de jeu des stars - MODESIGN Academy

Transcription

de jeu des stars - MODESIGN Academy
DÉCRYPTAGE
PAR ANNA MELLONE
Mode et people
LE NOUVEAU TERRAIN
DE JEU DES STARS
Jessica Simpson, Mary-Kate et Ashley Olsen, Heidi Klum... De plus en plus
de célébrités disposent d’un label fashion qui propulse leur nom parmi ceux
des plus grands créateurs, leur volant même parfois la vedette sur les podiums.
Q
ue ce soient des dessous
affriolants, des accessoires
trendy, un vestiaire stylé,
des cosmétiques naturels,
des recettes saines ou carrément un mode de vie en accord avec leurs
vêtements, les vedettes misent aujourd’hui
volontiers sur une marque... et changent
de carrière comme de couleur de cheveux ! Les mannequins se muent en
actrices, les comédiens en artistes et tout
le monde aspire à devenir styliste. Et
pourquoi pas ?
Madonna, Kate Moss, Paris Hilton,
Alyssa Milano, Pharrell Williams, Sarah
Jessica Parker, Sean Combs, Beyoncé,
Rihanna, Cindy Crawford, Gisele Bündchen, Gwyneth Paltrow ou encore Reese
Witherspoon... La liste de ceux et celles
qui se sont lancés dans l’aventure de la
mode est longue. Si le phénomène n’est
pas nouveau, il s’amplifie depuis l’apparition des réseaux sociaux et autres
plates-formes 2.0. Omniprésents dans nos
vies quotidiennes, ces derniers facilitent
en effet l’interaction et le partage d’informations, de photos ou de vidéos entre
individus, mais aussi entre entreprises et
clients. Ou inversement. Aujourd’hui,
« les stars érigent leur nom en label, sans
passer par les circuits de distribution classiques. Elles peuvent commercialiser leur
image et gagner de l’argent en vendant
quelque chose elles-mêmes », souligne
Olivier Zeegers, fashion consultant au
MAD Brussels et directeur de la Modesign
Academy. L’ex-Ange de Victoria’s Secret
Heidi Klum semble l’avoir bien compris.
Prenant exemple sur Elle Macpherson –
une autre top de sa génération –, l’Allemande, qui a débuté sa carrière de
mannequin dans les années 90, possède
désormais sa propre ligne de lingerie fine,
Intimates, et n’hésite pas à prendre la pose
pour en faire la promotion. « La logique est
évidente... A partir du moment où une
célébrité fédère un public autour d’elle sur
Instagram, Twitter ou Facebook, les fans
auront envie d’acquérir ses articles pour
l’approcher, lui ressembler ou faire partie
de son univers, ajoute l’expert. Les personnes connues bénéficient donc d’une
certaine base de consommateurs, avant
même de commencer. » Leur image
publique vaut dès lors parfois bien plus que
des années de campagnes de pub !
De façon plus terre-à-terre, que faut-il
pour entrer dans cet univers impitoyable ?
Du talent, oui. Des relations, très certainement. Mais plus que tout : beaucoup
d’argent ! Dans la couture plus qu’ailleurs,
tout styliste est confronté à des empires
et maisons aux ressources financières
colossales. Pour contrer les difficultés
pécuniaires, nombreux sont ceux qui font
appel à leur famille ou puisent dans des
économies durement rassemblées durant
des années de travail. Du côté des tapis
rouges, il en va tout autrement puisque
des euros ou des dollars à investir, les people en ont ! Un pas plus loin, ils maîtrisent
même leurs systèmes de distribution en
mettant sur pied des e-shops. Nul besoin
alors de convaincre les boutiques de les
intégrer à leurs assortiments et rayonnages,
souvent trop petits.
Néanmoins, si des admirateurs et un portefeuille bien rempli constituent très
certainement des arguments de départ à
la naissance d’une enseigne ou d’une
ligne de vêtements, ils ne suffisent pas à
expliquer entièrement le phénomène.
« Celui-ci est aussi fondamentalement lié
à l’incertitude qui règne dans les ►
26
DocRoom
GETTY IMAGES
GETTY IMAGES
Autre tactique : la plate-forme online, à
l’image de celle de Reese Witherspoon.
