Pascal Louis : Des groupements impliqués pour l`avenir de l`officine

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Pascal Louis : Des groupements impliqués pour l`avenir de l`officine
CNGPO
Pascal Louis :
« Des groupements impliqués
pour l’avenir de l’officine »
Le président du Collectif national des groupements de pharmaciens
d’officine, Pascal Louis, prône un assouplissement de l’organisation
juridique et capitalistique du réseau pharmaceutique. Il s’inquiète
également du manque de reconnaissance dont souffrent les groupements
auprès des industriels.
Quel est l’intérêt pour les officines de se fédérer autour
d’une enseigne ? Quelle est la valeur ajoutée ?
● En dehors des prix administrés, le secteur concurrentiel porte sur 15 à 20 % de l’activité officinale : parapharmacie, médication officinale, prix libres (antipaludéens,
pilules contraceptives…). Une part qui va s’accroître à
l’avenir, c’est une évidence ! Tout l’intérêt de la stratégie
du groupement et de la stratégie d’enseigne se résume à
cela : se préparer à affronter un secteur de plus en plus
concurrentiel. L’enseigne, c’est la forme d’exercice qui
développe actuellement les résultats les plus probants.
Elle offre des conditions préférentielles à ses adhérents
en termes de prix. Mais pas exclusivement. Elle apporte
également des réponses concrètes aux officinaux en termes de marketing, de merchandising, de management des
équipes… Dans les groupements, nous avons par exemple des équipes spécialisées qui nous sensibilisent – entre
autres – à la bonne visibilité et à la bonne pratique du prix.
Quelles offres et quels services les groupements proposent-ils aux officines ? Combien coûte l’adhésion ?
● Tous les groupements sont nés pour favoriser les achats
– au meilleur prix – de leurs adhérents et proposer un service logistique adapté. Ils fournissent notamment aux officinaux des aides métier : vitrine, aide au management,
retour statistique d’aide à la gestion d’entreprise, formation. Les adhérents se tiennent donc au courant des récentes évolutions des traitements et participent également à des campagnes de santé publique organisées par
les groupements… Concernant le montant de l’adhésion,
il n’y a pas de règle absolue. Le montant varie en fonc-
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PHARMACEUTIQUES - DÉCEMBRE 2007
tion des services et de la stratégie du groupement. Certains ont joué la carte du nombre et
proposent des tarifs relativement faibles. D’autres ont
misé sur l’union et offrent plus de services. Dans ce cas
là, le prix de l’adhésion est plus important. Globalement,
elle coûte entre 500 et 3 000 euros en moyenne par an.
Comment les groupements peuvent-ils faire évoluer
l’officine au regard des défis de santé publique qui vont
se présenter ?
● Une des missions des groupements est d’aider les pharmaciens à optimiser la gestion de leur officine. La balle est
dans notre camp. Il faut également que notre identité de
professionnel de santé soit mieux reconnue. Sur ce point,
nous n’avons pas toutes les cartes en main. Ce qui nous
manque : participer à des campagnes de santé publique
de manière plus officielle. Le circuit de distribution des
tests de dépistage du cancer colorectal ne passe pas par
l’officine : expliquez-moi pourquoi ? Nous sommes pourtant la profession de santé qui a la représentation la plus
large en matière de visite. Ce chapitre est ouvert dans la
convention, mais les applications ne sont pas encore là.
Vous pesez 50 % du chiffre d’affaires des officines, mais
guère plus de 10 % des flux de médicaments dispensés ?
Comment expliquez-vous cette contradiction ? Que
proposez-vous ?
● Nous évoluons dans un système très encadré (prix administrés, remises bloquées…). Cet encadrement régit 80 %
de l’activité officinale. L’acte concurrentiel porte donc sur
les 20 % restants. Si nous parvenons à obtenir une plus
DR
Dossier Officine
grande libéralisation des conditions d’achats, le
rôle d’acheteur du
PASCAL LOUIS, PRÉSIDENT
groupement deviendra
DU CNPGO.
plus important et les flux de
médicaments dispensés augmenteront. Autre explication : les industriels
ne considèrent pas toujours les groupements
comme de vrais partenaires économiques, tant en matière
de médication officinale que de parapharmacie. Certains
laboratoires pharmaceutiques, inquiets et peu habitués à
travailler dans ce contexte là, refusent de reconnaître les
groupements dans leur rôle de centrale d’achat. Un vrai paradoxe puisque d’autres sont devenus partenaires
et sont satisfaits de voir que leur implantation
visuelle dans les officines est privilégiée.
