Les biotechnologies en région Provence-Alpes

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Les biotechnologies en région Provence-Alpes
Les biotechnologies en région
Provence-Alpes-Côte d’Azur :
acteurs, dynamiques
et perspectives d’évolution
Biotechnologies
Ä La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur
(PACA) dispose de nombreux laboratoires
publics de recherche dans le domaine des
biotechnologies et compte une quarantaine
d’entreprises dans cette filière industrielle en
développement.
Cet article analyse les dynamiques de Recherche et Développement et industrielle du
secteur des biotechnologies en région PACA
selon deux axes :
- les thématiques de recherche au sein des
équipes de recherche publique ;
- les dynamiques entrepreneuriales des sociétés émergentes.
Des perspectives d’évolution et de structuration de la filière des biotechnologies en région
PACA sont dessinées en isolant certains domaines de compétences et secteurs d’activité
régionaux dominants.
’analyse des dynamiques de Recherche et
Développement et industrielle du secteur des
biotechnologies au niveau régional peut être
appréhendée par de nombreux canaux1 qui font appel à des données quantitatives et qualitatives de
différentes natures et de sources relativement éparses, ce qui rend souvent difficiles des comparaisons
entre territoires et périodes. Ces difficultés sont ici
particulièrement renforcées par l’objet de l’analyse
lui-même, c’est-à-dire le domaine des biotechnologies. Il est caractéristique de noter qu‘il n’existe pas
encore à ce jour de définition précise et acceptée
par l’ensemble de la communauté scientifique et
industrielle. Ceci s’explique en grande partie par le
caractère émergent de ce domaine qui semble ne
pas avoir, à ce jour, complètement révélé toutes ses
L
NOTES
1. À titre d’exemple, on peut citer le nombre de publications scientifiques régionales dans le domaine, la part des
chercheurs du domaine dans la recherche publique et privée
régionale, le nombre de brevets du domaine déposés par des
chercheurs ou des entités régionaux, le nombre d’entreprises régionales créées dans le secteur des biotechnologies,
le nombre de projets incubés dans les incubateurs publics
et privés régionaux, le nombre de projets de création ou de
développement dans le secteur des biotechnologies soutenus
par les structures d’appui à l’innovation et d’interfaçage (technopoles, Centres régionaux d’innovation et de transfert de
technologie [CRITT], pépinières, agences de développement
industriel et technologique, etc.).
2. Centre de recherche en économie régionale et industrielle,
1
2
Stéphane GHIO, CRERI TVT
Joël GRILLASCA, EB2M - PROTEE3
Rémi ROGHE, TVT4
université du Sud Toulon-Var – Toulon-Var Technologie.
3. Équipe biologique moléculaire marine, université du Sud
Toulon-Var.
4. Toulon-Var Technologies.
Éducation & formations − n° 73 − août 2006
65
THÈME
potentialités de développement et d’évolution. Ainsi, en
suivant Lhuillery (Note Recherche 03.01, MENJR-DEP),
on peut noter que « la définition des biotechnologies
n’est pas stabilisée et fait l’objet de nombreuses discussions au niveau international.» À titre d’exemple,
l’OCDE retient comme définition provisoire que les biotechnologies correspondent à « l’utilisation de techniques impliquant du matériel vivant servant à modifier
des organismes vivants existants ou des parties de
ceux-ci, ou à transformer du matériel, d’origine vivante
ou non, par l’utilisation de procédés impliquant des organismes vivants, et ayant pour objectif de produire de
nouvelles connaissances (scientifiques) ou de développer de nouveaux produits ou procédés. » Dans le cadre
d’une étude réalisée pour France Biotech par le cabinet
Deloitte & Touche (2002), une définition plus large a
été retenue qui admet « toutes applications technologiques issues des sciences de la vie qui utilisent des
systèmes biologiques ou leurs composants cellulaires,
qu’ils soient recombinés ou non, pour produire des
matériaux ou des services. » Cette définition élargit
ainsi le champ des biotechnologies à la biologie et la
biochimie. Une troisième définition, intermédiaire, a
été proposée par Ernst and Young (2001) selon laquelle
« une entreprise de biotechnologie est une entreprise
qui a pour objectif de produire et de commercialiser des
produits ou des services : utilisant les sciences de la
vie, utilisant des outils de haute technologie, réalisant
de la recherche réellement novatrice. »
Le propos de cet article est d’analyser le secteur
des biotechnologies en région Provence-Alpes-Côte
d’Azur à partir d’un certain nombre d’indicateurs et de
données relatives aux publications scientifiques régionales, aux brevets régionaux déposés en biotechnologies, aux équipes de recherche et à leurs thématiques
de recherche, aux dynamiques entrepreneuriales et aux
processus d’identification, de formalisation et de structuration de pôles de compétence et de clusters5. Nous
mettrons en perspective le poids relatif des activités de
biotechnologies au niveau national et en région PACA,
des équipes et thématiques de la recherche publique
en région PACA, des secteurs et domaines de compétences d’un certain nombre d’entreprises régionales
apparaissant d’ores et déjà comme des références aux
niveaux national et international et des structures publiques, parapubliques, privées et associatives régionales
d’appui à l’innovation et au développement du secteur.
