DE LA QUESTION DE L`INDÉPENDANCE DES BANQUES
Transcription
DE LA QUESTION DE L`INDÉPENDANCE DES BANQUES
1 DE LA QUESTION DE L’INDÉPENDANCE DES BANQUES CENTRALES QUE PEUT-ON DIRE POUR LE CAS DES BANQUES CENTRALES AFRICAINES ? 2 INTRODUCTION Le but principal de nos discussions économiques, est de décomplexifier des sujets considérés souvent comme assez difficiles, inabordables, et faisant souvent l’objet de mauvaises interprétations ou mauvaises analyses de la part de certains grands commis de nos pays. Si notre objectif est atteint dans ce domaine, nous serons capables de démocratiser le débat économique dans nos pays, nous serons également à même de faire véhiculer correctement le contenu de nos politiques en matière de développement économique. Dans ce papier, nous allons entamer notre propos par une présentation des avantages et des coûts de la stabilité des prix, ensuite, nous parlerons de la question fondamentale qui clive les pouvoirs publics et les autorités monétaires des pays. Après cette présentation, nous allons tirer les leçons de cette discussion en faisant des recommandations de politiques économiques conformes aux caractéristiques économiques de nos pays. L’important surtout, est d’amener les pays à mieux se prendre en charge au plan scientifique, et se libérer de la servitude volontaire. 3 I. Qu’est ce que la stabilité monétaire ? Au sens strict, la stabilité du niveau général des prix est définie par deux conditions : a) l’absence d’incertitude quant à son évolution à long terme ; b) un taux d’inflation anticipé nul (Ireland, 1993). En pratique, la définition retenue est souvent moins exigeante. La seconde condition est assouplie : en raison des problèmes soulevés pour mesurer correctement la hausse des prix, une valeur légèrement positive du taux d’inflation anticipé – à condition qu’elle soit à peu près constante – est jugée suffisante. Certains vont même plus loin en se contentant de cette dernière exigence et en abandonnant la première. La stabilité des prix est alors définie comme une situation où « les variations attendues du niveau moyen des prix sont suffisamment faibles et graduelles pour ne pas influer sensiblement sur les décisions financières des entreprises et des ménages » (Greenspan, 1989). La condition b) – dans sa forme pure ou dans sa version amendée – est justifiée par l’approche institutionnelle qui insiste sur la vulnérabilité des banques centrales dans les sociétés démocratiques. Initialement proposée par Kydland et Prescott (1977) et développée ultérieurement par Barro et Gordon (1983), elle prend aujourd’hui la forme de l’hypothèse de la trappe à anticipations pour expliquer la dynamique de l’inflation (Christiano et Gust, 2000 ; Christiano et Fitzgerald, 2003). Si les agents économiques anticipent un taux d’inflation élevé, ils cherchent à se 4 protéger contre elle ; les autorités monétaires se trouvent alors face au dilemme suivant : - valider les anticipations par une accélération de la croissance monétaire; l’avantage est d’éviter une récession ; mais en contrepartie la hausse des prix est plus forte ; - ne pas modifier la croissance monétaire ; on évite l’accélération de l’inflation mais il y a une récession de l’activité économique. Pour éviter ce piège et assurer la stabilité monétaire, la banque centrale doit montrer clairement que le premier scénario est à exclure. C’est beaucoup plus facile si elle est indépendante que si elle est sous la tutelle de l’Etat. Mais, dans le cadre de ses statuts, tout dépend aussi de sa stratégie. Une réaction immédiate et prononcée à une modification sensible des anticipations de prix – aussi bien en direction de l’inflation que dans le sens contraire – empêche le déclenchement d’enchainements qui pourraient devenir très vite incontrôlables. En la manière, un suivi permanent des indicateurs disponibles s’impose. L’efficacité de l’action des autorités peut être évaluée en examinant l’évolution du taux d’inflation anticipé mesuré au moyen d’enquêtes ou d’indicateurs construits à partir d’informations tirées des marchés de capitaux. Le taux d’inflation observé étant égal à moyen et long terme au taux d’inflation anticipé, la vérification de la condition a) se traduit par la stationnarité́ du niveau général des prix (en logs) autour d’une tendance linéaire. 5 II. Les coûts et les avantages de la stabilité des prix La stabilité des prix doit être examinée à l’aune de deux critères : a) la stabilité des anticipations d’inflation à court et moyen termes ; b) l’absence d’incertitude sur le niveau général des prix à long terme. En pratique, l’évaluation des stratégies monétaires est malheureusement trop souvent limitée au premier aspect. - Une stratégie de ciblage de l’inflation est incomplète : si elle permet d’assurer la stabilité du taux d’inflation à court / moyen terme, elle ne garantit pas la stabilité monétaire à long terme. Elle doit donc être complétée par un autre dispositif. - Les banques centrales ayant adopté une stratégie de ciblage de l’inflation n’ont pas précisé la nature exacte de ce dispositif, même si certaines l’ont évoqué. En revanche, dans le cas de la BCE, dont la stratégie peut être qualifiée de mixte, c’est la valeur de référence pour la croissance monétaire qui doit permettre de régulariser l’évolution du niveau général des prix à long terme. Sans vouloir réinventer la roue, voici ce que nos confrères Black, Donald Coletti et Sophie Monnier ont présenté : Richard 6 Si l’on s’entend largement pour reconnaître qu’une inflation dans les deux chiffres, comme celle observée dans les années 70, n’est pas souhaitable, l’opportunité d’axer la politique monétaire sur l’obtention et le maintien d’une très faible inflation — la stabilité des prix — est loin de faire l’unanimité. Comme en témoignent les travaux consacrés aux avantages d’une faible inflation sur le plan du bien-être, les conclusions différentes bien souvent d’un auteur à l’autre. Ces différences tiennent à une foule de facteurs, notamment la nature de l’avantage étudié, le caractère temporaire ou permanent des coûts de la réduction de l’inflation et la méthodologie mise en œuvre pour chiffrer les effets d’un recul de l’inflation. Nous nous proposons ici de réexaminer les coûts et les avantages de la stabilité des prix. Notre méthode suit, dans les grandes lignes, celle qu’ont retenue Howitt (1997), Feldstein (1996) et Thornton (1996). Ces auteurs comparent la valeur actuelle des avantages d’une faible inflation à la valeur actuelle des coûts liés à son obtention (et à son maintien). Afin de ne pas limiter notre analyse à une estimation unique des coûts ou des avantages d’une réduction de l’inflation, nous nous penchons sur un large éventail d’estimations et diverses hypothèses concernant le fonctionnement de l’économie. II.1 Une mesure du bien-être Avant d’évaluer les divers coûts et avantages de la stabilité des prix, nous devons définir la manière dont nous allons mesurer le bien-être. 7 Nous devons aussi déterminer la façon dont les résultats exposés dans la littérature seront réexprimés en fonction de cette mesure et, notamment, le moment auquel les avantages d’une faible inflation commencent à se faire sentir. Ce dernier point revêt une importance particulière car les avantages qui prennent du temps à se manifester n’ont pas autant de valeur que ceux qui sont réalisés immédiatement. II.1.1 La définition du bien-être Nous utilisons ici comme base de la fonction de bien-être la valeur actuelle de la consommation exprimée en logarithme. Ce choix est motivé principalement par un désir de simplicité et par le fait que la consommation en logarithme sert fréquemment de fonction d’utilité; de plus, comme nous le montrerons dans la prochaine section, la conversion et l’interprétation des résultats obtenus par les autres auteurs s’en trouveront facilitées. La fonction de bien-être se présente ainsi : t (1) W = -logct, (1) 1 + Où c est la consommation globale réelle, et le taux d’actualisation social. Cette fonction de bien-être repose sur l’hypothèse que toutes les variables sont mesurées chaque trimestre en taux de variation trimestriel. Dans une économie fermée, le taux d’actualisation social correspond souvent au taux d’actualisation d’un consommateur représentatif. Parmi les conditions de premier ordre, on pose généralement que ce taux d’actualisation est égal au taux d’intérêt réel diminué du taux de croissance. Comme l’indique Feldstein 8 (1996), on peut justifier le choix d’un taux d’actualisation très faible en adoptant par exemple comme taux d’intérêt réel le rendement réel (moyen) des obligations d’État. C’est ce que fait Howitt (1990), qui retient un taux d’actualisation de 1,5 %. Un choix plus prudent consiste à baser le taux d’intérêt réel sur le rendement des actions. On obtient alors un taux d’actualisation de 2,6 % dans le cas des Etats-Unis (Feldstein, 1996). Thornton (1996) envisage une fourchette de taux d’actualisation variant de 3,05 à 4,5 % pour les Etats-Unis. Or, cette analyse est conçue dans un cadre d’économie fermée; elle ne s’applique donc pas nécessairement au Canada car il n’y a généralement aucune raison pour que le taux d’actualisation des consommateurs soit égal au taux d’intérêt diminué du taux de croissance. Faisant sienne l’interpretation de Calvo et Obstfeld (1988), Scarth (1994) soutient toutefois qu’on peut quand même choisir le taux d’actualisation d’un particulier comme taux d’actualisation social. Du point de vue du planificateur central, cela se traduirait par une solution « égalitaire », tous les particuliers ayant la même consommation à tout moment (Calvo et Obstfeld, 1988). C’est pourquoi Scarth utilise une valeur de 3 %, voisine du taux d’actualisation de 3,1 % qui est incorporé au MTP. En conséquence, nous adoptons dans le scénario de base un taux d’actualisation de 3 %. Nous présenterons aussi une analyse de sensibilité d’ampleur limitée. 