Le monde islamique face aux défis du Millénaire

Transcription

Le monde islamique face aux défis du Millénaire
Dr Abdulaziz Othman Altwaijri
Le monde islamique
face aux défis du
Millénaire
Publications de l'Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture (ISESCO)
1436H/2014
Table des matières
v Avant-propos
.................................................................................. 51
v Connotations
du terme « monde islamique »...................... 55
v Situation
v Densité
de la population ............................................................ 57
v Diversité
v Un
géographique et ressources humaines ................ 56
linguistique et coexistence culturelle .................. 59
bloc homogène et cohérent ................................................ 60
v L'analphabétisme : un obstacle majeur au développement 60
v Situation
de l'éducation dans le monde islamique ............ 65
v Programme d’action décennal pour relever les défis du Millénaire
67
v Stratégies de l'ISESCO pour la promotion du monde islamique 69
v Le
monde islamique : quel avenir ? ........................................ 71
v Faire
face aux défis externes ..................................................... 73
v Les
réformes nécessaires pour la réhabilitation .................. 74
v Un
développement intégré et global ...................................... 77
v Objectifs
du Millénaire pour le développement .................. 79
v Responsabilité de l'ISESCO pour relever les défis du Millénaire
81
v Planification stratégique pour l'avenir du monde islamique 84
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Avant-propos
Le monde islamique fait face à de nombreux défis, dont certains se
sont accumulés au cours des dernières décennies, tandis que d’autres
sont l’aboutissement des diverses mutations que connaît le monde
actuellement. Par ailleurs, il y en a parmi ces défis qui sont le résultat de
facteurs subjectifs découlant des politiques qui ont été suivies jusqu'ici
pour résoudre les grands problèmes qui se sont accentués à telle enseigne
qu’ils constituent désormais un sujet de préoccupation majeur. Ceci
est d’autant plus vrai qu’on est incapable de leur trouver des solutions
viables, avec une ferme volonté, perspicacité et transparence. Ajouter à
cela l’absence d’une approche rationnelle fondée sur le réalisme et sur une
analyse approfondie des faits, loin des idées délirantes et des chimères
découlant d'une méconnaissance de la culture et d’une compréhension
insuffisante de la nature de ces défis dans leur globalité.
Face aux nombreuses crises auxquelles le monde islamique est confronté
à maints égards, et en particulier ceux qui sévissent de nos jours
dans différentes parties de celui-ci, à savoir les guerres, les conflits, la
fragmentation sectaire, l'extrémisme et le terrorisme, tout observateur
lucide et averti peut dès lors s’apercevoir que les défis qui se posent aux
pays islamiques de l'océan Atlantique à l’océan Indien, durant cette phase
critique de son histoire, ne peuvent être surmontés ni par des efforts
limités ni par des moyens insuffisants et encore moins sans prendre la
mesure de la bataille que doit se livrer le monde islamique pour atteindre
l’objectif global du développement durable. A cet égard, un autre pari
tout aussi important à gagner est celui du renouvellement de l'édifice
civilisationnel, à la fois sur les plans politique, économique, social,
scientifique, technologique, culturel et intellectuel.
- 51 -
Ce n'est là ni une vision pessimiste en ce qui concerne le présent du monde
islamique, ni une vision étriquée qui nous rend inapte à prospecter l'avenir
en tenant compte de la réalité des faits. Il s’agit en fait d’une vision dans
laquelle on est amené à effectuer une évaluation en partant des faits et des
phénomènes concrets qui ont été traités dans le cadre des diverses études
de terrain, recherches académiques et analyses scientifiques se rapportant
au monde islamique à tous points de vue, avec une analyse approfondie
de la crise civilisationnelle qui est à l’origine de tous les maux dont pâtit le
monde islamique dans sa globalité.
De fait, le monde islamique n’est pas à l’abri des changements rapides
qui s’opèrent actuellement sur la scène internationale, et encore moins
des répercussions des conflits en cours entre les grandes puissances, afin
de réaliser leurs intérêts stratégiques, en fonction des diverses politiques
adoptées par celles-ci sur l’échiquier international, dans le but de renforcer
leur influence dans de nombreuses régions situées en grande majorité
dans le monde musulman.
Face à l'ampleur des tensions auxquelles les pays du Sud sont exposés
et les nombreux obstacles de plus en plus difficiles à surmonter par les
pays en développement sur la voie du développement intégré, le monde
islamique fait face à son tour, de manière accrue, à de grands défis qui
entravent son élan vers le développement intégré, la prospérité et le
progrès, dans le cadre de la sécurité, de la paix et de la stabilité ainsi que la
capacité de préserver à la fois ses acquis, son indépendance nationale et
l'intégrité territoriale des différents Etats islamiques.
Le monde islamique qui fait face, à l’heure actuelle, aux défis du
millénaire, s’efforce plus que jamais de surmonter les diverses crises
d’ordre économique et social et celles liées au développement global
intégré et durable, à maints égards. Ceci passe inéluctablement par une
mobilisation générale de toutes les forces vives dans le cadre de l'action
- 52 -
islamique à différents niveaux, ainsi que par la conjugaison d’efforts
concertés de solidarité. Le but ultime est de sortir de cette phase critique
où l’on se trouve en dépit des moyens mis en œuvre, incapable de
donner corps au grand projet civilisationnel islamique, compte tenu de
la faiblesse des mécanismes de solidarité islamique adoptés jusqu’ici, et
ce quatre décennies après la création de l'Organisation de la coopération
islamique (OCI).
Le monde islamique se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins,
assailli de toutes parts par des difficultés, voire des crises à plusieurs
niveaux. Cependant, il tente du mieux qu’il peut de leur trouver une issue
favorable et de faire face à la forte pression exercée sur lui par les grandes
puissances. Il demeure néanmoins enchaîné et impuissant, incapable
qu’il est de prendre son envol, d’entamer un nouveau cycle de vie et de
prendre appui sur le passé pour bâtir l’avenir.
Je me suis fort intéressé depuis de nombreuses années, à la situation
générale dans le monde islamique à partir d'une variété d'angles de vue.
J’en ai même fait une de mes préoccupations majeures, si bien que je me
suis penché sur la question du développement dans les différents Etats
du monde islamique et étudié son relief d’un point de vue académique.
C’est ainsi qu’en 1995, j’ai publié le tome I de mon ouvrage (De
l’édification civilisationnelle du monde islamique), suivi de 14 tomes du
même ouvrage.
En 1994, est parue une étude en arabe, français et anglais, sous le
thème : (Situation du monde islamique et stratégie d’avenir), suivie
en 2004 par un autre ouvrage (Le monde islamique à l'ère de la
mondialisation) publié par Dar al-Chourouq, le Caire. Cinq autres
études en arabe, anglais et français paraîtront plus tard : (Le monde
islamique et l'Occident: défis et avenir) ; (Les musulmans d’Occident
et le monde islamique) ; (L’ISESCO et l'avenir éducatif, scientifique
- 53 -
et culturel du monde islamique) ; (la mondialisation et la vie culturelle
dans le monde islamique) ; et (l’Amérique et le monde islamique).
La présente étude (Le monde islamique face aux défis du millénaire)
s’inscrit en fait dans le prolongement des études antérieures, ainsi que
dans le cadre des efforts que je n’ai cessé de fournir durant plus de
trois décennies, pour examiner la situation dans le monde islamique, en
mettant l’accent sur les différents aspects qui relèvent des compétences
de l'Organisation Islamique pour l'Education, les Sciences et la Culture
(ISESCO). Ainsi, cette étude a la particularité d’aborder cette question
dans sa globalité, en se basant sur des statistiques et des informations très
récentes ainsi que sur les multiples études scientifiques ayant intéressé le
monde islamique au cours de ces dernières années.
S’intéresser à la situation dans le monde islamique est un devoir qui
incombe à tous les chercheurs dans les domaines politique, social et
économique. Il est l’apanage, notamment, des dirigeants de l'action
islamique commune, des élites intellectuelles, scientifiques et culturelles
qui ont pour mission de s’intéresser aux différentes questions vitales
se rapportant au présent comme à l’avenir du monde islamique. Un
lendemain que nous voulons par l'aide de Dieu Tout-Puissant, prospère
et radieux.
