Osez bouger pour vous soigner
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Osez bouger pour vous soigner
actu santé actu formation Douleurs au dos Enquête Jean-Pierre Meyer, médecin, responsable du laboratoire Physiologie du travail du département Homme au travail du centre INRS de Lorraine, fait le point sur la prise en charge des lombalgies. Conclusion : ne pas immobiliser le salarié et préparer au plus vite la possibilité de retour au travail. consécutives à une atteinte du réseau musculaire qui soutient et mobilise la colonne vertébrale. La douleur intense n’est pourtant pas un signal de gravité. En revanche, par réflexe, la personne atteinte a tendance à s’immobiliser, à ne plus vouloir bouger de peur de réveiller cette douleur. Or, charge « thérapeutique » de la lombalgie. Quels seraient leurs rôles respectifs ? ■ J.-P. M. Les médecins traitants sont souvent les premiers témoins des symptômes en cause. Nous souhaitons rappeler d’abord les raisons physiologiques de la ■ Jean-Pierre Meyer, responsable du laboratoire de Physiologie du travail, du département Homme au travail de l’INRS. Plus de 60 % des salariés souffriront d’un mal de dos au cours de leur carrière professionnelle. Dans la majorité des cas, la pathologie ne sera pas grave. Notre message premier est donc : « Le mal au dos, ce n’est pas si grave, et surtout, reprenez l’activité le plus vite possible ! » Pourquoi bouger ? Pour guérir mieux ! Pour éviter l’installation de symptômes chroniques handicapants à long terme et dédramatiser en quelque sorte la survenue de cette pathologie. La lombalgie (ou le mal de dos) se manifeste par des douleurs importantes le plus souvent 18 Travail & Sécurité – Avril 2009 © Gaël Kerbaol pour l’INRS Travail & Sécurité. « Osez bouger pour vous soigner » est le slogan adressé aux salariés victimes de lombalgies. N’est-ce pas un peu provocateur ? comme dans toute atteinte musculaire, c’est en étirant le muscle endolori, en le faisant travailler en douceur, que l’on va se soigner. Il faut donc redonner confiance dans leur dos aux lombalgiques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un des premiers actes du médecin traitant est la prise en charge de la douleur pour remettre en confiance. Vous associez en effet les médecins traitants et les employeurs à la prise en Gérer les lombalgies en redonnant confiance au salarié et en le réintégrant rapidement dans la structure professionnelle. douleur lombalgique, ensuite l’inutilité de recourir systématiquement aux radiographies. Celles-ci sont des outils à double tranchant : elles peuvent montrer des anomalies du dos sans rapport avec la lombalgie. Il faut savoir que près de deux tiers des plus de 60 ans qui ne se plaignent pas du dos ont des radios du dos qui présentent des anomalies. Et une proportion non négligeable de jeunes sont dans le même cas. Enfin, les médecins traitants sont les mieux placés pour rassurer les lombalgiques, leur expliquer qu’il faut bouger et les encourager à le faire sans crainte. Quant aux employeurs, leur rôle est primordial. On parle de remise en activité progressive, et celle-ci peut avoir lieu aussi au travail, en adaptant celui-ci. En ménageant les conditions du retour rapide, mais en douceur, au travail des salariés atteints de lombalgie, ils vont contribuer à éviter leur marginalisation et faciliter la réinsertion dans le milieu professionnel. C’est également un bon moyen pour faire passer le message au salarié qu’il compte dans l’entreprise et qu’il y est attendu. Et, enfin, pour réfléchir aux conditions de travail de tous les salariés et d’améliorer les relations sociales dans l’entreprise. La mission qui incombe aux employeurs paraît primordiale. Quelles préconisations pouvez-vous leur donner ? ■ J.