimait que les scenarii obtiendraient un jour des prix littéraires, cf. Candide, 12 octobre 1933,
interview de Roger Régent.
3
Tous ces dialogues décrivant ou justifiant l’action. Voir la Cinématurgie de Paris, version de 1933-34.
2
24
explorant donc entièrement le raisonnement de Pagnol, on constate que l’image
cinématographique, si elle veut faire surgir le dialogue, doit être tout aussi soignée, car
elle lui est complémentaire du point de vue supérieur de l’intrigue, c'est-à-dire de l’art
dramatique. Plus ces deux aspects là sont aboutis dans la réalisation d’un film, plus ils
participent à sa perfection artistique. Cela explique sans doute pourquoi Pagnol s’est
instinctivement plié aux remarques de René Clair, sa théorie même ne lui permettait
pas d’ignorer l’importance de la qualité esthétique d’un film.
René Clair défend pour sa part, en premier lieu, l’image, ou plutôt le langage
visuel. L’idéal que René Clair recherchait, celui du « cinéma intégral »1, qui selon lui
ne prévalut jamais, aurait été un art dont l’image eût été le seul langage. Dans un tel
système, la parole, si on l’emploie, ne peut être rien d’autre qu’un « fond sonore »,
c’est-à-dire un agrément esthétique de la contemplation. Or, l’essence du langage ne
permet pas de demeurer indifférent au sens de la parole, elle détourne nécessairement
le contemplateur du langage visuel, elle ne peut pas être un ornement. Dès lors, la
seule solution était le cinéma muet. Mais René Clair a tout de même adopté le parlant.
Tout porte donc à croire que le cinéaste a cherché, en accordant la primauté à l’image,
à lui faire porter le sens profond de son cinéma. Or si le langage premier se trouve
dans l’image, que devient la parole sinon, dans son essence, la même que Pagnol ?
Une parole libre, qui vibre par elle-même et pour elle-même. Ce qui sépara ainsi les
deux auteurs dans leur art ne semble donc pas se trouver du côté de l’essence, mais
bien plus du côté de la quantité. Ce sens des priorités – car il ne s’agit pas d’autre
chose – produisit, chez René Clair, un cinéma caractérisé par la qualité visuelle, mais
où la parole a dans l’idéal la même fonction que la démesure verbale propre aux films
de Pagnol. Voilà pourquoi l’un comme l’autre ont su porter leur art à un même
aboutissement : l’un, en libérant la parole théâtrale, grâce à l’image cinématographique,
de son carcan utilitaire ; l’autre, en faisant surgir dans ses images la parole pure.
Le compromis de cette controverse ne se trouve donc réellement inscrit que
dans les œuvres de Marcel Pagnol et de René Clair. Ce point de jonction semble
particulièrement représentatif d’un cinéma parlant qui se cherche, s’égarant pour une
1
Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui, Gallimard, 1970, p. 265 : Clair reprend dans ce passage des propos datés
de 1950.
25
part, dans le théâtre, où la parole est le seul moteur, pour une autre part, dans la quête
renouvelée du langage visuel pur, pour résoudre l’opposition en trouvant une juste
définition de la parole cinématographique. A la nuance près que cette parole, Pagnol
en avait en fait cherché, et trouvé, le bon emploi dès le début, et l’avait concrétisé dans
sa collaboration avec Alexander Korda, co-réalisant ainsi l’un des premiers films
parlants. Citons ici cette remarquable synthèse de Labarthe1 : « A nos yeux, le cas
Pagnol (…) illustre à merveille l’un des grands paradoxes qui ont marqué cette époque
troublée que fut le passage d’un art de l’image à un cinéma qui parle, à savoir que ce
sont souvent les hommes le moins armés techniquement qui ont le mieux saisi le sens
de la révolution, comme si, loin de leur nuire, la méconnaissance des règles en vigueur
leur avait au contraire garanti la liberté, la simplicité, bref cette fraîcheur dans
l’invention que nous admirons tant aujourd’hui. » Munis de cette analyse, nous allons
désormais expliquer en quoi le rôle de Marcel Pagnol a été décisif pour la légitimation
artistique du cinéma parlant.
III – Le rôle de Pagnol dans la légitimation artistique du cinéma parlant
A – De l’attraction à l’oeuvre cinématographique
« Le public de cette époque était tout naturellement intéressé par ces
photographies sonores : il serait venu voir un chef de gare lisant à haute voix les
horaires des chemins de fer. 2 » Ainsi Pagnol résume-t-il le phénomène du cinéma
d’attraction, caractéristique du mouvement d’intérêt populaire – au sens large - suscité
par toute avancée technologique. Aux talkies, il semble légitime d’associer le théâtre
filmé, qui ne fut en fait rien d’autre qu’un phénomène spectaculaire, à la différence
qu’il amena le cinéma sonore à faire véritablement usage de la parole. Le théâtre filmé,
à ne pas confondre avec toutes les adaptations de pièces de théâtre au cinéma, résultait
d’une incompréhension fondamentale du cinéma : les acteurs interprétaient leur rôle
1
2
Dans un article de 1965 (in Les Cahiers du cinéma, n°173, décembre).