Enfin, j’espère que cette étude, qui sera publiée aussi bien en arabe,
en anglais qu’en français, contribuera un tant soit peu à enrichir les
recherches et les études déjà menées dans ce sens.
Dr Abdulaziz Othman Altwaijri
Directeur général de
l’Organisation islamique pour l’Education,
les Sciences et la Culture
(ISESCO)
- 54 -
Connotations du terme « monde islamique »
Le terme « monde islamique » est utilisé en référence à l'espace
englobant la nation islamique. A cet égard, Dieu a dit : « Ceci est
votre seule nation, et je suis votre Seigneur, adorez-moi »(1).
D’un point de vue politique et stratégique, qu’est-ce qu’on entend par
cette expression, que l’on a rencontré pour la première fois dans les
écrits orientalistes vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle?
Le terme (monde islamique) renvoie aux différents Etats et
communautés qui ont en commun la religion islamique et dont
l'histoire a été marquée par l’Islam, ou ceux qui ont été marqués par
cette religion et cette histoire.
Les musulmans, dont le nombre avoisine le un quart de la
population mondiale, sont disséminés sur les cinq continents.
L'Islam a imprégné et imprègne encore, le monde islamique aux
niveaux aussi bien politique, culturel que spirituel.
Le terme « monde islamique » s’applique à environ quatre-vingt-six
(86) Etats à majorité musulmane, situés pour la plupart d’entre eux
en Asie comme en Afrique et dont le nombre va en s’accroissant.
Il désigne également la Oumma islamique dans sa globalité, compte
tenu des divers éléments en commun constituant la culture
islamique, à savoir la religion islamique et les diverses questions
religieuses intéressant cette nation.
1) Sourate Al-Anbiaa, verset 92
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Situation géographique et ressources humaines
Le monde islamique couvre une zone située à 120° degrés de longitude
Est et à 30° degrés de longitude Ouest. Il s’étend de l'Indonésie à l’Est, en
continuant vers l'Ouest, sur la côte Est de l'océan Atlantique.
Il s’étale sur une région à 56° degrés de latitude Nord, au Sud de l'équateur.
Le monde islamique surplombe dix-huit (18) mers, trois océans et quatre
lacs traversant plusieurs pays.
Ces océans sont : l'océan Indien, l'océan Atlantique et l'océan Pacifique.
Les mers sont: la Méditerranée, la mer Rouge, la mer Caspienne, le golfe
d'Aden, le golfe Persique, la mer Noire, la mer de Chine méridionale,
la mer de Marmara, la mer de Timor, la mer Egée, la mer Morte, la mer
Adriatique et autres.
Les lacs partagés par le monde islamique et d'autres pays sont: le lac
Victoria, le lac Tanganyika, le lac Malawi et le lac Torquena.
Le monde islamique comprend des passages maritimes et des détroits
parmi les plus importants au monde, à savoir : Bab el Mandeb,
détroit d'Ormuz, détroit de Malacca, détroit de Singapour, détroit des
Dardanelles, détroit de Bosphore, détroit du Mozambique, détroit de
Gibraltar, détroit de Gull, détroit de Gopal, détroit d'Otrante, détroit de
Tiran, Canal de Suez et détroit Macassar.
On trouve dans le monde islamique plus de deux cent cinquante (250)
fleuves et près de dix mille (10.000) rivières. On y trouve aussi les
principaux fleuves du monde: le Nil, l'Euphrat, le Tigre, Sihon et Gihon
(en Asie centrale), ainsi que le fleuve Niger, le fleuve Sénégal, la rivière
Volga, la rivière de l'Oural, la rivière Indus, la rivière Gange, la rivière de
Sebou, etc.
- 56 -
Densité de la population
Selon les statistiques de 2012, le monde islamique compte une
population estimée à près d’un milliard six cents millions de
personnes (1.571.198.000), soit 24 % de la population mondiale.
Le taux de fécondité dans le monde islamique étant le plus élevé au
niveau mondial, le nombre des musulmans ne cesse par conséquent
de croître(2).
Le monde islamique couvre une superficie de 41.707.540 kilomètres
carrés, soit 28 % de celle du globe terrestre.
Les États membres de l’OCI sont répartis en quatre divisions
géographiques : les pays asiatiques, constituant la majorité, les pays
africains, les pays arabes et quatre pays européens, à savoir: Kosovo,
Bosnie-et-Herzégovine, Albanie, outre deux Etats en Amérique du
Sud qui sont: Guyane française et Suriname.
La plupart des pays du monde islamique étaient sous l'occupation
européenne, avant de recouvrer petit à petit, leur indépendance.
Aujourd’hui, l'Organisation de la coopération islamique compte
cinquante-sept (57) Etats membres, dont cinquante-deux Etats (52)
membres au sein de l'ISESCO. Il y a aussi d’importantes communautés
musulmanes en Inde (environ Cent quatre vingt millions d'habitants),
en Chine (environ soixante millions d'habitants) et dans la Fédération
de Russie (environ trente millions de personnes).
2) Il est prévu que le taux de la population musulmane dans le monde s’accroîtra
de 35% dans les 20 prochaines années, passant ainsi de 1,6 milliards en 2012
à 2,2 milliards en 2030, selon les nouvelles estimations démographiques
publiées par le PEW (Research Center’s Forum on Religion Public Life).
- 57 -
On trouve des musulmans dans tous les continents du monde.
Leur nombre est estimé à plus de cinq cent millions (500.000.000)
musulmans, soit un tiers de la Oumma islamique, vivant en dehors
des frontières des États membres de l'OCI(3).
Les musulmans sont répartis un peu partout dans le monde.
Certains d’entre eux vivent dans de grandes communautés de
musulmans autochtones dont ils font partie intégrante. C'est
le cas notamment en Inde, en Chine et dans la Fédération de
Russie. Certains d'entre eux vivent, en revanche, dans de petites
communautés dispersées dans de nombreux pays en Europe, en
Asie, en Afrique et en Amérique Latine.
On a assisté récemment, depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, à l'émergence de nouvelles communautés de
musulmans dont le nombre ne cesse de croitre. Cela tient au
premier chef, à la facilité de déplacement entre les différents
pays, de personnes en quête de meilleures opportunités d'emploi,
en plus des vagues successives de migration vers l'Europe et
l'Amérique du Nord, en particulier.
3) Les indicateurs statistiques des Etats membres de l’OCI- Centre de
Recherches Statistiques, Economiques et Sociales et de Formation pour les
Pays islamiques (SESRIC), Ankara.
- 58 -
Diversité linguistique et coexistence culturelle
Etant donné l’immensité du monde islamique et la diversité de ses
peuples en termes de race et de culture, on y compte plus de vingt
(20) langues officielles islamiques, en plus de nombreux autres
parlers et dialectes locaux. Le nombre d’arabophones est de 20 à 30
% des musulmans, tandis que les peuples autres que les Arabes ont
des langues comme : l’ourdou, le persan, le turc, le kurde, le kazakh,
le pachtoun, l’ouzbek, le swahili, le bahasa, le malais, le berbère, le
haoussa…etc.
Outre l’Islam, on trouve dans un certain nombre de pays du
monde islamique, d’autres religions telles que : le christianisme,
l'hindouisme, le bouddhisme, le judaïsme, le zoroastrisme, le
confucianisme et le sikhisme. Les musulmans sunnites représentent
90 % de la population, contre 10% de chiites, en particulier les
adeptes de la doctrine chiite duodécimain.
Tous ces peuples islamiques coexistent pacifiquement, en dépit
de leur multiplicité et diversité aussi bien en termes de culte, de
langue que de culture. Les musulmans ont ainsi, contribué aux
côtés des adeptes des autres religions, sectes et confessions avec
lesquels ils ont vécu au fil du temps, à l’édification de la civilisation
islamique. Celle-ci s’est enrichie dans une large mesure de l’apport
des anciennes civilisations humaines: civilisation jébuséenne,
cananéenne, phénicienne, araméenne, civilisation des Arabes
Ghassanides, civilisation des Arabes nabatéens, civilisation de Saba,
de Himyar et d’Altbabah, civilisation persane, grecque, romaine,
civilisation d'Abyssinie, ainsi que les civilisations au-delà du fleuve,
à savoir celle de l'Ouzbékistan, du Kazakhstan, du Turkménistan et
la civilisation turque.
