Cesser de gaspiller le pétrole - Une solution pourtant

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Cesser de gaspiller le pétrole - Une solution pourtant
Cesser de gaspiller le pétrole
Une solution pourtant évidente
afin de réduire nos émissions
de gaz à effet de serre
Mémoire présenté à la
Commission sur les enjeux énergétiques
Par
Nancy Lacerte
St-Boniface
Octobre 2013
Préambule
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le document de consultation préparé par votre
commission. J’ai aussi consulté des mémoires présentés par des citoyens.
Plusieurs ont de bonnes idées. Mais en attendant que toutes ces propositions
soient réalisées, nous pourrions commencer par la base, c’est-à-dire cesser
de gaspiller l’énergie que l’on a déjà et en particulier le carburant.
L’objectif de mon mémoire
Je tenterai de démontrer qu’adopter un règlement qui interdirait la marche au
ralenti des moteurs pour tous les types de véhicules aurait un impact énorme
pour réduire la quantité de carburant consommé au Québec et par
conséquent la quantité de gaz à effet de serre (GES) émis. Ce serait un grand
pas en avant dans la lutte contre les changements climatiques.
Des données qui devraient éveiller les consciences
A-t-on encore besoin de faire la démonstration que la planète se réchauffe et
que les conséquences seront catastrophiques? Fonte des glaciers, élévation
du niveau des océans qui forcera des millions de personnes à déménager et
devenir des réfugiés climatiques, augmentation de la température et de
l’acidité des mers ce qui menace la vie marine, sécheresses, inondations,
ouragans de plus en plus destructions, vague de froid là où il faisait chaud et
canicule là où il faisait froid, disparition des espèces animales qui ne peuvent
s’adapter à la destruction de leur habitat et en bout de ligne, menace pour la
survie de l’humanité. C’est le plus paradoxal : l’Homme est responsable de
ces changements climatiques, il en connaît les conséquences mais ne fait
rien pour corriger le tir pendant qu’il en est encore temps. Les scientifiques
parlent de dérèglements majeurs du climat mais puisque la plupart d’entre
nous ne serons plus là lorsque le pire arrivera, il est facile de s’en ficher.
Pourtant, nos enfants et petits-enfants seront là! Quel avenir auront-ils à
cause de nos actions passées et de notre inaction présente?
La réduction des GES, un défi
La réduction des GES et l’efficacité énergétique sont deux des objectifs de la
future politique énergétique. Le gouvernement du Québec s’est donné
comme cible une réduction de 25% des GES d’ici 2020. Sans surprise, on
apprend que le défi ne sera pas relevé. Pourquoi? Tout simplement par
manque de volonté. Je-m’en-foutisme de la part de nombreux citoyens
beaucoup trop attachés à leur petit confort et inaction des différents paliers
de gouvernements qui n’osent pas légiférer pour ramener les récalcitrants à
la raison.
Le transport, le grand responsable
Au Québec, le secteur des transports est responsable de 44% des émissions
de GES. Mais de tout le pétrole brûlé, combien sert réellement à faire
avancer les véhicules? Et surtout, combien sert pour les déplacements
nécessaires?
Premier exemple de gaspillage d’énergie :
Faire « chauffer son char »
En 2013, on pourrait penser que plus personne n’a cette habitude ridicule de
démarrer sa voiture à l’avance, surtout au prix où est l’essence. La réalité est
toute autre. Encore beaucoup de gens sont des maniaques des démarreurs à
distance. Veuillez noter que les exemples suivants ne sont pas inventés. Je ne
fais qu’observer la réalité.
-J’avais une collègue qui démarrait sa voiture bien avant la fin de son quart
de travail.
-Un de mes voisins démarre son véhicule utilitaire sport tellement à l’avance
qu’il a le temps d’arrêter tout seul. Alors, il le redémarre. Ce véhicule
fonctionne au moins 15 et même 20 minutes tous les matins d’hiver. Pour les
matins d’automne et de printemps, c’est « seulement » 5 ou 10 minutes.
-Un autre voisin a une camionnette qu’il fait chauffer 20 minutes par matin.
-Un couple de retraités ont chacun leur véhicule qu’ils font chauffer aussi.
Sur sept personnes dans mon environnement immédiat, cinq font chauffer
leur voiture. Si j’ajoute une autre camionnette et une autre voiture un peu
plus loin, je pourrais déduire que la majorité des automobilistes font
fonctionner leur véhicule pour rien. J’ose espérer que cette proportion ne
s’applique pas à l’ensemble du Québec!
Pour vous convaincre que des millions de litres de carburant pourraient être
économisés en adoptant une loi qui interdit la marche au ralenti des moteurs,
voici un petit calcul.
