Des artistes mettent à nu les crimes abominables

Transcription

Des artistes mettent à nu les crimes abominables
Des artistes mettent à nu les crimes
abominables perpétrés au Sri Lanka
Exposition « Chercher ». Photo: Voix
d’Exils.
Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous
dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la
communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette
exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit
actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre
au centre socioculturel Pôle Sud.
Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des
salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage
du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins
intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la
salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes
prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil
rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les
horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le
gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace :
c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se
lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans
la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une
femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique,
quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette
initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de
la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé
à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux
sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka,
mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire
encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin,
que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache
certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai
2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé
d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position
après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre
de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail
sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de
l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le
Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde.
En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une
pétition
d’Amnesty
International
dont
le
but
est
de
suspendre
définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la
communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement,
au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de
la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays
d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre
aux questions de Voix d’Exils.
Exposition « Chercher ». Photo:
Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer?
James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message
est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus
facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les
frontières
langagières.
Ainsi,
grâce
au
dessin,
le
message
de
l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent
pars les langues française ou tamoul.
Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste
quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ?
Quelle est la signification de ce choix artistique ?
Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état
d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les
broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à
questionner davantage les images et pour montrer la particularité
culturelle de la femme tamoule sri-lankaise.
Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et
d’où proviennent vos sources d’inspiration ?
Exposition « Chercher ».
Photo: Voix d’Exils.
La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à
raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations
durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous
avons-nous-même
vécu
au
Sri
Lanka
et
observé
plusieurs
scènes
représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires.
Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent
les situations que nous décrivons dans nos dessins.
Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a
inspiré pour initier cette exposition ?
Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des
intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri
Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu
parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait
eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des
jeune militants d‘Amnesty International.
Exposition « Chercher ». Photo: Voix
d’Exils.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de
la production de vos œuvres?
La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler
simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions
individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne
correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait
le refaire entièrement.
Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ?
Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ?
Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant.
Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative.
Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes
très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en
particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la
population suisse.
Quel est votre mot de la fin ?
Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à
courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces
informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays.
Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans
d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également.
* Nom d’emprunt.
Propos recueillis par :
Pastodelou
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Infos :
Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez
ici
Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au
Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse
Pour le renforcement des droits
humains au Sri Lanka et la protection
des requérants en Suisse
Logo de la campagne « Protection, vérité
et justice pour la population srilankais »
Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples
menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la
campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise».
Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population
suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés
tamouls.
Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces
gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains
au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des
traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International
«Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée
sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les
voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions
forcées.»
Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté
tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls
de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011,
un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les
régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des
expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et
à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol
sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.
Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour
les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence
d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants
d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la
Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et
la protection des requérants.
La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes
de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 :
« No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4
novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est
gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une
rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.
Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise,
composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix
d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty
International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui
explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après
avoir été débouté.
Interview de David Cornut, Coordinateur de la
campagne «Protection, vérité et justice pour la
population sri-lankaise» d’Amnesty International
Ganimete Heseti et David Cornut
Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?
David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui
prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable
de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression.
Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords
de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont
actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr
sont complètement interdits par la loi suisse.
Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de
renvois vers le Sri Lanka…
Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la
Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas
en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le
monde.
Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?
Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la
justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls.
Grâce
aux
pressions
politiques
et
économiques
de
la
communauté
internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de
la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a
passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et
l’inde est un partenaire important.
Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?
L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier
succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la
Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est
le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka
autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi,
pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.
A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka
vis-à-vis de votre campagne ?
Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka
est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle
image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les
champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.
Propos recueillis par Lamin et Sara Pages
Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis
d’être renvoyé de Suisse
Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse
en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux
reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.
Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un
passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue,
se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec
l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son
rapatriement.
Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se
cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de
Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.
Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint
Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le
gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements
des ressortissants Sri-Lankais.
Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat
social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et
demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre
favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de
l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de
manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.
Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer
qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce
retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la
situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la
force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de
la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a
obtenu un permis N.
Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri
Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de
conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce
contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en
dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se
soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi
anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace
potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont
les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec
les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes
provenant
de
Suisse
;
et
celles-ci
s’exposent
à
des
peines
d’emprisonnement de 12 ans au minimum.
Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir
rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que
son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme,
étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations
tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple
suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne
dans son pays.
L. et S.P.
*Nom d’emprunt
Informations
NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013,
Vo/St.fr, Callum Macrae
Affiche du film « No
fire zone »
Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur
les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre
civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés
au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa
projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International
Suisse
et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de
Lausanne.
