l`agénésie du corps calleux

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l`agénésie du corps calleux
réalités en gynécologie-obstétrique # 170_Novembre/Décembre 2013
Analyse bibliographique
Information en médecine fœtale :
l’agénésie du corps calleux
Santo S., D’Antonio F., Homfray T. Counseling in fetal medicine : agenesis
of the corpus callosum, Ultrasound obstet gynecol, 2012;40:513-521.
L’agénésie du corps calleux est une maladie rare dans laquelle
le chemin commissural principal qui relie les deux hémisphères cérébraux est partiellement ou complètement absent.
Le dépistage anténatal est échographique, mais le pronostic
varie beaucoup, selon les anomalies co-existantes ou les causes
sous-jacentes. Même lorsque l’agénésie est isolée, les symptômes sont variables. Cette revue de la littérature a pour but de
répondre à des questions pratiques concernant le sujet.
Méthodes
Nous avons rassemblé une liste de questions courantes dans
notre pratique de diagnostic anténatal à l’hôpital Saint-Georges,
une maternité de niveau 3. Une recherche exhaustive dans
la littérature des articles pouvant répondre à ces questions a
ensuite été effectuée.
Questions cliniques
l Qu’est ce que le corps calleux ?
Il s’agit du principal chemin commissural du cerveau et il a un
rôle important dans l’intégration des informations entre les deux
hémisphères. Il est constitué de 4 segments : le rostre, le genou, le
corps et le splenium. La formation du corps calleux débute par le
genou, puis se poursuit dans le sens craniocaudal, sauf pour le
rostre qui se développe secondairement. À 20-22 semaines d’aménorrhée, le corps calleux présente son aspect final, une imagerie
avant 22 SA peut par conséquent ne pas être optimale. La séquence
de développement peut renseigner sur les causes des anomalies : en
cas d’agénésie partielle antérieure, il s’agit plutôt d’un événement
disruptif (vasculaire ou infectieux par exemple), en cas d’agénésie
partielle postérieure, on évoquera un arrêt du développement.
l Quelles sont les anomalies possibles du corps calleux ?
L’hypoplasie désigne une diminution de l’épaisseur du corps
calleux, l’hyperplasie une augmentation et l’agénésie une absence.
L’agénésie peut être partielle ou complète. De plus, les malformations peuvent être isolées ou associées à d’autres signes échographiques. Enfin, certaines malformations majeures du système
nerveux empêchent la formation du corps calleux, comme
l’encéphalocèle ou l’holoprosencéphalie. Dans ces situations, le
pronostic cérébral est celui des malformations principales.
>>> Fréquence de l’agénésie du corps calleux. Les différents
biais de sélection des séries publiées rendent l’estimation de
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l’incidence difficile. Les meilleures données viennent probablement du California Birth Defect Monitoring Program qui
suggère une prévalence de 1,4/10 000 naissance vivante pour
l’agénésie et 0,4/10 000 naissance vivante pour l’hypoplasie,
avec une sous-estimation possible due à des individus asymptomatiques non détectés.
l Comment obtenir une image diagnostique fiable ?
>>> Apparence échographique normale. Sur une coupe sagittale médiane du cerveau fœtal, le corps calleux apparaît comme
un fin espace anéchogène entouré par deux lignes échogènes.
L’artère péricalleuse, qui se développe en même temps que
le corps calleux, peut être un marqueur utile de sa présence.
>>> Signes directs d’une agénésie du corps calleux. Le
diagnostic est basé sur l’absence de visualisation du corps
calleux. S’il est sous-développé, une mesure de sa longueur
et de son épaisseur est conseillée, afin de les comparer aux
références disponibles. Cependant, il n’existe pas de seuil
permettant de différencier une petite anomalie d’une variation de la normale, surtout en début de grossesse, ce qui pose
un dilemme diagnostique.
>>> Signes indirects de l’agénésie du corps calleux. En pratique,
il peut être difficile d’affirmer l’absence ou la présence directe du
corps calleux. Cependant, son absence provoque des réarrangements cérébraux indirects qui sont souvent le premier signe d’appel. Ces signes sont l’absence de cavum du septum pellucidum,
ventriculomégalie ou autre anomalie des ventricules, trajet anormal de l’artère péricalleuse, élargissement de la fissure interhémisphérique, réarrangement radiaire des circonvolutions cérébrales
internes. Ces signes indirects sont inconstants, notamment en cas
d’agénésie partielle. Dans ce cas, les plus fréquents sont la disparition du cavum du septum pellucidum et la ventriculomégalie.
l Distinguer les cas complexes et isolés
L’agénésie du corps calleux peut être associée à des anomalies
cérébrales et extracérébrales, ainsi qu’à des désordres génétiques et chromosomiques. Certaines de ces associations sont
difficiles à diagnostiquer en anténatal, et une échographie de
référence est requise. Notre revue de littérature retrouve un
taux d’association de 45,8 %, les plus fréquentes étant celles
de la fosse postérieure, de kystes interhémisphériques et de
troubles de la migration neuronale.
l Faut-il réaliser une IRM en cas de suspicion d’agénésie
du corps calleux ?
