La protéase HIV, une cible thérapeutique

Transcription

La protéase HIV, une cible thérapeutique
Cécile DALARD
DESS EGPR5
16.12.2004
1
RÉSUMÉ
3
1. INTRODUCTION
2
A. PRÉSENTATION DU VIRUS HIV ET DE LA PROTÉASE HIV
2
B. CARACTÉRISTIQUES DE LA PROTÉASE HIV
2
2. MISE EN ÉVIDENCE DU RÔLE DE LA PROTÉASE HIV
2
A. MATURATION DES POLYPROTÉINES VIRALE GAG ET GAG-POL
2
I.
MATURATION DE GAG
2
II.
MATURATION DE POL
4
B. MORPHOLOGIE DES VIRIONS
4
C. POUVOIRS INFECTIEUX
6
3. LA PROTÉASE HIV, UNE CIBLE THÉRAPEUTIQUE
8
A. LES INHIBITEURS DU SITE ACTIF DE LA PROTÉASE
8
B. PERSPECTIVES
10
C. LES INHIBITEURS DE LA DIMÉRISATION
10
CONCLUSION
12
RÉFÉRENCES
13
2
Résumé
Le virus HIV a été caractérisé dans les années 1980 et encore aucun traitement ne
s’est avéré totalement efficace. Même si il est actuellement possible d’augmenter de
façon très significative la durée de vie des malades, aucune rémission totale n’a
encore été observée.
Plusieurs mécanismes clefs indispensables à la réplication du virus ont été
identifiés, dont la protéase HIV qui permet la maturation des protéines virales. Les
inhibiteurs de protéases sont utilisés en thérapie dès 1997 mais rapidement des
phénomènes de résistances aux traitements sont apparus, la protéase étant capable
de rapide variations de sa séquence en acides aminés.
Cependant, la résolution de la structure de l’enzyme par cristallographie et
l’identification des acides aminés impliqués dans la résistance aux drogues permet le
dessin de nouvelles générations d’inhibiteurs plus spécifiques et moins sensible aux
mutations de la protéase virale.
Mots clefs : HIV-1, aspartyl-protéase, inhibiteurs, maturation, GAG-POL
3
FIG 1 : expression des gènes HIV
Les gènes sont transcrits sous forme d’un seul ARNm qui sera plus ou moins épissé
pour donner les différentes protéines HIV. Les gènes GAG, POL et ENV sont traduits
sont forme de précurseurs ou polyprotéines qui seront clivées en leurs différentes forme
matures soit par les protéases cellulaires (ENV) soit par la protéase virale.
FIG 2 : structure de la protéase HIV sous sa forme dimérique déduite de la structure
cristalline
A : Les monomères sont représentés en bleu et rouge, ASP 25 est le résidu catalytique. Les
boules grises et bleues représentent les sphères de van der Walls.
B : La zone de dimérisation est constituée du Cterm et Nterm de chaque monomère et forme
des feuillets bêta anti parallèle. En vert représentation du flap zone flexible qui permet
l’entré du substrat dans la poche catalytique. En jaune et rouge sont représentés les régions
qui forment des épingles à cheveux.
1
1. Introduction
A. Présentation du virus HIV et de la protéase HIV
Le virus HIV appartient à la famille des rétrovirus, après infection, l’ARN viral est
reverse transcrit et s’intègre au génome de la cellule infectée. Le génome (figure 1)
code pour 9 protéines (1), soit 2 protéines régulatrices TAT et REV, 4 protéines
accessoires (Vpu, Vpr, Vif, and Nef) et pour 3 protéines de structures très
conservées chez les rétrovirus, qui sont gag, pol et env. Ces dernières sont traduites
sous forme de polyprotéines ou protéines de fusion et seront ensuite clivées par une
protéase en leur unité fonctionnelle. La polyprotéine ENV une fois clivée par les
protéases cellulaires libère les protéines de l’enveloppe gp 120 et gp 160. La
protéine de fusion GAG (appelé aussi p55) donne après maturation les protéines de
la matrice (p17), de la capside (p24), de la nucléocapside (p9) et p6 (2). Le gène pol
est lui traduit en fusion avec GAG pour donner le précurseur GAG-POL (p160). Cet
évènement est produit par un motif structural de l’ARN au niveau de la région codant
pour p6 et lorsque les ribosomes arrivent à ce motif, ils continuent la traduction
jusqu'à l’ORF de POL (environ 5% des cas)(3).