66
Cette démarche, en présentant les forces et faiblesses
des acteurs du système régional de biotechnologie, permet de proposer différentes perspectives d’évolution du
secteur en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
LA DYNAMIQUE ÉCONOMIQUE
DES BIOTECHNOLOGIES
Positionnements international et national
Au niveau mondial, les entreprises de biotechnologies représentaient en 2000 un effectif global de
230 000 personnes pour 3 000 sociétés (Cabinet KPMG
Audit, 2002) dont la répartition par pays « leader » est
présentée dans le tableau 1. Le marché mondial des
biotechnologies connaît une progression de 40 % par an
depuis 1996 et l’on estime que près de 325 millions de
personnes ont déjà bénéficié de traitements et vaccins
issus des biotechnologies (KPMG Audit, 2002).
La France représente environ 10 % de l’activité mondiale (Cap Gemini Ernst and Young, 2001) et se place au
troisième rang européen derrière la Grande-Bretagne et
l’Allemagne. Les entreprises nationales se caractérisent
dans leur grande majorité par des entreprises de petite
NOTE
5. Groupe d’entreprises et d’institutions partageant un même
domaine de compétences, proches géographiquement, reliées
entre elles et complémentaires (Porter, 1999).
Tableau 1
Répartition géographique des entreprises
et des effectifs de biotechnologies (2000)
Pays
Nombre
de sociétés
Effectifs
États-Unis*
1 200
160 000
Grande-Bretagne**
431
28 000
Canada**
400
62 000
Allemagne**
365
14 000
Japon**
333
69 000
France**
270
7 500
Australie**
190
21 000
Sources :
* « Overview of selected issues of the biotechnology industry
in four countries », KPMG, 2002.
** “Borderless biotechnology”, Deloitte Touche Tohmatsu, 2003.
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les boues et effluents, filtration membranaire, ingénierie
des protéines, transgénèse, thérapie génique, clonage
des animaux, criblage des molécules actives, thérapie
cellulaire, organes bio-artificiels, traçabilité).
Si l’on s’intéresse aux interventions de l’Agence
nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) au
niveau national (bilans sectoriels 2002), il est intéressant
de noter qu’elles ont augmenté de 23 % en nombre et
28 % en montant entre 2001 et 2002 avec le soutien à
238 initiatives dans le domaine biomédical, quatre régions globalisant 62 % du nombre d’intervention (RhôneAlpes, Île-de-France, PACA et Nord-Pas-de-Calais). Dans
le domaine Pharma-Biotech, l’ANVAR a soutenu 213 initiatives pour un montant total de 23,6 millions d’euros,
soit une augmentation de près de 6 % en nombre et
13 % en montant par rapport à 2001.
THÈME
taille (tableau 2) dont la majorité exercent leur activité
depuis moins de dix ans (tableau 3).
Si l’on considère les données de l’Observatoire des
sciences et techniques (OST, 2002) relatives aux dépôts
de brevets des régions françaises dans les différents domaines des biotechnologies, la part mondiale de la France
(en termes de dépôts de brevets) représentait 3,8 % des
dépôts dans le domaine des « traitements et thérapeutiques », soit 181 brevets déposés en 1998 pour un peu
plus d’une soixantaine de déposants (personnes morales)
avec 67,8 % des dépôts effectués par les dix premiers
déposants 6. Dans le domaine des « méthodes et procédés
de détection » 7, la part mondiale de la France était de
4,5 % en 1998, soit 524 brevets déposés pour 128 déposants (personnes morales) avec 66,6 % des dépôts
effectués par les quinze premiers déposants et six institutions publiques parmi ces quinze premiers déposants.
En « pharmacologie et pharmacie » (thérapie génique,
greffe d’organes, marquage métabolique des aliments), la
part mondiale de la France était de 5,5 % en 1998, alors
qu’elle était de 6,1 % dans le domaine de la « biologie
cellulaire et moléculaire » et le « génie génétique » (stabilisation en vue du stockage et de l’utilisation écocompatibles des déchets, élimination des métaux lourds dans
NOTES
6. Il est intéressant de noter que parmi ces dix premiers déposants, cinq étaient des institutions publiques.
7. Procédés biologiques et biomimétiques de synthèse de
minéraux et polymères, ingénierie des protéines, détection et
analyse des risques pour l’environnement liés aux OGM, traçabilité, marquage métabolique des aliments, biopuces, biocapteurs, outils de santé à la disposition des consommateurs.