In Les Cahiers du film, décembre 1965, article « Cinématurgie de Paris »
26
comme au théâtre et les réalisateurs respectaient scrupuleusement le temps de la
représentation, jouant de procédés proprement théâtraux pour les entrées et les sorties
des personnages. Citons pour l’exemple le premier film parlant de Jean Renoir : On
purge bébé 1.
Dès la première version de la Cinématurgie de Paris, Marcel considérait Jean
de la Lune, adaptation d’une pièce Marcel Achard par Jean Choux sortie en 1931,
comme le véritable premier film parlant. Mais là où le fameux critique André Bazin
voyait cette réussite comme une « exception2 incompréhensible, au seuil du cinéma
parlant», Marcel Pagnol se réclamait, en citant cette référence, de la même démarche
que Jean Choux. De fait, dès 1931 avec Marius, puis Fanny, l’auteur faisait également
figure d’exception dans le paysage cinématographique. Si la critique n’en convint pas
toujours, invoquons pour lui la postérité des films cités. Parmi ses premières
réalisations, les pièces adaptées en 1933 et début 1934 n’ont pas survécu à l’épreuve
du temps, mais Marius et Fanny restent : ils relevaient déjà du cinéma parlant.
Attachons-nous à analyser les raisons de cette réussite cinématographique. Contre
certaines critiques de l’époque qui attribuaient exclusivement le succès de Marius au
talent de Korda, nous avons déjà expliqué combien la présence de Pagnol a été
déterminante dans l’élaboration des dialogues3. La qualité de la réalisation de Fanny
n’est pas aussi aboutie, d’une part car les directives de Pagnol s’étaient entre temps
radicalisées – son texte n’avait pas bénéficié d’autant de coupures – , d’autre part car
Allégret, en dépit de son talent, avait trop usé de procédés théâtraux.
Comment donc comprendre cette réussite cinématographique ? Bazin a
remarquablement analysé ce phénomène, trouvant là encore une explication du côté de
la parole. Pour le critique, la parole cinématographique constitue un « fait concret,
exist[ant] par et pour elle-même » et s’oppose à la parole théâtrale « abstraite, [qui] est
elle-même, comme tout système scénique, une convention ». Or, cette concrétude
réside dès Marius et Fanny dans l’accent marseillais « consubstantiel au texte » des
héros de Pagnol. C’est donc grâce à la nature de la parole que les premiers films de
1
Cette adaptation de Feydeau constituait en fait une mise à l’épreuve exigée par les studios pour accepter
ensuite la production de son projet initial : La Chienne, véritable film parlant. Renoir n’avait donc pas eu d’autre
choix que de se plier momentanément aux pratiques en vigueur.
2
C’est nous qui soulignons.
3
Voir I B.
27
Pagnol accédèrent à l’essence cinématographique 1 . Voilà qui justifie pleinement le
succès persistant des premiers films de Pagnol et qui le range parmi les précurseurs du
cinéma parlant. Cela, nul autre dramaturge que lui n’a su alors le réaliser - Sacha
Guitry, à la même époque, se méfiait du parlant. Ce que Pagnol a apporté au film
parlant dès 1931 n’est rien d’autre que la parole cinématographique, dans des
dialogues de qualité.
Or, pour porter son art, Pagnol bénéficiait alors de deux atouts : son prestige de
dramaturge, qui conduisit un public large au vrai film parlant et le succès du théâtre
filmé, dont il bénéficia du même coup. L’amour du public, Pagnol l’avait conquis sur
scène, en proposant les pièces populaires et littéraires qui font les grands auteurs. Il ne
manqua jamais, au cinéma, de poursuivre cette voie. A la même époque, rappelons que
René Clair s’indignait du mauvais goût des Français en matière de cinéma : que n’eûtil questionné cet attrait populaire pour le théâtre filmé ? Pagnol maîtrisait parfaitement
l’usage de la réplique parce qu’il écoutait réellement son public dont il retenait, seules,
les critiques. Ainsi libéré, l’auteur assurait esthétiquement et théoriquement
l’indépendance de sa création. Et le génie de ses textes s’en trouvait bien. Sans doute
est-ce là même le lieu de son génie : une perception si fine des rapports humains
qu’elle avait toujours su exprimer l’universel dans ce particulier qu’est le genre
populaire. En témoigne le succès international de ses œuvres régionalistes. De son
passé de dramaturge, Pagnol conserva ainsi la qualité littéraire de ses dialogues. En
l’employant, il atteint à un degré exagéré l’esthétique du parlant dont il fut l’un des
plus grands auteurs, à tel point qu’il autorisa l’auteur à publier ses scenarii. Dès le
début, l’auteur avait ainsi conquis son public avec de véritables films parlants ; l’élite
ne le rejoindra que plus tard.
