La technologie est elle soluble dans la chasse à l`arc ?

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La technologie est elle soluble dans la chasse à l`arc ?
FFCA - Plaisirs de la Chasse - Technologie et chasse à l arc - Wild L - 2008-07.doc
La technologie est elle soluble dans la chasse à l’arc ?
(Plaisirs de la Chasse, juillet 2008, Laurent WILD)
Les chasseurs à l’arc ne sont pas des indiens. Nous ne vivons pas en permanence au fond des bois, ni ne chassons
habillés de peaux de bêtes et équipés d’arcs primitifs taillés directement dans le bois. Même si la chasse à l’arc,
comme toutes les chasses, a pour beaucoup un caractère existentiel voire philosophique et en général hautement
passionnel ; la plupart d’entre nous « chasse en amateur » car nous avons une vie sociale et professionnelle «
ailleurs ». De plus, pour la majorité de nos concitoyens (voir les chasseurs eux mêmes) la chasse est ce qu’il est
convenu d’appeler « une pratique de loisir ».
Le chasseur à l’arc un consommateur comme les autres !
De fait, la chasse à l’arc, le chasseur à l’arc est exposé aux mêmes évolutions « technologique et marketing » que
tous les autres chasseurs et que tous les pratiquants des activités dites de « nature et de plein air » qui sont très «
tendance » actuellement. Une industrie, des réseaux de ventes se mettent en place ; un marketing spécifique
cherche à stimuler les impulsions consuméristes du chasseur à l’arc. Le chasseur à l’arc n’est ni bon, ni mauvais et
encore moins meilleur ou pire que les autres. Il pratique simplement un mode de chasse particulier, récemment
réintroduit et qui a ses exigences propres en matière d’engagement physique et sensoriel ; d’apprentissage de l’arc
et d’entrainement. Là est l’origine d’un débat qui va croissant : l’apport de plus en plus massif de technologie à
travers des produits qui visent en général à réduire les contraintes d’accès à la pratique de la chasse à l’arc ou
directement d’en augmenter les résultats à tout prix ne risque-t-il pas de nuire à la chasse à l’arc, son authenticité et
son image ?
Les paradoxes de la chasse à l’arc
Un mode de chasse à la fois très ancien et non traditionnel
La chasse à l’arc est historiquement un des premiers modes de chasse « élaboré ». On chassait à l’arc il y a des
milliers d’années, et déjà, cette pratique supposait un minimum d’équipement matériel, de technologie - même
primitive -, d’organisation collective et de stratégie. Puis l’arc a été supplanté par l’arme à feu et a disparu. Les
traditions, notamment en matière de fabrication du matériel mais aussi de pratiques, ont été perdues parfois
définitivement. Aussi la réintroduction de la chasse à l’arc a nécessité de tout recommencer : apprendre à fabriquer
des arcs, des flèches et apprendre à s’en servir, puis à chasser avec. Les traditions de la chasse à l’arc ne sont
codifiées nulle part, et ne sont écrites dans aucun livre… Nos règles et notre éthique sont trop récentes pour être
définitivement gravées dans le marbre.
Pour autant chacun peut admettre désormais que ces règles sont nécessaires et qu’on ne peut faire n’importe quoi,
entre autres raisons du fait des contraintes qui sont celles de l’arc de chasse : l’arc est une arme de contact par
nature, donc on doit tirer près.
Un mode de chasse simple mais exigeant physiquement
Chasser à l’arc est dans le principe très simple. Mais dans les faits plus compliqué et exigeant qu’il n’y parait :
notamment parce que la forme physique de l’archer et la constance de son entrainement ont un impact direct sur la
performance intrinsèque de l’arme. Et parce que pour tirer près - moins de 20 mètres - il faut « vaincre » les
défenses sensorielles des animaux, compenser la faiblesse relative de nos sens par un surcroit de ruse, de
stratégie et de technique.
Dans tous ces domaines, ils existent des produits « technologiques » qui permettent de « facilité » la vie de l’archer
: des arcs plus faciles à armer, réputés moins exigeants, des viseurs laser, des détecteurs de bruits, de présence,
de chaleur, des attractifs électroniques et chimiques, des systèmes de vision et de visée nocturnes, etc.
D’une utilisation nécessaire de la technologie ne risque-t-on pas de glisser vers une utilisation excessive et disons le
de dérives ?