Tableau 2 - Distribution et poids des entreprises françaises par tranche d’effectifs
Ensemble
Dont très petites entreprises et PME-PMI indépendantes
Élaborant des produits
ou des procédés
Tranches de taille
Avec seulement des activités
de support
% d’entreprises
% effectifs
% entreprises
% effectifs
% entreprises
Très petites (moins de 20 salariés)
49
2
65
11
50
4
PME-PMI (20 à 499)
42
28
35
89
50
96
296
9 954
232
11 300
Grandes (supérieures à 499)
9
75
Effectifs
625
125 073
% effectifs
Source : Note Recherche 03.01, MEN-Direction de l’évaluation et de la prospective.
Tableau 3 - Distribution du nombre d’entreprises françaises et de leurs effectifs par tranche d’âge
Ensemble
Tranches
d’âge
Dont très petites entreprises et PME-PMI indépendantes
%
entreprises
%
effectifs
Effectif
moyen
0-2 ans
25
5
3-5 ans
14
3
6-9 ans
12
3
Élaborant des produits ou utilisant
des procédés
Avec seulement des activités de
support
%
entreprises
%
effectifs
Effectif
moyen
%
entreprises
%
effectifs
Effectifs
moyens
36
35
15
15
23
4
8
45
17
10
20
15
4
14
53
13
10
25
14
6
23
10-15 ans
19
16
165
16
21
44
24
23
47
Plus de 15 ans
30
74
489
19
44
77
25
63
122
Ensemble
100
100
200
100
100
34
100
100
49
Source : Note Recherche 03.01, MEN-Direction de l’évaluation et de la prospective.
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Le positionnement de la région PACA
THÈME
Concernant les entreprises de biotechnologies
en région PACA, les données, selon leur source et
les définitions retenues, oscillent entre un nombre de
48 entreprises (Note Recherche 03.01, MENJR-DEP) et
58 entreprises (MDER-PACA). Ces variabilités proviennent en priorité, comme nous avons pu déjà le signaler
par ailleurs, des définitions et des modalités d‘évaluation retenues (questionnaires, enquêtes de terrain, etc.).
Si l’on s’en tient aux résultats de l’enquête menée par
le Bureau des études statistiques sur la recherche de la
Direction de l’évaluation et de la prospective, la région
PACA représente 7,4 % des entreprises nationales de
biotechnologies indépendantes de moins de 500 personnes dans le domaine de l’élaboration de produits ou
l’utilisation de procédés de biotechnologies (22 entreprises, troisième rang national) avec 5 % des effectifs et
6,9 % des entreprises (16 entreprises, quatrième rang
national) dans le domaine du support (fournisseurs de
conseil, d’équipements…) avec 5 % des effectifs.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région française (derrière l’Île-de-France et la
région Rhône-Alpes) pour l’ensemble des compétences scientifiques (tous domaines confondus) avec une
part nationale moyenne de 7,9 % en 1998 (OST, 2002).
Dans le champ spécifique « biologie-biotechnologies »,
la région PACA occupe la quatrième position, derrière
l’Île-de-France, le Languedoc-Roussillon et la région
Rhône-Alpes. L’analyse du champ de compétence tech-
nologique (OST, 2002) met en évidence un léger recul
de cette région au profit du Languedoc-Roussillon et
de Midi-Pyrénées qui tendent à augmenter leurs parts
nationales sur la même période. Les régions « leaders »
que sont l’Île-de-France, Rhône-Alpes et l’Alsace voient
leurs parts nationales relativement stables.
Ces résultats par grands champs scientifiques
et technologiques masquent quelque peu des évolutions fortement contrastées si l’on développe une
analyse plus fine des technologies concernées par le
secteur des biotechnologies. Ainsi, dans le domaine
des « traitements et thérapeutiques »8 pour lequel la
France présente un indice de spécialisation (en termes
de brevets) très faible de 0,59 (OST, 2002), la région
PACA présente un positionnement faible, mais en
légère progression entre 1995 et 1998 alors que les
premières régions du domaine, à l’exception notable
de Rhône-Alpes (+ 17 %), voient leurs parts nationales
régresser (- 10 % pour l’Île-de-France et - 27 % pour
l’Alsace). À l’inverse, dans le domaine des « méthodes
et procédés de détection »9, la région PACA relativement bien positionnée au sixième rang national voit sa
NOTES
8. Qui concernent l’ingénierie des protéines, la transgénèse,
la traçabilité, la thérapie génique, le clonage des animaux,
le criblage des molécules actives, les greffes d’organes, la
thérapie cellulaire, les organes bio-artificiels.
