Des artistes mettent à nu les crimes abominables
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Des artistes mettent à nu les crimes abominables
Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri Lanka Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils. Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre au centre socioculturel Pôle Sud. Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace : c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique, quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka, mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin, que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai 2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde. En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une pétition d’Amnesty International dont le but est de suspendre définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement, au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre aux questions de Voix d’Exils. Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer? James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les frontières langagières. Ainsi, grâce au dessin, le message de l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent pars les langues française ou tamoul. Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ? Quelle est la signification de ce choix artistique ? Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à questionner davantage les images et pour montrer la particularité culturelle de la femme tamoule sri-lankaise. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et d’où proviennent vos sources d’inspiration ? Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils. La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous avons-nous-même vécu au Sri Lanka et observé plusieurs scènes représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires. Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent les situations que nous décrivons dans nos dessins. Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a inspiré pour initier cette exposition ? Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des jeune militants d‘Amnesty International. Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de la production de vos œuvres? La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait le refaire entièrement. Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ? Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ? Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant. Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative. Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la population suisse. Quel est votre mot de la fin ? Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays. Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également. * Nom d’emprunt. Propos recueillis par : Pastodelou Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils Infos : Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez ici Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse Logo de la campagne « Protection, vérité et justice pour la population srilankais » Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise». Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés tamouls. Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International «Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions forcées.» Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011, un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois. Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants. La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 : « No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4 novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande. Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise, composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après avoir été débouté. Interview de David Cornut, Coordinateur de la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise» d’Amnesty International Ganimete Heseti et David Cornut Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ? David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression. Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr sont complètement interdits par la loi suisse. Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de renvois vers le Sri Lanka… Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le monde. Comment peut-on aider la population du Sri Lanka? Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls. Grâce aux pressions politiques et économiques de la communauté internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et l’inde est un partenaire important. Quelles sont les chances de succès de votre campagne ? L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi, pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls. A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka vis-à-vis de votre campagne ? Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka» à Genève. Propos recueillis par Lamin et Sara Pages Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis d’être renvoyé de Suisse Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier. Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue, se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son rapatriement. Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud. Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements des ressortissants Sri-Lankais. Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi. Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a obtenu un permis N. Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes provenant de Suisse ; et celles-ci s’exposent à des peines d’emprisonnement de 12 ans au minimum. Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme, étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne dans son pays. L. et S.P. *Nom d’emprunt Informations NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013, Vo/St.fr, Callum Macrae Affiche du film « No fire zone » Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de Lausanne. Quand 4.11.2013 18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film Où Casino de Montbenon – Salle des Fêtes Allée Ernest-Ansermet 3 1003 Lausanne m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21: Cécil Entrée Entrée libre – inscription préalable : [email protected] Scènes choquantes, destiné à un public adulte. Bertrand Teyou : un écrivain et activiste Camerounais actuellement incarcéré en Suisse Bertrand Teyou. Photo de profil Facebook. Bertrand Teyou est un écrivain et un activiste Camerounais connu pour son opposition acharnée à l’actuel président du Cameroun Paul Biya. L’été dernier, il a déposé une plainte contre Paul Biya à la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’avoir jeté en prison et confisqué ses livres. Il a également déposé une plainte pénale en juillet dernier auprès du Ministère public du canton de Genève. Et, il y a à peine trois semaines, l’activiste a signé une lettre au nom du collectif « Cameroun libre », envoyée au gouvernement suisse – le Conseil Fédéral – demandant purement et simplement l’expulsion de l’actuel chef d’Etat Camerounais de la Suisse, pays où il séjourne très régulièrement. Aujourd’hui, Bertrand Teyou est emprisonné en Suisse. Bertrand Teyou, ce Camerounais de 43 ans, avait fait la une des journaux Camerounais et internationaux suite à son arrestation et son emprisonnement en novembre 2010, pour avoir «osé» critiqué la première dame de la République du Cameroun, Chantal Biya, dans son livre intitulé «La Belle de la République bananière: de la rue au Palais». Condamné à deux ans d’emprisonnement ferme pour «outrage à personnalité», entre autres, il avait finalement été libéré six mois plus tard, en demandant «des excuses à la première dame du Cameroun pour l’offense causée par son œuvre», et en payant la somme de 2 millions de francs CFA (environs 4000 francs suisses), selon le quotidien Camerounais Mutations. «Quand j’ai été emprisonné, COLIBERTE – un collectif regroupant des écrivains du monde entier – a alerté des ONG et Il y a eu une mobilisation énergique pour ma libération. Amnesty International a reconnu que j’étais un prisonnier d’opinion. J’ai été surpris par les courriers et par la détermination à défendre le droit à la liberté d’expression. Et j’ai été libéré après 6 mois. Cela a été une grande victoire et une gifle au tyran. Déclarer, dénoncer et reconnaître la réalité de la situation met en évidence la dictature. Et si on met en évidence cette dictature, on peut la démanteler». Martelait encore l’activiste l’été dernier à Genève, des propos rapportés par le site amnesty.ch. Après sa libération, Bertrand Teyou avait pris la route de l’exil, atterrissant dans un premier temps au Mexique où, dit-il lors d’un entretien accordé au site d’Amnesty International le 18 juin 2012, il avait été contacté par ICORN International, une organisation qui s’occupe, par le biais de résidences d’écriture, d’écrivains en danger dans leur pays. L’organisation lui avait proposé d’écrire son histoire en résidant à Mexico City. Comme il se trouvait qu’il y avait une place de résidence disponible, Mexico City était alors devenu sa résidence d’écriture en septembre 2011. «Paul Biya, pire que Hitler» Arrivé en Suisse en 2012, il s’était notamment engagé avec d’autres Camerounais de la diaspora à «dénoncer ici en Europe, la dictature et le règne de la terreur qui sévit au Cameroun». Lui qui disait de Paul Biya qu’il est «plus dangereux qu’un monstre et même pire que Hitler», s’était donné pour «défi» de faire expulser Paul Biya de la Suisse. Car, selon lui et ses acolytes, il est inadmissible que le président Camerounais trouve le moyen de passer du bon temps sur les bords du lac Léman, en dilapidant l’argent d’un pays dévasté par son régime de terreur et d’horreur. « Paul Biya