Quand
4.11.2013
18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film
Où
Casino de Montbenon – Salle des Fêtes
Allée Ernest-Ansermet 3
1003 Lausanne
m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21:
Cécil
Entrée
Entrée libre – inscription préalable : [email protected]
Scènes choquantes, destiné à un public adulte.
Bertrand Teyou : un écrivain et
activiste Camerounais actuellement
incarcéré en Suisse
Bertrand Teyou. Photo de
profil Facebook.
Bertrand Teyou est un écrivain et un activiste Camerounais connu pour son
opposition acharnée à l’actuel président du Cameroun Paul Biya. L’été
dernier, il a déposé une plainte contre Paul Biya à la Cour européenne
des droits de l’Homme pour l’avoir jeté en prison et confisqué ses
livres. Il a également déposé une plainte pénale en juillet dernier
auprès du Ministère public du canton de Genève. Et, il y a à peine trois
semaines, l’activiste a signé une lettre au nom du collectif « Cameroun
libre », envoyée au gouvernement suisse – le Conseil Fédéral – demandant
purement et simplement l’expulsion de l’actuel chef d’Etat Camerounais de
la Suisse, pays où il séjourne très régulièrement. Aujourd’hui, Bertrand
Teyou est emprisonné en Suisse.
Bertrand Teyou, ce Camerounais de 43 ans, avait fait la une des journaux
Camerounais et internationaux suite à son arrestation et son
emprisonnement en novembre 2010, pour avoir «osé» critiqué la première
dame de la République du Cameroun, Chantal Biya, dans son livre intitulé
«La Belle de la République bananière: de la rue au Palais». Condamné à
deux ans d’emprisonnement ferme pour «outrage à personnalité», entre
autres, il avait finalement été libéré six mois plus tard, en demandant
«des excuses à la première dame du Cameroun pour l’offense causée par son
œuvre», et en payant la somme de 2 millions de francs CFA (environs 4000
francs suisses), selon le quotidien Camerounais Mutations.
«Quand j’ai été emprisonné, COLIBERTE – un collectif regroupant des
écrivains du monde entier – a alerté des ONG et Il y a eu une
mobilisation énergique pour ma libération. Amnesty International a
reconnu que j’étais un prisonnier d’opinion. J’ai été surpris par les
courriers et par la détermination à défendre le droit à la liberté
d’expression. Et j’ai été libéré après 6 mois. Cela a été une grande
victoire et une gifle au tyran. Déclarer, dénoncer et reconnaître la
réalité de la situation met en évidence la dictature. Et si on met en
évidence cette dictature, on peut la démanteler». Martelait encore
l’activiste l’été dernier à Genève, des propos rapportés par le site
amnesty.ch.
Après sa libération, Bertrand Teyou avait pris la route de l’exil,
atterrissant dans un premier temps au Mexique où, dit-il lors d’un
entretien accordé au site d’Amnesty International le 18 juin 2012, il
avait été contacté par ICORN International, une organisation qui
s’occupe, par le biais de résidences d’écriture, d’écrivains en danger
dans leur pays. L’organisation lui avait proposé d’écrire son histoire en
résidant à Mexico City. Comme il se trouvait qu’il y avait une place de
résidence disponible, Mexico City était alors devenu sa résidence
d’écriture en septembre 2011.
«Paul Biya, pire que Hitler»
Arrivé en Suisse en 2012, il s’était notamment engagé avec d’autres
Camerounais de la diaspora à «dénoncer ici en Europe, la dictature et le
règne de la terreur qui sévit au Cameroun». Lui qui disait de Paul Biya
qu’il est «plus dangereux qu’un monstre et même pire que Hitler», s’était
donné pour «défi» de faire expulser Paul Biya de la Suisse. Car, selon
lui et ses acolytes, il est inadmissible que le président Camerounais
trouve le moyen de passer du bon temps sur les bords du lac Léman, en
dilapidant l’argent d’un pays dévasté par son régime de terreur et
d’horreur. « Paul Biya vit en véritable prince choyé à Genève, ville où
fut conçu le « Mein Kampf» camerounais (« Pour le libéralisme
communautaire ») », édité et publié en 1987 par l’éditeur Pierre-Marcel
Favre à Lausanne en Suisse. Il y a plus ou moins trois semaines, ce
lauréat du prix Hellman/Hammett 2012, envoyait une lettre au Conseil
Fédéral à Berne, en qualité de porte-parole du collectif «Cameroun
libre», dans laquelle il demande aux autorités helvétiques d’expulser
Paul Biya de Suisse.