9 II.1.2 L’utilisation de la mesure du bien-être La définition de la mesure du bien-être ne représente que la moitié (et encore) du travail. Il faut ensuite déterminer la manière de réexprimer en fonction de cette mesure les résultats des études passées en revue. Il s’agit là de l’un des principaux apports de notre recherche. Le plus commode est de grouper ces études d’après la façon dont les ré́sultats sont présentés. Nous commençons par mettre les résultats à l’échelle de manière qu’ils traduisent l’effet d’une baisse de 1 point de pourcentage de l’inflation. Nous calculons ensuite la variation du bien-être au moyen de l’une des méthodes décrites ci- après. Nous en tirons enfin une mesure fondée sur la notion de variation équivalente. II.1.3 Effet de l’inflation sur le niveau de la consommation Si la consommation augmente de x par suite d’un recul de 1 point de pourcentage de l’inflation, le nouveau niveau de bien-être W est donné par la formule (2)W = -logc 1 + x 1 + t 1 = W + -log1 + x 1 + t 1+= W + -log1 + t x. (2) Il est également nécessaire, parfois, de mettre le résultat à l’échelle en le multipliant par le rapport de la consommation au revenu. C’est le cas, par exemple, quand les auteurs font une remarque du genre suivant : « la 10 consommation augmente de 8 milliards de dollars de 1990, soit 2 % du PIB ». Nous calculons ici le taux d’augmentation de la consommation en divisant 2 par 0,7 (ce dernier chiffre représente la consommation en proportion du PIB). L’équation (2) suppose implicitement que les avantages sont obtenus immédiatement. Il n’en est pas forcément ainsi; à la dernière section, nous présenterons une analyse de sensibilité qui porte sur ce point. Il est facile d’en tenir compte dans la formule exposée précédemment et dans celle qui suit. II.1.4 Effet de l’inflation sur le taux de croissance de la consommation Certains auteurs, présentent l’effet d’une baisse de l’inflation sur le taux de croissance de la production ou de la productivité totale des facteurs. Ils font l’hypothèse que le taux de croissance de la consommation est influencé dans la même proportion. Dans ce cas, si x est la hausse du taux de croissance de la consommation, le bien-être s’exprime sous la forme logct+i1 + xi W = - 1 + ilogct+i + ilog1 + x - 1 + i i=0 = i = W + log1 + x1+ (3) - 1 + i i=0 = W + -log1 + x. 2 i=0 11 II.1.5 Une mesure de la variation équivalente Afin de faciliter la comparaison des niveaux de bien-être, nous calculons une mesure de la variation équivalente, VE. Nous la définissons comme l’augmentation proportionnelle de la consommation que les ménages exigent à chaque période, dans le régime permanent (steady state) initial caractérisé par une forte inflation, pour jouir du même niveau de bien-être que dans le régime permanent à faible inflation. Plus précisément, la variation équivalente est définie au moyen de la formule où W est calculé de la manière indiquée dans l’une ou l’autre des deux sous-sections précédentes. Il faut noter que, selon l’hypothèse du scénario de base voulant que les avantages soient perçus immédiatement, les mesures correspondantes de VE sont lorsque x désigne une variation du taux de croissance. VE = x, (5) lorsque x désigne une variation du niveau et VE = 1+x 1/ x–1--, (6) 1 W = -logc 1 + VE 1 + t 1 = W + -log1 + VE 1 + t 1+= W + t log1+VE, (4) 12 II.2 L’évaluation des coûts de la réalisation et du maintien de la stabilité́ des prix Pour chiffrer les coûts liés à la réduction de l’inflation et à son maintien à un bas niveau, nous nous servons du Modèle trimestriel de prévision (MTP) de la Banque du Canada. Ce modèle a été décrit dans divers rapports techniques publiés par la Banque depuis novembre 1994. Nous passerons rapidement en revue quelques-unes de ses principales caractéristiques. Le MTP a été conçu avec un objectif double. Premièrement, il guide le personnel de la Banque dans la préparation des projections économiques. Deuxièmement, il lui sert d’outil de recherche dans l’analyse des politiques économiques. Pour répondre à ces deux besoins différents, les concepteurs du MTP ont emprunté à la fois aux modèles de prévision et aux modèles plus structurels conçus uniquement pour l’analyse des politiques. Le modèle est étalonné de façon à rendre compte d’un large éventail de faits stylisés caractérisant l’économie canadienne. Par exemple, des modèle vectoriels autorégressifs ont été estimés de manière à établir des profils de réaction aux chocs en courte période et des propriétés cycliques qui soient compatibles avec les observations. En outre, une foule d’études empiriques effectuées à la Banque ou ailleurs ont servi à choisir certains des paramètres et des propriétés clés du modèle. 13 Le MTP est en fait un système composé de deux modèles. Le MTP de régime permanent (MTPRP) représente la situation d’équilibre en longue période. Il est basé sur le modèle de comportement des ménages de Blanchard-Weil. Il décrit les élément determinants des choix à long terme effectués par des entreprises maximisant leurs profits et par des générations imbriquées de consommateurs, les politiques budgétaire et monétaire étant données, le tout dans le cadre d’une économie ouverte qui entretient des liens importants avec le reste du monde. Le comportement économique de ces agents, compte tenu de leurs contraintes budgétaires de long terme, et les conditions d’équilibre du marché en économie ouverte déterminent l’équilibre à long terme ou régime permanent vers lequel converge le modèle dynamique. Black, Laxton, Rose et Tetlow (1994) fournissent une description détaillée du MTPRP. Le modèle dynamique du système MTP retrace l’évolution de l’économie lorsqu’elle passe de son état initial au régime permanent défini par le MTPRP. Le modèle dynamique présente plusieurs caractéristiques importantes. Tout d’abord, les agents ont un comportement prospectif. Les attentes sont formées d’anticipations prospectives conformes au modèle et d’une composante adaptative tenant compte des données passées. Elles jouent un rôle important dans le modèle. On fait en outre l’hypothèse que l’ajustement des prix comme des quantités est coûteux, ce qui confère une dimension intrinsèque à la dynamique du modèle. L’une des caractéristiques essentielles du MTP est qu’il est stable sur le plan dynamique et converge vers l’équilibre défini par le MTPRP. Le système MTP comprend trois variables de stock clés : les obligations 14 d’État, le capital physique du secteur privé et les avoirs étrangers nets. Les niveaux de ces stocks en régime permanent sont conformes à la théorie économique que reflète le MTPRP, et les flux correspondants sont provoqués par les variations de prix relatifs. Si un choc influe sur une variable de stock, le modèle génère les flux nécessaires pour ramener l’économie au régime permanent. Le MTP comprend aussi des fonctions endogènes de réaction des politiques monétaire et budgétaire. La politique monétaire a pour but de maitriser l’inflation. Elle est mise en œuvre au moyen d’une fonction de réaction prospective dans laquelle les autorités monétaires règlent leur instrument d’intervention de manière à ramener l’inflation à un niveau conforme à la cible. L’instrument d’intervention est le taux d’intérêt à court terme, qui influe sur la demande intérieure par l’entremise de la courbe de rendement. L’équation (7) exprime la fonction de réaction des autorités monétaires : C où R du papier commercial à 90 jours), RL est un taux nominal à long terme a (celui des obligations à dix ans ou plus du gouvernement du Canada), est le taux d’inflation attendu par les autorités monétaires et C est le taux d’inflation cible. Comme la politique monétaire n’exerce ses effets sur l’inflation qu’avec un décalage, les autorités doivent s’efforcer de pronostiquer l’avenir pour déterminer le réglage approprié de leur instrument d’intervention. Un certain poids est également accordé à la variable dépendante retardée. Comme la banque centrale ne peut maitriser directement l’inflation, les chocs que subit l’économie se répercutent sur celle-ci, peu importe la pondération attribuée à l’écart entre le taux d’inflation visé et le taux d’inflation attendu dans l’équation (7). Cela tient au retard avec lequel la politique monétaire fait sentir ses effets. Par conséquent, les autorités ne peuvent pas maintenir l’inflation exactement au taux visé. Il se produira des écarts qui pourraient persister 15 pendant un certain temps, en raison de la dynamique intrinsèque du modèle et des anticipations. L’action des autorités budgétaires est également représentée de manière endogène dans le MTP. Le secteur public regroupe les administrations fédérales, provinciales et municipales. Il achète des biens et services, fait des transferts au secteur privé et perçoit des recettes en imposant directement les revenus et indirectement les transactions intérieures. Il émet également des titres d’emprunt libellés en monnaie nationale. Dans la version élargie du MTP retenue ici, la politique budgétaire se caractérise par trois ratios cibles, tous définis en proportion de la production : celui de la dette publique, celui des dépenses publiques et celui des transferts aux particuliers. Conformément aux faits stylisés caractérisant l’économie canadienne, nous supposons que le ratio des dépenses publiques est le taux d’intérêt nominal à court terme (plus précisément, le taux à court terme est légèrement procyclique, tandis que celui des transferts aux particuliers est anticyclique. Le taux d’imposition du revenu des particuliers et le déficit budgétaire du secteur public s’ajustent en conséquence . II.1 Les coûts de la désinflation dans le scénario de base Une méthode couramment employée pour évaluer les coûts liés à une réduction de l’inflation consiste à estimer une courbe de Phillips et à calculer les ratios de sacrifice correspondants. La Banque du Canada a consacré de nombreuses recherches au ratio de sacrifice. Une bonne 16 partie d’entre elles ont porté, ces dernières années, sur l’estimation de courbes de Phillips « accélérationnistes » (Cozier et Wilkinson, 1991; Dupasquier et Girouard, 1992). Le ratio de sacrifice au Canada a fait l’objet de nombreuses autres estimations, et les chiffres obtenus varient passablement. À l’examen de la période de désinflation 1981-1982, Howitt (1990) conclut que le ratio de sacrifice équivaut à environ 4,7 % du PIB. Ball (1994) estime le ratio de sacrifice canadien à 2,4 % du PIB entre 1981 et 1985. Debelle (1996) établit ce ratio à 2 % pour la même période et à 3,5 % pour les années de désinflation 1990-1993. Cecchetti (1994), qui fait appel à la restriction de Blanchard-Quah (1989) pour décomposer les chocs d’offre et de demandes globales, calcule deux mesures différentes du ratio de sacrifice au Canada. S’il postule que la production est stationnaire autour d’une tendance, il obtient un ratio de sacrifice moyen de 1,6 % pour la période 1957-1992. Lorsqu’il fait l’hypothèse que la production est intégrée d’ordre 1, le ratio de sacrifice estimé s’élève à 5,7 %8. Bien qu’utile, le calcul des ratios de sacrifice au moyen de courbes de Phillips présente de sérieuses limites. Comme l’ont souligné Buiter et Miller (1985), l’inflation est manifestement un processus endogène, et sa représentation au moyen d’une équation unique n’est d’aucune utilité au décideur public. Les coûts de la désinflation dependent d’une foule de facteurs, dont la conjoncture économique, l’état des anticipations d’inflation, la crédibilité des autorités monétaires et la réaction des autres responsables de la politique économique (par exemple, les autorités budgétaires). 