- 59 -
Partant, la civilisation islamique a constitué et constitue encore le
creuset de toutes ces civilisations, dont elle a pu intégrer les valeurs
humaines et les bonnes mœurs, ainsi que les différents apports en
matière de pensée, de science, de littérature, d’art, d’urbanisme de
création et de recherche, afin d’assurer une vie décente et digne à l’être
humain. Ce dernier a été en effet honoré par Dieu conformément
à la parole divine: « Certes, Nous avons honoré les fils d'Adam. Nous les
avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme
nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures »(4).
Un bloc homogène et cohérent
Le monde islamique constitue aujourd'hui une entité à part entière
qui se propose de remplir une mission humanitaire universelle. Sa
présence se renforce de plus en plus sur la scène internationale de
façon constante, en dépit des multiples problèmes rencontrés par
les musulmans à l’heure actuelle. Ces problèmes exacerbés sous la
pression des défis majeurs auxquels se heurte le monde islamique,
affecte de manière grave cette immense entité, l’empêchant ainsi
d’aller de l’avant sur la voie du progrès, de la prospérité et du
développement durable.
L'analphabétisme : un obstacle majeur au développement
En passant en revue les grands défis auxquels fait face le monde
islamique lesquels affaiblissent ses capacités et entravent ses
plans de développement, l'analphabétisme qui sévit dans tous
les pays islamiques, sans exception, vient en tête. Il constitue de
4) Sourate Al-Israa, verset 70
- 60 -
loin un mal qui ronge toutes les sociétés musulmanes. Selon les
données de l'Institut de statistique de l'UNESCO et les statistiques
avancées par l'ISESCO ainsi que les différents rapports annuels
sur le développement humain élaborés par les organisations
internationales, le taux d'analphabétisme dans de nombreux pays
du monde islamique, se situe à 45 % chez les hommes et à 65 %
chez les femmes.
Ce pourcentage, en hausse de 10 % en campagne qu’en ville
peut atteindre jusqu’à 30 % dans certains Etats islamiques. Seuls
quelques pays du monde islamique ont réalisé des progrès notables
dans l'éradication de ce fléau, dont le taux est descendu à près de 1
%. Un résultat positif qui sera abordé plus en détail plus loin dans
la présente étude.
L'analphabétisme n’est pas uniquement une offense à la Oumma
considérée par le Saint Coran comme dépositaire du savoir. Il
constitue en outre, une question d'une importance cruciale qui
mérite d'entrer dans ce qu'on appelle les (questions fatidiques) ou
les (questions centrales). Elle doit en tant que telle, recevoir une
attention particulière de la part de la plus haute autorité au sein du
monde islamique.
Hélas, l'analphabétisme n’est pas encore érigé en priorité par
la plupart des pays du monde islamique. Il est plutôt considéré,
comme une simple question d’ordre éducatif et éthique et non en
tant qu’enjeu de développement socio-économique. En effet pour
ces pays, l'analphabétisme est un souci de sécurité nationale au
sens large du terme, que ce soit au niveau de l'Etat ou au niveau
de l’ensemble du monde islamique. L’Islam constitue à cet égard,
le socle autour duquel s’organise le bloc arabo-islamique, dont les
Etats sont affiliés à la Ligue arabe et/ou à l'OCI.
- 61 -
L'analphabétisme, dans nombreux pays du monde islamique, a
atteint des proportions alarmantes, à telle enseigne qu’il est devenu
un phénomène social qui nous incite à tirer la sonnette d’alarme.
Il dépasse de loin par ses effets néfastes, ceux engendrés par la
pauvreté, l'ignorance, la maladie et l’insécurité dans bon nombre de
pays islamiques. De fait, l'analphabétisme est le principal déclencheur
de bon nombre de ces phénomènes qui entravent la croissance et
confortent le cercle vicieux du sous-développement, et ce en dépit
des efforts considérables consentis par ces pays pour surmonter ces
obstacles, et établir une base solide pour le développement durable,
à même d’opérer de profonds changements en leur sein.
En effet, aussi bien la pauvreté, l'ignorance, la maladie, l’insécurité
que le sous-développement sont dus en grande partie à
l'analphabétisme, ce qui empêche l’Homme de prendre conscience
de ses droits comme de ses devoirs, et partant de contribuer au bienêtre de la société ainsi qu’à la préservation de ses intérêts suprêmes.
Souvent, l’insécurité procède de l'analphabétisme, à la fois au sens
propre du terme que dans son acception la plus générale, à savoir
l'ignorance de la loi pour beaucoup de ceux qui commettent des
crimes tombant sous la coupe de la loi. Il en est de même de la
compréhension erronée de la religion pour beaucoup de ceux qui
s'engagent dans le terrorisme sous couvert de la religion, et de ce
fait deviennent une proie facile pour l'extrémisme et l’intolérance
car ils font une interprétation très bornée des textes religieux.
L’ISESCO note avec amertume au vu des indicateurs de suivi
des programmes d'alphabétisation dans les États membres, que
le taux d'analphabétisme dans un certain nombre de régions du
monde islamique est en hausse constante, nonobstant les efforts
considérables déployés par les instances gouvernementales dans ces
pays pour l’éradication de ce fléau. Seul un nombre limité de ces
- 62 -
États membres ont pu réaliser quelques prouesses dans ce domaine,
dont l’importance varie d'un État à l'autre.
Les études menées récemment par l'ISESCO ont montré que
l'analphabétisme est l'un des principaux obstacles au développement
dans l’ensemble des pays islamiques. Ainsi, afin d’assurer l’essor et
le bien-être de nos sociétés, il convient de redoubler d’efforts à cet
égard et de mettre en œuvre les mécanismes à même d’endiguer
ce fléau. Ceci passe certes par l’adoption de nouvelles méthodes et
approches novatrices, mais aussi par la mise en place de mesures
audacieuses, grâce à une volonté politique affirmée et responsable.
Il va sans dire que la prolifération de l’analphabétisme, les obstacles
auxquels font face les efforts de développement, la rareté des ressources,
la mauvaise planification stratégique engendrent des résultats médiocres
du secteur éducatif, tous niveaux confondus. Selon les rapports annuels
sur le développement humain et ceux établis par l'ISESCO, le niveau
de qualité et d'accréditation dans le secteur de l'enseignement dans la
majorité des pays islamiques, régressent de façon alarmante.
Il ne fait aucun doute que le pourcentage élevé des enfants dans le
monde islamique, constitue un fardeau qui pèse lourdement sur la
plupart des Etats, si bien que ces derniers sont incapables d'absorber
le nombre grandissant d'enfants dans les programmes de protection
de l’enfance et d’enseignement préscolaire. En effet, une bonne
éducation dans le cycle primaire a un fort impact à tous les stades
du processus éducatif. Il ressort du rapport de la Banque mondiale
sur l'enseignement secondaire 2010(5) que l'investissement dans
l'enseignement secondaire a un rendement économique élevé aussi
5) Les indicateurs statistiques des Etats membres de l’OCI- SESRIC, Ankara.
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bien sur l'individu que la société. L'investissement dans l'enseignement
supérieur, quant à lui, offre des opportunités propices à la croissance
économique et au changement social. Il est clair d'après les études
menées par l'ISESCO et les rapports à la fois de l'UNESCO et de la
Banque mondiale que l'éducation dans de nombreux pays du monde
islamique demeure faible que ce soit au cycle primaire, secondaire ou
universitaire. Elle a pour ainsi dire, des retombées économiques et
sociales insignifiantes, à de rares exceptions près d'un État à l’autre,
et ce en dépit des efforts déployés sur le plans national pour la
promotion du processus éducatif.