Qu’en est-il de ses théories ? Elles ont, nous l’avons vu, suscité un important
mouvement d’idées. Leur mérite dans la légitimation artistique du film parlant est
d’avoir détourné le discours cinématographique de l’image, pour interroger la
nouveauté que représentait la parole, l’inscrivant ainsi dans l’identité de ce moyen
d’expression artistique. Le théâtre filmé participe également de ce débat, puisqu’il a
1
A cet égard, Bazin va même plus loin : « Mais Pagnol a-t-il jamais fait autre chose que d’écrire pour l’écran des
textes qui pouvaient aussi à la rigueur être portés à la scène ? ». In Qu’est-ce que le cinéma ?, Le Cerf, 1985,
2002, p.181
28
forcé, par le succès de ses productions, l’usage de la parole. Mais Marcel Pagnol fait
partie de ceux-là qui avaient compris trop tôt la nouveauté essentielle de la parole
cinématographique. Cette précocité lui joua des tours, puisqu’elle fut aveuglée un
temps par le théâtre filmé ; mais elle lui permit, du même coup, de renoncer
instinctivement, là encore très tôt, à cette pratique. L’intuition initiale n’en était donc
pas moins véridique. Dans tous les cas, Marcel Pagnol fut le premier cinéaste à vouloir
établir une doctrine du film parlant à la mesure de celle qu’avaient engagée les
théoriciens au temps du muet. C’est ainsi qu’il fût alors le premier cinéaste à saisir et à
souligner la véritable nouveauté de ce moyen d’expression, le démarquant
immédiatement d’un simple perfectionnement du muet.
Pagnol apparaît donc comme une figure emblématique et constitutive du cinéma
parlant. Il a participé à sa construction pour le faire accéder, dans son œuvre comme
dans sa quête théorique, à la même reconnaissance que le muet auparavant, ou même
que le théâtre. Cet art tant défendu, il y fit accéder un public nombreux, sans pour
autant dévoyer la qualité de son œuvre. Il sut ainsi tout à la fois voir dans l’attraction le
moyen d’expression artistique et le soumettre à son ambition, refusant la mainmise des
théoriciens cinématographiques de l’époque. Cette indépendance jalousement
recherchée constitue à elle seule un phénomène unique dans l’histoire des débuts du
cinéma et participe de la réussite artistique du cinéaste.
B – Une indépendance artistique exemplaire
Indépendance est le maître mot de toute la carrière artistique de Pagnol. En
1952, Bazin affirmait : « Le seul auteur qui puisse lui être comparé aujourd’hui est
Chaplin et pour une raison précise : parce qu’il est aussi avec Pagnol le seul auteurproducteur libre. »1 L’indépendance de Pagnol fut avant tout matérielle et lui évita de
tomber dans les rouages industriels du cinéma. Avant même l’acquisition de sa maison
de production, l’auteur avait manifesté cet appétit de liberté en refusant la première
offre d’adaptation de Marius. Sans cela, l’auteur se serait vu réellement déposséder de
son œuvre, étant donné alors les pratiques de la Paramount, qui confiait à ses équipes
1
Op. Cit. p. 184
29
la réécriture des pièces de théâtre adaptées. Dès qu’il disposa des capitaux nécessaires,
Pagnol investit donc logiquement dans une maison de production et de distribution qui
allait lui garantir tout au long de sa carrière le contrôle de ses œuvres. C’est ainsi qu’il
put se permettre tout à la fois de tomber dans le théâtre filmé, puis de l’abandonner.
Par la suite, il investirait dans des studios à Marseille qui accueillirent les grands noms
du cinéma d’avant-guerre, dont Jean Renoir, et plus tard, dans une maison d’édition
destinée à éditer ses scénarii.
Vis-à-vis de la critique, Pagnol observa la même politique. Sa théorie d’un
cinéma soumis à l’art dramatique, il la défendit toujours et à ces fins, entreprit même
la création des Cahiers du film. Cette attitude fut déterminante pour le débat théorique
qu’elle engendra, mais également pour l’art de Pagnol. Ainsi ne prêta-t-il pas l’oreille
aux sarcasmes que lui adressa, par exemple, l’école surréaliste, dont beaucoup
d’hommes de Lettres1, tout au long des années trente. L’auteur s’employa toujours à
n’écouter que son avis pour se construire une véritable identité artistique. Ce n’est que
grâce à cela qu’il put notamment se permettre une telle disproportion verbale, dont le
sermon de Manon des sources est un exemple criant, mais qu’il mit en avant dès
Marius, faisant même de la longueur du dialogue un argument publicitaire. Or, cette
démesure de la parole fut un aspect véritablement identitaire de l’art de Pagnol, un
coup de maître permanent dans ses œuvres, qui fit de lui, par excellence, un prophète
du cinéma parlant. Il faut en prendre son parti, dans une perspective critique, Marcel
Pagnol était un auteur à contre courant. Pagnol se fit par exemple énormément
d’ennemis en qualifiant dès 1933 le cinéma d’ « art mineur ». Ces termes, il les
employa toute sa vie, non pas uniquement par provocation, mais bien parce qu’ils
énonçaient une réalité profonde de son activité artistique, n’en déplaise à la critique.