17 C’est ce que montrent Laxton, Rose et Tetlow (1993) dans le cas du Canada. Ils estiment une courbe de Phillips qui permet aux excédents de la demande et de l’offre de produire des effets différents sur l’inflation. Leurs résultats font ressortir une importante asymétrie du processus d’ajustement des prix, une demande excédentaire créant plus de tensions inflationnistes qu’une offre excédentaire de même ampleur ne crée de pressions déflationnistes. Ensuite, Laxton, Rose et Tetlow incorporent leur courbe de Phillips à un petit modèle macroéconomique qu’ils soumettent à des simulations. Ils obtiennent deux résultats intéressants. En premier lieu, le coût d’une réduction donnée de l’inflation dans le court terme (mesuré par la perte cumulative de production pendant la période de transition) est bien supérieur au gain que procure une hausse similaire de l’inflation. En second lieu, ce coût est très sensible au facteur de pondération attribué à la composante prospective des attentes. Étant donné que ce paramètre n’est pas mesuré avec précision, il convient de tenir le plus grand compte de ce facteur. Pour l’étalonnage du MTP, le personnel a choisi un comportement qui n’est que modérément prospectif (pondération d’environ 20 %), ce qui produit un ratio de sacrifice à peu prés égal à trois et un « ratio de gain » à peu prés égal à un. Cet aspect de l’étalonnage du modèle est entouré d’incertitudes considérables. Ces propriétés sont démontrées dans les simulations dont nous faisons état à la section suivante. II.1.1 Choc désinflationniste de 1 point de pourcentage 18 Afin d’estimer le coût de la désinflation dans le scénario de base, nous étudions les effets, dans le MTP, d’une réduction de 1 point de pourcentage du taux d’inflation cible. L’analyse se limite ici aux effets transitoires, puisque cette version du MTP ne tient pas compte des avantages d’une baisse de l’inflation. Mis à part un effet de seigneuriage de faible ampleur, l’inflation n’a pas d’incidence à long terme sur l’économie réelle Pour réduire l’inflation, les autorités monétaires relèvent les taux d’intérêt à court terme d’environ 100 points de base en moyenne la première année. Les taux à long terme augmentent légèrement la première année, puis diminuent par rapport à la solution de référence, car les agents s’attendent à ce que l’inflation baisse. La hausse des taux d’intérêt à court terme se traduit par une légère appréciation du dollar, ce qui exerce un effet négatif sur la demande intérieure et étrangère. L’incidence sur la demande globale culmine la troisième année; l’écart de production cumulatif (négatif) atteint alors plus de 1 %. L’inflation s’établit à son nouveau niveau cible au bout de cinq ans. À ce moment-là, les taux d’intérêt à court terme sont tombés au- dessous de leur niveau de long terme de manière à enrayer la dynamique désinflationniste qui a commencé à s’instaurer. En fin de compte, la production totale à laquelle il faut renoncer pour réduire de façon permanente l’inflation de 1 point de pourcentage représente 3 % de la production annuelle. Le passage à une inflation plus faible s’accompagne également d’une détérioration du bien-être équivalant à 0,14 % de la consommation. 19 II.1.2 L’hystérèse sur le marché du travail et les coûts de la désinflation L’estimation des coûts de la désinflation dans le scenario de base repose sur un important postulat, à savoir que la politique monétaire n’exerce qu’un effet temporaire sur le taux de chômage. Ce point de vue traditionnel est cependant contesté par quelques auteurs. Blanchard et Summers (1986) en particulier ont évoqué la possibilité qu’une réduction de l’inflation entraîne une augmentation permanente du taux de chômage (Fortin, 1991, examine l’applicabilité de cette théorie au Canada). Dans la présente section, nous évaluons le coût de la désinflation sur le plan du bien- être au moyen d’une version du MTP qui englobe un effet d’hystérèse sur le marché du travail. La taille de cet effet est étalonnée de manière à cadré avec les résultats d’un certain nombre d’études. L’existence de l’hystérèse sur le marché du travail signifie que le taux de chômage naturel varie de pair avec le taux de chômage observé. III. L’indépendance des banques centrales Aujourd’hui, dans la plupart des pays développés, les banques centrales, qui sont en charge de la politique monétaire, sont indépendantes des gouvernements ; cela est notamment le cas de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Réserve Fédérale américaine (FED). Or, il 20 semble établi que la politique monétaire menée par A. Greenspan, lors de son dernier mandat de gouverneur de la FED, serait une des causes de la crise économique et financière dite des subprimes. En effet, en maintenant les taux directeurs à des niveaux assez bas, il aurait contribué à la formation d’une bulle immobilière et financière, puis aurait ensuite favorisé son éclatement par le resserrement des conditions de crédit à partir de 2006, justifiée par le retour de tensions inflationnistes. Dans ces conditions, il est possible de douter de l’amplitude dans une banque centrale indépendante à mener une politique monétaire limitant l’amplitude des cycles économiques. La banque centrale est l’institution en charge de la politique monétaire. Par l’intermédiaire de ses taux directeurs, elle contracte le niveau de la masse monétaire. On lui attribue traditionnellement trois fonctions principales : émettre la monnaie fiduciaire, assurer la supervision du système financier et jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise systémique. La notion d’indépendance appliquée à la banque centrale recouvre à la fois une dimension politique et une dimension économique. L’indépendance politique traduit l’absence d’interférence du pouvoir politique sur les décisions prises par la banque centrale mais aussi l’absence d’influence de celui-ci sur l’organisation institutionnelle de la banque centrale, notamment sur la nomination et la révocation des dirigeants, sur les statuts de la banque centrale, etc. De plus, la longueur du mandat du gouverneur de la banque centrale ainsi que la nature des responsabilités qui lui sont confiées sont un indice de cette indépendance politique. 21 Quant à elle, l’indépendance économique traduit à la fois le libre choix des objectifs fixés (quantifiés ou non) et des instruments utilisés par la banque centrale mais aussi l’impossibilité de financer le déficit budgétaire des gouvernements par la création monétaire. Pour opérationnaliser la notion d’indépendance de la banque centrale, les économistes ont tenté de la mesurer à l’aide de différents indicateurs, dans le but de pouvoir apprécier la performance relative des différentes banques centrales dans la conduite de leur politique monétaire. Il est traditionnellement distinguée par une mesure de : • L’indépendance légale de la banque centrale, réalisée principalement dans la littérature économique à l’aide de deux indices : l’indice GMT, du nom de ses concepteurs Grilli, Masciandaro, et Tabellini (1991), qui mesure l’indépendance politique et économique de manière binaire et l’indice de Cukierman (1992), qui a plus contribué à donner de manière plus précise le degré d’indépendance ; • L’indépendance réelle de la banque centrale qui tente d’évaluer l’indépendance effective, et non a priori, de la banque centrale, à l’aide des indicateurs comme la faible fréquence de changement des gouverneurs de banque centrale ou encore l’absence de cycles électoraux. Ces deux indicateurs constitueraient la preuve d’une indépendance plus marquée de la banque centrale. Par ailleurs, la question de l’indépendance des banques centrales se pose ici sous l’angle de l’impact qu’elle aurait sur les politiques économiques, qui peuvent être définies comme l’ensemble des instruments dont disposent les pouvoirs publics pour atteindre certaines finalités à long terme, les principales étant d’assurer le bien-être maximum pour les 22 générations présentes et futures, de garantir la solidarité nationale et de limiter les inégalités sociales. Il est coutume de distinguer les politiques conjoncturelles qui visent à réguler l’activité économique en poursuivant les quatre objectifs principaux mis en évidence dans le « carré magique » de N. Kaldor (croissance économique, plein-emploi, stabilité des prix et à l’équilibre du commerce extérieur), et les politiques structurelles qui visent à agir sur les caractéristiques fondamentales de l’économie (garantir la concurrence et la liberté des prix, améliorer la compétitivité des industries. Le sujet nous amène naturellement à focaliser notre attention sur les politiques budgétaire et monétaire, donc sur le versant conjoncturel des politiques économiques, et notamment sur leur efficacité que nous appréhendons comme leur capacité à atteindre les objectifs qu’elles se fixent. Au départ, l’indépendance des banques centrales, qui s’est très largement généralisée depuis le début des années 1990, surtout dans les pays développés, est un choix guidé par la volonté d’améliorer la conduite de la politique monétaire. Mais quelles sont les conséquences en termes de politique budgétaire de ce choix ? Est-il pertinent si l’on conçoit la régulation conjoncturelle comme le fruit de l’interaction entre les politiques budgétaire et monétaire et non pas comme un cloisonnement de celles-ci ? L’indépendance des banques centrales permet-elle vraiment d’améliorer