L’IRM permet une visualisation directe du corps calleux,
permettant par conséquent d’éliminer les faux-positifs écho-
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graphiques et de mieux dépister les anomalies associées
(22,5 % de dépistage supplémentaire). Cet examen doit donc
être réalisé en cas de suspicion d’anomalie du corps calleux.
l Doit-on proposer un caryotype en cas d’agénésie du corps
calleux ?
En incluant les agénésies isolées et associées à d’autres signes
échographiques, la littérature obtient un taux d’anomalie chromosomique de 17,8 %. Une étude récente suggère que ce taux
élevé est essentiellement en rapport avec des cas d’agénésie
complexe. Il existerait une association avec des microdélétions
chromosomiques, ce qui fait considérer l’utilisation d’analyse
comparative avec hybridation génomique.
l Quels syndromes génétiques sont associés avec l’agénésie
du corps calleux ?
De nombreux syndromes génétiques, tels que le syndrome
d’Aicardi et le syndrome d’Andermann, sont associés à une
agénésie du corps calleux (ACC). La fréquence de ces associations est difficile à établir en raison de la prévalence incertaine
de l’ACC. L’ACC se rencontre également dans des affections
non syndromiques telles que l’alcoolisation fœtale et des
troubles métaboliques.
l Faut-il rechercher des infections congénitales ?
Lors d’infections concomitantes à l’ACC, telles que le cytomégalovirus (CMV), la rubéole, la toxoplasmose et la grippe,
d’autres signes échographiques sont présents, la valeur de
dépistage systématique en cas d’ACC isolée est incertaine.
l Faut-il réaliser un suivi échographique anténatal ?
Le pronostic de l’ACC est dépendant de la coexistence d’autres
anomalies dont certaines ne peuvent être dépistées que tardivement. Par conséquent, d’autres échographies par des examinateurs référents doivent être réalisées à la recherche de ces
signes.
l Quel est le pronostic neurologique des enfants présentant
une agénésie du corps calleux en anténatal ?
Une revue récente évalue le développement neurologique
de 132 fœtus : en cas d’agénésie complète isolée, le pronostic est de 74,3 % de développement normal, 14,3 % d’invalidité modérée et 11,4 % d’invalidité sévère. En cas d’agénésie
partielle isolée, les taux sont respectivement de 65,5 %, 6,9 %
et 27,6 %. En ne considérant que les cas avec IRM anténatale,
les taux d’association pour une agénésie isolée complète sont
83,7 %, 8,2 % et 8,2 %. Cependant, ces analyses sont limitées
par de nombreux biais inhérents aux différents articles publiés,
ce qui rend l’information précise difficile, et ce d’autant plus
que les évaluations ont été le plus souvent réalisées avant la
scolarisation.
Conclusion
Bien que l’incidence précise soit inconnue, l’ACC semble être
une malformation rare. Elle peut être détectée en dépistage
échographique par des signes directs ou indirects, mais peut
également passer inaperçue, surtout si elle est isolée. Lorsque
le diagnostic est suspecté, une échographie soigneuse par un
praticien référent et une IRM, si possible, doivent être réalisées. L’association à des anomalies chromosomiques ou une
infection congénitale semble faible en cas d’agénésie isolée. Le
taux de retard neuro-développemental semble être d’environ
20 à 30 %, que l’agénésie soit complète ou partielle, mais cette
estimation est limitée par la disparité et les biais des études
publiées.
Cette revue de la littérature reste assez vague bien que rassurante sur le pronostic neurologique de l’agénésie isolée du
corps calleux. Cependant, elle est intéressante, car elle met
en avant les difficultés de diagnostic de cette pathologie : le
pronostic étant très différent en cas d’association à d’autres
malformations cérébrales, elle insiste sur la nécessité de
réaliser un diagnostic anténatal, le plus précis possible. Elle
pointe également les conditions de réalisation des études existantes, dont l’absence de précision conduit à une difficulté
d’interprétation.
l Quel est le risque qu’une agénésie du corps calleux ne soit
pas réellement isolée ?
Certaines anomalies structurales ne sont détectables que par
une imagerie post-partum ou l’examen clinique. De nombreux
facteurs peuvent influencer sur la précision du diagnostic,
comme le terme, la qualité des échographies anténatales, la
réalisation d’une IRM, la rigueur du suivi post-natal. Notre
revue de la littérature montre que 1 501 % des cas diagnostiqués comme isolés en anténatal sont en fait associés à des
anomalies diagnostiquées après la naissance.
B. Breton
Gynécologue-Obstétricienne,
Paris VII - Diderot.
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