L’apport technologique est essentiel au développement de la
chasse à l’arc
Il faut l’affirmer, la chasse a toujours nécessité la mise en œuvre de techniques, et de savoir faire particuliers. Il est
même possiblequ’en ce sens, la chasse ait été un élément fondateur de l’humanité. Que le développement
technique puis la technologie investissent le monde cynégétique n’est ni choquant, ni anormal en soi. On peut
même aller plus loin en avançant l’idée que la technologie a peut être permis de réintroduire la chasse à l’arc et au
moins d’en assurer le développement. Par exemple, grâce à la technologie, aux matériaux et outillages modernes,
nos arcs - même ceux qu’on nomme « traditionnels » - sont fiables et efficaces. On trouve donc facilement dans le
commerce des arcs qui permettent de débuter puis de se perfectionner en toute sérénité. Il en va des même pour
les fûts, les lames et tout les articles nécessaires. Qu’il y ait des gens - artisans, ou industriels - dont c’est le métier,
qui travaillent à bonifier nos équipements est une excellente nouvelle pour tous : cela signifie que les métiers de
facteurs d’arc et de flèches qui avaient disparus, réapparaissent. De tous temps, les fonctions de chasseurs, de
facteurs d’arc ou de flèches, de maîtres d’armes ont été exercé par des personnes différentes et spécialisées.
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La technologie n’est pas en elle-même bonne ou mauvaise, et au-delà de toute intention - réelle ou supposée - des
concepteurs, ce qui importe réellement et qui fait toute la différence entre une chasse authentique et une dérive,
c’est la manière, le style et les intentions réelles de celui qui àa l’arme en main sur le terrain.
Entre technologie et marketing… Il y a encore place pour la liberté
individuelle !
De tout temps, fabrication et entretien des armes de chasse ont été affaire de professionnels et de techniques. Ce
qui se passe aujourd’hui n’est pas - de ce point de vue - radicalement nouveau. Cependant sur un autre plan, il y a
une double nouveauté :
- d’une part l’émergence d’une société de consommation forcenée et de son puissant auxiliaire qu’est le
marketing,
- d’autre part l’émergence de possibilités scientifiques et donc d’innovation qui ne se limitent plus à améliorer
les facultés humaines, mais peuvent impacter durablement les équilibres naturel et planétaire.
Ces deux tendances ne sont pas spécifique à la chasse à l’arc, mais s’y expriment pleinement. On peut désormais,
via un réseau de « game camera » implantées en forêt et reliées aux réseaux de télécommunication, surveiller la
fréquentation d’un territoire depuis son ordinateur de bureau, ou même son téléphone portable, sans jamais se
déplacer. Le terrain étant préalablement balisé par des attracteurs chimiques, on « rentabilise » le territoire et les
équipements et on peut choisir un endroit pour son affût où la fréquentation est maximum. Arrivé sur place on peut
à l’aide d’équipements divers tels qu’amplificateur de son, de lumière, et autres détecteurs anticiper la présence et
l’arrivée du gibier, évaluer la distance de tir au télémètre, puis ajuster un tir à l’aide d’un arc sophistiqué équipé d’un
viseur laser. Ces matériels existent, ils sont en vente et fonctionnent. L’argument est toujours le même : aller
toujours plus vite, gagner du temps… et augmenter le tableau au maximum. Plus besoin de parcourir le territoire,
d’apprendre à connaître « in situ » les indices de présence et les habitudes du gibier. Dans ce cas, la chasse qui
était une école de patience et de sagesse devient une « activité de consommation » « comme une autre » soumise
à exigence de rendement et d’efficacité. La chasse qui consistait à créer un rapport authentique, unique et
passionné avec la nature, dans lequel on se choisissait le moment et l’objet de son action, devient une activité
standardisé, « mécaniste » dans laquelle il faudrait encore et toujours chercher à gagner du temps, et « du résultat
», faire du chiffre, du tableau pour du tableau.
Pour le chasseur du XXI e siècle : la manière doit primer sur le
résultat !
De toute évidence dans ce type de dérive, la technologie et le matériel, ne sont pas seuls en cause, c’est d’a bord le
comportement individuel puis collectif qui sont la vraie cause ; la technologie est finalement plus moyen que cause
de la dérive. Pour en arriver là, il faut que le chasseur ait préalablement renoncé, abandonné ou refusé toute règle
de comportement ou d’éthique. Accuser par principe la technologie et le matériel de tous les maux et de toutes les
dérives ou a contrario s’en remettre en permanence à la dernière nouveauté, croire qu’on peut s’améliorer «
uniquement » en améliorant le matériel sont les deux facettes d’un seul et même problème : la désertion de tout
sens des responsabilités, le renoncement éthique qui finisent par faire primer le résultat sur la manière.
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