Les indicateurs de l’éducation élaborés par le Centre de Recherches
Statistiques, Economiques et Sociales et de Formation pour les
Pays Islamiques (SESRIC) issu de l'OCI (basée à Ankara), nous en
dit long à cet égard(6) :
Ainsi, le taux le plus élevé d'alphabétisation des adultes (lecture et
écriture) se trouve dans les États membres de l'OCI suivants :
- République d'Ouzbékistan : 99,9 %
- République du Kazakhstan : 99,6 %
- République Turkménistan : 99,5 %
- République du Tadjikistan : 99,4 %
- République d'Azerbaïdjan : 99,4 %
- République du Kirghizistan : 99,3 %
- République d'Albanie : 99,00 %
- République des Maldives : 97,00 %
- Brunei Darussalam : 94,9 %
6) SESRIC- indicateurs choisis de l’enseignement (2012), Ankara.
- 64 -
- Etat du Koweït : 93,9 %
- Etat de Palestine : 92,4 %
- Malaisie: 91,9 %
- Etat des Emirats Arabes Unis : 90,4 %
- Etat du Qatar : 90,2 %
- République turque : 88,4 %.
Situation de l'éducation dans le monde islamique
De nombreux pays du monde islamique ont échoué dans la
généralisation de l'éducation primaire, l’amélioration de la qualité de
l'enseignement secondaire et celle de l'enseignement universitaire.
Un échec qui se répercute de manière négative sur la recherche
scientifique, laquelle n'a toujours pas la place qui lui échoit dans les
plans d'action et politiques mise en œuvre à cet égard. Les rapports
de l’ISESCO indiquent en conformité avec les statistiques de
l'UNESCO, que la proportion des dépenses allouées à la recherche
scientifique dans les pays islamiques est inférieure à un (1) % du
produit national brut de chaque Etat, contre plus de trois (3) %
dans les pays développés.
L'ISESCO a mis en place la Stratégie pour la science, la technologie
et l'innovation qui a été adoptée par la Conférence islamique au
Sommet. Toutefois, à l’instar des 16 stratégies élaborées par
l'ISESCO, la mise en œuvre de cette stratégie est tributaire de la
volonté politique active et pertinente, capable de réaliser la réforme,
le développement et la modernisation.
Selon les indicateurs des sciences et technologie, la proportion des
dépenses allouées à la recherche scientifique du produit intérieur
- 65 -
brut (PIB) dans les pays du monde islamique est extrêmement faible.
Dans certains pays, ce taux atteint 0,1% seulement, voire plus de la
moitié des Etats membres de l'OCI n'alloue aucun pourcentage de
leur produit intérieur brut à la recherche scientifique. La plus grande
proportion des dépenses consacrées à la recherche scientifique a été
constatée dans les pays suivants(7) :
- République tunisienne : 0,73%
- République turque : 0,69%
- Royaume du Maroc : 0,60%
- République islamique d'Iran : 0,59%
- Malaisie : 0,59%
- Royaume Hachémite de Jordanie : 0,34%
- République d'Azerbaïdjan : 0,30%
- République islamique du Pakistan : 0,24%.
Face à cette réalité peu reluisante, force est de constater avec
amertume que le sous-développement dans le domaine scientifique
prévaut dans la quasi-totalité des pays islamiques. Cet état de fait se
traduit par une faiblesse de l'économie, une croissance chancelante,
ainsi que par une série de crises économiques et de problèmes
sociaux qui entravent la poursuite des objectifs assignés dans le
cadre des plans de développement global et durable.
7) Op.cit. indicateurs des sciences et technologie.
- 66 -
Programme d’action décennal pour relever les défis du
Millénaire
La session extraordinaire de la Conférence islamique au Sommet
s'est tenue en 2005 à Makkah Al Mukarramah, au cours de laquelle
fût adopté le (Programme d’action décennal pour faire face aux
défis auxquels la Oumma islamique se trouve confrontée au XXIe
siècle). La deuxième clause de ce programme d’action consacrée
au développement et aux questions économiques, sociales et
scientifiques prévoit notamment d’inviter les Etats Membres à
participer aux efforts internationaux pour soutenir les programmes
visant à éradiquer la pauvreté, renforcer les capacités des États
membres de l'OCI les moins avancés, la promotion des activités
visant à assurer le développement socio-économique au sein
des pays africains, le soutien de l’industrie, l’encouragement du
commerce et de l'investissement, le transfert de la technologie,
l'allégement de la dette et l'éradication des maladies.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, la science et la
technologie, le Programme souligne la nécessité d’améliorer les
établissements et les programmes d'enseignement, à tous les
niveaux, relier les études universitaires aux plans de développement
global dans le monde islamique, en accordant la priorité aux sciences
et à la technologie, à la facilitation de l'interaction académique et de
l'échange d’expertise entre les institutions académiques des États
membres et les inciter à œuvrer pour un enseignement de qualité
visant à encourager la créativité, la recherche, l’innovation et le
développement.
Cependant la réalité est tout à fait différente puisque la mise en
œuvre de cette clause du Programme décennal se fait très lentement
- 67 -
voire n'est pas du tout appliquée dans la majorité des pays concernés.
En effet, la pauvreté reste très répandue dans la plupart des pays
islamiques. Selon les rapports de l'ONU, les pays les plus pauvres
au monde sont ceux appartenant au monde islamique. Pis encore,
certains peuples islamiques sont aujourd’hui, des foyers de guerre,
de conflits sectaires, de déplacement et de génocide.
C’est pourquoi, la plus forte proportion de réfugiés dans le monde
est constituée de musulmans. D’ailleurs, selon les indicateurs
statistiques des pays membres de l’OCI élaborés par le SESRIC
(relevant de l'OCI), nous constatons au niveau économique que(8) :
Le plus bas PIB par habitant en dollars U.S. se trouve dans les cinq
pays suivants :
- République de Guinée-Bissau : 211 dollars U.S.
- République du Niger : 289 dollars U.S.
- République de Somalie : 291 dollars U.S.
- République islamique d'Afghanistan : 341 dollars U.S.
- République islamique du Bangladesh : 428 dollars U.S.
Le PIB le plus élevé par habitant en dollars U.S. se trouve en
revanche, dans les cinq pays suivants :
- Etat du Qatar : 76,391 dollars U.S.
- Etat des Emirats Arabes Unis : 47,866 dollars U.S.
- Brunei Darussalam : 31,835 dollars U.S.
- République d'Irak : 15,519 dollars U.S.
- Royaume d’Arabie Saoudite : 15,481 dollars U.S.
8) Op.cit, BASEIND (principaux indicateurs socio-économiques).
- 68 -
Le monde islamique a des spécificités qui lui permettent de passer
de l’état de faiblesse à l’état de force pourvu qu’il puisse exploiter
pleinement ses capacités en s’armant de ses connaissances en matière
des systèmes d’administration, de gestion et d'investissement.
Parmi ces avantages: une économie forte, des ressources naturelles
abondantes, une superficie énorme qui couvre environ un 1/4 de
la superficie du globe, un grand nombre de rivières, une superficie
étendue de terres arables qui avoisinent celle de l'Australie, une
densité de la population dominée par les jeunes, sans oublier sa
richesse culturelle et civilisationnelle laquelle contribue à améliorer
le moral des peuples du monde islamique.
Le monde islamique puise toute sa force dans la religion islamique
laquelle a élevé le travail fructueux et bénéfique au rang de culte de Dieu.
Stratégies de l'ISESCO pour la promotion du monde
islamique
Ces défis de taille auxquels la Oumma islamique se heurte sont
d’autant plus amplifiés que l’on assiste aujourd’hui au sein du monde
islamique à d’autres menaces plus graves, à savoir le sectarisme et
les conflits confessionnels entre les peuples de cette même entité.
En effet, on constate actuellement que le phénomène sectaire est en
expansion, dans la mesure où les conflits sectaires sont désormais
déclarés entre les sunnites et les chiites. Un conflit qui menace
l'unité spirituelle et culturelle de la Oumma islamique, voire constitue
un véritable foyer de tension et d’instabilité, jetant ainsi le discrédit
sur les sociétés musulmanes. C’est là un danger sérieux qui nous
interpelle tous à plus d’un titre. Aussi les sages de cette nation
sont-ils appelés à y faire face de manière efficace et avec un sens
- 69 -
de responsabilité. A cet égard, il convient de rappeler les efforts
de l'ISESCO dans ce domaine, notamment la mise en place d’une
Stratégie pour le Rapprochement entre les Madhahib islamiques
(doctrines religieuses islamiques), adoptée par la Conférence
islamique au Sommet avec ses mécanismes de mise en œuvre dans
le cadre duquel a été créé le Conseil consultatif supérieur pour le
Rapprochement des Madhahib qui regroupe une pléiade d’éminents
jurisconsultes musulmans et œuvre dans le cadre de l’ISESCO.