Pour lancer sa propre ligne de lingerie,
la top Heidi Klum joue les égéries.
Kanye West signe pour
l’hiver prochain une
collection pour Adidas.
IMAXTREE
BELGA IMAGE
Victoria Beckham a réussi à se faire
une place sous le soleil de la mode.
DocRoom
milieux artistiques : une griffe peut être
perçue comme une sécurité supplémentaire. Les collections sortent régulièrement
et permettent de conserver l’attention des
acheteurs dans un monde très compétitif », clarifie le sociologue de la mode,
Frédéric Godart.
QUAND LA QUALITÉ PRIME
Tout commence en 2004, lorsque le
Council of Fashion Designers of America
(CFDA) décerne le titre de créateur de
l’année au rappeur et acteur Sean Combs –
plus connu sous le pseudo de P. Diddy,
pour sa ligne streetwear et casual, baptisée
Sean John. L’événement scelle le début
d’une mutation. En 2005, c’est au tour de
Jessica Simpson, à l’époque où elle apparaît
dans sa propre téléréalité, de développer un
dressing denim... Aujourd’hui, ses jeans se
vendent toujours très bien alors que le
show télé a été oublié. S’ensuivront d’autres reconversions, mais pas toujours en
nom propre, à l’image de Kanye West,
qui collaborera avec A.P.C. et Adidas, un
vestiaire dévoilé en mars dernier.
Si la plupart des exemples restent dans le
secteur du mass market, quelques personnalités ont néanmoins réussi à ériger des
griffes se distinguant sur la scène couture,
bien au-delà du simple accélérateur de
reconnaissance qu’a permis leur fan-club.
« L’exemple le plus parlant est celui de
Victoria Beckham, précise Olivier Zeegers. Ses collections ont une vraie valeur
ajoutée. Son travail est reconnu par ses
pairs et elle n’hésite pas à le confronter
lors de défilés. Elle se retrouve dans un
environnement concurrentiel où l’attention au design, à la qualité et au détail est
très importante. » L’ex-Posh Spice était
pourtant attendue au tournant lors de ses
premiers pas dans le secteur...
Pour leur part, les jumelles Olsen, découvertes dans la sitcom La fête à la maison,
ont elles aussi réussi à se faire une place au
soleil. Très jeunes sous les feux de la
rampe, les deux sœurs ont grandi dans
l’idée de percer dans la mode et ont naturellement mis leur image de côté,
promouvant leurs vêtements avant tout et
se renouvelant saison après saison. Depuis
dix ans, elles proposent des looks « minimal chic », sous le label The Row, qui
vient d’être gratifié du prix de Womenswear Designer of the Year par le CFDA.
Une institution qui a également décerné
début juin un Fashion Icon Award à
Pharrell Williams, champion des collaborations mode, avec notamment Louis
Vuitton, Adidas et Moncler.
Mais qu’en est-il d’autres people qui se
contentent d’apposer leur patronyme sur
un flacon de parfum ou tout autre article
de vente ? « Pour ces derniers, c’est une
activité parallèle à leur carrière et ils finissent souvent par déléguer complètement
la tâche. La marque vit alors par ellemême », précise Olivier Zeegers. Sans
oublier que ce n’est pas parce qu’une star
signe des habits qu’ils sont de qualité. « Le
manque d’histoire et de relation longue
avec les clients peut être un problème. Il
faut du temps pour établir la confiance, la
notoriété ne suffit pas », rappelle Frédéric
Godart. Pour élever sa production aux
côtés des griffes les plus prestigieuses, pas
de recette donc, uniquement du travail.
Certaines personnalités s’attendent à ce
que leur notoriété dans un domaine suffise à les propulser au sommet de toutes
les activités parallèles qu’elles entreprennent mais « les marques qui misent tout
sur les fans ne durent qu’un temps car
elles sont liées à leur célébrité et s’éteignent avec elle. L’absence de force
créative claire dans ces labels explique leur
manque de résilience. Ce sont des entreprises fondamentalement commerciales »,
tempère Frédéric Godart.
