L`anorexie, une maladie à part entière - Eki-Lib

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L`anorexie, une maladie à part entière - Eki-Lib
L’anorexie, une maladie à part entière
L’anorexie,
une maladie à part entière
Anorexie et boulimie constituent les principaux troubles des conduites
alimentaires et se rencontrent principalement chez les adolescents et les
adultes jeunes. Il n’existe pas de solution thérapeutique immédiate. Le
soin ne se conçoit que dans la durée grâce à des mesures diversifiées.
L’anorexie et la boulimie sont deux troubles du comportement alimentaire qui
se traduisent dans le cas de la personne boulimique par l’ingestion d’énormes quantités
de nourriture et pour l’anorexique à ne plus s’alimenter ou presque. L’anorexie
mentale désigne une maladie bien précise pas toujours facile à diagnostiquer car il est
difficile de faire la part entre une adolescente qui décide de faire un régime ordinaire
et une adolescente souffrant d’anorexie mentale.
Le Pr Michel Vidailhet est pédiatre, spécialiste de la nutrition
des enfants et adolescents. Il nous explique comment sont suivies les
anorexiques à l’hôpital des enfants de Nancy où il exerce.
Doctissimo : L’anorexie est elle fréquente?
Pr Vidailhet : Au début de ma carrière il y a 30 ans, je voyais très
rarement des anorexiques, peut être une fois par an. Aujourd’hui je vois 2 jeunes
anorexiques nouvelles par semaine. C’est une maladie qui est probablement devenue
plus fréquente, qui est mieux connue et dont on parle. Mais sa cause demeure
mystérieuse.
Doctissimo : Peut-on parler de maladie?
Pr Vidailhet : Oui, c’est une vraie maladie qui nécessite par ailleurs un soutien
psychologique. C’est une maladie de l’adolescence qui touche surtout des jeunes filles.
Ce trouble du comportement alimentaire s’appelle d’ailleurs anorexie mentale. Les
anorexiques restreignent considérablement leur alimentation pour maigrir, car elles
considèrent qu’elles sont trop grosses, alors qu’elles sont déjà minces ou même maigres.
Cette vision de leur corps est une réalité, qu’elles ne mettent pas doute; les bonnes
paroles leur affirment le contraire sont donc sans effet. La prise d’aliments est vécue
comme une agression, alors que le jeûne qu’elles s’imposent est souvent vécu comme
du plaisir.
Propos recueillis par le Dr Emmanuel Zinski, le 10 octobre 2000
http://www.doctissimo.fr/html/nutrition/mag1027/nu_2783_anorexie.htm
L’anorexie, une maladie à part entière
Doctissimo : L’hospitalisation est-elle nécessaire?
Pr Vidailhet : Oui, l’hospitalisation est nécessaire une fois sur deux ou une fois sur
trois, car leur maigreur est telle qu’elle peut être dangereuse. Ces jeunes filles risquent
leur vie! Dans notre hôpital, l’anorexique consulte séparément le nutritionniste et le
psychiatre qui décident ensuite ensemble si une hospitalisation est nécessaire.
Doctissimo : Que leur proposez-vous?
Pr Vidailhet : De reprendre du poids. Je leur montre sur des courbes comment
évoluait leur poids et leur taille depuis leur enfance avant la maladie et comment
l’anorexie a rompu brutalement la courbe de poids. Je leur propose d’atteindre un
poids qui correspond à celui de leur taille, afin qu’elles restent minces, mais pas maigres.
Je leur explique qu’elles doivent mettre les bouchées doubles durant leur séjour à
l’hôpital : manger normalement et rattraper le poids perdu. Les ados sortent de
l’hôpital le jour où ce poids est atteint. Nous établissons donc avec eux un contrat.
Doctissimo : Les jeunes sont-elles isolées de leur entourage pendant leur
hospitalisation?
Pr Vidailhet : Oui, nous leur expliquons qu’il faut les isoler de leur famille au début.
Aucun contact ne doit avoir lieu, car dans le cas contraire nous nous sommes aperçus
que ça allait moins bien! Lorsque le reprise de poids atteint 2 kilos en dessus du poids
contrat, les contacts avec la famille peuvent être repris progressivement. Il faut donc
pour que ce traitement réussisse que les parents soient les alliés de l’équipe soignante.
C’est dur pour tout le monde, mais nécessaire! Lorsque pendant les premiers jours il n’y
a pas de prise de poids, les anorexiques acceptent une sonde alimentaire durant la nuit
(un petit tuyau dans le nez qui va jusque dans l’estomac pour les nourrir). Les jeunes se
posent d’ailleurs elles mêmes cette sonde car nous leur avons demandé leur accord
pour cela dès le départ. À l’hôpital, nous avons créé un club pour les ados où ils se
rencontrent et ont différentes activités, des enseignants bénévoles viennent aussi leur
donner les cours qu’ils manquent pendant leur hospitalisation. Pour finir, il ne faut
surtout pas perdre de vue que pour que ces ados s’en sortent il faut en pratique que les
soignants les aiment!
Propos recueillis par le Dr Emmanuel Zinski, le 10 octobre 2000
http://www.doctissimo.fr/html/nutrition/mag1027/nu_2783_anorexie.htm