Néanmoins et par souci d’objectivité, il faut reconnaître que cette
stratégie n’est pas appliquée du fait que certaines parties de la Oumma
islamique, continuent à attiser les conflits sectaires. Ce faisant, ils
cherchent par tous les moyens, à diffuser la pensée sectaire, en
mettant tout en œuvre pour promouvoir leur propre idéologie,
provoquant ainsi de graves crises, ainsi que des foyers de tension
et d'instabilité dans de nombreuses régions du monde islamique.
Il va sans dire que les conflits et les guerres qui déchirent le monde
islamique et l’affectent gravement, résultent principalement de
l'expansion tous azimuts de la doctrine sectaire dans le monde
islamique. Cette politique est néanmoins, vouée à l'échec
conformément à la parole divine: «Quant à l’écume, elle se perd,
tandis que ce qui profite aux gens reste près du sol »(9).
Il convient de noter dans ce contexte, que la situation d’instabilité,
les guerres et les conflits qui sévissent dans les différentes régions
du monde islamique, poussent les puissances étrangères à s’ingérer
dans les affaires intérieures de certains pays musulmans leur laissant
la voie libre pour pénétrer les sociétés islamiques et orienter leurs
9) Sourate Ara’ad, verset 17.
- 70 -
politiques nationales, infiltrer la sphère politique dans certains pays
marqués par leur instabilité pour parvenir à réaliser leurs desseins.
Cet état de fait rend le monde islamique une proie privilégiée de
nombreux stratagèmes visant à semer la zizanie et la discorde,
déstabiliser la région et corrompre la situation générale, ce qui
impacte négativement sur les conditions économiques et sociales
des peuples islamiques et entrave leur marche vers le progrès.
Le monde islamique : quel avenir ?
Tels sont donc les traits distinctifs du monde islamique d’hier et
d'aujourd'hui, mais qu'en est-il de demain ? Qu’avons-nous préparé
pour l'avenir ?
L’édification de l'avenir du monde islamique auquel nous aspirons et
que nous appelons tous de nos vœux, doit passer en premier lieu par
l'éradication de l'analphabétisme, sous toutes ses formes : difficulté
à lire, écrire, l'analphabétisme numérique, l'analphabétisme se
rapportant au savoir. Cette édification de l’avenir est censée découler
également du développement de l'éducation et de l’amélioration de
sa qualité, en mettant au point un système d'éducation moderne
et innovant à l’instar des pays développés. Ceci passe en premier
lieu par la formation de l’enseignant qui a foi dans le changement,
maîtrisant la culture de l'information et les outils des TIC. Il doit
être non seulement un penseur et un professionnel chevronné,
apte à communiquer avec ses étudiants et collègues, mais aussi un
fin connaisseur de la science contemporaine et de la culture de sa
société, tout en œuvrant à améliorer sa situation matérielle.
Il faut en second lieu, mettre à jour les programmes d'études,
rénover le système éducatif, moderniser et réformer l'enseignement
- 71 -
universitaire, en termes d’infrastructures du savoir, de structure
organisationnelle et technologique, tout en s’inscrivant dans un
contexte mondial. C’est ce qu'on désigne communément par le
« Plan de développement en 4 points », qui vise à développer
les universités et à promouvoir leur mission dans le soutien au
développement global et durable, la promotion de la recherche
scientifique, de l'innovation et de la créativité dans les domaines de
la science et de la technologie.
Il s’agit en troisième lieu de la lutte contre la corruption en général
sur tous les plans (politique, administratif et judiciaire), promouvoir
l'intégration économique entre les pays islamiques, élargir le champ
du commerce intra régional, tout comme l'échange d'expériences
professionnelles, techniques, financières et administratives, la
diffusion de la culture du travail, de production et de la pensée
scientifique rationnelle dans tous les domaines, l’esprit d’émulation
et d’abnégation, ainsi que le sens de l’innovation, gage de croissance
équilibrée, de prospérité économique, de progrès scientifique et
d'innovation dans tous les secteurs.
En dernier lieu, le monde islamique ne peut prétendre à la stabilité
et au progrès que par la lutte contre l’idéologie sectaire, le fanatisme
religieux et ethnique, d’autant plus qu’en cas de propagation, cette
pensée véhiculerait les facteurs de destruction de l'intérieur, voire
entraînerait un affaiblissement du monde islamique, entravant sa
marche vers le progrès et la prospérité.
Il convient à cet égard de mettre en œuvre les dispositions de la
Charte de l'OCI en matière de résolution des conflits, promouvoir
la solidarité islamique face aux convoitises et stratagèmes des
grandes puissances étrangères.
- 72 -
Faire face aux défis externes
Les crises graves que traverse le monde islamique aujourd'hui en
raison de l’intensification des conflits ne sont pas dues pour la plupart
à des facteurs externes uniquement. La question palestinienne,
qui remonte à plus de 65 ans (depuis 1948), date de l'occupation
israélienne des territoires palestiniens et la perpétration continue
par Israël de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, de
manière acharnée à l’encontre du peuple palestinien, ou encore par
des régimes répressifs contre leurs propres peuples, sont tous des
actes et pratiques barbares ayant affaibli la Oumma islamique. Ces
actes sont orchestrés par des régimes tyranniques en place, animés
par la répression et l’abus de pouvoir l’esprit autoritaire et l’abus de
pouvoir, alors qu’ils sont censés préserver les intérêts nationaux de
leurs peuples. Il ne faut pas négliger le rôle joué par certaines parties
étrangères qui sont responsables, d'une façon ou d'une autre, de
l'émergence de conflits et de guerres entre musulmans.
Il convient de souligner à cet égard, les nombreux foyers de tension
dans bon nombre de pays musulmans, dont l'Afghanistan, la
Somalie, la Syrie, l'Irak, le Yémen, le Liban, le Mali et le Nigeria,
l'occupation de certains territoires du monde islamique, comme la
Palestine, Ceuta et Melilla, les îles Moulouya(10) dans le Royaume
du Maroc, la province de Nagorno-Karabakh azerbaïdjanais placée
sous occupation arménienne, Thrace occidentale (dépendant de
la Grèce et où la minorité musulmane encourt la répression et la
10) Plus connu dans les médias sous le nom d’Iles Canaries, or il s’agit en fait
d’une erreur répandue à laquelle l’ancien historien du Royaume du Maroc,
feu Pr. Abdelwahab Ben Mansour, avait attiré l’attention du public.
- 73 -
persécution), le Turkestan oriental en Chine connu actuellement
sous le nom de Xinjiang. Ajouter à cela les graves épreuves vécues
par les musulmans que ce soit à Myanmar, Thaïlande, Philippines,
Angola ou en République centrafricaine. En effet, ces minorités
musulmanes sont victimes de persécution et de répression avec leur
lot quotidien d’assassinats et de privation de leurs droits les plus
élémentaires même en vivant dans leurs propres pays.
Des efforts soutenus ont été déployés, au cours des quatre dernières
décennies, afin de promouvoir et de développer le monde islamique
à tous les niveaux, notamment avec la création de l'Organisation de
la Conférence islamique (devenue Organisation de la Coopération
islamique) en 1972, dans le sillage de la 1ère Conférence islamique
au Sommet, tenue à Rabat en 1969, et ce à l'aimable invitation de
Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, Dieu ait son âme, et en étroite
collaboration avec Feu sa Majesté le Roi Fayçal bin Abdulaziz Al
Saoud, que Dieu l'ait en sa sainte miséricorde.
Les réformes nécessaires pour la réhabilitation
J’ai publié il y a neuf ans, à la maison d’édition Dar Chorouk
- le Caire, un livre intitulé : (Le monde islamique à l'ère de la
mondialisation). Dans cet ouvrage, j’ai défini trois conditions
pour changer la réalité des médias : la mise à jour des
programmes d'études, le développement des systèmes éducatifs
et l’appui à la recherche scientifique dans tous les domaines
de la connaissance, en plus du renouvellement des modes de
vie publique. A cet effet, il convient de mettre en place un
programme-médias rationnel à prendre comme tremplin pour
bâtir des lendemains meilleurs.
