Etat de la prolifération des armes de destruction massive, le
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Etat de la prolifération des armes de destruction massive, le
Les petits-déjeuners du HCFDC au Palais du Luxembourg Etat de la prolifération des armes de destruction massive, le rôle et l’action du CEA en matière de sécurité nationale 12 Mai 2016 M. Bruno Feignier Directeur Matières et Non-prolifération de la Direction des Applications Militaires, CEA. La prolifération des armes de destruction massives est source de nombreuses préoccupations en France comme à l’International. La problématique de cette prolifération concerne à la fois l’acquisition d’Etats d’armes Nucléaires, Radiologiques, Bactériologiques et Chimiques (NRBC) à des fins sortant des accords internationaux, et les organisations terroristes, ayant la volonté de s’en prendre aux installations nucléaires et de confectionner des bombes sales. Dans ce contexte, quel est le rôle du CEA au niveau national ? La Direction des Applications Militaires La Direction des Applications Militaires a historiquement le rôle de concevoir des armes nucléaires au profit de la défense, mais également de lutter contre la prolifération de ces armes. Plus récemment, la dimension terroriste est venue s’ajouter à ses objectifs de surveillance et de recherche, mais aussi, le volet cybersécurité qui prend de plus en plus d’importance. La démarche du CEA se compose en deux parties distinctes : la démarche étatique, qui consiste à apporter une expertise technique dans la dissuasion française notamment, afin de mettre en place des programmes spéciaux, mais aussi à l’étranger, en surveillant les essais nucléaires et en les caractérisant, et la démarche terroriste, qui consiste à lutter contre le terrorisme NRBC en opérant un soutien opérationnel en cas de menace avérée, mais également de coordonner la recherche et développement dans ces domaines. La démarche étatique du CEA En matière de prolifération nucléaire Le cadre législatif de la non-prolifération nucléaire s’inscrit dans le Traité de Non-Prolifération (TNP) de 1970, dans lequel nous trouvons un équilibre entre engagement des Etats dotés de l’arme nucléaire à ne pas proliférer leurs techniques, et aide à la construction de l’arme, à usage pacifique, dans d’autres Etats. En marge de ce traité, d’autres instruments permettent de s’assurer qu’aucun pays ne fasse d’essai nucléaire, comme le Traité des Interdictions Complètes des armes nucléaires. Une surveillance accrue de l’usage des biens après leur vente est mise en place. Egalement, le Traité d’Interdiction de Production des matières fissiles permet de lutter contre la prolifération. En matière de surveillance du respect des traités Depuis les années 90, plusieurs crises ont eu lieues en matière de non-respect des traités de non-prolifération. Les plus représentatives sont la découverte du programme clandestin Iranien en 2002, et les différents essais nucléaires Nord Coréens, entre 2006 et 2016. La crise avec l’Iran a été une crise majeure complexe qui s’est soldée par 10 ans de négociations ayant abouties sur un accord intérimaire permettant de geler pour une durée indéterminée les capacités nucléaires iraniennes. Le 14 Juillet 2015, un accord à long terme a finalement été trouvé. La CEA a permis dans cette crise d’évaluer la sincérité des déclarations de l’Iran et de vérifier qu’ils ne disposent pas de capacités pouvant aller jusqu’à la militarisation des sites nucléaires. Des analyses ont été faites afin de donner aux négociateurs des indices concernant l’abscence de capacités de l’Iran à enrichir ses capacités nucléaires et à mettre en place de la Recherche et Développement en la matière. Quant à la Corée du Nord et à ses multiples essais, sortant ainsi du TNP, le rôle de la CEA a été d’arriver à établir la capacité d’avancement technologique du pays, en mettant en relation la cohérence de l’énergie libérée durant les essais et les propos tenus dans ses annonces médiatiques. Par exemple, la Corée du Nord a affirmé récemment avoir testé une bombe H. Cependant, aux vues des énergies libérées, cela ne peut être véridique. La capacité du pays est avérée, mais son niveau de maturité laisse planer doutes et hypothèses. Les indices de prolifération Les tout premiers signes de la prolifération d’un Etat est la création de bases scientifiques ayant une dualité militaire et civile. Le pays concerné peut passer par la conception d’un certain nombre de moyens, comme le transport spécifiques de matières nucléaires, ou encore son stockage. Il convient d’observer tout ce qui est fait dans le pays, en terme de publication d’achats de bien duaux par exemple, ou d’activité accrue de certains sites aux caractéristiques particulières. Les liens entre les laboratoires de recherche sont aussi surveillés attentivement, ainsi que les importations afin d’étudier les acquisitions qui pourraient contribuer à l’enrichissement en uranium du pays. La démarche terroriste du CEA Un travail conjoint avec les autorités publiques Le travail du CEA dans la lutte contre le terrorisme consiste à apporter une expertise aux pouvoirs publics, notamment avec le Secrétariat Général pour la Défense et la Sécurité Nationale (SGDSN).Un important travail de recherche et développement est nécessaire afin d’être en capacité de détecter et de caractériser la menace terroriste sur le territoire national. Il s’agit de mettre en réseau les données récoltées et d’opérer une coopération étroite. Ce lien direct avec les autorités publiques est primordial car les capteurs de détection doivent pouvoir être manipulés et compris par les forces d’intervention concernées. La recherche et développement en la matière sont décidés