9. Qui couvrent les procédés biologiques et bio-mimétiques
de synthèse de minéraux et polymères, l’ingénierie des protéines, la détection et l’analyse des risques pour l’environnement
liés aux OGM, la traçabilité, le marquage métabolique des
aliments, les biopuces et biocapteurs.
Tableau 4 - Évolution des parts de publications en génomique des régions françaises (en %)
Région / rang de publication
1995
1998
2000
Evolution
Île-de-France - 1
51,9%
47,9%
45,2%
-13,0%
Rhône-Alpes - 2
8,5%
9,0%
9,4%
11,0%
PACA - 3
5,8%
6,5%
7,2%
23,0%
Alsace - 4
6,6%
6,0%
5,7%
-14,0%
Languedoc-Roussillon -5
5,3%
6,3%
6,3%
18,0%
Midi-Pyrénées -6
3,8%
4,5%
4,3%
11,0%
Aquitaine - 7
3,1%
3,3%
3,5%
13,0%
Nord-Pas-de-Calais -8
2,7%
3,0%
3,5%
30,0%
Bretagne - 9
2,5%
2,9%
3,2%
28,0%
Pays de la Loire - 10
1,5%
1,6%
1,6%
5,0%
Auvergne - 11
1,5%
1,2%
1,6%
7,0%
Lorraine - 12
1,2%
1,3%
1,2%
-5,0%
Sources : ISI, traitements INSERM-OST.
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Éducation & formations − n° 73 − août 2006
STRUCTURATION DE LA RECHERCHE
PUBLIQUE EN PACA
Il ne nous paraissait pas opportun dans cette étude
de réaliser une photographie exhaustive des acteurs
régionaux de la recherche publique en biotechnologie,
mais plutôt de mettre en lumière les axes novateurs,
originaux et d’excellences qui, à notre sens, sont
des atouts pour la région. La région PACA est une
des régions-clés de la recherche en biotechnologie,
la deuxième de France, avec quelque 4 000 professionnels répartis dans une centaine de laboratoires ;
représentant environ un tiers des personnels de la recherche publique de la région. Les principaux partenaires de cette recherche publique sont le CNRS, l’INRA,
l’INSERM, l’IRD, l’INRIA, l’IFREMER et les différentes
universités de la région (Aix-Marseille I, Aix-Marseille II,
Aix-Marseille III, l’université de Nice, l’université du Sud
Toulon-Var et l’université d’Avignon), qui mettent, avec
dix instituts fédératifs de recherche (IFR), largement
leurs compétences en commun.
NOTES
10. http://www.inria.fr/inria/organigramme/fiche_ur-sop.fr.html
11. http://ibsm.cnrs-mrs.fr
12. http://www.genopole.univ-mrs.fr
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Les biotechnologies sont un secteur particulièrement important dans l’enseignement supérieur régional
avec près de 30 000 étudiants en université et écoles
d’ingénieurs dans les spécialités de la biologie, de la
biochimie, de la santé et de la bio-informatique.
– La bio-informatique. Cette discipline, ayant
pour but de décrypter l’information biologique, est
fortement transversale en alliant des compétences
en génomique, post-génomique, biologie moléculaire,
informatique, traitement du signal, gestion des données. L’INRIA de Sophia-Antipolis10 est l’acteur principal
de cette recherche en PACA avec l’IFR 88 (institut de
biologie structurale et microbiologie) de Marseille11.
L’enseignement en bio-informatique est en forte expansion en région PACA, que ce soit dans les différentes
universités, formations en premier, deuxième et troisième cycles (DEA de bio-informatique, DESS double
compétences), ou dans les écoles d’ingénieurs (École
supérieure d’ingénieurs de Luminy).
– La génomique. Sans aucun doute le génopôle
de Marseille-Nice représente l’épicentre de cette
technologie12. Cette plate-forme, largement soutenue
par les collectivités locales, l’État et la Ligue contre le
cancer, permet à plus d’une trentaine de laboratoires
de recherche de développer leurs axes et de bénéficier
d’une technologie de pointe encadrée par un personnel
compétent. Plusieurs plates-formes délocalisées, telle
que celle du Laboratoire de chimie bactérienne (LCB)
du CNRS de Joseph Aiguier, implanté à Marseille, permettent de développer des approches différentes et de
proposer un service de « proximité ». Le génopôle est
impliqué dans plusieurs projets de recherche, essentiellement dans les domaines de la cancérologie, (diagnostic et classification des cancers du sein ; caractérisation
des gènes exprimés dans le cancer du côlon ; etc.) mais
aussi agronomique (étude du transcriptome de la truite,
en collaboration avec l’INRA) ainsi que dans des projets pédagogiques, aussi bien avec l’université de la
Méditerranée (département de biologie moléculaire et
cellulaire, département de mathématiques, département de physique, département d’informatique), avec
l’École supérieure d’ingénieurs de Marseille-Luminy
(ESIL), avec la faculté de médecine, le Centre d’océanologie de Marseille. Le génopôle est aussi impliqué
dans certains projets de valorisation.