Sa carrière artistique n’est pas en reste. Dans ses films, Marcel Pagnol, c’est là
le secret de sa réussite, a toujours cherché à maîtriser tous les aspects. Avant toute
chose, l’auteur assura son indépendance par le choix de son équipe, acteurs compris.
Constituée dès les années trente, elle lui garantit de préserver l’intégrité de ses films.
En n’employant que des fidèles, dont la monteuse et scripte Suzanne de Troye et le
1
L’école surréaliste avait largement contribué au développement du cinéma muet d’avant-garde, et critiqua
nécessairement le cinéma parlant, par des propos acerbes.
30
musicien Vincent Scotto, Pagnol garantissait le respect de ses directives artistiques,
tout en travaillant dans une atmosphère de confiance qui garantit notamment
l’ambiance particulière des tournages de Pagnol. Si nous évoquons cette ambiance,
c’est parce que son insouciance – les parties de pétanques monopolisaient parfois des
journées entières – n’était sans doute pas indifférente à l’esprit de la réalisation et la
qualité de l’interprétation des acteurs : tous semblaient y trouver une liberté qui
transparaît souvent dans leur jeu et que le cinéma de Pagnol semble comme réclamer.
Ces mêmes acteurs, dès les débuts de sa carrière théâtrale, Pagnol avait mis un point
d’honneur à les choisir, quelle que fût leur renommée : il avait compris l’apport de leur
jeu, à plus forte raison dans un film. Face au piège artificiel des vedettes des talkies,
l’auteur lança et imposa ainsi des futurs monstres du cinéma, tels Raimu ou Fernandel.
D’un point de vue technique également, l’auteur prit toujours le plus grand soin
à maîtriser au mieux les inconvénients matériels, afin que ceux-ci ne viennent pas
encombrer son art. Il avait compris, intuitivement et finement, la soumission du
cinéaste à la machine, et combien la technique était déterminante dans la mise en
scène. Cela explique par ailleurs l’intérêt qu’il leur portait dans les Cahiers du film. Un
tel constat explique aussi en partie pourquoi Pagnol voulut réaliser en 1933 et 1934 des
adaptations issues d’autres auteurs : pour mieux connaître son art, et dépasser ses
difficultés, il lui fallait passer par une appréhension plus technique que créative. La
technique demeura ainsi toujours sa bête noire, puisque ses ambitions tendaient à
soumettre le moyen d’expression cinématographique, dans son aspect matériel et
visuel, pour qu’il tende à servir de simple support à la création cinéaste.
Attitude logique, néanmoins exceptionnelle, de la part d’un serviteur de la
parole : l’aspect sonore revêtit une importance démesurée, à tel point que le cinéaste
passait le temps des prises de vue dans le camion du son. Nous sommes tenté de croire
également que le choix des décors naturels pour les tournages de Pagnol, ce refus alors
inédit du studio, engagé dès Angèle, provenait d’un même désir de liberté à l’égard du
support de son art : en garantissant a priori la logique des décors par la construction ou
l’utilisation de véritables bâtiments, Pagnol offrait aux comédiens et à la caméra un
31
espace de création considérable. L’usage du plan fixe1, que l’on a tant décrié chez
Pagnol s’inscrit également dans cette démarche : l’auteur veut soumettre l’image à son
art, non pas son art à l’image. Cette liberté de la création face au film, Pagnol l’offre
donc nécessairement au spectateur, par le plan fixe, en ne lui imposant pas une
contrainte visuelle mais en lui proposant de s’intéresser exclusivement à l’art
dramatique. Il n’en reste pas moins que l’auteur atteint dans l’image aux erreurs
cinématographiques. Car en refusant de faire de la caméra et de l’image une contrainte
de tournage, une problématique, l’auteur en vint précisément à favoriser les erreurs de
raccord. De telle sorte qu’il amoindrit, toutes proportions gardées, la portée de son art,
qui ne sut sans doute pas assez exploiter les ressources visuelles2.