l’efficacité de la politique économique conjoncturelle ? Nous présenterons dans un premier temps les avantages théoriques supposés de l’indépendance des banques centrales en termes de politiques monétaire et budgétaire. Puis, dans un second temps, nous 23 pointerons du doigt les limites de cet arrangement institutionnel quant à la capacité de la politique économique à réguler efficacement l’économie. III.1 - L’indépendance des banques centrales est censée, en théorie, améliorer l’efficacité des politiques économiques Les fondements théoriques de l’indépendance de la banque centrale partent de l’idée gouvernements qu’une n’est pas politique monétaire dynamiquement aux efficace mains (A). des Rendre indépendante la banque centrale permettrait non seulement de redonner de l’efficacité à la politique monétaire mais aussi à la politique budgétaire (B). A) A la base, l’inefficacité de la politique monétaire aux mains des gouvernements On peut faire reposer le point de départ de l’analyse théorique menant à la proposition que l’indépendance des banques centrales est un arrangement institutionnel souhaitable du point de vue de l’efficacité de la politique économique sur la critique de Lucas (1976). Il est le premier à avoir mis à l’évidence le fait que les anticipations des agents économiques s’adaptent aux politiques économiques menées, qui en retour doivent elles aussi s’adapter. Ainsi, toute politique économique discrétionnaire menée par un gouvernement générera une adaptation du comportement des agents qui viendra conditionner son efficacité, celle-ci 24 dépendant de la nature des anticipations des agents (anticipations extrapolatives, adaptatives, rationnelles. Cette critique a ouvert la porte à deux débats différents concernant la politique économique, et plus précisément la politique monétaire : celui concernant l’opposition entre politique de règle et politique discrétionnaire, et celui concernant l’indépendance de la banque centrale. L’approche de Lucas, et avec lui des Nouveaux Classiques, a mis en difficultés la conduite par les gouvernements d’une politique monétaire discrétionnaire efficace. Supposons que les deux principaux objectifs d’un gouvernement soient l’emploi et la stabilité des prix. Dans ce cas, le gouvernement peut utiliser la politique monétaire pour chercher à atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs. Notamment, dans le cadre de la courbe de Phillips revisitée par Solow et Samuelson (1960), il existe un arbitrage possible entre inflation et chômage. Or, dans la version de la courbe de Phillips augmentée des anticipations (Friedman, 1968), cet arbitrage n’est possible qu’à court terme en cas d’anticipations adaptatives (les agents sont alors victimes d’illusion monétaire) et, à long terme, la politique monétaire perd son efficacité. On retrouve alors la dichotomie Classique entre sphère réelle et sphère monétaire, avec un retour au taux de chômage d’équilibre mais avec un niveau d’inflation plus élevé. Certains comme Sargent et Wallace (1975) vont même plus loin en montrant, sous l’hypothèse d’anticipations rationnelles des agents qui prennent leurs décisions en se basant sur toute l’information disponible et connaissent les « lois » traduisant le fonctionnement de l’économie, et de parfaite flexibilité des prix, qu’une politique monétaire expansionniste n’est jamais efficace. En effet, les agents anticipent parfaitement l’annonce des gouvernements et adaptent instantanément 25 leurs comportements. On retrouve la neutralité de la monnaie même à court terme. Pour Sargent et Wallace, seule une politique discrétionnaire visant à surprendre les agents économiques pourrait être efficace à court terme pour rétablir l’arbitrage inflation-chômage. Mais ce type de politique ne fonctionnerait qu’une seule fois, les agents « sanctionnant » le gouvernement en élevant définitivement leurs anticipations d’inflation. On se retrouve alors face au problème d’incohérence temporelle des décisions de politique économique mis en évidence la première fois par Kydland et Prescott (1977) : dans ce cas, la politique économique qui maximise le bien-être social à court terme ne serait plus celle socialement optimale à long terme. Barro et Gordon (1983) ont appliqué ce raisonnement à la conduite de la politique monétaire. Pour eux, le gouvernement serait tenté de « tricher » en menant une politique monétaire plus expansionniste que celle qui lui permettrait de respecter la cible d’inflation annoncée au départ. Une fois les salaires nominaux fixés par négociation collective entre les partenaires sociaux, ce type de « surprise » permettrait de diminuer à court terme le niveau des salaires réels, et donc le chômage, au prix d’une inflation un peu plus élevée. Cependant, à plus ou moins long terme, selon que les partenaires sociaux formulent des anticipations rationnelles ou non quant à la « stratégie » menée par le gouvernement, cette politique perdrait de son efficacité et se traduirait par un niveau d’inflation beaucoup plus élevée, pour un taux de chômage revenu à son niveau naturel. Ainsi, en l’absence de pré-engagement de l’Etat quant à une règle stricte de politique monétaire, les tensions inflationnistes seraient plus importantes et plus fréquentes. 26 Dans la vision que nous venons de présenter, c’est la manière dont est mise en oeuvre la politique monétaire, son caractère discrétionnaire, qui pose problème. Or d’autres économistes ont mis en avant que le problème pouvait aussi venir du fait que ce soit le gouvernement qui gère la politique monétaire. Pour Nordhaus (1975) mais aussi Alesina et Roubini (1993), c’est l’existence de cycles électoraux qui justifierait de confier la politique monétaire à une banque centrale indépendante afin d’éviter la mise en oeuvre de politique monétaire déstabilisante. Pour la première citée, les gouvernements choisiraient de mener, à l’approche des élections, des politiques monétaires accommodantes afin de réduire le chômage et ainsi faciliter leur réélection. Une fois celle-ci acquise, ils se lanceraient dans une politique de rigueur afin de réorienter les anticipations d’inflation à la baisse. Cet enchaînement traduit les politiques de stop and go que les gouvernements de certains pays comme la France et le Royaume-Uni ont menés de 1945 au début des années 1970. Pour Alesina et Roubini (1993), ce serait davantage l’alternance politique entre des partis de gauche « pro-emploi » et des partis de droite « anti-inflation » qui expliquerait l’existence de ces cycles électoraux. Ces deux interprétations conduisent à la même conclusion : la politique monétaire dans les mains des gouvernements ne peut être conduite efficacement. Confier la politique monétaire à une banque centrale indépendante du pouvoir politique et lui affecter comme unique objectif la stabilité des prix est apparu comme la solution la plus à même de redonner de l’efficacité à la politique monétaire, compte tenu des deux problèmes évoqués précédemment. On peut noter à ce stade que d’autres solutions ont été proposées, notamment celle de Rogoff (1985) pour qui la 27 nomination d’un gouverneur de banque centrale ayant une très forte aversion à l’inflation (plus forte en moyenne que celle de la population) pourrait permettre d’assurer la crédibilité de la politique monétaire et garantir la stabilité des prix, sans rendre nécessaire l’indépendance de la banque centrale ni le recours à une politique de règle. Dans la pratique, cette solution n’a pas été perçue comme étant substituable mais plutôt complémentaire à l’indépendance de l’institut d’émission de monnaie. Nous allons maintenant expliquer les raisons de la plus grande efficacité supposée des politiques monétaires par une banque centrale indépendante. B) Les avantages attendus de l’indépendance des banques centrales a. En termes de politique monétaire Que ce soit en raison de l’incohérence temporelle de ses décisions ou de sa propension à générer des cycles politico-économiques, un gouvernement aurait une tendance naturelle à gérer peu efficacement la politique monétaire, eu égard à l’objectif de stabilité des prix. Il serait à l’origine d’un biais inflationniste provenant de son incapacité à ancrer les anticipations des agents économiques privés à un niveau bas. C’est ce manque de crédibilité du gouvernement que le transfert de la politique monétaire à une banque centrale indépendante est censé 28 pallier. En effet, la théorie prête à une banque centrale indépendante la crédibilité qu’un gouvernement n’a pas concernant la gestion de la monnaie. Par cette décision, non seulement le gouvernement se « lie les mains » quant à la possibilité de créer de l’inflation surprise mais, de plus, le fait de ne confier à cette institution qu’un unique objectif de stabilité des prix vient drastiquement réduire la tentation de chercher à relancer l’économie réelle au prix d’une inflation plus forte. Si l’on ajoute que, le plus souvent, est nommé à sa tête un gouverneur assez conservateur, on comprend qu’une banque centrale indépendante contribue à réduire et à stabiliser l’inflation. Or, contenir la hausse générale des prix permet de limiter les perturbations qui affectent les agents économiques lorsqu’ils prennent leurs décisions d’épargne, de consommation et d’investissement. Cet argument, qui repose sur les fondements théoriques évoqués plus haut, a été testé empiriquement dans un certain nombre de travaux, le plus connu de tous étant celui d’Alesina et Summers (1993). En régressant des indicateurs mesurant l’indépendance des banques centrales sur des variables réelles (le chômage, la croissance économique, les taux d’intérêts réels) et monétaire (l’inflation), ces derniers trouvent que si l’indépendance des banques centrales se traduit par de meilleure performance en termes de stabilité des prix (inflation moyenne plus faible), en revanche, elle n’aurait aucun impact sur l’économie réelle en longue période. On retrouverait donc empiriquement la dichotomie entre sphère réelle et monétaire, qui viendrait légitimer, en retour, le choix d’attribuer à la politique monétaire le seul objectif de stabilité des prix. Il ressortirait donc de cette analyse qu’avoir un instrument unique 29 d’indiquer un seul objectif de politique économique constituerait un avantage certain. Si ces travaux s’accordent à