Le précurseur POL libère, une fois clivé, la protéase virale, la reverse transcriptase,
les RNases et les intégrases (4). La maturation de GAG et POL se fait de façon
tardive dans le virion nouvellement formé, dans un premier temps la protéase s’auto
libère puis clive ensuite les deux polyprotéines avant d’être inactivée par les antiprotéases cellulaires (5).
B. Caractéristiques de la protéase HIV
La protéase HIV appartient à la famille très conservée des aspartyl-protéases, dont
le résidu catalytique est un acide aspartique (résidu 25) (6). Elle est composée de 99
acides aminés est n’est active que sous sa forme homodimérique (7). La constante
de dissociation du dimère (kD) est inférieure à 5 nM (8), une fois formé il est donc
très stable.
L’enzyme est composée de plusieurs régions structurales (figure 2) et
fonctionnelles : une de dimérisation, une permettant l’entée du substrat et une
catalytique constituée des ASP 25 de chaque monomère (figure 2). Les 4 premiers
2
FIGURE 3 : processus de clivage par la protéase HIV
Détails du processus de clivage peptidique
entre un résidus phényle et proline par la protéase
HIV. Attaque nucléophile d’une molécule d’eau sur
le carbonyle entre les résidus phényle et proline et
clivage de la liaison peptidique. Entre crochet :
l’état transitionnel.
FIGURE 4 : schémas des protéines virale GAG et POL
En couleurs sont indiqués les régions reconnues par les
anticorps utilisés lors du western blot.
1 23
[A77003]
µM
4 56
O,1
78 9
0,33
101112 13 14 15
1,0
3,0
FIGURE 5 : Maturation du précurseur protéique GAG en présence d’inhibiteur de protease
Les cellules sont infectées par le virus puis cultivées pendant 4 jours en présence de différentes
concentrations en inhibiteur de la protéase (A77003, en bas les différentes concentrations). Les virions
produits sont ensuite récupérés et leur contenu protéique est analysé en Western blot. Les pistes en rouge
sont révélées avec un anticorps dirigé contre p17, en bleu avec un anticorps dirigé contre p24 et en vert
contre p6.
1
acides aminés Nterm et les 5 derniers Cterm de chaque monomère forment deux
feuillets β anti-parallèle responsables à eux seul de 75 % de l’énergie de stabilisation
du dimère (9). Les acides aminés 32 à 63 forment eux le Flap, région flexible qui
permet l’entrée du substrat dans la poche catalytique et qui forme une structure en
épingle à cheveux (10).
L’enzyme est substrat-spécifique et coupe entre les phényles et les prolines ou
entre les tyrosines et les prolines selon le processus décrit dans la figure 3. Une
molécule d’eau présente dans la poche catalytique permet l’attaque nucléophile sur
le substrat qui aboutira au clivage de la liaison peptidique.
2. Mise en évidence du rôle de la protéase HIV
Plusieurs stratégies d’inactivation de la protéase HIV ont été mise en œuvre pour
définir son implication exacte dans les processus de maturation et de réplication du
virus, par exemple par mutagenèse ou encore par l’intermédiaire d’un inhibiteur
spécifique.
A. Maturation des polyprotéines virale GAG et GAG-POL
i. Maturation de GAG
Afin d’étudier l’implication exacte de la protéase HIV dans le phénomène de
maturation des protéines virales, l’équipe de Kaplan (11) a cultivé pendant 4 jours
des cellules (préalablement infectées) avec différentes concentrations en A77003
(12) (inhibiteur du site catalytique de la protéase virale). Le surnageant de culture est
prélevé et le contenu protéique des virus néo-synthétisés est analysé en western
blot. A l’aide de différents anticorps dirigés contre les protéines p17 (figure 4), en
rouge), p24 (en bleu), et p6 (en vert), les auteurs ont cherché à voir l’effet de
l’inactivation de la protéase par l’inhibiteur A77003 sur la maturation du précurseur
protéique GAG.