Pagnol cherchait de fait en tout la liberté de création, qui fut à la fois la raison
de son succès et de ses erreurs. Cette quête se vérifie jusque dans le choix du cinéma,
dont la parole libérait l’auteur des contraintes théâtrales. Mais à considérer le cinéma
comme un instrument destiné, dans l’œuvre de Pagnol, à libérer et à imprimer 3 le
texte ; il s’engouffra dans un paradoxe, entretenant tout à la fois une admiration pour
cet « art mineur », qui se vérifie dans son apprentissage studieux, et une résistance et
un dédain qui s’incarnent dans tous ses films. Or, en puisant dans sa théorie, l’auteur
aurait justement pu éviter ce qui apparaît comme de la désinvolture artistique. Au reste,
cette intuition très littéraire lui permit de ressentir très différemment les possibilités du
cinéma et d’entreprendre une création artistique absolument libre. C’est ainsi qu’il ne
chercha pas, pour le meilleur et pour le pire, à se soumettre aux acquis visuels de cet
art mais bien à le soumettre à son art de création. Cette indépendance inhérente à la
1
Voir III C, le parallèle avec Orson Welles, ainsi que dans André Bazin, op. cit., chapitre « Cinéma et théâtre »,
p. 148.
2
Certaines analyses voient cependant dans les erreurs visuelles de Pagnol l’une des raisons du succès persistant
de ses films : les maladresses filmiques, vestiges du temps, s’accordent si bien avec le caractère désuet des
thématiques et des cadres sociologiques, qu’elles les justifient précisément. L’œuvre se voit ainsi inscrite dans
une sorte de régionalisme temporel, qui lui offre une cohérence externe, un accord entre la parole et le son
proprement cinématographique. Voir l’article de Cinémathèque, Automne 1999, Francis RAMIREZ et Christian
ROLOT, "Fautes Exemplaires »
3
Avant Renoir, Pagnol voit dans le cinéma un simple moyen d’impression d’une œuvre, en tant qu’il ne s’agit
que d’un moyen destiné à d’autres formes comme le documentaire. Le film, comme le livre, n’est qu’une chute
de la création dans l’incarnation. Sauf que pour Pagnol, l’art cinématographique réside en priorité dans le
dialogue, là où Renoir attache autant sinon plus d’importance à l’image. Dans sa dernière version de la
Cinématurgie, Pagnol présentait ainsi le film comme « la forme peut-être définitive de l’écriture.»
32
création de Pagnol n’en a pas moins laissé une marque dans l’histoire du
cinéma parlant qu’il a si bien inauguré.
C – La postérité artistique de Pagnol
Pour saisir pleinement l’apport esthétique de Pagnol au cinéma parlant, il n’est
qu’à évoquer les cinéastes et les critiques de renom qui reconnurent sa démarche – non
pas nécessairement dans ses théories mais dans ses œuvres –, participant ainsi à sa
réhabilitation. Cette appréciation nouvelle des œuvres de Pagnol n’intervint qu’au
début des années 50 grâce aux remarquables travaux de Bazin qui entreprit d’inscrire
ses œuvres dans le paysage cinématographique français. Nous avons déjà largement
cité ses analyses. L’admiration d’un critique aussi talentueux surprit énormément à
l’époque, tant Pagnol faisait encore l’objet du mépris des cinéphiles. Bazin considérait
Pagnol comme « l’un des plus grands auteurs de films parlants ». Le seul point sur
lequel Bazin critiquait le cinéaste concernait justement la manière dont il avait
jusqu’alors présenté ses théories. Là-dessus, il faut avouer notre impuissance à
transmettre intégralement les propos qu’avait pu tenir Pagnol tout le long de sa carrière,
dont une large partie fut orale. Mais les témoignages convergent si bien qu’il faut
admettre que Pagnol usa fort longtemps des termes approximatifs de « théâtre filmé »
pour définir son œuvre. Or, comme l’écrit si bien Bazin : « Prise sous cet aspect son
œuvre est indéfendable ».
Sans doute est-ce pour avoir compris cela que Pagnol, en réécrivant plus tard la
Cinématurgie, s’employa à distinguer très nettement théâtre et art dramatique. Entre
temps, le cinéaste était par ailleurs revenu au théâtre avec Judas (1955) et Fabien
(1956), reconnaissance implicite de la persistance de cet art, qu’il aurait pu manifester
bien avant en prolongeant sa théorie par une quête de l’essence. C’est ainsi que
l’auteur participa lui-même à sa réhabilitation en publiant en 1966 sa version définitive
et totalement reformulée de la Cinématurgie de Paris, après en avoir soumis des
extraits aux Cahiers du cinéma, dans le numéro spécial qu’ils lui consacrèrent en 1965.
Ce même numéro fut précisément un témoignage indiscutable de sa reconnaissance
artistique.