Bertrand Teyou « disparaît de la circulation »
Depuis plusieurs jours, ses acolytes n’arrivent plus à entrer en contact
avec lui. La rédaction vaudoise a retrouvé sa trace et nous apprenons
qu’il est actuellement emprisonné à la prison de Martigny d’où, aux
dernières nouvelles, il a été transféré dans un hôpital, à priori suite à
une grève de la faim. Il vient d’être interviewé par Amnesty
International et nous allons l’interviewer à notre tour d’ici quelques
minutes pour mieux connaître les raisons de sa détention.
Affaire à suivre.
FBradley Roland
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Marché de Noël solidaire au cœur de
Lausanne
Photo: DigitalO (CC BY-ND 2.0)
Vous cherchez des cadeaux originaux à glisser sous le sapin ? Rendez-vous
au Marché de Noël solidaire au centre socioculturel lausannois Pôle Sud *
qui débute ce soir et qui se tient jusqu’au 15 décembre.
Pour sa sixième édition, le Marché de Noël solidaire
accueille 31
organisations actives en faveur de la solidarité internationale ; parmi
lesquelles Terre des Hommes, les Magasins du monde, Amnesty
International, Nouvelle Planète ou encore Le Courrier.
Le Marché de Noël solidaire, c’est l’occasion d’aller à la rencontre du
tissu associatif local et d’acheter des cadeaux originaux en provenance
du monde entier comme, par exemple, des sacs en moustiquaires recyclées
du Cambodge, des épices de Madagascar, des écharpes en pashmina du Népal
ou des bijoux en argent d’Equateur. Les bénéfices des ventes seront
reversés, par chaque association participante, à ses propres activités ou
à des actions solidaires de son choix.
En 2011, plus de 30 000 francs ont été récoltés durant les trois jours du
Marché. Cet argent a permis de cofinancer diverses actions, dont la mise
en place de latrines publiques dans un village au Togo.
Sachez encore que les organisateurs tiennent une buvette au rez-dechaussée. Au menu : un plat du jour, soupe du chalet, empanadas, vin
chaud et pâtisseries variées.
La rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Informations:
*Pôle Sud, se trouve à la rue Jean-Jacques Mercier 3, Lausanne – Flon.
Horaires du marché de Noël : du jeudi 13 au vendredi 14
décembre : de 17
à 22H. Samedi 15 : de 10 à 18 :00
Migrantes : de l’ombre à la lumière*
Source:
http://www.flickr.com/creativecommons/bync-2.0/
Depuis les années soixante, un migrant international sur deux est
une migrante. Mais, invisibles, les femmes migrantes marchent à
l’ombre. Peu à peu, pourtant, elles apparaissent en pleine lumière
car, si leur part est stable, la nature de la migration féminine a
changé. Les migrantes ne sont plus seulement épouses, mères ou
filles de migrants, mais artisanes de leur propre vie.
Une réalité qui « crève les yeux » depuis longtemps commence enfin
à être prise en compte. Si, en 1960, les femmes étaient 47%,
cinquante
ans
plus
tard,
sur
les
214
millions
migrants
internationaux, leur pourcentage s’établit à 49%. « Mais ce n’est
pas tant cette petite différence quantitative qu’il faut relever,
que la différence qualitative », souligne William Lacy Swing,
directeur général de l’Organisation Internationale des Migrations
(OIM) à Genève.
Pourquoi des millions de femmes quittent-elles un pays, une
culture, une famille ?
La plupart, pour les mêmes raisons que les hommes : la pauvreté –
elles sont souvent pauvres parmi les pauvres –, un horizon sans
espoir d’amélioration à l’échelle d’une vie, l’impossibilité
d’assurer un avenir à leurs enfants et, bien sûr, les conflits,
discriminations, persécutions. Selon l’OIM, l’importance de la
migration féminine varie selon les régions, mais les flux
migratoires d’Asie du Sud-est, d’Europe centrale et d’Amérique
latine à destination des Etats-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient
sont à prédominance féminine.
Les femmes ont toujours migré. Mais l’image de la femme qui suit ou
rejoint son mari, dans le cadre du regroupement familial par
exemple, doit être corrigée. « Seules ou cheffes de famille
monoparentale, elles migrent désormais pour
prendre leur destin en
mains. Aujourd’hui, elles s’autonomisent et deviennent actrices de
leur propre vie et de la société», affirme William Lacy Swing. Le
stéréotype de la femme « suiveuse » n’est donc plus approprié tant
les exemples contraires se multiplient. Derrière ces monstres
froids que sont les chiffres, il y a des personnes debout qui
résistent au modèle qui leur est proposé, luttent au jour le jour,
travaillent, se prennent en charge, s’engagent dans des actions
collectives, vivent et meurent dans les combats dont elles sont
partie prenante.