- 74 -
J’ai également expliqué que les programmes d'enseignement ne
sauraient se développer et que la recherche scientifique ne pourrait
trouver ses lettres de noblesse, en se hissant au rang de priorité
majeure, que si on améliore la situation générale dans la plupart
des pays arabo-musulmans, dont la faiblesse et l'instabilité est le
trait dominant, en raison des modèles politiques et économiques y
adoptés et qui se sont révélées être un échec total.
J’ai mis l’accent dans ce livre sur la nécessité: « de mener de
profondes réformes à même d’accorder à la libre volonté la place
qui lui échoit, instaurer la confiance, raviver les espoirs, éteindre
le feu de la colère et de l'anxiété, dissiper la peur et la suspicion, et
vaincre l’hésitation et la réticence à participer à la chose publique au
sein de la communauté ».
A cet égard, l’on peut lire dans le huitième alinéa intitulé (Droits de
l'homme et bonne gouvernance) du « Programme d'action décennal
pour faire face aux défis auxquels la Oumma islamique se trouve
confrontée au XXIème siècle », qui a été adopté lors de la troisième
Session Extraordinaire du Sommet Islamique, tenue à Makkah Al
Mukarramah en 2005, ce qui suit : « Veiller à élargir le champ de la
participation politique, à garantir l'égalité, les libertés publiques et
la justice sociale, à promouvoir la transparence et la responsabilité,
ainsi que la corruption dans les Etats membres de l'OCI ».
L'adoption de ce programme constitue un engagement de la part
des pays du monde islamique à opérer une réforme de la situation
générale tant en termes de doctrine, de méthodologie que de
politique. C’est aussi un engagement en faveur du changement,
du renouvellement et de la modernisation, en vue de se mettre
au diapason des pays développés, et partant reprendre un nouveau
cycle de vie pour la civilisation islamique.
- 75 -
Ceci nous amène à se poser la question suivante: Quel serait l’état
des lieux du monde islamique si les recommandations et autres
résolutions et stratégies de la session extraordinaire du Sommet
islamique tenue il y a huit ans, étaient réalisées ou du moins leur
mise en œuvre a été lancée ?
En effet, le monde islamique n’a pas su tirer parti des nombreuses
opportunités qui se sont offertes à lui. Si la plupart des pays
islamiques avaient la ferme et sincère volonté ainsi que la capacité
de mettre en œuvre les résolutions adoptées lors de ses multiples
Conférences islamiques, et en particulier la Conférence islamique
au Sommet, les sessions du Conseil des ministres des Affaires
étrangères des pays de l'OCI, et les Conférences ministérielles
spécialisées organisées par l'ISESCO, la situation dans le monde
islamique aurait pu être meilleure, à tous les égards. Le monde
islamique dispose d’un potentiel énorme et d’une pléthore de
ressources, outre d’importants atouts géographiques et humains
à même d’assurer son progrès et lui permettre de se libérer des
pressions exercées par des puissances étrangères néocoloniales
pour pouvoir affirmer sa présence sur la scène internationale.
Ces défis majeurs que le monde islamique est appelé à relever, à
l’heure actuelle, mais aussi depuis bien longtemps, ne sauraient
anéantir la lueur d’espoir qui pointe à l’horizon ni entamer la
volonté d’action chez les musulmans ; car des perspectives positives
se dessinent, augurant par-là de lendemains meilleurs. Le monde
musulman renaîtra un jour de ses cendres, et pourra ainsi surmonter,
par la volonté de Dieu, les embûches sur son chemin vers le progrès
et la prospérité. Pour cela, il faut renforcer la solidarité islamique et
promouvoir l'unité du monde islamique dans le cadre du respect de
la pluralité, de la diversité et de la souveraineté nationale de chaque
Etat membre de l’OCI. Il faut également faire face aux convoitises
- 76 -
étrangères, par le biais de politiques concertées, pour ne pas dire
unifiées, et en adoptant des positions fermes en conformité avec
la Charte de l'OCI, celle des Nations Unies et les règles du droit
international.
Un développement intégré et global
Les études scientifiques modernes, que ce soit dans le domaine
des sciences politiques, économiques ou sociales, ne font pas de
distinction entre ces différents types de développement, dans
la mesure où ils constituent tous un système de développement
intégré. Les pays concernés par le développement économique et
social, ne sauront en effet, réaliser les objectifs qu’ils se sont fixés,
que s’ils s’intéressent au développement politique en en font une de
leurs préoccupations majeures. Dans tous les cas, le développement
aussi bien économique, social que politique ne peut porter ses fruits
que s’il s’appuie sur une base plus large de développement dans
les domaines de l'éducation, des sciences, de la technologie, de
la culture et de la communication à travers l’ensemble du monde
islamique, allant de l'Atlantique au Pacifique.
L'évolution de la notion de développement a donné lieu à un
concept plus large et profond, à savoir ce qu’on appelle aujourd'hui
le développement global et durable. Il s’agit là d’une notion qui vient
d’être adoptée par l’Organisation des Nations Unies et les organes
qui en sont issus. L’ONU a organisé de nombreuses conférences
internationales sur le développement global et durable, au cours de
ces deux dernières décennies dont certaines ont été marquées par la
participation de l'ISESCO, en tant qu'organe islamique spécialisée
dans le développement de l'éducation, de la science, de la culture et
de la communication au sein du monde islamique.
- 77 -
A la lumière de l’élargissement du concept de développement qu’a
été publié en septembre 2000, la Déclaration du Millénaire des
Nations Unies. Dans l'alinéa (III) de ladite Déclaration (Réalisation
du développement et élimination de la pauvreté), il a été mis l'accent
sur les engagements suivants en matière de développement :
1. Nous n’épargnerons aucun effort pour délivrer nos semblables
- hommes, femmes et enfants - de la misère, phénomène
abject et déshumanisant qui touche actuellement plus d’un
milliard de personnes. Nous sommes résolus à faire du droit
au développement une réalité pour tous et à mettre l’humanité
entière à l’abri du besoin.
2. En conséquence, nous décidons de créer - aux niveaux tant
national que mondial - un climat propice au développement et
à l’élimination de la pauvreté.
3. La réalisation de ces objectifs suppose, entre autres, une bonne
gouvernance dans chaque pays. Elle suppose aussi une bonne
gouvernance sur le plan international, et la transparence des
systèmes financier, monétaire et commercial. Nous sommes
résolus à mettre en place un système commercial et financier
multilatéral ouvert, équitable, fondé sur le droit, prévisible et
non discriminatoire.
4. Nous sommes préoccupés par les obstacles auxquels se
heurtent les pays en développement dans la mobilisation des
ressources nécessaires pour financer leur développement
durable. Nous ferons donc tout pour assurer le succès de
la Réunion intergouvernementale de haut niveau chargée
d'examiner la question du financement du développement à
l'échelon intergouvernemental, qui doit se tenir en 2001.
- 78 -
5. Nous nous engageons également à prendre en compte les
besoins particuliers des pays les moins avancés. A cet égard,
nous nous félicitons de la convocation en mai 2001 de la
troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins
avancés et nous nous efforcerons d’en assurer le succès.
Ces engagements confirmés reflètent la volonté de la communauté
internationale d’appuyer les efforts en faveur du développement
global et durable dans le monde. De par leur portée politique,
économique, sociale et culturelle, ces engagements convergent dans
le sens de l’action globale accomplie par l'ISESCO dans sa quête
incessante du développement soutenu, global et durable des sociétés
islamiques, sur les plans tant éducatif, scientifique que culturel, de
manière à en tirer profit et surmonter les défis du millénaire.
Objectifs du Millénaire pour le développement
Les États membres de l'Organisation des Nations Unies, qui
sont au nombre de 192 pays, et de pas moins de 23 organisations
internationales, ont convenu lors du Sommet mondial du millénaire,
de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)
d'ici l'an 2015. Il s’agit de huit principaux objectifs qui constituent ce
qu'on pourrait appeler un (Programme de développement à l’échelle
mondiale)(11). En passant en revue ces nobles objectifs qui incarnent
la volonté internationale, et qui constituent un cadre général pour
parvenir à un développement global et durable dans le monde, nous
constatons qu'elles coïncident avec ceux à la réalisation desquels
11) Objectifs du Millénaire pour le Développement-Nations Unies- New York.