Un moteur qui tourne au ralenti consomme 0,6 litre de carburant par litre de
cylindrée par heure. Laisser tourner le moteur inutilement chaque jour cinq
mois par année peut gaspiller l’équivalent d’un plein d’essence.
Camionnette : 0,6L X 3,5L de cylindrée X 1heure par semaine X 21
semaines (novembre à mars) = 44L
Voiture : 0,6L X 1,8L de cylindrée X 1heure par semaine X 21 semaines =
23L
Plus de cinq millions de Québécois sont titulaires d’un permis de conduire.
Combien ont l’habitude de démarrer leur voiture à l’avance? Si seulement un
dixième des automobilistes gaspillent chacun 30 litres de carburant par
hiver, cela fait 15 000 000 de litres brûlés en pure perte. Mais si je me fie à
mon voisinage, la proportion est beaucoup plus grande qu’un dixième et à 15
et même 20 minutes par jour, chacun brûle bien davantage que 30 litres par
an. Cela représente des tonnes de CO2 émis pour rien. Il est aberrant que rien
ne soit fait pour mettre fin à cette pratique stupide et complètement inutile.
En effet, il est prouvé que laisser tourner le moteur n’est pas la façon la plus
efficace de réchauffer un véhicule. Au ralenti, le moteur ne brûle pas le
carburant de manière optimale ce qui augmente non seulement les émissions
polluantes mais aussi les frais d’entretien. L’utilisation d’un chauffe-moteur
branché 2 ou 3 heures avant le départ est beaucoup plus écologique. Il rend
le démarrage plus facile. Il s’agit ensuite de laisser tourner le moteur à peine
30 secondes et de rouler doucement quelques minutes. Le véhicule se
réchauffera plus rapidement en roulant et au moins, il avancera! La marche
au ralenti des moteurs est abominable car elle utilise de l’énergie qui ne
produit aucun résultat concret. Des millions de litres de carburant sont ainsi
brûlés sans parcourir le moindre centimètre!
Deuxième exemple de gaspillage d’énergie :
le cas des véhicules lourds
Les véhicules lourds avec des moteurs diesel doivent fonctionner quelques
minutes avant leur départ mais est-il normal de les faire chauffer toute la
nuit?
Encore un autre cas réel : une conductrice d’autobus scolaire qui démarre
son véhicule 30 et même 40 minutes à l’avance tous les jours et ce, six mois
par année. Pourquoi? A-t-on déjà entendu parler qu’un enfant soit mort de
froid dans un autobus? Certains camions et autobus sont munis d’une
minuterie pour éviter que le moteur tourne trop longtemps pour rien. Un
jour, un autre conducteur d’autobus m’a dit que c’était dérangeant car il
devait sortir à nouveau pour redémarrer le moteur. Si des chauffeurs font fi
du dispositif censé prévenir le fonctionnement inutile, qu’en est-il lorsqu’il
n’y a aucun mécanisme de ce genre?
Troisième exemple de gaspillage d’énergie :
Laisser tourner le moteur pour rien
-Durant l’hiver, je vois régulièrement des gens déplacer leur auto afin de
déneiger leur entrée. Bien souvent, il est tombé si peu de neige que cette
manœuvre est superflue, les quelques centimètres pouvant très facilement
être enlevés autour de l’auto. Le problème est que ces gens laissent la
voiture fonctionner dans la rue le temps de déneiger. Le moteur tourne donc
pour rien durant plus de 20 minutes.
-Il est fréquent de voir des automobilistes laisser leur véhicule en marche
pendant qu’ils vont faire un achat au dépanneur.
-D’autres laissent tourner le moteur alors qu’ils attendent quelqu’un. Quelle
bonne idée de respirer du monoxyde de carbone!
-Que dire de ceux qui s’arrêtent au bord de la route pour jaser tout en
laissant tourner le moteur?
Interdire la marche au ralenti des moteurs :
un règlement déjà adopté par plusieurs municipalités
Plusieurs villes au Québec et ailleurs dans le monde ont déjà adopté un
règlement qui interdit de laisser tourner les moteurs inutilement. L’exemple
de la ville de Matane est intéressant. Ils ont surtout misé sur la
sensibilisation.
http://www.mamunicipaliteefficace.ca/87-11-%C3%A9tudes-de-cas-matane-contrer-lamarche-au-ralenti-des-moteurs.html
Cette ville, comme bien d’autres, s’est inspirée du programme Coupez le
moteur! que le Gouvernement du Québec avait mis en place dans le cadre de
son plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques. Le budget
alloué à ce programme n’a pas été reconduit. Pourtant, dans le cas de
Matane, il ne s’agissait pas d’un projet très dispendieux.
