Qu`est-ce que la mort

Transcription

Qu`est-ce que la mort
j’assure
Qu’est-ce que la mort ?
Suzanne Daoust
N
ous savons tous ce qu’est la
mort, et généralement nous
l’appréhendons. Mais qu’en
est-il d’un point de vue juridique ? Le
moment de la mort et, par conséquent, sa définition, peut être déterminant lors de la dévolution des biens
aux héritiers – et lors de l’attribution
d’un produit d’assurance payable à la
succession. À cet égard, rappelons
que, lorsque les expressions « succession », « héritiers », « ayants cause »,
« liquidateur » ou « autres représentants légaux » sont utilisées dans le
contrat, le capital décès est payable à
la succession. 1
Autrefois, une personne était
déclarée morte lorsque son cœur
avait cessé de battre et qu’elle ne respirait plus. Aujourd’hui, les progrès
de la médecine ont repoussé
l’échéance de la mort. Avec l’avancement de la science et l’évolution des
techniques de réanimation et de prolongement de la vie, la définition
juridique de la mort devient cruciale
dans certaines situations.
Généralement, nous entendons
parler de trois types de mort sur le plan
médical : la mort clinique, biologique ou cellulaire.
Sur le plan juridique, lors de la
dévolution des biens en l’absence de
testament, il faut nécessairement se
référer à la définition du décès, comme
nous le verrons ci-après.
En fait, il n’existe pas de définition
de la mort dans le Code civil. Par
conséquent, les tribunaux n’ont eu
d’autre choix que de se prononcer sur
la définition de la mort.
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Répercussions de la
définition de la mort
sur le plan successoral
Résumons ici l’affaire Leclerc (Succession de) c. Turme 2 qui démontrera
toute l’importance de la définition de
la mort.
Marie-L. vit en union de fait avec
Carl T. Ils ont un enfant, le petit S. La
résidence et les meubles sont détenus
en copropriété par les deux conjoints
de fait. Marie-L. n’a pas de testament.
Marie-L. et son fils S. décèdent
dans un accident de la route. Sur le
décès de la mère, il y a unanimité. Par
contre, une poursuite judiciaire est
engagée pour déterminer le moment
de la mort du petit S. L’enjeu est
déterminant. En effet, si S. est mort
avant sa mère, ce sont les père et
mère, frères et sœurs de Marie-L. qui
héritent de l’universalité de ses biens.
Rappelons que Marie-L. détient,
entre autres, la moitié indivise de la
résidence et des meubles. Par contre,
s’il est prouvé que le petit S. est mort
après sa mère, c’est ce dernier qui
hérite 3 et alors son père Carl T.
devient son seul héritier légal. Les
parties concernées se retrouveront
donc devant le tribunal.
Le témoin expert de Carl T. soutient que, lors du transport en
ambulance de l’enfant, il n’y avait
peut-être plus d’activité dans le cortex
cérébral, mais il y en avait encore
dans le tronc cérébral, et donc l’enfant était encore vivant. Le témoin
expert de la famille de Marie-L. prétend le contraire.
Le juge a finalement statué que
c’est l’enfant qui héritait. Le législateur
objectif conseiller
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québécois n’ayant pas défini la mort, le
juge s’est référé à la doctrine et à la
législation d’autres États. La mort
cérébrale d’une personne correspond
effectivement à sa mort, mais encore
faut-il que toutes les fonctions cérébrales, y compris celles du tronc cérébral,
cessent. Tant que des fonctions cardiorespiratoires autonomes existent, l’être
humain ne peut être déclaré mort.
Il est à noter que, dans cette cause,
les dispositions de l’article 616 du
Code civil concernant la présomption
de co-décès n’ont pas été retenues,
car le père de l’enfant, par le biais de
l’expertise médicale, a pu établir que
le petit S. avait survécu à sa mère. Or,
l’article 616 ne s’applique que lorsque
les personnes concernées décèdent et
qu’il est impossible d’établir laquelle
a survécu à l’autre.
Outre les détails d’ordre médical,
cette cause tragique démontre toute
l’importance d’avoir un testament.
En votre qualité de conseiller, vous
devez suggérer à vos clients de
consulter un juriste à cet égard. Rappelons notamment que les conjoints
de fait ne sont pas des héritiers
légaux. Pour hériter, ils doivent
s’avantager par testament.
Suzanne Daoust, notaire, conseillère
en planification financière, Assurance
pour les particuliers, Desjardins
Sécurité financière.
[email protected]
1
Article 2456 du Code civil du Québec.
R.J.Q. 1165 (C.S.)
3
Puisque Marie-L. n’a pas de testament, c’est le petit
S. qui hérite, selon le Code civil.
2

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