- 79 -
l'ISESCO œuvre dans les limites de ses compétences. Ces objectifs
s’inscrivent globalement dans le cadre des plans d’action triennaux
successifs, tels qu’ils figurent dans le (Programme d’action décennal
pour faire face aux défis auxquels la Oumma islamique se trouve
confrontée au XXIe siècle), adopté lors du 3ème Sommet islamique
extraordinaire tenu à Makkah Al Mukarramaha, en 2005. Ces
objectifs se présentent ainsi :
1er objectif : Réduire l’extrême pauvreté et la faim
2ème objectif : Assurer l'éducation primaire pour tous
3ème objectif : Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation
des femmes
4ème objectif : Réduire la mortalité infantile
5ème objectif : Améliorer la santé maternelle
6ème objectif : Combattre le VIH/Sida, le paludisme et d'autres
maladies.
7ème objectif : Assurer un environnement durable.
8ème objectif : Mettre en place un partenariat pour le développement.
À l'exception du premier axe du 3ème objectif (promouvoir l'égalité
des sexes), au sujet duquel nous émettons, certes, des réserves au
cas où ceci impliquerait la transgression des dispositions de la charia
islamique, tous les autres objectifs font néanmoins l’objet d’un
consensus à l’échelle internationale.
On peut dire globalement, que l'ISESCO est un acteur actif qui joue
un rôle clé dans les efforts déployés par la communauté internationale
à plus d'un niveau, en vue d’instaurer un partenariat mondial pour
le développement, où le monde islamique s’intègrerait pleinement,
en raison des ressources diverses, des capacités multiples et du
potentiel important dont il dispose.
- 80 -
De surcroît, l'ISESCO est impliquée dans la mise en œuvre du
(Programme d'action décennal pour faire face aux défis auxquels
la Oumma islamique se trouve confrontée au XXIe siècle), dans les
limites de ses compétences et selon les moyens mis à sa disposition.
Responsabilité de l'ISESCO pour relever les défis du
Millénaire
Ce partenariat, aux niveaux islamique et international, destiné à
soutenir les efforts visant à atteindre un développement équilibré
et intégré dans des domaines vitaux tels que l'éducation, la
science, la technologie, l'innovation, la culture, la communication,
l'environnement et l'enfance, est ce qui distingue au plus haut
niveau, le nouveau plan d'action triennal de l’ISESCO, adoptée lors
de la 11ème Conférence générale tenue le 1er décembre 2012 à Riyad.
Ce plan d'action vise en effet, à promouvoir le monde islamique
afin qu’il puisse relever les défis du Millénaire.
Dans le domaine de l'éducation, ce plan se focalise sur deux
priorités sectorielles : 1- le développement des systèmes éducatifs
des États membres ; 2- le renforcement du rôle de l'éducation dans
la consécration des valeurs humaines communes et le traitement
des questions de développement. De ces priorités découlent de
nombreux autres objectifs qui vont de pair avec le soutien au
développement global et durable dans le monde islamique.
Dans le domaine de la science, le plan d'action triennal a mis
l’accent sur trois priorités sectorielles, à savoir : 1- Le renforcement
des capacités scientifiques et technologiques à des fins de
développement ; 2- La préservation de la biosphère ; 3- La mise à
profit des sciences humaines et sociales pour promouvoir la paix
- 81 -
sociale. Ces trois priorités s’articulent autour de plusieurs axes ayant
pour thème les questions objet de notre préoccupation.
Dans le domaine de la culture et de la communication, le plan est
axé sur deux priorités sectorielles dans le domaine de la culture.
1- L'échange et la diversité culturels au service du dialogue, de
la paix et de la stabilité ; 2- La culture et le patrimoine : outils
d'intégration sociale et valeur économique. Dans le domaine de
la communication, ledit plan s’est appuyé sur une seule priorité
sectorielle, à savoir l’édification d’une société de l'information et
de la connaissance et le traitement des stéréotypes mutuels. Cette
priorité se décline en trois axes intrinsèques.
Concernant les projets sectoriels menés en commun avec les
différentes organisations internationales, arabes et islamiques qui
collaborent dans ce domaine, l'ISESCO a défini dans le cadre
de son plan d'action cinq programmes couvrant des questions
de l’enfance, la femme, les jeunes, les personnes aux besoins
spécifiques, l'environnement, la santé et la population. Ces
programmes englobent aussi l’action culturelle et éducative dédiée
aux musulmans en dehors du monde islamique, la correction des
informations erronées sur l'Islam et les musulmans, ainsi que les
questions se rapportant à l'enseignement supérieur et à la recherche
scientifique.
A travers cet exposé, il s’avère que ces différentes questions
sur lesquelles l’ISESCO s’est attelée par la mise en place des
programmes et d’activités dans le cadre d'un plan d'action et de
projets bien définis, grâce à une vision claire et un sens profond
de la responsabilité, reflètent l'importance de l'appui fourni par
l'ISESCO aux efforts de développement consentis au niveau du
monde islamique visant la promotion de la Oumma islamique.
- 82 -
Etant donné les responsabilités qui nous incombent et sont au-delà
de nos capacités et vu que les problèmes accumulés qui entravent
le processus de développement dans le monde islamique sont
exacerbées par la conjoncture délicate qui prévaut dans la majorité
des pays islamiques, l'ISESCO se doit de contribuer par la réflexion
et la planification prospective, à la mise en œuvre de plusieurs plans
d'actions.
C’est ainsi que l'Organisation constitue le foyer d’expertise de
haut niveau dans tous les domaines liés à l'éducation, les sciences,
la culture, la communication, l'environnement et l'enfance, en
apportant son savoir-faire à tous les pays du monde islamique
aux fins de renforcer leurs capacités et rehausser le niveau de
performance des politiques nationales dans ces domaines.
En tant que foyer d’expertise, l’ISESCO pourra contribuer non
seulement à la mise en œuvre sur le terrain de grands projets
civilisationnels, mais également au renforcement des capacités
pratiques techniques et académiques des États membres dans
les domaines de ses compétences, ainsi qu’à l’élaboration de
programmes de mise en œuvre tout en veillant à leur intégration
dans le cadre des efforts nationaux consentis par les gouvernements
des États membres dans les domaines du développement éducatif,
scientifique, culturel et communicationnel.
- 83 -
Planification stratégique pour l'avenir du monde
islamique
Etant donné que la planification stratégique pour l'avenir du monde
islamique constitue une règle fondamentale de son action, l'ISESCO
a élaboré à ce jour, seize stratégies qui constituent dans leur
intégralité la stratégie globale de développement dans ses domaines
de compétence. Parmi ces stratégies, on peut citer notamment :
la Stratégie culturelle du monde islamique, la Stratégie en matière
de sciences, de technologie et d'innovation, la Stratégie d’action
culturelle en dehors du monde islamique, la Stratégie de solidarité
culturelle dans le monde islamique, la Stratégie de développement de
la biotechnologie dans le monde islamique, la Stratégie de gestion des
ressources en eau, la Stratégie de développement de l'enseignement
universitaire, la Stratégie de développement des technologies de
l'information et de la communication dans le monde islamique,
la Stratégie de développement des énergies renouvelables dans le
monde islamique, et la Stratégie de développement du tourisme
culturel.
Ces stratégies adoptées pour la plupart par la Conférence islamique
au Sommet lors de ses sessions successives, répondent aux besoins
en développement de l'éducation, des sciences, de la culture et de
la communication dans le monde islamique. Si le besoin pour de
nouvelles stratégies s'en faisait sentir, l’ISESCO serait à coup sûr, la
première à les préparer et à en superviser la mise en œuvre.