MESSAGE COMMUNAUTAIRE
Plus récentes, les plates-formes online
Goop de Gwyneth Paltrow, Preserve de
Blake Lively ou Draper James de Reese
Witherspoon illustrent quant à elles une
stratégie totalement différente. Il ne s’agit
plus seulement de concevoir un vestiaire,
mais bien de prôner tout un art de vivre.
Ce qui passe par de petits conseils sur ce
qu’il faut avoir vu ou lu, ou même mangé
au petit-déj’.
« Ce phénomène assez américain part de
l’idée qu’il faut améliorer – ou du moins
rendre plus beau – le quotidien de son
entourage et de sa communauté. Dans
cette optique, les vedettes proposent un
tas de produits différents qu’elles ont
découverts et qui leur ont fait du bien »,
commente Olivier Zeegers. Dernière arrivée dans l’aventure de l’e-commerce à
thème, Reese Witherspoon a annoncé
s’être « inspirée du style du Sud et de sa
vie de femme moderne ». Du vêtement à
Jennifer Lopez a, elle,
emprunté la voie des parfums,
depuis plus de dix ans.
GETTY IMAGES
DÉCRYPTAGE
l’accessoire, l’accent est mis sur tout ce qui
est mignon et les motifs floraux comme
l’artisanat sont très présents, conformément aux goûts de l’actrice de 39 ans. Elle
souhaite également aider « les jeunes
femmes à devenir les entrepreneurs, leaders, et acteurs d’un changement social ».
Exit le simple lancement d’une fragrance
signée, cette démarche plus pérenne doit
être comprise « comme une extension
naturelle de la mode », selon Frédéric
Godart. Le plus difficile étant d’établir
une cohérence parmi ce qui est présenté.
Pour certains enfin, travailler avec des
professionnels du milieu n’est pas suffisant... Le quinquagénaire Antonio
Banderas a ainsi décidé de retourner sur
les bancs de l’école, et pas n’importe
laquelle puisqu’il s’agit du prestigieux
Central Saint Martins College of Art and
Design de Londres où se sont succédé
Stella McCartney ou John Galliano, pour
apprendre les ficelles du métier. « Je vais
étudier comment dessiner des vêtements.
C’est quelque chose qui me trotte dans la
tête depuis un bon moment », a-t-il
annoncé dans un talk-show anglais. Une
telle déclaration a de quoi laisser dubitatif, mais l’ancien footballeur devenu
acteur est bien décidé à penser de bout en
bout ses propres silhouettes. Alors que son
empire olfactif, déjà composé de huit parfums masculins, rivalise avec celui de
Jennifer Lopez, sa soif d’apprendre et son
œil aiguisé pourraient bien faire de lui la
nouvelle coqueluche fashion. De quoi
faire peur à Victoria Beckham ?
28
DocRoom
SDP
Mosaert, le dressing coloré pensé
par Stromae, avec la styliste
Coralie Barbier.
SDP
Et en Belgique
SDP
Le joueur de foot Daniel Van Buyten se
recycle et lance une ligne sportswear.
SDP
REUTERS
Les sœurs Olsen ont réalisé leur rêve
de devenir créatrices avec leur griffe The Row.
Notre petit pays aussi compte quelques
exemples du genre. Comme Stromae,
qui propose des lignes colorées de
cardigans, polos ou chaussettes via son
label Mosaert et ce, en collaboration
avec la styliste Coralie Barbier.
« À l’origine, l’idée était de concevoir
des pièces uniques pour Paul (NDLR :
Stromae) qui faisaient écho aux
influences présentes dans ses chansons.
Puis, toute l’équipe a commencé à porter
les tenues et c’est comme ça qu’est née
la griffe, explique la jeune femme. On a
eu envie que les deux univers puissent
vivre séparément, la musique et la
mode. Paul finit sa tournée en octobre
et de notre côté, on continue à travailler
sur les prochaines capsules. » Outre le
chanteur, c’est l’ancienne étoile du
ballon rond Daniel Van Buyten qui a
récemment développé sa ligne avec
la société verviétoise Starsmade.
Le concept est simple : proposer des
sweats à capuche personnalisés.
Un vieux rêve selon « Big Dan »...
Si le secteur les intéresse, nos deux
compatriotes ont misé sur la
collaboration avec de réels stylistes.
29
DocRoom