montrer qu’une banque centrale indépendante est mieux à même de maîtriser l’inflation sans influencer les variables réelles, il existe cependant un canal par lequel celles-ci pourraient se trouver impactées par la politique monétaire, et qui permettrait d’améliorer l’efficacité de la politique monétaire en termes de croissance économique. En effet, la crédibilité des banques centrales contribuerait aussi à la modération des taux d’intérêt nominaux et réels à long terme. Pour atteindre la même cible d’inflation, les marchés financiers exigeraient une « prime de risque » plus faible, ce qui se traduirait par un niveau de taux d’intérêt plus faible propice à stimuler l’investissement productif, source de croissance, sous l’hypothèse, bien entendu, que l’économie n’ait pas atteint son taux de croissance potentielle. La politique monétaire pourrait donc permettre d’atteindre simultanément les objectifs de stabilité des prix et de croissance économique. Son efficacité s’en trouverait donc améliorée. De même, cela permettrait de rendre moins couteuses les politiques de désinflation tout en augmentant, en retour, la légitimité de l’indépendance de la banque centrale (Blinder, 2000). Au-delà de ce premier effet, l’indépendance de la banque centrale peut aussi influencer la politique budgétaire restée aux mains des gouvernements. b.En termes de politique budgétaire 30 L’indépendance de la banque centrale permettrait principalement d’améliorer l’efficacité de la politique budgétaire en ce qu’elle inciterait les gouvernements à une plus grande discipline budgétaire. En effet, l’indépendance politique est souvent accompagnée de l’interdiction du financement monétaire du déficit et de la dette publics. La banque centrale ne peut plus faire fonctionner la « planche à billets » (c’est-à dire augmenter la masse monétaire) pour alléger le poids réel de la dette publique (on qualifie cette pratique de seigneuriage). En effet, l’inflation peut contribuer à faire baisser la valeur réelle de la dette si le taux d’inflation est supérieur au taux d’intérêt nominal. Dans ce cas, le taux d’intérêt réel devient négatif ce qui allège mécaniquement le poids de la dette en réduisant le service de la dette. La perte de cet instrument comme moyen de faire face à un endettement excessif devrait conduire les gouvernements à plus de prudence et de modération dans la mise en oeuvre de leur politique budgétaire. Cela d’autant plus que la banque centrale peut aussi jouer un rôle actif et « faire payer cher » les gouvernements dispendieux en relevant ses taux directeurs. Ce jeu non coopératif entre gouvernements et banque centrale aurait tendance à venir renforcer le caractère disciplinant de l’indépendance de la banque centrale en termes de politique budgétaire. L’efficacité de celle-ci reposerait entièrement sur l’obligation qu’auraient les gouvernements de garantir la soutenabilité de la dette et de se constituer des « réserves » en période faste afin de conserver des marges de manœuvre en période de récession. Banassy-Quercy et Pisani-Ferry (1994) ont cherché à vérifier empiriquement l’impact disciplinant de l’indépendance des banques centrales sur les finances publiques. En régressant des indicateurs 31 d’indépendance de banque centrale sur le solde primaire (déficit public hors charge d’intérêts), ils confirment a minima l’influence positive d’une banque centrale indépendante sur les dérapages budgétaires des gouvernements : les pays ayant connu une forte hausse de leur solde primaire sont ceux dont les banques centrales sont faiblement ou moyennement indépendantes, alors que les pays ayant respectés une certaine discipline budgétaire sont plutôt ceux s’octroyant une banque centrale indépendante (à l’exception du Japon). A l’issue de cette première partie, il semble donc que les arguments théoriques appuyant l’idée d’une indépendance des banques centrales comme facteur d’amélioration des politiques économiques conjoncturelles soient aussi confortés par quelques travaux empiriques dont les résultats sont cependant à prendre avec précaution. A ce titre, la situation de la zone euro, l’indépendance de la banque centrale européenne (BCE) coïncide avec des situations budgétaires peu reluisantes pour certains pays membres, apparaît comme un contreexemple amenant à s’interroger sur les limites de l’indépendance des banques centrales comme vecteur d’efficacité des politiques économiques au niveau budgétaire, mais pas uniquement. III.2 - Les vertus de l’indépendance des banques centrales connaissent certaines limites La décision de rendre la banque centrale indépendante du pouvoir politique n’est pas exempte de limites et ne garantit donc pas nécessairement une amélioration de l’efficacité des politiques 32 conjoncturelles. Tout d’abord, ce choix organisationnel repose sur un certain nombre d’hypothèses dont on peut discuter la pertinence et qui pourraient conduire à en relativiser l’intérêt (A). D’autre part, certains arguments et certains faits peuvent amener à remettre en question l’efficacité de l’indépendance réelle des banques centrales en termes de régulation macroéconomique (B). A) Les limites liées aux hypothèses sous-jacentes à l’indépendance Les fondements théoriques de l’indépendance de la banque centrale visa -vis du pouvoir politique reposent sur l’idée que l’inflation est exclusivement un phénomène monétaire, qu’une politique de règle est bien plus efficace qu’une politique discrétionnaire pour la maîtriser, mais aussi et surtout, qu’elle trouve son origine dans l’existence de cycles électoraux. a. L’inflation comme un phénomène exclusivement monétaire et ses limites Selon la formule de M. Friedman (1963), l’inflation serait « toujours et partout un phénomène monétaire ». Les théories préconisant l’indépendance de la banque centrale comme moyen d’assurer la stabilité des prix ont adoptée cette position consistant à supposer, à plus ou moins long terme, la neutralité de la monnaie et l’existence d’une 33 dichotomie entre sphère réelle et sphère financière. Or, il ne faut pas oublier que derrière cette idée se cache l’hypothèse implicite de plein emploi des facteurs de production, hypothèse qui n’est pas toujours satisfaite. Un équilibre de sous-emploi est en effet une situation possible, notamment pour les économistes keynésiens. Par conséquent, dans le cas une économie n’aurait pas atteint son niveau de croissance potentielle, une politique monétaire discrétionnaire, qu’elle soit menée par une banque centrale indépendante ou bien même par un gouvernement, pourrait affecter l’économie réelle et réduire le chômage. Dans le même ordre d’idée, lorsqu’ne banque centrale indépendante suit une politique de règle dans le domaine monétaire, comme la BCE qui s’est fixée comme objectif de ne pas dépasser un taux d’inflation annuel moyen de 2%, elle se trouve démunie face à un choc d’offre. Par exemple, en cas de choc d’offre négatif, à l’image des deux chocs pétroliers de 1973-74 et 1979-80 qui ont tiré vers le haut les coûts de production, donc les prix, et réduit le niveau d’emploi, une politique de règle est inefficace car elle conduit à assurer la stabilité des prix au détriment d’une plus grande variabilité de la production et de l’emploi. Ce type de politique se traduit dans ce cas par une plus faible adaptabilité de l’économie (Mourougane, 1998). En revanche, une politique discrétionnaire entretenant l’ambigüité sur la priorité à accorder aux objectifs de croissance économique et de stabilité des prix retrouve de l’efficacité, même si elle rend possible l’apparition de cycles politico-économiques. b. Les causes politiques de l’inflation et ses limites 34 La décision de rendre indépendante la banque centrale repose fondamentalement sur l’idée que la compétition électorale est un des principaux déterminants de l’inflation. En effet, nous avons vu que les travaux de Nordhaus (1975) puis d’Alesina et Roubini (1993) préconisaient ce choix organisationnel pour mettre fin à l’existence de cycle électoraux, générateurs d’une grande instabilité des prix. Accorder une place prépondérante aux déterminants politiques impactant la conduite de la politique monétaire, en mettant au second plan les autres facteurs traditionnellement retenus pour expliquer l’inflation (rôle de la demande, des coûts, de facteurs structurels comme les structures de marchés), est un peu réducteur. Cela contribue finalement à limiter la portée des résultats et donc les cas ou l’indépendance de la banque centrale correspond à une solution réellement pertinente. De plus, comme le met en avant Steiner (2003), cela revient à considérer que la démocratie, en tant que régime politique marqué par un fort degré de compétition électorale, possède un biais inflationniste. Pour lui, cela pose problème à deux niveaux. Premièrement, réduire la compétition électorale a peu de chances d’avoir un effet significatif sur l’inflation. Historiquement, les régimes dictatoriaux des généraux d’Amérique latine dans les années 1960-70 ont connu un haut niveau d’inflation. Deuxièmement, cela revient à placer l’origine d’un des principaux déséquilibres macroéconomiques hors du champ de l’économie. Par ailleurs, un autre argument de l’argumentaire conduisant logiquement à l’indépendance de la banque centrale comme solution à la stabilité des prix pose problème. En effet, principalement dans le modèle de Barro et Gordon (1983), mais aussi dans tous les modèles qui 35 font reposer l’indépendance de la banque centrale sur l’incohérence temporelle de la politique monétaire, on retrouve l’idée qu’une fixation des salaires nominaux par négociation collective entre les partenaires sociaux, pourrait déboucher sur une boucle prix-salaires inflationniste, en raison du comportement opportuniste des gouvernements. Or, une telle représentation du mode de fixation des salaires réels peut aussi paraître réductrice. Dans les faits, certains syndicats, notamment allemands et japonais, ont apporté la preuve que les négociations collectives pouvaient conduire à une certaine modération salariale, dans le cadre d’une politique générale de désinflation compétitive. De plus, certains économistes (Hall, 1994 ; Hall et Franzese, 1998) sont venus appuyer ces faits empiriques en mettant en évidence le rôle des négociations collectives comme mécanisme permettant de