33
Les Cahiers du film révélèrent en effet dans ce dossier l’admiration de la
Nouvelle Vague pour Pagnol, qu’elle considérait comme un annonciateur de leur
mouvement. Or, un autre annonciateur, Roberto Rossellini voyait en lui le père du
néo-réalisme italien. Echo frappant : Pagnol avait justement souligné, en janvier 1933
dans les Cahiers du films, l’intérêt de l’image cinématographique, dont la nature
fictive autorisait justement la démarche réaliste, contrairement au théâtre1. En libérant
son cinéma des contraintes du studio par l’usage des espaces naturels, et en ne
cherchant jamais autre chose que son indépendance, Marcel Pagnol avait en effet
manifesté une personnalité artistique à part, dans laquelle se reconnaissaient tout
particulièrement la Nouvelle Vague et le néo-réalisme italien.
Un autre fervent de l’art de Pagnol fut enfin Orson Welles. De l’autre côté de
l’Atlantique, le cinéaste avait développé très tôt son admiration pour Pagnol, en
débutant au théâtre comme interprète de Marius. Au cours de sa carrière
cinématographique, en se liant d’amitié avec lui, il verra en Pagnol l’un des seuls
réalisateurs français appréciables dans le champ des productions nationales. Au reste,
leur expérience théâtrale les conduisit tous deux à une démarche esthétique similaire,
qui s’incarne dans l’usage du plan fixe. L’un comme l’autre en effet, mirent un point
d’honneur à l’employer pour, comme au théâtre, ne pas imposer au spectateur une
image « uniformément lisible », selon les termes de Welles.
Il nous faut évoquer ici un combat parallèle pour le statut de l’auteur au cinéma,
que Marcel Pagnol défendit dans la presse dès ses débuts et qui fut l’un des points de
départ des démarches entreprises dès l’après-guerre par le monde cinématographique.
Dès 1931, la reconnaissance de l’auteur, dont le plus important était pour lui l’auteur
du scénario et des dialogues 2 , avait été l’une des ambitions, qu’il défendit dans la
presse et dans Les Cahiers du film, ainsi que dans ses entreprises artistiques. Or, à
l’époque, beaucoup de films ne portaient que l’identité de leur maison de production.
L’auteur s’était également illustré dans ce domaine en défendant ses œuvres : on se
1
Pagnol appuyait cette idée sur l’échec du réalisme théâtral d’Antoine.
Pagnol insistait sur l’auctorialité du scénariste, et bien en deçà, sur celle du romancier dont l’idée originale
provenait (dans la mesure où la trame reste la même : son importance est moindre lorsque d’une page de
nouvelle, le scénariste fait un film). C’est ainsi que l’auteur d’un film adapté d’une pièce de théâtre n’était autre
que le dramaturge, responsable de la création. Mais dans l’idéal, pour Pagnol, scénario et dialogues auraient dû
être systématiquement le fait du réalisateur, à son instar.
2
34
rappelle ses démêlées avec Giono au sujet de la Femme du Boulanger1. Par ailleurs,
c’est lui qui réclama au ministère de l’Education nationale la constitution en août 1944
de la première commission de la propriété intellectuelle, dite commission Escarra,
ayant pour but d’élaborer une loi propre aux problématiques des auteurs de film2. Ce
fut le premier pas vers la loi de mars 1957 définissant le statut et les droits des auteurs
de cinéma. L’auteur suivit de très près les travaux de la commission, jusque dans la
rédaction des articles. Cet épisode, quelque peu oublié, montre combien Pagnol
s’investit dans toutes les dimensions du cinéma de son temps et contribua à son
épanouissement artistique.
1
Ce film, adapté d’une nouvelle de Giono, avait fait l’objet d’une reprise à la scène par Giono. Leur contrat
initial ne prévoyait pas, en effet, une cession des droits pour une adaptation à la scène. Or Giono, dans cette
reprise, calqua l’intrigue non pas sur sa nouvelle mais sur le film de Pagnol. L’affaire alla jusque devant les
tribunaux, où Pagnol obtint en contrepartie lui aussi les droits d’adaptation pour la scène de cette nouvelle. La
version théâtrale de Pagnol est par ailleurs la seule des deux qui ne soit pas tombée dans l’oubli.
2
Lire à cet égard le témoignage de Jean Matthyssens, membre de la comission Escarra dès 1947, dans l’ouvrage
de Jacqueline Pagnol : La Gloire de Pagnol, institut Lumière/Actes sud, 2000.
35
Conclusion
A travers tous ces témoignages historiques et artistiques, on comprend combien
le génie de Pagnol, doublé de son incoercible liberté, fit de lui un cas à part dès les
premiers temps du cinéma parlant. A travers ses théories et ses œuvres, il influença
largement le film parlant en lui offrant sa liberté d’expression artistique. Au reste, les
idées de Pagnol se trouvent aujourd’hui comme inscrites dans toute une orientation
cinématographique française, qui semble davantage mettre son cinéma du côté la
parole. Des films d’Eric Rohmer à ceux d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, en passant
par les dialogues empreints de régionalisme de Robert Guédiguian, toutes ces oeuvres
qui soutiennent un dialogue-moteur semblent porter en elles la force de l’art
dramatique dont Pagnol se réclamait. Certes, l’esthétique visuelle n’a cessé de se
développer et on a su depuis lui porter un soin systématique, mais cette relative
supériorité, bien loin de contredire les théories de Pagnol, les prolonge, en exploitant
tous les aspects de l’impression cinématographique, pour le plus grand bien des
œuvres.