– La biologie marine. Cette thématique est portée
dans la région par le Centre océanologique de Marseille,
THÈME
position se dégrader fortement (- 30 % entre 1995 et
1998), alors que les autres régions « leader » (RhôneAlpes, Alsace, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon)
connaissent toutes une évolution positive de leur situation sur la même période (à l’exception de l’Île-deFrance, en régression de - 9 %).
Si l’on s’intéresse à la production d’articles en génomique par les régions françaises (OST-LTSI, 2003),
la région PACA est au troisième rang de publication
avec une part des citations de 6,9 %, derrière l’Île-deFrance (52,7 % des publications) et Rhône-Alpes (8 %
des publications) ; cette part des publications ayant
connu une des plus fortes progressions entre 1995 et
2000 (+ 23 %), derrière le Nord-Pas-de-Calais (+ 30 %)
et la Bretagne (+ 28 %) alors que la région leader – l’Îlede-France – a connu une forte contraction sur cette
période (- 13 %) (tableau 4).
69
THÈME
l’IFREMER de Toulon, l’Observatoire océanologique de
Villefranche, le Muséum de Monaco, le Centre d’océanographie de l’île des Embiez (Fondation Paul Ricard)
ainsi que par l’équipe de biologie moléculaire marine de
du laboratoire « Processus de transferts et d’échanges
dans l’environnement » (PROTEE) de l’université du Sud
Toulon-Var qui travaille sur le sexage génétique et l’élaboration de tests qualité des poissons d’aquaculture.
– L’agronomie et l’horticologie. Le nouvel IFR de
biotechnologie agro-industrielle de Marseille (IBAIM),
dont le thème de recherche majeur est la valorisation
alimentaire et non alimentaire de la matière première
végétale, mettant en œuvre des procédés de biotransformation et de bioconversion par des microorganismes, est
un acteur important de le recherche en agronomie de la
région PACA. Les unités INRA de Sophia-Antipolis et de
Fréjus participent activement au développement de l’horticulture régionale par leurs recherches fondamentales
et leurs implications dans le transfert de technologies.
Leur travail sur les produits horticoles méditerranéens,
tant sur la physiologie que sur la santé des plantes, est
en adéquation avec le réseau d’horticulteurs local.
– L’immuno-cancérologie. Le cancéropôle PACA
est la structure phare de la recherche pour la lutte
contre le cancer. Ce cancéropôle regroupe six instituts fédératifs de recherche, des centres hospitaliers,
quatre unités universitaires, dix-sept unités INSERM,
sept unités CNRS (soit environ cinq cents chercheurs
dans cinquante-trois équipes), sept sociétés industrielles et une vingtaine de plates-formes technologiques.
Le cancéropôle mène ses recherches autour des axes
suivants : génomique descriptive des cancers, génomique fonctionnelle des cancers, relations hôte-tumeur,
immunothérapies et ciblages thérapeutiques, épidémiologie sociocomportementale et sciences économiques
et sociales appliquées aux cancers. Le Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML) est un des centres
d’excellence de la recherche mondiale en immunologie
et immuno-cancérologie13.
– La biochimie. Les principaux acteurs de la recherche en biochimie, physiologie et biologie du développement de la région PACA sont :
- l’Institut de signalisation, biologie du développement et cancer qui travaille sur les thématiques
suivantes : le développement du tissu adipeux, la différenciation des cellules souches embryonnaires, la
croissance polarisée chez la levure ; la prolifération,
70
la croissance et le développement chez la drosophile,
les MAP kinases, la morphogenèse épithéliale et développement chez la drosophile, la morphogenèse et
signalisation chez la drosophile, et l’apoptose ;
- l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire qui développe des recherches dans les domaines
de la dynamique des manteaux protéiques, la génétique des canaux ioniques, la régulation des cellules
« natural killer », les protéines G et la dynamique cellulaire, les mécanismes moléculaires des maladies
neurodégénératives, l’évolution chez les primates et
le mode d’action des neuropeptides dans le système
nerveux central et périphérique ;
- l’IFR Jean Roche qui se focalise sur la recherche de
nouveaux marqueurs tumoraux concernant les gliomes,
les méningiomes, les adénomes hypophysaires et les
cancers du sein ainsi que sur l’étude des modifications
et des interactions cellulaires observées au cours de ces
cancers, la caractérisation des auto-anticorps anti-canaux
ioniques observés dans certaines maladies neurologiques, l’exploration des applications en physiopathologie
respiratoire et l’approche thérapeutique du sida ;
- l’Institut de biologie du développement de Marseille
(IBDM) qui axe son travail sur le contrôle de la myogenèse chez les vertébrés, le contrôle de la morphogénèse
cardiaque chez la drosophile, la génétique de la neurotransmission, génome humain et développement.