-P. M. À terme, il faudrait que les entreprises puissent réagir et proposer très vite, sinon instantanément, des postes aménagés pour accueillir le retour à une activité des salariés. Pour cela, il faut que les employeurs aient eu le temps de s’y préparer et d’organiser un ou plusieurs postes de travail qui respectent les recommandations d’un « cadre rouge ». Il n’y a pas de recette toute faite pour Des ingénieurs globalement mieux formés à la prévention Pour en savoir plus Brochure INRS. ED 6040. Mal au dos. Osez bouger pour vous soigner. Téléchargeable sur inrs.fr. y entrer, c’est du rôle et de la responsabilité de l’entreprise, en fonction de ses moyens et des assistances qu’elle pourra obtenir. Elle doit organiser ces postes pour qu’un salarié lombalgique, quelle que soit l’origine de sa lombalgie, puisse continuer à travailler. C’est à chaque entreprise de se poser la question du retour des employés blessés et à chacune d’elles de trouver la solution qui lui convient. Le « cadre rouge » est un cadre de réflexion. C’est une liste de conditions, et d’environ nement de travail propices à la réinsertion du lombalgique, sans oublier le facteur temps. Le salarié doit bien sûr bouger, mais pas dans n’importe quelles conditions et en particulier il doit disposer de temps pour moduler luimême son rythme de travail. En résumé, ce qui importe, c’est de redonner confiance au salarié et de le réintégrer rapidement dans la structure professionnelle. Si tout le monde s’y met, on pourra « gérer » les lombalgies. Propos recueillis par Christine Larcher L’INRS présente les résultats de l’étude qu’il a conduite en 2008 auprès des écoles d’ingénieurs sur l’enseignement en santé et sécurité au travail. Cette étude, réalisée parallèlement à la mission du Pr William Dab, apporte un éclairage nouveau sur l’amélioreration de la formation initiale des cadres et dirigeants d’entreprise. P rès de six écoles d’ingénieurs sur dix déclarent aborder les problématiques de la prévention des risques pour la santé et la sécurité au travail au cours des études. Les jeunes ingénieurs ont souvent une perception moins favorable puisque deux tiers des jeunes diplômés interrogés affirment avoir rarement été confrontés à ces questions, voire jamais. Seuls un tiers d’entre eux estiment les avoir abordées assez souvent ou très souvent. Écoles et jeunes diplômés se rejoignent cependant pour reconnaître l’importance des stages. De même, concernant le contenu des enseignements, lorsqu’ils sont suivis : on observe une forte convergence entre les déclarations des écoles et les souvenirs des élèves. L’étude menée en 2008 par l’INRS sous forme de questionnaire comporte deux volets. Le premier, traité via internet avec 224 écoles d’ingénieurs, comporte 141 réponses. Le second, réalisé par le canal des associations d’anciens élèves, concerne les promotions dans le cadre du tronc commun et 13 heures optionnelles. Les 27 600 ingénieurs diplômés en 2005-2006 peuvent être répartis en cinq niveaux (1) d’enseignement en « bases essentielles en santé et sécurité au travail » (BES&ST) : • 4 416, soit 16 %, sont issus d’écoles de niveau I et n’auraient pas du tout été confrontés aux BES&ST ; • 9 108 (33 %) – écoles de niveau II – auraient potentiellement reçu une sensibilisation ; • 11 040 (40 %) – écoles de niveau III – auraient bénéficié d’une première base d’enseignement en BES&ST théoriques et/ou pratiques que les écoles entendent d’ailleurs faire progresser à l’avenir ; • 3 036 (11 %) – écoles de niveaux IV et V – auraient très probablement bénéficié de cours et de mises en situation les rendant rapidement opérationnels en prévention des risques pour la santé et la sécurité au travail. Le niveau V correspond aux diplômés en S&ST de l’enseignement supérieur. © Agence Nicolas Michelin et Associés « Osez bouger pour vous soigner » Le futur pôle universitaire de Nancy abritera les élèves ingénieurs de l’École des Mines de Nancy. 2004-2008 de jeunes diplômés. Près de 5 200 d’entre eux, issus de 93 écoles différentes, ont répondu. Précisons que les 224 écoles répertoriées ont délivré 27 600 diplômes d’ingénieur en 2005-2006. Le volet école de l’étude concerne 85 % des effectifs des élèves ingénieurs et donne donc une photographie assez représentative du paysage pédagogique dans ce domaine. Enseignements Á l’issue du cursus de formation, chaque promotion d’ingénieurs a suivi environ 16 heures d’enseignement obligatoire à la santé et la sécurité au travail 1. Niveau I : moins de 2 heures d’enseignement obligatoire ; niveau II : moins de 11 heures ; niveau III : moins de 26 heures ; niveau IV : moins de 31 heures ; niveau V : 70 heures et plus. Jean-Paul Richez Travail & Sécurité – Avril 2009 19