Tosca | Anaclase

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Tosca | Anaclase
Tosca | Anaclase
opéra
concert
da camera
en marge
17.3.2015 г.
par bertrand bolognesi
Tosca
opéra de Giacomo Puccini
Opéra national de Montpellier / Comédie - 3 mars 2005
tombé du nid d'euterpe
pages de chevet
DVD
CD
opéra
© marc ginot | opéra national de montpellier
À l'inverse de la production toulousaine vue il y a trois semaines à Bordeaux [lire notre
chronique du 10 février], cetteTosca bénéficie d'une mise en scène judicieuse, libérée de tout
stéréotype, et d'une scénographie tant épurée que chargée de sens, dont le sol dallé de pierres
colorées constitue l'un des fils conducteurs. La collaboration du décorateurAlexandre Heyraud
avec Sylvie Auget qui signe la réalisation suggère subtilement et laisse le spectateur imaginer,
ce qui n'est pas si fréquent, surtout dans ce répertoire.
Une seconde scène légèrement inclinée délimite l'espace. Elle est refermée en haut du
plateau par les colonnes richement ornées d'un portique baroque dans l'esprit des architectures
théâtrales du Bernin. À cette base viendront s'ajouter quelques éléments mobiles : des
candélabres et un marbre de la Madone pour situer l'église Sant'Andrea della Valle, un bureau
sur le côté pour le palais Farnese, et plus rien que la nudité de l'espoir, puis de la mort et de la
malédiction pour la plateforme du Sant'Angelo.
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Le portique raconteTosca à sa manière : il abrite le tableau sacré que Cavaradossi peint au
premier acte, une scène assez peu définie, sorte defantasia à la Delacroix aux couleurs chaudes
et à la dynamique d'une sulfureuse sensualité, à l'Acte II, et devient au III une porte sur le ciel.
Ainsi, le dispositif évoque-t-il, en un perpétuel paradoxe presque pervers, les arts au service de
la puissante autorité papale, d'abord – représentation religieuse de Marie-Madeleine inspirée par
la marquise Attavanti dont l'amour fraternel est faussement pris pour de la dévotion –, le stupre
qu'autorise la puissance politique infernale de Scarpia, ensuite – vision de plaisir des sens dans
un lieu qui donne sur une salle de torture – tandis que, pour finir, le dallage monte vers le ciel :
l'heure de la vérité nue est arrivée, sans représentation aucune – Mario n'a pas recommandé
son âme aux tartuffes de l'Église, Tosca a mis à terre le chef de la police politique devant lequel
tout Rome tremblait.
Voilà qui prend vie grâce à une attentive direction d'acteurs, inventant un sacristain qui n'a
plus rien du vieux goûteux malpropre habituellement au rendez-vous, un Angelotti fébrile à
l'angoisse impérative, un Spoletta moins primairement soumis, un Scarpia fascinant qui réalise
l'improbable et terrible hybridation du tigre et du taureau, enfin une Tosca d'une fraîcheur
nouvelle, d'une grande pureté – ces figures sont discrètement caractérisées par les costumes de
Jérôme Bourdin –, tout en gérant parfaitement la dynamique des mouvements d'ensemble (Te
Deum du premier acte et peloton d'exécution du dernier). En complice, la lumière contribue à la
réussite générale : Michel Theuil souligne le Te Deum de la fauve lueur des cierges, délimite de
ténèbres contrastées le dallage des deux premiers épisodes qu'il désigne comme l’île d'une
illusoire paix au III, où peu à peu se lève le bleu du ciel saluant franchement deux amoureux
morts.
Intelligemment, la mise en scène détourne tout ce qu'on attend du long duo de l'Acte II. La
fulgurante préméditation de Tosca surprend. Elle le pique au ventre, face à lui, du geste viril,
précise et sauvage dont on abat un sanglier dans une joute. Le choix d'une autre fin demeure
une énigme : pourquoi l'héroïne se poignarde-t-elle au lieu de se jeter dans l'abîme, qui plus est
avec l'arme qui tua Scarpia, mêlant leurs sangs en toute ambiguïté ? Si tant est que puisse se
défendre cette option – par laquelle Sylvie Auget auto-désigne sa griffe, dans un travail qui,
brillant par ailleurs d'une personnalité indéniable, ne nécessitait cette revendication –, il reste
dommage de n'avoir pas profité de l’idée d'une porte s'ouvrant sur le ciel, débarrassée de tout
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désir de représentation (symptôme de la vanité des pouvoirs), chute dans la liberté d'une mort
choisie qui eût su d'autant plus renforcer la malédiction – Scarpia, davanti a Dio !... – de l'âme
noire encore agissante du baron par Tosca.
Bien que nous soyons vraiment au théâtre, n'oublions pas les voix.
Entouré du Spoletta au timbre clair et à la savoureuse vélocité de Nikola Todorovitch , de la
vaillante santé du sacristain de Darren Jeffery et de l'évidence du chant de Nicolas Courjal pour
Angelotti, le trio principal est plutôt bien choisi. Frank Poretta offre à Mario un aigu
somptueusement lumineux, avec toutefois un médium terne, voire sourd, ce qui nuit au legato ;
on lui reprochera un jeu d'avant guerre et un chant sans nuances, tout occupé de la puissance
de ses prouesses.
Iano Tamar donne une Tosca attachante dont la présence dramatique semble inventer la
partition au fil de l'action, d'une voix un peu confidentielle dans l'aigu, mais au médium corsé et
excitant qui convient particulièrement au rôle. Enfin, Scarpia est infaillible comme la
détermination de ses désirs : Carlos Almaguer use d'une voix généreusement projetée, d'un
timbre incisif comme nul autre, d'une incroyable puissance évocatrice véhiculée par la moindre
nuance de son chant, pour construire un personnage effrayant.
En fosse, Massimo Zanetti soigne vivement chaque détail de la partition avec des inflexions
d'une belle musicalité, suivant tout moteur dramaturgique avec intelligence et sensibilité. Il
affirme une interprétation raffinée qui soutient efficacement cette belle réalisation.
BB
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