limiter les tensions inflationnistes. Enfin, les travaux de l’école de la régulation ont donnés un rôle différent aux négociations collectives, en insistant sur l’importance du rapport salarial, et de sa relation avec le système financier en vigueur, comme forme institutionnelle permettant d’assurer l’équilibre du régime d’accumulation. Pour eux, le rapport salarial correspond à l’arbitrage conflictuel qui existe entre, d’un coté, l’amélioration du niveau de vie des travailleurs et le nécessaire soutien à la demande, et de l’autre, le maintien du taux de profit par compression des coûts, notamment salariaux. Ils mettent en avant que, dans le cadre d’un régime d’accumulation dominé par une finance libéralisée, qui favorise intrinsèquement une inflation basse et stable au détriment de l’accumulation du capital, le rapport salarial apparaît comme un contrepoids permettant d’assurer l’équilibre d’un tel régime. On sort alors de la logique déstabilisatrice des négociations collectives. Aux 36 limites provenant des hypothèses sous-jacentes à l’adoption d’une banque centrale indépendante comme solution au biais inflationniste occasion à une politique monétaire gérée par les gouvernements, viennent s’ajouter celles reposant sur les conséquences de l’indépendance réelle des banques centrales, notamment en termes de crédibilité, de transparence et de policy mix. B) Les limites liées à l’exercice de l’indépendance Si l’indépendance de la banque centrale semble, en théorie, garantir une plus grande efficacité des politiques monétaire et budgétaire, dans la pratique, son indépendance réelle peut présenter certaines limites ayant trait à la crédibilité et à la responsabilité démocratique de l’institution (A) mais aussi soulever certains problèmes relatifs à la coordination des politiques économiques conjoncturelles (B). a. Les limites liées aux questions crédibilité et de responsabilité L’un des arguments justifiant l’indépendance de la banque centrale serait la capacité de cette dernière à garantir la crédibilité de la politique monétaire, c’est-à -dire d’ancrer à un niveau bas les anticipations d’inflation à moyen/long terme des agents économiques. Or, rien ne garantit que le transfert à la banque centrale de la politique monétaire 37 active automatiquement la crédibilité de cette dernière. Dans les faits, d’ailleurs, il existe des contre-exemples à la relation négative entre le degré d’indépendance des banques centrales et le niveau d’inflation : celle-ci ne serait pas vérifiée pour les pays en développement ni pour certains pays développés comme la Belgique, le Danemark ou encore le Japon, ce dernier ayant connu depuis 1945 une inflation relativement faible et stable alors que sa banque centrale est loin d’être indépendante du pouvoir politique. De plus, Barro (1995) ne trouve pas de lien statistiquement significatif entre indépendance des banques centrales et stabilité des prix pour l’ensemble des pays à l’échelle mondiale. Il existe différents moyens pour rendre crédible la politique monétaire menée par la banque centrale : nommer un gouverneur de banque centrale fortement averse à l’inflation (Rogoff, 1985), miser sur la transparence (« annoncer la politique menée et mener la politique annoncée », par exemple en affichant clairement la règle suivie ; rendre public les débats du conseil des gouverneurs à mettre en place un contrat incitatif liant la rémunération du banquier central à l’atteinte des objectifs fixés (Walsh, 1995). La banque centrale peut aussi chercher à améliorer sa réputation en pratiquant une politique très restrictive ayant pour objectif d’envoyer un signal fort aux agents économiques, pendant une durée plus ou moins longue, afin d’orienter leurs anticipations d’inflation vers la cible souhaitée. Cette politique de désinflation visant à asseoir la crédibilité de la banque centrale pourrait se révéler très coûteuse en termes de croissance et d’emploi (ratio de sacrifice élevé). Or, par effet d’hystérèse (Phelps, 1972), cette hausse du chômage à court terme pourrait se transformer en une hausse durable du chômage. La crédibilité de la 38 banque centrale peut donc avoir un coût macroéconomique non négligeable. On peut noter au passage que le niveau de crédibilité accordé à la banque centrale concernant sa capacité à stabiliser les prix dépend fortement de la conception que l’on se fait de la monnaie. Si l’approche en termes de monnaie exogène, selon laquelle la banque centrale maîtrise totalement la masse monétaire, est compatible avec l’idée d’une politique monétaire apte à contenir l’inflation, ce n’est plus vraiment le cas dans l’approche en termes de monnaie endogène, selon laquelle la masse monétaire est fortement influencée par la demande de monnaie des agents qui est plus ou moins stable. Par ailleurs, une politique monétaire trop restrictive dans un contexte ou le gouvernement fait face à un niveau de déficit et d’endettement très important peut avoir un effet contreproductif sur la crédibilité de la banque centrale. En effet, les agents économiques anticiperont que cette politique n’est pas tenable à long terme, et qu’en aggravant la situation des finances publiques, elle se condamne à engendrer un niveau d’inflation élevée. Non seulement la banque centrale ne gagnera pas en crédibilité mais le niveau d’inflation anticipée a de grande chance d’augmenter, ce qui risque de se traduire par un effet opposé à celui recherché. Surtout, de manière générale, assigner principalement aux banques centrales l’objectif de stabilité des prix et ne percevoir l’inflation que comme un phénomène monétaire pose deux questions. Tout d’abord, celle de la définition de la monnaie et de sa mesure par les agrégats monétaires, qui a été bouleversée par les innovations financières ayant permis d’accroître le degré de liquidité d’un certain nombre d’actifs. 39 Mais aussi celle des variables devant intégrer l’indice des prix servant de base au calcul de l’inflation : faut-il continuer d’exclure de l’indice des prix ceux de l’immobilier par exemple ? A ce titre, de connecter l’objectif de stabilité des prix à la consommation de celui plus général de stabilité financière peut déboucher sur ce que certains nomment le « paradoxe de la crédibilité » (Borio et al. 2003). La crédibilité des banques centrales qui parviennent à maintenir l’inflation à un niveau faible, peut conduire à un excès d’optimisme de la part des agents économiques et donc à un excès de liquidité poussant à la hausse les prix de l’immobilier et le cours des titres boursiers. Si l’inflation reste maîtrisée, l’instabilité financière s’accroît sans que la banque centrale n’y prête vraiment garde jusqu’au jour ou, en raison de l’effet richesse transmettant l’euphorie des marchés financiers et immobiliers à l’économie réelle, les anticipations d’inflation remontent justifiant un resserrement de la politique monétaire. Ici, c’est la crédibilité de la politique monétaire qui génère une instabilité du système économique débouchant avec retard sur une hausse de l’inflation. Enfin, au-delà de la problématique relative à la crédibilité d’une banque centrale indépendante, il convient aussi de s’interroger sur le degré de responsabilité démocratique de cette dernière, nécessaire contrepartie de son indépendance. En effet, l’indépendance ne doit pas consister à concentrer le pouvoir monétaire dans les mains d’une institution, sans contrer le politique, et encore moins sans l’obligation de rendre des comptes aux citoyens ou à leurs représentants. Le libre choix laissé à la banque centrale dans la définition de ses objectifs et des moyens pour y parvenir devrait s’accompagner logiquement d’une justification ex post de la politique menée, indépendance ne devant pas signifier 40 irresponsabilité. Sur cette question, la BCE semble faire preuve d’un déficit démocratique, notamment vis-a -vis de la FED. En effet, si cette dernière doit rendre compte annuellement de sa politique devant le Congrès des Etats-Unis, qui a de plus le pouvoir de modifier ses statuts, la BCE n’a véritablement de compte à rendre à personne, y compris au Parlement européen. De plus, les pays membres de l’Union européenne ont laissé la BCE quantifier seule l’objectif de stabilité des prix, ce qui ne serait pas conforme aux exigences démocratiques et pourrait nuire à sa crédibilité (Fitoussi, 2002). Cet exemple illustre bien l’idée que derrière l’indépendance des banques centrales se cachent des réalités diverses qui rendent moins automatiques la meilleure performance en termes de régulation macroéconomique de ce type d’arrangement organisationnel. Par ailleurs, la déconnexion totale entre l’autorité monétaire et les autorités budgétaires pourrait contribuer à relativiser encore davantage cette idée. b. Les limites liées au “policy mix” L’indépendance de la banque centrale s’accompagne le plus souvent du choix de fixer la stabilité des prix comme objectif principal (voire unique pour la BCE, par exemple) de la politique monétaire. Il en résulte donc une séparation claire des objectifs relevant de la politique monétaire et de la politique budgétaire : à la première, la lutte contre l’inflation ; à la seconde, la croissance économique et le plein-emploi. Or, le fait de dédier un instrument à un objectif particulier se traduirait, pour certains 41 économistes, non seulement par une perte de marges de manœuvre pour la politique économique mais aussi par un poids trop grand accordé aux variables nominales, notamment en cas de récession économique accompagnée d’une faible inflation (Le Cacheux, Mathieu, Sterdyniak, 1992). De plus, l’indépendance de la banque centrale peut aussi poser un problème en termes de coordination des politiques économiques conjoncturelles puisque les politiques monétaire et budgétaire relèveraient alors de deux entités différentes. Or, en l’absence de coopération entre la banque centrale et le gouvernement, un jeu non coopératif peut s’instaurer et déboucher sur un policy mix sous optimal. Ce serait par exemple le cas si la banque centrale et le gouvernement jouaient un « jeu de la poule mouillée » (ou “chicken game”) dans lequel la banque centrale pratiquerait une politique monétaire restrictive afin de pousser le gouvernement à un certaine discipline budgétaire, alors que ce dernier serait engagé dans une politique