Quelle est la position du CNGPO1
sur l’OTC en libre accès ? Y êtes-vous
favorable ?
Pour le CNGPO, la mise à disposition des médicaments devant le
comptoir est une erreur. D’une part,
elle va à l’encontre des souhaits des patients. Pour preuve : 79 % des Français estiment qu’il est trop risqué de mettre en vente
des médicaments en libre service2. D’autre part, elle va
l’encontre des objectifs de santé publique définis : parcours coordonné des soins, meilleur suivi thérapeutique,
diminution de la surconsommation médicamenteuse…
Enfin, elle s’oppose au rôle d’acteur de santé du pharmacien d’officine dont les missions sont : l’observance, le
bon usage du médicament, la prévention et le dépistage.
« Le libre accès est
une erreur »
A terme, le monopole pharmaceutique vous paraît-il
menacé ?
● Nous pensons que le monopole pharmaceutique peut
être menacé si on ne parvient pas à valoriser suffisamment
notre rôle de professionnel de santé dans les quatre grands
thèmes que sont la prévention, le dépistage, l’observance et
l’action sur l’iatrogénie. Nous sommes actuellement dans
une situation monopolistique qui ne peut que se justifier
par un rôle actif dans le domaine de la santé publique. Il faut
démontrer notre valeur ajoutée. Dans ce but, nous avons
commencé à mettre en place des actions de santé publique
à l’image de la sensibilisation au bon usage de l’ibuprofène.
De même, nous nous apprêtons à lancer une campagne sur
le bon usage du paracétamol. Au-delà du collectif, certains
groupements ont également lancé des initiatives personnelles : campagnes de sensibilisation sur l’hypertension,
le tabac, le dépistage glycémique, l’asthme, l’obésité…
Le modèle officinal français peut-il survivre aux injonctions de la Commission européenne sur l’ouverture du
capital ?
● Le Collectif souhaite que le modèle actuel conserve ses
spécificités. D’autant qu’il s’agit d’un modèle excellent
qui, pour l’heure, s’autofinance. Mais sous la pression de
Bruxelles, aura-t-il encore longtemps les moyens de se suffire à lui-même ? Dans ce contexte, il est donc indispensable de soutenir les regroupements et d’aller au-delà. Il faut
absolument que les décrets d’application des lois Dutreil et
Murcef soient entérinés. Si on veut que le périmètre financier reste entre les mains des officinaux, il est indispensable
que l’organisation juridique et capitalistique à l’intérieur
du réseau soit assouplie. Les Société d’exercice libéral (SEL)
et les holdings sont une solution. Il convient effectivement
de permettre à des SEL de posséder plusieurs officines, à
des pharmaciens d’investir dans diverses SEL, à des holdings de racheter des officines dont les capitaux seraient
détenus par des pharmaciens. A ce jour, nous ne savons
pas à quelle hauteur et dans quelle organisation le capital
va s’ouvrir. Quoi qu’il en soit, le pharmacien doit absolument rester décisionnaire de la gestion de son officine.
Propos recueillis par Jonathan Icart
(1) Le CNGPO réunit 11 groupements : Alrhéas, Apsara, Ceido, Cofisanté, Evolupharm, Forum Santé, Giphar, Giropharm,
Optipharm, Plus Pharmacie et Réseau Santé.
(2) Etude CNGPO-CREDOC juin 2006 : http://www.collectifgroupementspharmaciens.fr/images_bdd/presse/CP_enquête_
Credoc.pdf.
http://www.collectif-groupements-pharmaciens.fr/images_bdd/
presse/DP_enquête_Credoc.pdf.
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