Par ailleurs, si les modes visuelles changent à une vitesse vertigineuse au
cinéma, on est tenté de croire que cette préséance accordée à la parole dans l’art de
Pagnol lui vaut précisément, aujourd’hui encore, un succès considérable auprès du
public, et d’un public international. Car si le support cinématographique est débiteur
de la technique, et que chacune de ses avancées semblent éloigner les œuvres
anciennes du public, il reste dans la persistance de certaines, quelque chose comme un
élan supérieur indépendant du support et que l’on associe volontiers à celui de l’art
dramatique.
36
BIBLIOGRAPHIE
37
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
Ouvrages généraux
▪ Alexandre ARNOUX, Du muet au parlant, Paris, La Nouvelle Edition, 1946.
▪ André BAZIN, Qu’est-ce que le cinéma ? , Cerf-Corlet, 1985.
▪ Claude BEYLIE, Une histoire du cinéma français (et al.), Larousse, 2000.
▪ Michel CHION, Un Art sonore, le cinéma, Cahiers du cinéma coll. « Essais », 2003.
▪ Raymond CHIRAT, Le Cinéma français des années 30, éd. Hatier, 1983.
▪ Roger ICART, La Révolution du parlant, vue par la presse française, Institut Jean Vigo,
1988.
▪ René JEANNE et Charles FORD, Histoire illustrée du cinéma, tome 2, Le cinéma parlant,
Marabout, coll. « Bibliothèque Marabout Université », 1966 ?
▪ Henri MICCIOLO, Henri AGEL, Claude BEYLIE (et al.), Anthologie du cinéma, tome IX,
L’Avant-Scène, 1976.
▪ Jean MITRY, Histoire du cinéma (tome IV), Jean-Pierre Delarge, 1980.
▪ Jean RENOIR, Ma vie et mes films, Flammarion, 1973, édition corrigée, 2005.
▪ Charles TESSON, Théâtre et cinéma, Cahiers du Cinéma/ SCEREN-CNDP, coll. « les petits
cahiers », 2007.
Ouvrages sur/de Marcel Pagnol ou René Clair
▪ Yvan AUDOUARD, Audouard raconte Pagnol, Stock, 1973.
▪ Jacques BENS, Pagnol*, Seuil, coll. « Ecrivains de toujours », 1984.
▪ Claude BEYLIE, Marcel Pagnol ou le Cinéma en liberté, Ed. de Fallois, 1986.
▪ Raymond CASTANS, Marcel Pagnol m’a raconté… , La Table ronde, 1975.
Les Films de Marcel Pagnol ( avec André Bernard) , Julliard, 1982.
▪ René CLAIR, Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui, Gallimard.
▪ Jacqueline PAGNOL et Alain FERRARI, La Gloire de Pagnol, institut Lumière/ Actes Sud,
2000.
▪ Marcel PAGNOL, Confidences**, Julliard, 1981.
Œuvres Complètes, Tome 1 « Théâtre » (préfaces et versions pour la scène),
et Tome 2 « Cinéma » (scenarii et préfaces), Ed. de Fallois.
Cinématurgie de Paris, éditions de Fallois, coll. Fortunio, 1970.
38
Bibliographie, suite…
PRESSE (liste non exhaustive)
Pendant la controverse des années 30 :
1) Revues contenant des articles de / sur Marcel Pagnol
▪ Les Cahiers du Film.
Marcel Pagnol , « Cinématurgie de Paris »
In n°1, 15 décembre 1933 / n°2, 15 janvier 1934 / n°3, 1er mars 1934.
▪ Candide
- 12 octobre 1933, interview par Roger Régent, « Marcel Pagnol expose un programme
révolutionnaire ».
- 9 août 1934, Jean Fayard, critique du Gendre de Monsier Poirier.
- 27 septembre 1934, interview par Roger Régent, « Les nouvelles idées de Marcel Pagnol ».
▪ Cinémonde
- 4 décembre 1930, entretien avec Pagnol par Suzanne Chantal.
- 6 août 1931, Suzanne Chantal, « MARIUS n’est plus à Saint-Maurice ».
- 15 octobre 1931, M. B., « Marseille à Paris, ou comment MARIUS fit son entrée dans la
capitale ».
- Février 1933, Jean H. Lenauer, « Un film trop parlant : Topaze ».