budgétaire expansionniste. Non seulement, les effets de ces deux politiques se compenseraient, ce qui empêcherait une relance efficace de l’économie, mais cela dégraderait très rapidement les finances publiques si le niveau des taux d’intérêt réels était supérieur au taux de croissance de l’économie (effet « boule de neige » de la dette créé par un accroissement du service de la dette). Enfin, la configuration institutionnelle de la zone euro, ou la politique monétaire unique est gérée par la BCE et les politiques budgétaires menées par les gouvernements des dix-sept pays membres, rend encore plus complexe la question de la coordination des politiques conjoncturelles. En effet, pour mettre en oeuvre une politique monétaire 42 adéquate, la BCE est dans l’obligation de tenir compte des situations économiques et budgétaires de chaque pays membre. Or, Jean-Claude Trichet doit composer avec des économies dont la synchronisation des cycles conjoncturels n’est pas garantie et dont la convergence réelle est loin d’être assurée. Cela rend délicate la gestion de la politique monétaire au sein de la zone euro, particulièrement en l’absence de mécanisme de coordination efficace : du Pacte de stabilité et de croissance, relative inefficacité des Grandes orientations de politique économique (GOPE) décidées par le Conseil de l’Union européenne, difficulté des politiques structurelles à rapprocher des économies aux caractéristiques différentes. Au final, si un certain nombre d’arguments semble plaider pour l’indépendance de la banque centrale comme arrangement institutionnel permettant de rendre plus efficace la politique monétaire (la crédibilité de la politique monétaire permettant d’orienter les anticipations d’inflation à la baisse) et la politique budgétaire (notamment car l’absence de financement monétaire du déficit public incite à discipline budgétaire), il existe cependant certaines limites la qui pourraient questionner l’avantage que présenterait l’indépendance des banques centrales en termes de régulation conjoncturelle. Des limites théoriques telles que le problème de coordination des politiques monétaire et budgétaire, le manque de souplesse à cause de l’attribution ex ante d’un instrument à un seul objectif, ou encore l’hypothèse réductrice d’une inflation perçue uniquement comme un phénomène exclusivement monétaire. Mais aussi des limites empiriques assez bien illustrées par l’exemple de la Banque du Japon (BoJ) qui, bien que peu 43 indépendante du pouvoir politique, a connu de bonnes performances en termes de maîtrise de l’inflation. Mais au-delà de cette problématique, il convient aussi de s’interroger sur le véritable degré d’indépendance des banques centrales dans les pays développés, même pour les banques centrales ayant admis la preuve de la crédibilité de leur politique monétaire comme la BCE ou la FED. Sont-elles vraiment indépendantes lorsqu’elles jouent leur rôle de prêteur en dernier ressort comme dans le cas de la dernière crise systémique dite des subprimes ? Le phénomène bien connu d’aléa moral entre elles et les banques de second rang ne vient-il pas amoindrir de fait leur degré d’indépendance, en tout cas vis-a -vis des acteurs privés ? Plus récemment encore, la BCE est-elle vraiment indépendante lorsqu’elle accepte de financer la dette grecque, mais aussi irlandaise et portugaise, en assouplissant les conditions auxquelles elle accepte comme « collatéral », en contrepartie des liquidités fournies, les « titres pourris » (junk bonds) attachés à la dette souveraine de ces pays, cela sous la pression des gouvernements européens et du Fonds monétaire international (FMI) ? CONCLUSION Au vu de tous ces développements et analyses, il ressort qu’un travail bien fouillé a été fait par des économistes très pénitents sur cette question assez sensible. 44 Le problème est de savoir si nos économies, à travers nos Banques centrales peuvent et doivent être dans ces fourchettes d’analyses proposées ci-haut Voici ce que nous proposons comme recommandations de politiques économiques : La récente expansion des activités bancaires panafricaines est à l’origine d’une nouvelle vague d’intégration financière qui, si elle apporte de multiples bénéfices à la région, pose aussi, pour les Banques centrales et les autorités de contrôle, de nouveau défis en matière de surveillance et de gestion des risques. Les banques centrales doivent jouer un rôle clé dans le développement des marchés obligataires locaux. L’expansion des marchés obligataires en monnaie locale est essentielle au développement financier de l’Afrique et à sa résilience aux chocs. Les politiques budgétaires et gestion de la dette ne doivent pas nuire à l’efficacité de la politique monétaire ; une bonne politique macroéconomique requiert des mécanismes de coordination appropriés, qui évitent les conflits d’intérêt. Les dispositifs de stabilité financière doivent être renforcés. Les Banques centrales ont leur mot à dire dans la politique de stabilité financière laquelle est étroitement liée à la politique monétaire. La Banque est naturellement l’institution officielle la plus proche des marchés financiers. Cependant, elle doit partager presque toujours la responsabilité de la stabilité financière avec d’autres organes. Quelles que soient les modalités de ce partage qui diffèrent d’un pays à l’autre, les autorités de contrôle ont besoin d’indépendance 45 et de pouvoirs suffisants pour prendre des mesures rapides et impartiales. La période prolongée durant laquelle les produits de base affichaient des cours à la moyenne, qui s’est souvent accompagnée d’entrées massives de capitaux, a certes dopé la croissance, mais pourrait aussi avoir vu naître des risques pour la stabilité financière. Dans ce contexte, une approche macroprudentielle de l’élaboration des politiques qui s’efforce d’appréhender dans leur globalité ces mouvements longs des cours des produits de base peut aider à s’attaquer aux risques systémiques potentiels. La coordination entre la gestion de la dette et la politique monétaire est une autre question importante. La première mission des gestionnaires de la dette est de maintenir les charges et les risques de financement de l’Etat au bas. Mais leurs décisions sur le volume et l’échéance de la dette ont de profondes implications pour la courbe des rendements et les conditions monétaires. La coordination entre la Banque centrale et le Gouvernement est donc essentielle si l’on veut que la politique monétaire soit transmise efficacement, et la stabilité financière, préservée. L’efficacité de la politique monétaire en Afrique a longtemps été limitée par le manque de profondeur du système financier. Il importe de noter que l’Afrique est un continent diversifié présentant, à cet égard, une grande variété de situations, allant des pays émergents, comme le Maroc et l’Afrique du sud, aux pays en démarrage financier comme le Tchad en passant par les pays en décollage (Ghana, Kenya, Ouganda). Les indicateurs de la profondeur du système financier Ratio Crédit au secteur 46 privé/PIB et intermédiation des dépôts/prêts sont bas par rapport à d’autres régions du monde. En Afrique, les systèmes bancaires se caractérisent, en outre, par une marge d’intermédiation relativement importante, signe d’une infrastructure financière lacunaire (agences de notation, par exemple), d’une faible concurrence entre banques nationales et du caractère risqué de l’activité de prêt conjugué à la fragilité des droits de propriété. Les conditions d’une politique monétaire efficace sont notamment le recours aux taux d’intérêt pour allouer l’épargne et le crédit, et la présence de marchés secondaires fonctionnant bien pour influer sur la valeur des grands indicateurs financiers, comme le taux d’intérêt interbancaire. En lisant très bien notre papier, le premier constat est que la plupart des auteurs ont travaillé sur l’indépendance des Banques centrales, ont fait leurs vérifications empiriques sur des économies très avancées, qui ont déjà la croissance, les infrastructures de base, l’éducation, la santé, bref, ces économies ont atteint un certain niveau de stabilité, en termes de réduction de la pauvreté relative. Ce qui manque à nos pays, ce n’est pas absolument l’absence d’indépendance des Banque centrales, le problème est au niveau des éléments suivants qui caractérisent la politique de la plupart des Banques centrales : l’absence d’objectif de croissance ; l’absence d’objectif de réduction du chômage, donc un manque d’arbitrage cohérent entre l’inflation-croissance, inflation-chômage ; 47 présence absolue de conflits d’objectifs de politiques : comme la stabilité des prix et la compétitivité. Il n’est donc pas très opportun de trop tirer sur cette question d’indépendance qui pour le moment n’a aucun sens, il existe un défi plus important au niveau de ces Banques centrales qu’il faut pouvoir relever à savoir : le manque d’objectif de croissance, l’incapacité à spécifier des politiques pouvant amener le financement des économies, réduire le chômage, et chercher à travers des politiques optimales la réduction de la pauvreté relative. Si vous ne financez pas votre économie, il vous manquera la croissance, et la croissance est positivement corrélée avec les recettes, si vous n’avez pas cette croissance, il vous sera également difficile d’avoir un budget cohérent avec vos objectifs de dépenses. Par manque de recettes vous êtes dans l’obligation de comprimer vos dépenses donc, vous ne financez plus votre économie. Avec l’absence de financement de la production (croissance), il vous sera également impossible de soutenir votre monnaie nationale pendant longtemps causée par un manque de réserves puisque vous êtes dans l’incapacité d’exporter. Quel que soit le niveau de réserves au niveau de la Banque centrale, elles vont s’épuiser et le financement permanent des importations aboutit également à une incapacité de stabiliser vos prix car l’économie étant assez ouverte, vous êtes exposé aux chocs négatifs (exogènes). 