En se référant au Programme d’action décennal pour faire face
aux défis auxquels la Oumma islamique se trouve confrontée au
XXIe siècle, et à la mise œuvre duquel l'ISESCO contribue, nous
constatons qu'il définit dans l’alinéa intitulé : « le développement
- 84 -
et les questions économiques, sociales et scientifiques » les
engagements pratiques suivants :
1. Inviter les Etats membres à signer et à ratifier l’ensemble des
accords de l’OCI portant sur le commerce et l’économie et à
mettre en œuvre les dispositions pertinentes du plan d’action
de l’OCI pour le renforcement de la coopération économique
et commerciale entre les Etats membres.
2. Demander au COMCEC de prendre des mesures pour élargir
le champ des échanges commerciaux entre les Etats membres,
d’examiner la possibilité de créer une zone de libre-échange
dans un souci de complémentarité économique accrue, de
porter le niveau des échanges à 20% du volume global pendant
la durée du plan; exhorter les Etats membres à soutenir les
activités du COMCEC et à y participer au plus haut niveau
possible.
3. Promouvoir les démarches visant à instaurer une coopération
institutionnalisée entre l’OCI et les institutions internationales
et régionales s’occupant de questions économiques et
commerciales.
4. Soutenir les efforts des Etats membres de l’OCI désireux
d’accéder à l’OMC et promouvoir la coordination entre les
Etats islamiques au sein de l’OMC.
5. Appeler les Etats membres de l’OCI à faciliter la libre
circulation transfrontalière des hommes d’affaires et des
investisseurs.
6. Soutenir l’effort de promotion du commerce électronique
entre les Etats membres de l’OCI et inviter la CICI à renforcer
ses activités dans le domaine des échanges de données et
- 85 -
d’expertise entre les chambres de commerce et d’industrie des
Etats membres.
7. Inviter les Etats membres à coordonner leurs politiques
environnementales et leurs positions dans les foras mondiaux
sur l’environnement pour en éviter les effets pervers sur leur
développement économique.
Dans l’alinéa (Appui au développement et à la lutte contre la
pauvreté en Afrique), le Programme d’action décennal définit les
engagements suivants :
1. Encourager et soutenir les Etats membres pour renforcer
leurs activités visant à promouvoir le développement socioéconomique des pays africains y compris le soutien de leur
processus d’industrialisation, la dynamisation du commerce
et de l’investissement, le transfert de technologie, l’allégement
de la dette, l’éradication de la pauvreté et des maladies ;
souscrire à la nouvelle initiative du Nouveau Partenariat pour
le Développement de l’Afrique (NEPAD) et adopter à cette
fin un programme spécial pour le développement de l'Afrique.
2. Appeler les Etats membres à participer aux efforts mondiaux
de soutien aux programmes visant à éradiquer la pauvreté et à
renforcer les capacités des PMMA de l’OCI.
3.Exhorter les Etats membres donateurs à annuler les dettes
bilatérales et multilatérales des Etats membres à faible revenu.
4. Inciter les institutions et organisations internationales
spécialisées à fournir plus d’efforts afin d’éradiquer la
pauvreté dans les Etats membres les moins avancés; à venir
en aide aux communautés musulmanes, aux réfugiés et aux
personnes déplacées dans les Etats membres de l’OCI ainsi
- 86 -
qu’aux minorités musulmanes dans les Etats non membres
et les inciter à participer au Fonds Mondial de Solidarité et de
lutte contre la pauvreté.
Quant au domaine de l'enseignement supérieur, de la science et de
la technologie, le PAD définit les engagements suivants:
1. Améliorer et réformer effectivement les établissements et les
programmes de l’enseignement à tous les niveaux, relier les études
universitaires de troisième cycle aux plans de développement
intégral du monde musulman, et accorder la priorité aux sciences
et à la technologie, à la facilitation de l’interaction académique
et de l’échange d’expertise entre les institutions académiques
des Etats membres ; et inciter les Etats membres à œuvrer pour
un enseignement de qualité visant à encourager la créativité, la
recherche, l’innovation et le développement.
2. Mobiliser les éléments hautement qualifiés au niveau du monde
musulman et arrêter une stratégie complète pour tirer parti de
leur expertise et enrayer le phénomène de la fuite des cerveaux.
3. Demander au Secrétariat général d'examiner l’opportunité
d’instituer un Prix de l’OCI pour distinguer les travaux
scientifiques des savants musulmans émérites.
4. Inciter les Etats islamiques à promouvoir les programmes de
recherche et de développement en ayant à l'esprit que ces activités
contribuent pour 2% au Produit intérieur brut des pays avancés
; les inciter également à veiller à ce que ces mêmes activités
contribuent pour au moins la moitié de ce taux à leur PIB.
5. Tirer parti des résultats importants du Sommet Mondial
de la Société de l'Information tenu à Tunis, auquel tous les
Etats islamiques ont pris une part agissante, afin de réduire la
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fracture numérique entre les pays avancés et les pays en voie de
développement ; inviter le Secrétariat général de l'Organisation à
suivre ces résultats pour renforcer les capacités des Etats membres
et leur permettre de s'intégrer à la société de l’information de
manière à soutenir le processus de développement des pays
islamiques.
6. Encourager les institutions nationales de recherche publiques
et privées à investir dans le renforcement des capacités dans les
domaines des technologies avancées telles que les applications
pacifiques de l'énergie nucléaire.
7. Revoir la performance des établissements universitaires relevant
de l’OCI afin d’en améliorer l’efficacité, lancer un appel à la
participation aux deux waqf dédiés aux universités islamiques
du Niger et d’Ouganda et soutenir l’Université Islamique
Internationale de Malaisie.
8. Inviter les Etats membres à fournir un soutien accru à l'Université
Islamique de Technologie au Bangladesh pour lui permettre
de contribuer davantage au renforcement des capacités des
Etats membres de l'OCI par le développement des ressources
humaines.
9. Inciter la BID à renforcer son programme de bourses à
l’intention des éléments brillants et pour les filières High Tech en
vue de promouvoir le développement des capacités scientifiques,
technologiques et de recherche dans les Etats membres.
Ce sont là les engagements convenus par les pays de l'OCI, lors du
Troisième Sommet islamique extraordinaire, afin de relever les défis
du millénaire, auxquels se heurte le monde islamique. L'ISESCO s'est
engagée pour sa part, à contribuer à la mise en œuvre de certaines
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de ces obligations qui rentrent dans le cadre de ses attributions les
plus larges. Il convient de noter que les plans d'action de l'ISESCO,
et en particulier celui relatif à l'année 2010-2012 ainsi que l’actuel
plan d’action amorcé au début du mois de janvier, couvre tous ces
aspects sans exception aucune. C’est ainsi qu’au sein de l'ISESCO,
nous avons pris en considération les grandes lignes et contenus du
Programme d’action décennal de l'OCI, lors de l'élaboration du
Plan d'action triennal et budget pour les années 2013-2015.
A cet égard, l’ISESCO contribue de manière active à l’action
islamique menée conjointement avec l'OCI, afin de promouvoir
le monde islamique. Elle s'engage à ce titre, à venir en aide aux
États membres pour élaborer leur politique nationale dans tous
les domaines qui relèvent de la compétence de l'organisation, et
pour mettre en œuvre ces politiques, en veillant à assurer leur
développement à tous les niveaux.
C’est ainsi que l’ISESCO considère le développement du monde
islamique pour relever les défis du millénaire dans les domaines
de ses compétences comme étant une mission civilisationnelle et
une responsabilité commune qui incombent à toutes les parties
impliquées dans l'action islamique commune.
Les défis majeurs et je souligne le qualificatif « majeurs » auxquels
la Oumma islamique se trouve confrontée au présent comme à
l'avenir, nous interpellent sur l’exigence de conjuguer davantage
nos efforts à tous les niveaux, et de mobiliser toutes les forces vives
au sein de nos communautés islamiques afin d’y faire face avec
sagesse, courage et solidarité.
L'avenir du monde islamique se construit dans l’enceinte des
universités et de ses laboratoires. Il est façonné par les cerveaux
innovants et créatifs, mais aussi par les forces vives, responsables
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au demeurant devant Dieu Tout-Puissant, devant leur conscience,
et vis-à-vis de leurs sociétés.
L'avenir du monde islamique se forge également dans le labeur
sérieux et acharné, comme dans le cadre de la bonne gouvernance,
la justice sociale et le respect des droits de l'homme garantis par
l'Islam à tous les êtres humains.
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