Voici quelques exemples de règlements municipaux déjà en vigueur :
http://www.gatineau.ca/page.asp?p=environnement/vehicules_marche_ralenti
http://www.environnementmatane.ca/images/Upload/Environnement/reg_vm-176__marche_au_ralenti_des_moteurs_-_nuisance.pdf
http://reglements.ville.quebec.qc.ca/fr/showdoc/cr/R.A.V.Q.337
http://www.ville.saint-jean-sur-richelieu.qc.ca/administrationgouvernance/Documents/Règlements/Reglement-0857.pdf
Le règlement de la ville d’Otterburn Park est plus pertinent car il encadre le
fonctionnement des véhicules lourds en fonction de la température.
http://www.ville.otterburnpark.qc.ca/web/doc/Reglement422_2008112815538.pdf
Je considère que ces règlements ne vont pas assez loin. Il devrait être tout
simplement interdit de laisser tourner le moteur s’il fait 0oC et plus. En
dessous de 0oC, limiter la durée de fonctionnement à 2 minutes serait déjà
plus acceptable. Pour les véhicules lourds avec un moteur diesel, ils
devraient être limités à 5 minutes au-dessus de 0oC et 10 minutes au-dessous
de 0oC. Légiférer en fonction de la température au lieu des mois est plus
approprié à la situation climatique actuelle où on voit souvent des
températures douces en hiver.
Objections à ce règlement et solutions
Plusieurs considèrent qu’un tel règlement est difficile à appliquer. Ce n’est
pas une raison pour ne pas l’adopter. Les policiers ne pourraient évidemment
pas délaisser leurs tâches essentielles pour surveiller les autos dans les
entrées. Mais les patrouilleurs circulent dans les rues alors lorsqu’ils
verraient une voiture laissée en marche dans les stationnements de
dépanneurs ou ailleurs ou qui « chauffe » dans une cour, ils pourraient
laisser un avertissement au propriétaire. Les gens ont leurs habitudes donc il
est facile de repérer les fautifs.
Certains règlements peuvent être appliqués par d’autres personnes que des
policiers. Il s’agirait tout simplement de l’indiquer dans la loi. Ainsi, des
employés municipaux pourraient être autorisés à émettre des avertissements
et des billets d’infraction aux récalcitrants.
Durant la préparation de ce mémoire, je suis tombée sur le site de
l’ÉcoPatrouille de la MRC de Sept-Rivières. Il s’agit d’un groupe de jeunes
qui font de la sensibilisation environnementale auprès des citoyens. Ils sont
actifs seulement l’été mais une section de leur site Internet est consacrée à la
marche au ralenti des moteurs.
http://www.ecopatrouille.org/fr/marche-au-ralenti_48/
Ils ont créé un document que je trouve amusant. Il a le format d’une
contravention qui peut être utilisé pour faire de la sensibilisation.
D’autres organismes comme le Réseau In-Terre-Actif ont élaboré des
programmes qui impliquent les jeunes.
http://in-terre-actif.com/2010/uploads/RITAPosts/tiny_mce/guide_ges_defi_1.pdf
Des initiatives de ce genre devraient être encouragées. Pourquoi pas une
patrouille hivernale pour contrer la marche au ralenti des moteurs? Cela
créerait de l’emploi.
L’adoption d’un règlement provincial éliminerait les disparités entre les
municipalités. On m’a dit que ma localité ne pouvait pas avoir un règlement
contre la marche au ralenti des moteurs car elle serait la seule de la MRC et
qu’il serait par conséquent difficile pour la Sûreté du Québec de savoir où le
règlement est en vigueur et où il ne l’est pas. J’ai trouvé que c’était un
manque de courage de la part de notre conseil municipal qui aurait tout
simplement pu aborder le sujet au niveau de la MRC pour que toutes les
municipalités adoptent le même règlement. Mais notre MRC n’a pas
l’intention de protéger l’environnement. Alors si c’était le Gouvernement du
Québec qui adoptait la loi, il n’y aurait pas d’ambiguïté : au Québec, on ne
laisse pas tourner les moteurs pour rien.
La sensibilisation a des limites
Je crois que ceux qui ont l’environnement à cœur posent déjà des gestes pour
limiter leurs émissions de GES. Malheureusement, plusieurs irréductibles
continuent d’avoir des comportements irresponsables. Certains pensent que
les changements climatiques ont été inventés par les environnementalistes
pour récolter des subventions. Les données scientifiques ne peuvent être
contestées. Pourtant, plusieurs se fichent de polluer la planète et par
conséquent, annulent tous les efforts faits par les autres. Cela est très
frustrant et il serait facile d’abandonner en se disant qu’on n’y arrivera
jamais à cause de ces insouciants. C’est pourquoi je considère que la
sensibilisation a ses limites. Quand quelqu’un dépense plus de 50$ en
carburant tout en restant dans sa cour et qu’il ne réagit pas, je ne crois pas
que l’argument écologique le fera changer d’idée. Il faut agir. Il y a encore
des gens qui respectent les lois. Alors je crois que l’adoption d’un règlement
provincial accompagné d’une campagne d’information ferait en sorte qu’une
partie des pollueurs respecteraient la loi et cesseraient de faire chauffer leur
voiture. Il resterait donc les insensibles qui renonceraient certainement après
un avertissement. Ne subsisterait que le noyau dur. Ceux qui ne veulent rien
savoir. Pour eux, une amende est le seul moyen de leur faire entendre raison.