Les résultats sont représentés figure 5, on constate qu’en absence de A77003
seules les formes matures p17 et p24 sont présente (ligne 1 et 2) et que plus la
concentration en inhibiteur augmente plus la quantité de forme mature diminue au
2
FIGURE 6 : Effet de l’inhibition de la protéase HIV sur la maturation du précurseur protéique
POL
Les cellules sont infectées par le virus puis cultivées pendant 4 jours en présence de différentes
concentrations en inhibiteur de la protéase (A77003), 1 (sans inhibiteur), 2 (0,1 µM), 3 (0 ,33 µM), 4
(1,0 µM) et 5 (3 µM). Les virions produits sont ensuite récupérés et leur contenu protéique est analysé
en Western blot et révélé avec un anticorps monoclonal dirigé contre la reverse transcriptase (p66,
p51 formes matures) et ses formes immatures.
[A77003]
0,33µM
1,0 µM
2,0 µM
FIGURE 7 : Effet de l’inactivation de la protéase HIV sur la morphologie des virions
Des cellules préalablement infectées par le virus sont cultivées en présences de différentes
concentration en inhibiteur A77003. Les cellules sont cultivées pendant 5 jours puis le surnagent est
observé en microscopie électronique (A), les différentes morphologies observées en fonction de la
concentration en inhibiteur sont quantifiées (B), entre parenthèse pourcentage total de chaque forme.
3
profit de formes non maturés. Pour la protéine p6, on observe la présence de forme
non mature même en absence d’inhibiteur (ligne 3) et plus la concentration en
A77003 augmente, plus leurs quantités augmentent (ligne 6, 9, 12, 15).
ii. Maturation de POL
L’équipe de kaplan a aussi cherché à voir si la présence de l’inhibiteur de la
protéase HIV (A77003) avait un effet sur la maturation du précurseur POL (qui
comprend les unités protéiques : protéase, reverse transcriptase, RNAse et
intégrase). Pour cela, ils ont procédé de la même manière que pour le précurseur
GAG, sauf qu’ils ont utilisé un anticorps pour le western qui reconnaît les formes
mature et les précurseurs de la reverse transcriptase. La reverse transcriptase est un
hétérodimère (sous unité p66 et p51) et l’anticorps monoclonal utilisé reconnaît les
deux monomères.
Les résultats obtenus sont comparables à ceux obtenus pour le précurseur GAG.
En absence d’inhibiteur ou à faible concentration (0,1µM) seules les formes matures
p66 et p51 de la RT sont visible, puis, plus la concentration en A77003 augmente
plus la proportion de forme non mature augmente (figure 6).
Il semble donc qu’en présence d’inhibiteur (protéase HIV non fonctionnelle), les
précurseurs GAG et POL ne soient pas maturés normalement. De plus, un
changement dans la morphologie des virus néoformés est observé lorsque les
précurseurs GAG et POL ne sont pas totalement maturés (11).
B. Morphologie des virions
Observé en microscopie électronique, le virus HIV présente une zone de forte
densité optique en son centre (phénotype sauvage WT, figure 7). Il a été montré que
l’inactivation de la protéase avait des conséquences sur la morphologie des virions
(11), lorsque on incube avec l’inhibiteur A77003 des cellules infectées par le VIH on
observe l’apparition de trois autres types de morphologie de virions. Certains virions
présentent une zone de densité excentrée et associée à la membrane virale, d’autres
ont une densité périphérique formant un C et la dernière morphologie observée est
nommée open ring et décrit un cercle autour de la membrane (figure 7). Les
expériences ont montré que plus la concentration en inhibiteur A77003 est
importante, plus la morphologie observée est celle ‘open ring’ ; en effet, en absence
4
FIGURE 8 : dimère protéase HIV
Illustration des acides aminés du site catalytique qui ont été muté pour diminuer
l’activité catalytique (kcat) sans toucher à l’affinité pour son substrat (Km).
FIGURE 9 : activité catalytique et affinité des protéases HIV mutantes
Le kcat (activité catalytique) et le Km (constante d’affinité) sont calculé par
l’intermédiaire du peptide NH2-ATLNFPISPWCOOH qui mime le site de coupure
naturel entre la protéase et la réverse transcriptase.
5
d’inhibiteur seulement 2% des virions présentent ce phénotype contre 91% en
présence de 3 µM de A770003 (figure 7).
Il semble donc que la protéase soit impliquée dans la morphologie des virions
puisque son inactivation provoque l’apparition de nouveaux phénotypes.