vit en véritable prince choyé à Genève, ville où fut conçu le « Mein Kampf» camerounais (« Pour le libéralisme communautaire ») », édité et publié en 1987 par l’éditeur Pierre-Marcel Favre à Lausanne en Suisse. Il y a plus ou moins trois semaines, ce lauréat du prix Hellman/Hammett 2012, envoyait une lettre au Conseil Fédéral à Berne, en qualité de porte-parole du collectif «Cameroun libre», dans laquelle il demande aux autorités helvétiques d’expulser Paul Biya de Suisse. Bertrand Teyou « disparaît de la circulation » Depuis plusieurs jours, ses acolytes n’arrivent plus à entrer en contact avec lui. La rédaction vaudoise a retrouvé sa trace et nous apprenons qu’il est actuellement emprisonné à la prison de Martigny d’où, aux dernières nouvelles, il a été transféré dans un hôpital, à priori suite à une grève de la faim. Il vient d’être interviewé par Amnesty International et nous allons l’interviewer à notre tour d’ici quelques minutes pour mieux connaître les raisons de sa détention. Affaire à suivre. FBradley Roland Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils Marché de Noël solidaire au cœur de Lausanne Photo: DigitalO (CC BY-ND 2.0) Vous cherchez des cadeaux originaux à glisser sous le sapin ? Rendez-vous au Marché de Noël solidaire au centre socioculturel lausannois Pôle Sud * qui débute ce soir et qui se tient jusqu’au 15 décembre. Pour sa sixième édition, le Marché de Noël solidaire accueille 31 organisations actives en faveur de la solidarité internationale ; parmi lesquelles Terre des Hommes, les Magasins du monde, Amnesty International, Nouvelle Planète ou encore Le Courrier. Le Marché de Noël solidaire, c’est l’occasion d’aller à la rencontre du tissu associatif local et d’acheter des cadeaux originaux en provenance du monde entier comme, par exemple, des sacs en moustiquaires recyclées du Cambodge, des épices de Madagascar, des écharpes en pashmina du Népal ou des bijoux en argent d’Equateur. Les bénéfices des ventes seront reversés, par chaque association participante, à ses propres activités ou à des actions solidaires de son choix. En 2011, plus de 30 000 francs ont été récoltés durant les trois jours du Marché. Cet argent a permis de cofinancer diverses actions, dont la mise en place de latrines publiques dans un village au Togo. Sachez encore que les organisateurs tiennent une buvette au rez-dechaussée. Au menu : un plat du jour, soupe du chalet, empanadas, vin chaud et pâtisseries variées. La rédaction vaudoise de Voix d’Exils Informations: *Pôle Sud, se trouve à la rue Jean-Jacques Mercier 3, Lausanne – Flon. Horaires du marché de Noël : du jeudi 13 au vendredi 14 décembre : de 17 à 22H. Samedi 15 : de 10 à 18 :00 Migrantes : de l’ombre à la lumière* Source: http://www.flickr.com/creativecommons/bync-2.0/ Depuis les années soixante, un migrant international sur deux est une migrante. Mais, invisibles, les femmes migrantes marchent à l’ombre. Peu à peu, pourtant, elles apparaissent en pleine lumière car, si leur part est stable, la nature de la migration féminine a changé. Les migrantes ne sont plus seulement épouses, mères ou filles de migrants, mais artisanes de leur propre vie. Une réalité qui « crève les yeux » depuis longtemps commence enfin à être prise en compte. Si, en 1960, les femmes étaient 47%, cinquante ans plus tard, sur les 214 millions migrants internationaux, leur pourcentage s’établit à 49%. « Mais ce n’est pas tant cette petite différence quantitative qu’il faut relever, que la différence qualitative », souligne William Lacy Swing, directeur général de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) à Genève. Pourquoi des millions de femmes quittent-elles un pays, une culture, une famille ? La plupart, pour les mêmes raisons que les hommes : la pauvreté – elles sont souvent pauvres parmi les pauvres –, un horizon sans espoir d’amélioration à l’échelle d’une vie, l’impossibilité d’assurer un avenir à leurs enfants et, bien sûr, les conflits, discriminations, persécutions. Selon l’OIM, l’importance de la migration féminine varie selon les régions, mais les flux migratoires d’Asie du Sud-est, d’Europe centrale et d’Amérique latine à destination des Etats-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient sont à prédominance féminine. Les femmes ont toujours migré. Mais l’image de la femme qui suit ou rejoint son mari, dans le cadre du regroupement familial par exemple, doit être corrigée. « Seules ou cheffes de famille monoparentale, elles migrent désormais pour prendre leur destin en mains. Aujourd’hui, elles s’autonomisent et deviennent actrices de leur propre vie et de la société», affirme William Lacy Swing. Le stéréotype de la femme « suiveuse » n’est donc plus approprié tant les exemples contraires se multiplient. Derrière ces monstres froids que sont les chiffres, il y a des personnes debout qui résistent au modèle qui leur est proposé, luttent au jour le jour, travaillent, se