LES DYNAMIQUES
ENTREPRENEURIALES
ÉMERGENTES : QUELQUES
EXEMPLES D’ENTREPRISES
RÉGIONALES DE RÉFÉRENCE
La région PACA veut développer la filière des biotechnologies en s’appuyant sur des pôles de recherches
qui offrent aux entreprises locales des potentialités
de R&D de haut niveau. Bien que le tissu des entreNOTE
13. Cette structure est à l’origine de nombreuses entreprises de biotechnologie (spin-off) dont Immunotech, qui est en
passe de devenir une entreprise de référence mondiale dans
le domaine des biotechnologies.
Éducation & formations − n° 73 − août 2006
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découvertes et du développement des thérapies anticancéreuses, fournissant aux sociétés pharmaceutiques
des informations de grande valeur aux stades précliniques et cliniques, et l’accélération du développement
de nouvelles thérapies. IPSOGEN commercialise ses
produits et services dans le monde entier ;
- Immunochimie SA, créée en 1982 à Marseille
par sept chercheurs du Centre d’immunologie INSERM
CNRS et des enseignants de la faculté des sciences de
Luminy, emploie 170 personnes (2004). Cette société
conçoit, développe, fabrique et commercialise des
réactifs pour la recherche et le diagnostic. Il s’agit de
réactifs à base d’anticorps monoclonaux : trousses pour
l’analyse biologique, anticorps pour le typage cellulaire,
applications thérapeutiques (au stade de la R&D). Hébergée dans un premier temps dans les locaux du Centre
d’Immunologie, Immunotech a, dans un second temps,
déménagé sur le campus dans un bâtiment INSERM.
En 1992, compte tenu de son expansion, elle s’expatrie dans un immeuble à quelques kilomètres du Parc.
Elle reste membre de l’association Grand Luminy et
conserve des interactions étroites avec des laboratoires du campus. Cependant, l’ouverture de son capital,
nécessitée par son fort développement, a amené son
rachat par le groupe Beckman-Coulter (USA) ;
- Bio Veto Test (BVT) est une société installée à
La Seyne-sur-Mer (Var), dédiée au diagnostic vétérinaire
rapide pour les animaux de compagnie et d’élevage.
Fondée en 1993, elle est spécialisée dans le développement et la distribution de tests de diagnostic en biologie
vétérinaire, dont elle est devenue l’un des leaders mondiaux. BVT est le résultat de l’essaimage d’une société en
biologie humaine. Bio Veto Test consacre au diagnostic
vétérinaire tout un département de recherche et de développement pour proposer des applications pratiques des
techniques immunologiques de pointe. Ces recherches
sont nécessaires à l’enrichissement de l’arsenal de diagnostic en médecine vétérinaire des animaux de compagnie et de rente. Cette équipe de recherche élabore de
nouveaux projets notamment sur une maladie endémique,
la leishmaniose canine. La société est certifiée USDA
depuis décembre 1998, elle est aussi certifiée ISO 9001
version 2000. Les produits de diagnostic de Bio Veto Test
sont commercialisés sous la marque « Speed®»;
- TxCell, crée en 2001 à Nice au sein de l’unité de
recherche CNRS INSERM, a pour objectif de devenir leader mondial de la thérapie cellulaire de lutte contre les
THÈME
prises soit peu dense, il comporte un certain nombre
de PME qui ont d’ores et déjà une notoriété nationale
voire internationale. Ces PME servent de locomotive à
l’ensemble de la dynamique d’émergence territoriale
qui est soutenue par la région.
La filière des biotechnologies actuelle est perceptible dans trois domaines particuliers pour lesquels nous
présentons les entreprises leaders.