Les routes de tous les dangers
Bien sûr, même volontaire, la migration reste une déchirure et un
traumatisme. Elle n’est bien souvent pas un libre choix, puisque,
sur la carte du monde, elle suit la ligne de situations de misère
ou de violences qui dépassent les individus. De plus, les dangers
que courent les migrantes sont bien plus graves que ceux auxquels
sont exposés les migrants.
Sur les routes migratoires, tout d’abord. Souvent irrégulière, la
migration expose les femmes à un risque élevé de mauvais
traitements et de violence physique et sexuelle, de la part des
passeurs, des forces de police et des migrants eux-mêmes. Proie des
réseaux de traite d’êtres humains, bien des femmes vivent un
véritable calvaire, « parfois elles n’arrivent tout simplement pas
à destination ». On rappellera que, dans le monde, deux millions et
demi de personnes sont dans une situation d’exploitation liée à la
traite. Les deux tiers sont des femmes.
L’autre risque de taille qui les condamne à une « double peine »,
en tant que femme et en tant que migrante, est celui qu’elles
courent dans le pays d’accueil : préjugés et discriminations
entraînent souvent une « déqualification » professionnelle et
entravent durablement leur développement. Alors que bon nombre
d’entre
elles
sont
des
travailleuses
qualifiées,
des
entrepreneuses, des étudiantes, des scientifiques, des artistes ou
des intellectuelles, leurs compétences ne sont pas reconnues. Elles
se retrouvent reléguées dans des travaux sous qualifiés :
entretien, services hôteliers ou hospitaliers ou petite industrie.
Et c’est la porte ouverte à l’exploitation éhontée, aux salaires de
misère, au manque de protection sociale ou juridique, à l’accès
déficient à la santé. Un sort qui entraîne des conséquences
psychosociales
individuelles
et
familiales
:
sentiment
de
dévalorisation et d’échec qui engendre des formes de renoncement et
de dépression, ce qui conforte les stéréotypes tenaces de la femme
passive.
Actrices du développement
C’est peu dire que l’apport de ces femmes n’est pas assez reconnu.
D’une part, d’un point de vue économique et de développement pour
la société d’origine. Les données de la Banque Mondiale révèlent
que les transferts de fonds des migrant.e.s vers leurs familles
représentaient 440 milliards de dollars en 2010 et que la
contribution des femmes est souvent plus importante et plus
régulière que celle des hommes. Et le Directeur général de l’OIM de
rappeler leur rôle considérable dans la santé et l’éducation des
familles restées au pays. Il insiste aussi sur le fait que « les
idées, les attitudes, les compétences, les échanges sociaux que ces
femmes maintiennent avec leur communauté d’origine stimulent le
développement ». Un autre apport, c’est, sous leur impulsion, une
redistribution des rôles, une évolution des rapports sociaux et une
réduction des inégalités entre femmes et hommes. Les esprits
s’ouvrent, les stéréotypes craquent sous toutes les coutures, les
perceptions des uns et des autres se modifient.
D’autre part, pour les sociétés de destination. William Lacy Swing
relève que les femmes migrantes « sont souvent employées dans des
secteurs qui correspondent à des besoins de nos sociétés, tels que
les soins à la personne. Quant à la cohésion sociale, elles y
contribuent fortement, puisqu’elles sont souvent investies de la
responsabilité de faciliter l’intégration des membres de la
famille ». On ajoutera leur engagement dans le tissu associatif et
la création de réseaux d’entraide et de formation.
La fin de l’invisibilité
C’est une question de temps. Un jour, les femmes migrantes ne
seront plus « objet » d’étude, mais actrices. En se réappropriant
la parole, notamment dans le débat sur la migration et en refusant
l’enfermement dans l’image de victime démunie ou, selon les
expressions consacrées, dans le piège de « gardienne de la
tradition » ou de « garante de l’intégration ». Mais pour que cela
ne reste pas un vœu pieux, « les gouvernements doivent tout mettre
en œuvre pour que les femmes aient accès à des canaux migratoires
légaux et sûrs. Ce n’est qu’à cette condition que leurs droits
fondamentaux seront garantis à toutes les étapes du processus
migratoire » martèle William Lacy Swing. « Ils doivent renforcer
des lois existantes, mais inefficaces et assouplir les conditions
de l’asile, comme la liberté de mouvement, par exemple». Et de
prédire : «L’avenir, c’est inévitable, est à l’identité multiple.
Ce sera la règle plus que l’exception et les êtres humains du
XXIème siècle se retrouveront autour de valeurs communes plus que
d’identité nationale ou ethnique. ».
Jacqueline ALLOUCH
journaliste et enseignante
*Article initialement publié dans « AMNESTY », le magazine de la
section suisse romande d‘Amnesty International, N° 68 de mars 2012.