prennent en charge, s’engagent dans des actions collectives, vivent et meurent dans les combats dont elles sont partie prenante. Les routes de tous les dangers Bien sûr, même volontaire, la migration reste une déchirure et un traumatisme. Elle n’est bien souvent pas un libre choix, puisque, sur la carte du monde, elle suit la ligne de situations de misère ou de violences qui dépassent les individus. De plus, les dangers que courent les migrantes sont bien plus graves que ceux auxquels sont exposés les migrants. Sur les routes migratoires, tout d’abord. Souvent irrégulière, la migration expose les femmes à un risque élevé de mauvais traitements et de violence physique et sexuelle, de la part des passeurs, des forces de police et des migrants eux-mêmes. Proie des réseaux de traite d’êtres humains, bien des femmes vivent un véritable calvaire, « parfois elles n’arrivent tout simplement pas à destination ». On rappellera que, dans le monde, deux millions et demi de personnes sont dans une situation d’exploitation liée à la traite. Les deux tiers sont des femmes. L’autre risque de taille qui les condamne à une « double peine », en tant que femme et en tant que migrante, est celui qu’elles courent dans le pays d’accueil : préjugés et discriminations entraînent souvent une « déqualification » professionnelle et entravent durablement leur développement. Alors que bon nombre d’entre elles sont des travailleuses qualifiées, des entrepreneuses, des étudiantes, des scientifiques, des artistes ou des intellectuelles, leurs compétences ne sont pas reconnues. Elles se retrouvent reléguées dans des travaux sous qualifiés : entretien, services hôteliers ou hospitaliers ou petite industrie. Et c’est la porte ouverte à l’exploitation éhontée, aux salaires de misère, au manque de protection sociale ou juridique, à l’accès déficient à la santé. Un sort qui entraîne des conséquences psychosociales individuelles et familiales : sentiment de dévalorisation et d’échec qui engendre des formes de renoncement et de dépression, ce qui conforte les stéréotypes tenaces de la femme passive. Actrices du développement C’est peu dire que l’apport de ces femmes n’est pas assez reconnu. D’une part, d’un point de vue économique et de développement pour la société d’origine. Les données de la Banque Mondiale révèlent que les transferts de fonds des migrant.e.s vers leurs familles représentaient 440 milliards de dollars en 2010 et que la contribution des femmes est souvent plus importante et plus régulière que celle des hommes. Et le Directeur général de l’OIM de rappeler leur rôle considérable dans la santé et l’éducation des familles restées au pays. Il insiste aussi sur le fait que « les idées, les attitudes, les compétences, les échanges sociaux que ces femmes maintiennent avec leur communauté d’origine stimulent le développement ». Un autre apport, c’est, sous leur impulsion, une redistribution des rôles, une évolution des rapports sociaux et une réduction des inégalités entre femmes et hommes. Les esprits s’ouvrent, les stéréotypes craquent sous toutes les coutures, les perceptions des uns et des autres se modifient. D’autre part, pour les sociétés de destination. William Lacy Swing relève que les femmes migrantes « sont souvent employées dans des secteurs qui correspondent à des besoins de nos sociétés, tels que les soins à la personne. Quant à la cohésion sociale, elles y contribuent fortement, puisqu’elles sont souvent investies de la responsabilité de faciliter l’intégration des membres de la famille ». On ajoutera leur engagement dans le tissu associatif et la création de réseaux d’entraide et de formation. La fin de l’invisibilité C’est une question de temps. Un jour, les femmes migrantes ne seront plus « objet » d’étude, mais actrices. En se réappropriant la parole, notamment dans le débat sur la migration et en refusant l’enfermement dans l’image de victime démunie ou, selon les expressions consacrées, dans le piège de « gardienne de la tradition » ou de « garante de l’intégration ». Mais pour que cela ne reste pas un vœu pieux, « les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour que les femmes aient accès à des canaux migratoires légaux et sûrs. Ce n’est qu’à cette condition que leurs droits fondamentaux seront garantis à toutes les étapes du processus migratoire » martèle William Lacy Swing. « Ils doivent renforcer des lois existantes, mais inefficaces et assouplir les conditions de l’asile, comme la liberté de mouvement, par exemple». Et de prédire : «L’avenir, c’est inévitable, est à l’identité multiple. Ce sera la règle plus que l’exception et les êtres humains du XXIème siècle se retrouveront autour de valeurs communes plus que d’identité nationale ou ethnique. ». Jacqueline ALLOUCH journaliste et enseignante *Article initialement publié dans « AMNESTY », le magazine de la section suisse romande d‘Amnesty International, N° 68 de mars 2012.