– Biotechnologies liées à l’agronomie. Quelques entreprises se sont développées de façon historique autour des centres de recherche de l’INRA et
sont surtout spécialisées dans la culture in vitro pour
le développement de nouvelles espèces florales, obtenteurs de rosiers, cyclamens, orchidées et bulbes
méditerranéens (Meilland, Nirp, Vacherot, Morel, Sica
Paulinoise, etc.). Des entreprises ont aussi accompagné
la prise en compte de la lutte intégrée pour la protection
des végétaux. L’exemple le plus parlant est celui du
laboratoire de BIOTOP qui est situé à Valbonne, proche
du centre INRA de Sophia-Antipolis, et qui collabore
de façon active afin de développer des systèmes de
lutte intégrée biologique. Le principal développement
commun est la mise sur le marché de larves de coccinelles pour combattre les pucerons sur les cultures et
des trichogrammes contre la pyrale du maïs. Depuis
le développement de la génomique et l’utilisation de
l’optique et des technologies de l’information et de la
communication (TIC) (INRIA), de nouvelles sociétés sont
en émergence dans le domaine de la protection végétale par des voies semi-automatiques.
– Biotechnologies liées à la médecine
thérapeutique, à la pharmacologie et à
la cosmétologie. Ce sont près de trente entreprises
qui se sont développées autour des centres de recherche sur le génome humain dans les départements des
Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes, le département du Var ayant lui quelques unités de productions de
tests biologiques. Les entreprises phares sont :
- IPSOGEN à Marseille, société émergente de biotechnologie, utilisant des technologies avancées pour
l’analyse de l’expression des gènes à grande échelle
afin de développer des outils permettant d’améliorer la
prise en charge du cancer. Les technologies d’IPSOGEN
s’adressent à deux principaux marchés : le diagnostic
moléculaire du cancer (leucémie, lymphomes, cancer du
sein) afin de fournir des outils de diagnostic moléculaire innovants aux centres cliniques. L’optimisation des
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THÈME
maladies auto-immunes et inflammatoires chroniques.
La base du brevet est sa technologie innovante dans
la mise en œuvre des lymphocytes TR1 pour amplifier
les réponses immunitaires. TxCell projette de créer une
société biopharmaceutique équipée d’un laboratoire
central, pour assurer le traitement cellulaire pour toute
l’Europe. La société va développer un portefeuille de
« produits découverte » pour des essais cliniques à
un stade précoce dans le domaine des maladies inflammatoires et auto-immunes, puis recherchera des
partenariats pour poursuivre la commercialisation et
le développement collaboratif. Les perspectives de
TxCell portent également sur des accords d’acquisition
de technologies et des développements collaboratifs en
2004-2005, la vente de licences aux États-Unis pour la
maladie de Crohn et d’autres maladies inflammatoires
d’ici 2006. La société projette d’implanter son centre
de recherche à Sophia Antipolis après son prochain
tour de table.
– Nouvel axe biotechnologique :
les biotechnologies marines. Celui-ci est encore au stade embryonnaire et s’appuie surtout sur
des travaux de laboratoire de l’université de Toulon.
Une société est actuellement accueillie dans l’incubateur PACA Est, et met au point des tests pour définir
la qualité des produits de la mer ainsi que le sexage
de certaines espèces aquacoles permettant ainsi une
meilleure optimisation de leur élevage.
Conclusion :
quelles perspectives d’évolution ?
Comme nous avons pu le signaler précédemment,
la recherche publique valorisable et novatrice en PACA
s’organise autour des axes suivants : la bio-informatique, la génomique, la biologie marine, l’agronomie et
l’horticologie, l’immuno-cancérologie et la biochimie.
Ces axes de recherche ont un fort potentiel de développement en région PACA, car ils possèdent ou combinent une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : (i)
être une priorité politique en étant fortement soutenus
par la région, les agglomérations de communes ou les
conseils généraux, (ii) répondre à une demande de l’industrie locale, française, européenne ou internationale,
(iii) répondre à une pression citoyenne par l’intermédiaire du législateur (traçabilité, qualité sanitaire, santé
publique, etc.) (iv) fédérer plusieurs organismes publics
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autour de projets de recherches communs par la création de plates-formes technologiques ou d’IFR, (v) être
couplés à une offre de formation universitaire.
Les besoins en bio-informatique connaissent une
croissance exponentielle, aussi bien dans le secteur
privé que public, dans des domaines aussi variés
que la génomique fondamentale, la pharmacologie,
l’agronomie, la neurologie, l’immuno-cancérologie, la
biochimie ou la biologie marine. Le développement de
la bio-informatique en PACA doit être maintenu, voire
renforcé, pour pouvoir relever les défis qui ne manqueront pas dans tous les domaines de la biotechnologie
de demain.