C. Pouvoir infectieux
Une autre conséquence de l’inactivation de la protéase est la chute du pouvoir
infectieux. Il a été montré (13) que lorsque la protéase n’est plus fonctionnelle, les
virions produits ne sont plus capables d’infecter de nouvelles cellules.
Les auteurs ont choisi des mutants de la protéase dont seule l’activité catalytique
est modifiée (site de reconnaissance du substrat intact), pour cela ils ont utilisé les
mutants déjà identifiés comme présentant ces caractéristiques (issus d’une
mutagenèse aléatoire) (14) : 3 acides aminés appartenant à la région catalytique on
été mutés (figure 8), T26S (sérine à la place de thréonine 26), A28S (sérine à la
place de alanine 28) et le mutant D25N dont l’acide aspartique n°25 (résidus
catalytique) est remplacé par une asparagine. Chaque mutant porte en plus la
mutation Q7K (glutamine remplacée par une lysine en position 7) qui permet de
limiter l’activité autoprotéolytique de la protéase (15). L’activité catalytique (kcat) et le
Km (constante d’affinité pour le substrat) de chaque protéase mutante sont
déterminés par l’intermédiaire d’un substrat qui possède le site de clivage naturel
entre la protéase et la reverse transcriptase, les résultats sont retranscrits figure 9. Il
est montré que la mutation Q7K ne diminue ni le kcat, ni le Km, le mutant T26S et
A28S présentent eux une activité catalytique diminuée voire quasi nulle sans que
l’affinité ne soit modifiée. Quand au dernier mutant, D25N, il aucune activité
catalytique et pas d’affinité pour le substrat.
La région codant pour la protéase est mutée puis est réinsérée dans HIV-gpt
proviral vector (16) qui contient tout le génome HIV sauf qu’à la place du gène ENV,
un gène de sélection a été inséré. Des cellules COS-7 sont ensuite cotransfectées
avec HIV proviral vector et le vecteur HXB2-env (16) qui code pour la protéine ENV.
Après 48h, le surnagent de culture (qui contient les virions) est prélevé et purifié. La
quantité de virions est estimée en fonction de la quantité de protéines p24 (issues du
précurseur GAG) détectées par ELISA. Afin que même les polyprotéines non
maturées soient prisent en compte (pour les virions issus d’une protéase
défectueuse), une protéase exogène est ajouté, tout GAG est donc maturé en p24,
6
A
B
FIG 10 : pouvoir infectieux de virions produit à partir de protéases mutés
Les virions issus de cellules cotransfectées par HIV proviral vector (dans lequel la séquence de la
protéase mutée a été réimplantée) et HIV GPT sont quantifiés. Une protéase exogène est ajoutée aux
protéines issues des virions et la quantité de p24 est estimée par ELISA. Des cellules HeLa T4 sont ensuite
incubées en présence des virions et leur pouvoir infectieux est déterminé selon le protocole de Chesebro et
al (15).
FIG 11 : Structures des principaux inhibiteurs de protéase utilisés en thérapie
Ce sont des inhibiteurs du site actif qui miment la structure du substrat naturel mais qui possèdent un
site non clivable. Ils restent donc bloqués dans la poche catalytique et empêchent la protéase de cliver les
protéines virales.
7
p17, p9 et p6 (l’anticorps utilisé ne reconnaît pas les précurseurs non maturé). Les
virus sont ensuite mis en présence de cellules HeLA T4 (qui possède le gène codant
pour le récepteur T4) et 48 heures post infection, les cellules sont centrifugées (pour
se débarrasser des éventuels virus) puis le nombre de cellules infectées est estimé
par l’intermédiaire d’un anticorps primaire spécifique de gp160 (protéine de
l’enveloppe virale) puis révélé par l’intermédiaire d’un anticorps secondaire couplé à
la peroxydase (17).
Il en découle que lorsque la protéase n’est plus active (kcat très bas ou nul) comme
c’est le cas pour A28S et D25N, aucun virion produit n’est infectieux. Pour le mutant
T26S dont l’activité catalytique est environ trois fois plus faible que la protéase
sauvage, seulement un tiers des virions produits sont infectieux (figure 10).
Il a donc été montré que la protéase HIV est impliquée dans la maturation des
précurseurs GAG et GAG-POL, et que son inactivation permet d’obtenir des
particules virales non infectieuses. C’est parce que cette protéine présente un rôle
clef qu’elle a été une des premières cibles thérapeutiques pour lutter contre le VIH
(l’inhibiteur de protéase saquinavir a été autorisé dès 1995) et est toujours d’actualité
avec un nouveau inhibiteur autorisé par la FDA l’année dernière aux états unis :
Atazanavir (18).