- 1er novembre 1934, Lucie Derain, critique d’Angèle.
- 22 novembre 1934, Maurice M. Bessy, « Ohé Ohé Pagnol… Giono… ».
▪ Marianne,
- 25 octobre 1933, Michel Duran, « Marcel Pagnol et le cinéma ».
▪ La Petite Illustration,
- 1er juin 1935, n° 371, scenario de Merlusse et article de Robert de Beauplan, « M. Marcel
Pagnol et le cinéma parlant. »
▪ Pour Vous
- 25 juin 1931, Jean Masson, « Marcel Pagnol, ‘superviseur’ , offre à boire ».
- 15 octobre 1931, critique de Marius par René Bizet.
- 4 janvier 1934, Lucien Wahl, « Erreurs et vérités ».
- 26 décembre 1935, André Lang, « L’expérience Pagnol ».
2) Revues contenant des articles de/sur René Clair
▪ Candide
- 12 janvier 1933, interview de René Clair par François Vinneuil, « Avant 14 juillet : de René
Clair à Corneille ».
- 9novembre 1933, interview de René Clair par Lucien Dubech, « Le cinéma devant le
théâtre ».
- 22 février 1934, article de René Clair sur cinéma, roman et théâtre.
- 13 décembre 1934, interview de René Clair par Roger Régent, « En France, l’on ne peut rien
risquer nous dit René Clair. »
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Bibliographie, suite et fin.
▪ Cinémonde
5 mars 1931, interview de René Clair par Suzanne Chantal, à l’occasion de la sortie du
Million.
- 25 juin 1931, interview de René Clair par Pierre Leprohon, « Je ne connais pas le film
parlant ».
- 24 septembre 1931, René Clair, « Pendant que René Clair tourne : A nous la liberté ! ».
- 11 janvier 1934, interview de René Clair par Michel Gorel, « Avant de commencer Le
Dernier Milliardaire ».
- 15 février 1934, Michel Gérac, « Dans un décor de René Clair ».
▪ Pour Vous
- 8 mai 1930, interview de René Clair par Nino Franck.
- 3 juillet 1930, René Clair, « Les auteurs de films n’ont pas besoin de vous ».
- 10 novembre 1932, « La méthode de René Clair » (reprise d’un article allemand paru dans
Film Kurier).
- 8 décembre 1932, André Arnyvelde, « En marge de 14 Juillet, entretien avec René Clair »
Revues contenant des analyses sur le cinéma de Pagnol :
▪ Avant-scène du cinéma
- Juillet-septembre 1970, n°s 105-106, dossier spécial, textes écrits et recueillis par Claude
Gauteur, « Marcel Pagnol, aujourd’hui ».
▪ Les Cahiers du cinéma
- Décembre 1965, n°173, numéro spécial « Marcel Pagnol et Sacha Guitry » :
Entretien avec Pagnol par JA Fieschi, Gérard Guégan et Jacques Rivette, « Une aventure de
la parole » / « Cinématurgie de Paris » par Marcel Pagnol / André S. Labarthe, « Pagnol entre
et absence » / « Pagnol au travail, par ses collaborateurs », témoignages de Charles Blavette,
Marius Brouquier, Jean Lecocq et Suzanne de Troye / Gérard Guégan, « L’importun du
Midi » .
- Juin 1969, n°213, Michel Delahaye, « La saga Pagnol ».
▪ Paris-théâtre
Décembre 1956, n°115, Michel Aubriand, « Marcel Pagnol et les historiens du cinéma ».
▪ La Revue du Cinéma, Image et son
Septembre 1973, n°275, Claude Gauteur, « Marcel Pagnol inconnu ? »
▪ Screen
Eté 1994, Christopher Faulkner, « René Clair, Marcel Pagnol and the social dimension of
speech ».
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ANNEXES
ANNEXE A
Filmographie de Marcel Pagnol.
ANNEXE B
Article de Marcel Pagnol paru dans le Journal le 17 mai 1930, « Le film parlant
offre à l’écrivain des ressources nouvelles ».
ANNEXE C
Réponse de René Clair à Marcel Pagnol parue dans Pour Vous le 3 juillet 1930,
« Les auteurs de film n’ont pas besoin de vous. »
ANNEXE D
Les Cahiers du film, 15 décembre 1933, Marcel Pagnol, « Cinématurgie de
Paris », chapitre 1 (extraits).
ANNEXE E
Réponse de René Clair à Marcel Pagnol (entre autres) parue dans Candide le 22
février 1934 (morceaux choisis par René Clair, dans Cinéma d’hier, Cinéma
d’aujourd’hui, Gallimard, 1970, pp. 254 - 263).
ANNEXE F
Lettre de Marcel Pagnol à Madame Courteline datée du 10 janvier 1934 au sujet
de l’adaptation de la pièce de son mari L’Article 330.
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