48 Il est tout à fait normal pour un gouvernement qui est à la recherche de la croissance pour son économie d’obtenir le policy-mix optimal contre le policy-mix sous optimal, cela ne peut pas constituer un frein à une véritable politique monétaire cohérente. John Hicks et A. Hansen analysent les impacts des politiques économiques à l’aide de leur modèle IS-LM. Ce modèle met définitivement fin à l’analyse dichotomique entre la sphère réelle et la sphère monétaire et permet de juger de l’efficacité des politiques de relance de type keynésien. D’après les résultats du modèle IS-LM, les politiques de relance conjoncturelles semblent revêtir une certaine efficacité. En particulier, la relance est maximale lorsque les pouvoirs publics mènent une politique monétaire d’accompagnement de la politique budgétaire. Sous ces conditions, la politique de dépenses publiques n’engendre pas d’effet d’éviction à l’égard des investissements privés. En situation de sous-emploi, l’Etat peut mener des actions conjoncturelles visant à réduire le chômage. La poursuite des travaux de A. W. Phillips par P.A. Samuelson et R. M. Solow permet de mettre en évidence une relation négative entre le taux d’inflation et le taux de chômage. Cette lecture keynésienne de la courbe de Phillips fonde les politiques de relance menées par certains pays. 49 Les pouvoirs publics décident de réduire le chômage au moyen d’une politique monétaire expansionniste de nature inflationniste, soit ils choisissent la rigueur monétaire pour maintenir les prix stables au détriment d’une baisse du taux de chômage. Ces politiques ont été qualifiées de « Stop and Go », rigueur monétaire en cas de surchauffe des prix, expansion monétaire en situation de montée du chômage. Enfin, le dernier point porte sur le travail que doit faire nos Banques centrales, pas toutes car plusieurs l’ont déjà fait, c’est celui d’estimer le taux d’inflation optimal, défini comme le taux en dessous et au-delà duquel la croissance est affectée. Sur le dernier point, il faut absolument avoir des chiffres crédibles pas dopés, sinon les résultats également seront biaisés, il va donc se poser un problème de fiabilité des statistiques que nous avions par le passé signalé dans nos précédentes publications. Références Bibliographiques : (1) Agnès BANASSY-QUÉ et Jean PISANI-FERRY (1994). Indépendance de la banque centrale et politique budgétaire. CEPII, Document de travail n° 94-02. (2) Jerome CREEL et Jacky FAYOLLE (2002). La banque centrale et l’union européennes : les tribulations de la crédibilité. La revue de l’OFCE, 83bis : 211-244. 50 (3) Frédéric LARCHEVEQUE et Jean-Pierre TESTENOIRE (2005). Les enjeux de l’indépendance des banques centrales, économie et Management, n°114. (4) Annabelle MOUROUGANE (1998). Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire : application à la Banque centrale européenne. Revue Française d’économie. 13(1) : 135-197. (5) Yves STEINER (2003). Le coût réel de l’indépendance de la banque centrale : économie politique comparée de la Deutsche Bundesbank et de la Banque du Japon dans les années soixante-dix. Université de Lausanne, Institut d’études politiques et international (6) Poloz, S. S. et G. Wilkinson (1992). « Is Hysteresis a Characteristic of the Canadian Labour Market? A Tale of Two Studies », document de travail no 92-3, Banque du Canada, Ottawa. (7) Rudebusch, G. D. et D. W. Wilcox (1994). « Productivity and Inflation: Evidence and Interpretations », inédit, mai, Federal Reserve Board, Washington (D.C.). (8) Sbordone, A. et K. Kuttner (1994). « Does Inflation Reduce Productivity? », Federal Reserve Bank of Chicago Economic Perspectives, vol. 18, novembre-décembre, p. 2-14. (9) Scarth, W. (1994). « Inflation zéro ou stabilité des prix ». In : Comportement des agents économiques et formulation des politiques en régime de stabilité des prix, Actes d’un colloque tenu à la Banque du Canada en octobre 1993, Ottawa, Banque du Canada, p. 101-134. 51 (10) Selody, J. G. (1990). The Goal of Price Stability: A Review of the Issues, Rapport technique no 54, Ottawa, Banque du Canada. (11) Smyth, D. J. (1994). « Inflation and Growth », Journal of Macroeconomics, vol. 16, printemps, p. 261-270. (12) Stanners, W. (1993). « Is Low Inflation an Important Condition for High Growth? », Cambridge Journal of Economics, vol. 17, mars, p. 79-107. (13) Summers, L. (1991). « How Should Long-Term Monetary Policy Be Determined? », Journal of Money, Credit and Banking, vol. 23, août, p. 625-631. (14) Thornton, D. L. (1996). « The Costs and Benefits of Price Stability: An Assessment of Howitt’s Rule », Federal Reserve Bank of St. Louis Review, vol. 78, mars-avril, p. 23-35. (15) Turner, D. (1995). « Effet de “speed limit” et asymétrie des effets sur l’inflation de l’écart de production dans les sept principales économies », Revue économique de l’OCDE, no 24, 1995/I, p. 63-96. (16) Wilkinson, G. (1997). « A Micro Approach to the Issue of Hysteresis in Unemployment: Evidence from the 1988-1990 Labour Market Activity Survey », document de travail n o 97-12, Banque du Canada, Ottawa. (17) Hetzel, R.L. (1992) : “Indexed Bonds as an Aid to Monetary Policy,' Federal Reserve Bank of Richmond, Economic Review, Vol. 78, January/February, pp. 13-23. Hetzel, R.L. (1993) : “A Quantity Theory Framework for Monetary 52 Policy”, Federal Reserve Bank of Richmond, Economic Quarterly Volume 79/3 Summer 1993 (18) Ireland, P.N. (1993) : « Price stability under long-run monetary targeting », FRB of Richmond, Economic Quarterly, Volume 79/1, Winter, pp. 25- 45. (19) Issing, O. (2003) Evaluation of the ECB’s monetary policy strategy », Banque centrale européenne, 8 mai, disponible à www.ecb.int. (20) Issing, O., Gaspar, V., Angeloni, I. et O. Tristani (2001) : « Monetary policy in the euro area », Cambridge University Press. (21) Jaeger, A. (2002) : "The ECB's money pillar : An assessment", IMF working paper WP/03/82, Avril. (22) Jenkins, P. et B. O’Reilly (2001) : « Monetary policy and the well-being of Canadians », in The longest decade : Canada in the 1990s, The review of economic performance and social progress, sous la direction de K. Banting, A. Sharpe et F. St-Hilaire, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques. (23) Kieler, M. (2003) : « The ECB’s inflation objective », IMF working paper, WP/03/91. King, M. (2002) : “No money, no inflation – The role of money in the economy”, Bank of England (24) Quarterly Review, Summer, pp. 162- 77. Klaeffing, M. et V. Perez (2003) : « Inflation targets and the liquidity trap », BCE, disponible à www.ecb.int. 53 (25) (1D. L. Kohn (2003) : “Comments on Marvin Goodfriend's "Inflation Targeting in the United States?" at the NBER conference on Inflation targeting”, January 25, disponible à l’adresse : http://www.federalreserve.gov/BoardDocs/Speeches/2003/20030324/ link. (26) Longworth, D. (2002) : « Inflation et macroéconomie : changements survenus entre les années 1980 et 1990 », Revue de la Banque du Canada, Printemps, pp. 3-19. (27) Loyo, E. (1999) : « Tight money paradox on the loose : A fiscalist hyperinflation », document de travail. (28) Masuch, K., Nicoletti-Altimari, S., Pill, H. et M. Rostagno (2003) : « The role of money in monetary policy making », Banque centrale européenne, mai. (29) McCallum, B.T. (1997) : « Issues in the design of monetary policy rules », NBER, WP 6016. McCallum, B.T. (2001) : “Monetary policy analysis in models without money”, Federal Reserve Bank Of St. Louis, Review, July-August, pp. 145-59. (30) Mishkin, F. S. (2000) : “What does price stability mean? Price level or inflation target?”, Document de travail, novembre, disponible à l’adresse : http://www.ecb.int/home/conf/cbc1/cbc_mishkin.pdf 54 (31) Morgan Stanley (2003) : « The ECB’s new strategy », EuroTower Insights, January 6. Morgan Stanley (2003) : « New toys, same old game ? », EuroTower Insights, May 9. 46 (32) Nelson, E. (2002) “The future of monetary aggregates in monetary policy analysis”, Carnegie- Rochester Conference, November 22-23, à paraître dans le Journal of Monetary Economics. (33) OCDE (2003) : “La persistance de l’inflation dans la zone euro”, disponible à l’adresse : http://www.oecd.org/pdf/M00037000/M00037580.pdf (34) Rodriguez-Palenzuela, D., Camba-Mendez et J.A. Garcia (2003) : « Relevant economic issues concerning the optimal rate of inflation », BCE, disponible à l’adresse www.ecb.int (35) Rogoff, K. (2003) : “A case for inflation transparency”, Financial Times, 23 avril. Stock, J.H. et M.W. Watson (2001): “Forecasting output and inflation: the role of asset prices”, NBER (36) (37) working paper, n° 6702. Svensson, L.E.O. (1997) : « Inflation forecast targeting : implementing and monitoring inflation 55 (38) targets », European Economic Review, June, pp. 1111-46. (39) Svensson, L.E.O. (1999) : “How should monetary policy be conducted in an era of price stability”, New challenges for monetary policy, Federal Reserve Bank of Kansas City. (40) Svensson, L.E.O. (2000) : « Forward-looking monetary policy, leading indicators, and the Riskbank’s Inflation report vs. The ECB’s Monthly Bulletin», présenté devant le Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, 5 septembre. (41) Svensson, L.E.O. (2002) : « A reform of the Eurosystem’s monetary- policy strategy is increasingly urgent », présenté devant le Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, mai. (42) Svensson, L.E.O. (2003a) : « How should the Eurosystem reform its monetary strategy », présenté devant le Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, février. (43) Svensson, L.E.O. (2003) : « Comments on Edward Nelson The future of monetary aggregates in monetary policy analysis”, à paraître dans le Journal of Monetary Economics. (44) Taylor, J. (1999), Monetary Policy Rules, The University of Chicago Press, Chicago and London. Taylor, J. (2000): «Low inflation, pass-through, and the pricing power of firms», European 56 (45) Economic Review, 44, pp. 1389-408. (46) Trecroci C. et J.L. Vega (2000) : “The information content of M3 for future inflation”, Working paper (47) de la BCE n° 33, octobre. Walton, D. et K. Daly (2003): «The ECB’s monetary strategy review: Aligning words with Actions », Goldman Sachs, Global economics paper, (48) N° 92, May 6. Walton, D. et K. Daly (2003) : « ECB aligns words with actions », Goldman Sachs, European Weekly (49) (50) Analyst, 9th May, Issue 2003/19. Wyplosz, C. (2002) : « La Banque centrale européenne en quête de maturité́ », Conseil d’analyse économique, La documentation française. Nasser KEITA, Ph.D Directeur du Laboratoire de Recherche Économique et Conseils (LABREC) www.lab-rec.org 57