3. La protéase HIV, une cible thérapeutique
Les premiers inhibiteurs de protéase ont démontré leur efficacité dès 1995 et sont
utilisés en thérapie depuis 1997.
A. Les inhibiteurs du site actif de la protéase
Ce type d’inhibiteur a été le premier à être caractérisé. Leurs structures sont basées
sur celle du substrat naturel de la protéase, mais ils possèdent un site non clivable et
restent donc bloqués dans la poche catalytique de l’enzyme l’empêchant de pouvoir
cliver les protéines virales (19). Plusieurs inhibiteurs de ce type sont utilisés en
thérapie (figure 11). Ces inhibiteurs sont spécifiques de la protéase virale, en effet
les sites de clivage (Phe-Pro et Tyr-Pro) sont différents de ceux des protéases
cellulaires, il n’y a donc pas de risque de réactions croisées.
8
Figure 12 : Région impliquée dans la dimérisation de la protéase virale
A : structure du dimère, encadré en rouge les deus feuillets β antiparallèle impliquant le Cterminal et le
Nterminal de chaque monomère. Structure responsable de 75% de l’énergie de stabilisation du dimère.
B : agrandissement des deux feuillets β les flèches verte et violette représentent les monomères et le sens
indiqué est du Nterm vers le Cterm.
FIGURE 13 : séquence de l’inhibiteur de la
dimérisation de la protéase HIV
Les 6 résidus du haut sont identiques au C
terminal et les 4 résidus du bas sont identiques
au N terminal du monomère.
FIGURE 14 : principe de l’inhibition de la dimérisation de la protéase HIV
Un inhibiteur qui possède les extrémités identiques au monomère est synthétisé et le phényle qui normalement, une
fois l’enzyme dimérisée, est à 4 A° de la cystéine 95 est remplacé par une cystéine modifiée (rendue plus
électrophile) pour qu’il y ai génération d’un pont disulfure.
9
Cependant l’action de ces inhibiteurs est vite apparu non totalement satisfaisante, en
effet la protéase étant hyper variable (20), un phénomène de résistance au
traitement peut apparaître (21). Dans ces cas là, on assiste à une diminution de
l’affinité de la protéase pour les inhibiteurs sans que l’affinité pour le substrat naturel
ne soit modifiée de façon remarquable (22).
Une stratégie employée pour limiter ce phénomène est de faire des traitements
croisés avec d’une part des inhibiteurs de protéases mais aussi avec des inhibiteurs
de reverse transcriptase. Il a été montré que l’utilisation de ce type de traitement
limite très fortement l’apparition de résistances (23).
B. Perspectives
La résolution de la structure de la protéase par cristallographie peu avant les
années 90 (24) permet l’arrivée de nouvelles générations d’inhibiteurs dont la
spécificité a pu être amélioré (prise en compte des liaisons faibles). Un grand
nombre de protéases mutées ont été isolée et les acides aminés hypervariable ont
été identifiés (25) ce qui permet le design par modélisation moléculaire d’inhibiteurs
stabilisés par des acides aminés plus conservés. Des nouveaux inhibiteurs qui sont
actifs même avec les protéases HIV mutés ont été mis au point ; Atazanavir (26),
vient d’être accepté aux états unis et deux autres, Tripanavir (27) et Tmc 114 (28)
sont actuellement en essais clinique.
La résolution de la structure de la protéase virale permet aussi d’envisager de
nouveaux types d’inhibiteurs comme par exemple, des inhibiteurs complémentaires
d’une région du monomère indispensable à la dimérisation de la protéase.
C. Les inhibiteurs de la dimérisation
Une autre stratégie d’inactivation est de bloquer la dimérisation de l’enzyme et
donc l’activité protéasique qui n’est présente que chez le dimère.
La région visée est le feuillet β anti-parallèle formé par les Nterm et Cterm de chaque
monomère qui a lui seul est responsable de 75% de l’énergie de stabilisation du
dimère (figure 12) (29). Cette région étant très importante pour la dimérisation de
l’enzyme, elle est très conservée et pour l’instant aucune mutation n’a été observée ;
ce qui fait de cette région une bonne cible pour l’inhibiteur.