sur la base des besoins exprimés par les agents de terrain, ce qui permet de prioriser le développement. La Direction Générale de l’Armement travaille également en coopération sur ce type de capteurs de détection, ainsi que des industriels qui transfèrent leurs outils de recherche concernant le NRBC. La coopération avec les autorités publiques en matière de terrorisme nucléaire se fait également avec l’aide Bruxelles et de la Commission Européenne, qui, à travers son projet Horizon 2020, alloue un volet sécurité conséquent, permettant une collaboration entre homologues européens. Une mutualisation des moyens serait l’objectif d’une telle coopération à long terme, dans un domaine qui reste jusqu’à maintenant très national. La menace terroriste NRBCE Concernant la menace terroriste à l’arme de destruction massive, pour le moment, aucun signe ne permet de laisser à penser que des groupes terroristes n’aient la capacité de se doter de l’arme nucléaire. Cette capacité induit des moyens structurés et significatifs, avec des recherches s’étalant sur plusieurs années. Cependant, la menace devient un peu plus concrète depuis l’émergence de l’Etat Islamique, dont on ne peut négliger les compétences. La menace la plus probable resterait la confection d’une bombe sale, ce qui induit une surveillance des domaines chimiques et biologiques. Une bombe sale rassemble à la fois des radioéléments et de l’explosif, ce qui permet de contaminer une grande zone et d’induire un coût économique important. La meance «E», explosifs, est donc la probabilité la plus forte, et il paraît nécessaire de se doter de capacités de détection d’explosifs le plus tôt possible. La dernier Sommet sur le Nucléaire qui s’est tenu en Mars à Washington a notamment évoqué cette possibilité de bombe sale, relevant un net besoin de coopérer internationalement en la matière. Ainsi, il a été rapporté qu’un travail de fond restait à faire sur la sécurité des sources, dans un soucis de développement de programme de capteurs à bombes sales. La France a, depuis le Sommet précédent, mené une action concrète afin d’initier un travail de traçabilité sur les sources médicales à haute activité et de rapatriement à l’industriel lorsque ces sources sont en fin de vie, dans le but d’éviter qu’elles ne soient récupéré par des tiers mal intentionnés. Evaluer la menace L’évaluation d’une menace s’opère en plusieurs temps : premièrement, il s’agit d’être en capacité de la détecter, avec les outils appropriés. Ensuite, il faut caractériser cette menace, c’est à dire élucider le type d’agents utilisés et sa dangerosité. Puis vient la réponse à la menace, et l’évaluation de l’ampleur de la zone concernée. La dernière étape est la décontamination. Chacune de ces étapes nécessite des outils appropriés à développer, ainsi que des moyens de réponse à mettre en place. Par exemple conernant la détection des explosifs, il faudrait développer un système de capteurs à vapeurs d’explosifs, ce qui induirait également une expertise en base arrière afin d’interpréter les signaux captés, qui donnerait lieu ou non au déclenchement d’une intervention. En coopération avec le SGDSN, le CEA travaille également à déployer des moyens de mesures dans des infrastructures dites critiques, qui pourraient être directement menacées par les organisations terroristes. Les enjeux futurs du CEA Le démantèlement des infrastructures nucléaires Le démantèlement des infrasrtuctures nucléaires civiles est un enjeu majeur dans prochaines années. En effet, il induit de nombreuses phases qui doivent être mûrement réfléchies en amont. Il s’agit d’une activité dans la durée, car par exemple, il s’agira de gérer les déchets à haute activité et de créer des centres de stockages. Le transports des déchets jusqu’à leur stockage est également un enjeu dans ce démantèlement, car il s’agit d’assurer la sécurité des déchets entre les installations démantelées et les centres spécifiques dédiés à leur fin de vie. Toutes ces étapes relèvent d’une organisation étatique, déjà intégrée à la sécurité nationale, dans un pays où la production nucléaire joue un rôle important, notamment pour fournir l’électricité. Le rôle curatif du CEA Les missions du CEA comportent une dualité préventif et curatif. Le côté préventif se traduit par une sensibilisation de la population et des mileux académiques, bien qu’elle n’ait pas de vocation d’enseignement. Il s’agit d’interventions dans des Master spécialisés en capacité de détection, afin d’apporter une expertise et un retour d’expérience. Le côté curatif reste une source de recherche et développement importante. En effet, les enjeux de décontamination sont immenses, et reposent sur les capacités de détection des agents chimiques et biologiques. La communication externe rapide est également vouée à se perfectionner : le rôle du CEA en cas d’alerte tsunami est un sujet majeur, qui depuis 2004, apparaît comme un challenge en Mer Méditerranée, même si cette-dernière possède une superficie réduite. Mais de ce fait, le déclenchement de l’alerte et l’action de la sécurité civile doit être rapide car les vagues toucheront plus rapidement les côtes. La CEA sera impliqué dans la sécurisation de l’Eruo 2016, où il apportera son expertise pour la partie nucléaire et radiologique. Eléments biographiques : - Docteur en sismologie à l’Université de Grenoble en 1989 - Ingérieur recherche à la Direction des Applications Militaires du CEA en 1993 - Secrétaire Général du centre de sismologie Euro-Méditerranée en 1994 - Directeur du programme sur le Traité d’Interdiction complète des essais nucléaires en 1996 et du programme de non prolifération en 2006 - Directeur du programme Matière et environnement fusionné depuis Janvier 2016