La biologie marine devrait connaître un développement important dans les années à venir dans la région
toulonnaise. En effet, la communauté d’agglomération
Toulon-Provence-Méditerranée (TPM) considère cet axe
comme un des quatre axes prioritaires pour son développement technopolitain. Dans l’aire toulonnaise, le
développement des biotechnologies marines permettra
à terme un essor des activités aquacoles et une redynamisation de l’économie de la rade toulonnaise. La mise
en place de cette recherche et la valorisation attendue
seront appuyées par la création d’offres de formation
au sein de l’université du Sud Toulon-Var.
L’horticulture est aussi une des quatre priorités que
s’est fixé TPM, aussi cette compétence devrait-elle,
à court terme, connaître un développement important
dans l’Ouest Var. De plus, le développement du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Floribiogene, impliquant dans le même effort de recherche aussi bien les
équipes scientifiques (INRA, université de Marseille,
université d’Avignon) que les professionnels obtenteurs de plantes méditerranéennes tend à démontrer
la volonté des agents économiques et scientifiques de
promouvoir les potentialités horticoles du territoire varois. En effet, la production de fleurs coupées dans le
département du Var représente 50 % de la production
nationale de ce secteur.
La plate-forme « horti-aqua », regroupant l’axe biologie marine développé au sein de l’université du Sud Toulon-Var et l’axe horticologie mené par la station INRA de
Fréjus, devrait être une structure fédératrice importante
de l’aire TPM et, plus généralement, de la région PACA.
Cette plate-forme intègre en son sein des compétences en biologie marine et biologie végétale, mais ayant
une technologie commune basée sur des approches
Éducation & formations − n° 73 − août 2006
les années à venir : (i) favoriser le développement des
biotechnologies en PACA en renforçant la recherche
et en accompagnant la création d’entreprises, (ii) développer une offre immobilière dédiée, à proximité des
centres de recherche spécialisés, (iii) créer et pérenniser
les liens universités-entreprises-collectivités. La finalité
de ce cluster de biotechnologies sera de renforcer l’existant (cent laboratoires de recherche, près d’une centaine
d’entreprises biotechnologiques, le label génopôle, le
label canceropôle, le deuxième pôle d’essais cliniques
de France, le deuxième pôle hospitalo-universitaire,
un centre de ressources biologiques) et de favoriser le
processus d’essaimage issu des laboratoires publics
dans le mécanisme de création de sociétés, afin d’offrir
l’un des tout premiers potentiels de développement
industriel et commercial de France.
THÈME
génomiques, de biologie moléculaire, de bio-informatique, de biologie moléculaire et de physiologie.
De manière générale, l’application des biotechnologies et les transferts technologiques qui leur sont associés en direction des industries agroalimentaires (IAA)
est une problématique importante pour la région PACA,
compte tenu de l’importance et du poids économique
que représentent ces industries pour cette région. Il
semble donc clair qu’à côté de l’immuno-cancérologie,
domaine d’ores et déjà très dynamique dans la région et
certainement amené à devenir un des domaines d’excellence national et international de la région, toutes les
compétences en horticulture, aquaculture et dans les
activités agricoles connaîtront une dynamique soutenue
dans les années à venir.
Une démarche de cluster en phase de structuration,
lancée en 2001 sous le nom de BioMéditerranée14, a
pour objectif de coordonner les différents acteurs et
actions en région PACA, afin de répondre à trois enjeux
scientifiques et industriels majeurs pour la région dans
NOTE
14. BioMéditerranée a organisé le 8e carrefour européen des
Biotechnologies à Marseille du 27 au 29 octobre 2004.
À lire
Anhoury P., Gauttier-Dupont J. (2002), Survey on the french biotechnology industry 2002, étude réalisée pour et par le cabinet
Deloitte &Touche pour France Biotech.
ANVAR (2003), Bilan sectoriels 2002 : synthèse pharma-biotech, synthèse biomédical, synthèse agroalimentaire, synthèse environnement.
Association Grand Luminy – Groupe de travail 8 (2002), Étude d’opportunité sur l’émergence d’un cluster biotech en PACA.
Ernst and Young (2001), Biotechnologie en France.
Lhuillery S. (2003), « Les entreprises de biotechnologie en France en 2001 », Note Recherche 03.01, MEN-Direction de l’évaluation
et de la prospective.
Mission de développement économique régionale (MDER), PACA (2003), Bioméditerranée : Biotechnologies en ProvenceAlpes-Côte d’Azur.
Observatoire des sciences et techniques (2002), Cartographie des compétences scientifiques et technologiques régionales.
Observatoire des sciences et techniques – Laboratoire de traitement du signal et de l’image – INSERM –université
Rennes I (2003), Analyse bibliométrique de la recherche génomique au cours de la décennie 90.
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