Le prix du carburant : une injustice envers les plus pauvres
Avant de terminer, j’aimerais aborder un autre sujet qui me tient à cœur. Le
prix des biens et des services est fixé selon la loi de l’offre et la demande.
Dans le cas du prix de l’essence, il semble que d’autres paramètres obscurs
entrent en ligne de compte mais là n’est pas mon propos.
Ceux dont le loisir consiste à brûler de l’essence (moto et mini-moto pour
enfant, motocross, VTT, bateau, VR, motoneige), ceux qui ont un véhicule
beaucoup trop gros pour leurs besoins réels (conducteurs de gros « pick up»
qui n’ont rien à transporter), ceux qui utilisent des outils à moteur pour faire
des travaux qui se feraient plus facilement et plus rapidement manuellement,
ceux qui ne prennent pas la peine de planifier leurs déplacements (faire un
déplacement pour chaque achat au lieu de regrouper les achats dans un seul
déplacement) et ceux qui prennent leur voiture pour les courts trajets alors
qu’ils seraient très bien capables d’y aller à pied ou à vélo contribuent à
augmenter la demande donc le prix du carburant.
Au contraire, les petits salariés et ceux qui ont une conscience écologique et
qui par conséquent n’utilisent leur véhicule que pour se rendre à leur travail
et pour les déplacements essentiels ne contribuent pas à augmenter la
demande en pétrole et pourtant ils subissent les hausses du prix de l’essence
comme les gros pollueurs. Je trouve cette situation injuste pour les plus
pauvres de notre société.
Quelle merveille ce serait si tous ces véhicules de loisirs fonctionnaient avec
un type de carburant différent des simples autos! Ainsi ceux qui augmentent
la demande seraient les seuls à subir les prix élevés. Je sais que c’est une
utopie. Les propriétaires de tous ces engins répliqueront qu’ils paient déjà la
taxe à l’achat et l’immatriculation. Mais il n’en demeure pas moins que les
plus démunis sont plus brimés par les prix élevés de l’essence que les plus
riches. Si le gaspillage de carburant était interdit, cela diminuerait la
demande et théoriquement les prix seraient plus bas.
Il est impératif de trouver des façons d’appliquer le principe du pollueurpayeur.
Résumé de mes propositions
-Adopter une loi interdisant la marche au ralenti des moteurs.
-Obliger les propriétaires de véhicules lourds à installer un dispositif qui
empêche le moteur de tourner trop longtemps au ralenti.
-Encourager les initiatives comme les ÉcoPatrouilles.
-Et mon rêve le plus cher : interdire les démarreurs à distance. Ces
dispositifs incitent à faire fonctionner le véhicule bien trop à l’avance. Les
gens sortiraient-ils pour démarrer leur voiture alors qu’ils sont encore en
pyjama? Interdire les démarreurs règlerait le problème à la source. Qui aura
le courage?
Conclusion
Les véhicules électriques, le monorail, les énergies renouvelables et le
transport actif sont des solutions d’avenir. Mais il s’écoulera encore
plusieurs années avant que tous les véhicules à essence soient remplacés par
des véhicules électriques. Il faudra améliorer la technologie pour augmenter
l’autonomie de ces véhicules et déployer toutes les infrastructures comme
des bornes de recharge efficaces. Cela prendra du temps et coûtera très cher.
En attendant, les sources de pétrole conventionnel sont remplacées par du
pétrole provenant des sables bitumineux et par le pétrole de schiste. Ces
carburants sont encore plus nocifs pour l’environnement que le pétrole
conventionnel car ils demandent plus d’énergie pour être produits. Adopter
un règlement interdisant de gaspiller le pétrole est une solution qui pourrait
être appliquée rapidement et surtout, cela ne serait pas si dispendieux. Avec
les millions de litres de carburant économisés, cela réduirait les GES. Bien
sûr, la lutte contre les changements climatiques demandera bien d’autres
efforts. Mais justement, dans cette lutte, chaque geste compte. Cesser de
gaspiller le carburant serait déjà un grand pas en avant.
Nancy Lacerte
St-Boniface
Références
http://ecomobile.gouv.qc.ca/fr/ecomobilite/conseils/le_moteur_a_larret.php
http://oee.rncan.gc.ca/communautes-gouvernement/ralenti/12296

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