L’inhibiteur développé par l’équipe de Zutshi (30) (figure 13) a en plus la possibilité
de former un pont di-sulfure avec la cystéine 95 de la protéase ce qui rend le
10
complexe protéase inhibiteur très stable (figure 14). L’inhibiteur est constitué de 23
acides aminés dont 6 sont identiques au Cterm du monomère et 5 au Nterm
impliqués tout les deux dans la dimérisation, ils sont reliés entre eux par 12 acides
aminés. Le phényle de l’inhibiteur correspondant au phényle 99 de la protéase est
remplacé par une cystéine qui est ensuite modifiée par traitement chimique pour la
rendre plus électrophile et ainsi réagir plus facilement avec la cystéine 95 de la
protéase (distance de 4 A° entre les deux, (31)). Pour cela, de l’acide 5-thio, 2nitrobenzoic est attaché (réaction d’Ellman’s) au niveau du thiol de la cystéine de
l’inhibiteur (figure 13). Des expériences in vitro ont démontré l’efficacité de cet
inhibiteur avec un IC50 de 3,7 µM et une vitesse d’inhibition de 0,012 min-1.
Plusieurs types d’inhibiteurs de dimérisation sont à l’étude actuellement (32,33), ils
ont toujours pour cible le feuillet β antiparallèle et sont dérivés du Nterminal et
Cterminal de la protease. Ils sont différents au niveau du linker qui relie les deux
parties. Ces inhibiteurs sont des inhibiteurs compétitifs qui bloquent l’assemblage du
dimère, il est donc important de définir quel linker permet la meilleure affinité pour le
feuillet β.
De plus, le mécanisme de folding et de dimérisation de la protease HIV étant encore
mal connu, il est difficile de prévoir l’efficacité de tels inhibiteurs in vivo. Deux
théories s’affrontent, l’une affirme que le folding du monomère et la dimérisation sont
simultanés (9), dans ce cas il semble difficile d’inhiber le monomère puisque il n’est
présent que sous forme non foldé (or l’inhibiteur est inactif sur l’enzyme non foldé).
L’autre théorie avancée serait que le folding des monomères se ferait par association
avec des monomères déjà foldés (34) et dans ce cas les inhibiteurs pourraient être
efficaces contre les monoméres foldés. Pour ces raisons les inhibiteurs de la
dimérisation ne sont encore qu’en phase d’étude.
11
Conclusion
Les inhibiteurs du site actif de protéase du VIH sont les seuls à avoir actuellement
un usage clinique.
En raison de ses similitudes structurales et fonctionnelles, la protéase HIV a
rapidement été identifiée comme un membre de la famille des aspartyl-protéases et
comme étant une enzyme clef pour la réplication du virus. En effet, il a été montré
que la protéase est responsable de la maturation des précurseurs GAG et POL et
que cette maturation est essentielle pour obtenir des virions potentiellement
infectieux.
La protéase HIV se montrant donc indispensable dans la réplication du virus, elle
constitue une excellente cible de thérapie. Les inhibiteurs du site catalytique ont déjà
démontré leurs efficacités dès la fin des années 1990 et le problème des résistances
observées due aux mutations de l’enzyme semble maintenant facilement résolvable
par le design d’inhibiteurs plus stable par modélisation moléculaire. En effet, les
techniques de modélisation moléculaire permettent de prévoir comment vont se
positionner les inhibiteurs dans la poche catalytique et ainsi de les modifiée de telle
façon à ce qu’ils soient plus spécifiques et stabilisés (liaisons faibles) par le
maximum d’acides aminés pour lesquels aucune mutation n’a été observée.
Bien que encore au stade expérimental, l’inhibition de la dimérisation de la
protéase semble une stratégie très prometteuse une fois le voile levé sur le
mécanisme du folding et de la dimérisation. En effet la formation de complexe
inhibiteur-monomère protéase extrêmement stable se révèle très efficace in vitro, il
reste maintenant à démontrer son efficacité in vivo.
Il semble donc que la protéase virale soit toujours une cible thérapeutique de choix.
L’intérêt qu’elle a succité dès le début fait qu’elle est aujourd’hui une des enzymes
les mieux étudiées dans le monde ce qui permet la mise en œuvre de systèmes
d’inhibitions hautement efficaces et très spécifiques.
12
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