ETOILE DU NORD dite « DU BERGER » :

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ETOILE DU NORD dite « DU BERGER » :
Lettre ouverte aux
cadres pour la grève
« […] quand ceux qui commandent ont perdu la honte,
[…] c’est justement le moment dans lequel ceux qui obéissent perdent le respect ;
et c’est dans ce même moment où l’on revient de la léthargie, (…) »
(Cardinal de Retz, Mémoires, 1675)
ENDURER, JUSQU’Où ?
Les détenteurs du capital seuls n’auraient jamais pu contrôler des collectifs de travail à l’échelle du capitalisme
moderne, et se sont attachés une couche spécifique de salariés pour tenir les autres : l’encadrement. Parmi eux,
on a créé le statut du cadre, faisant croire qu’il aurait les mêmes intérêts que les dirigeants, et accordant pour cela
des privilèges : meilleure rémunération, représentation du personnel spécifique (DP Cadres, siège réservé pour la
représentation au Conseil d’Administration, …), régime de retraite complémentaire, avantages symboliques, etc.
Les cadres étant majoritairement recrutés dans les couches déjà privilégiées de la population (aisance financière,
études supérieures, …), ce sentiment de ne pas partager le lot commun est déjà inscrit culturellement chez la
plupart dès l’embauche. D’où l’appellation de catégories socio-professionnelles supérieures (« CSP+ »). Quant à
ceux de la promotion interne, c’est souvent en contrepartie de gages qu’ils abandonneront toute solidarité avec les
ouvriers et employés, et qu’ils auront bien « le sens des responsabilités » (entendez : l’allégeance aux dirigeants).
A la SNCF toutefois, l’importance de la technicité et la promotion interne basée sur cette technicité (jusqu’à il y a
une quinzaine d’années, car c’est aujourd’hui l’inverse), et la notion supérieure de service public qui ouvre un
horizon bien au-delà de la seule réussite financière de l’entreprise, viennent perturber le schéma classique, et de
plus en plus de cadres se sentent mal à l’aise avec les techniques du management moderne, par la peur, qu’on
leur demande d’exercer et qu’ils subissent eux-mêmes.
D’autant que les exigences du capitalisme imposent une pression croissante sur la masse salariale et les conditions
de travail, telle que même les cadres perdent petit à petit leurs privilèges. Pourtant, une majorité des cadres et une
écrasante majorité des cadres en direction, continuent d’endurer, et refusent de voir la réalité des attaques que la
loi de 2014 porte, dont les « négociations » sur le régime de travail sont exemplaires : décret socle, Convention
Collective Nationale (« CCN ») et accord d’entreprise, dont on nous martèle qu’ils ne peuvent être au niveau de
l’actuel décret de 1999 (intégré au RH0077).
Un conflit de valeurs
Les cadres de la SNCF s’estiment encore
majoritairement rémunérés pour défendre le rail, dans
une entreprise publique, mais pas forcément la
politique ferroviaire et sociale de ses dirigeants et du
gouvernement. Pour une majorité, nous ne travaillons
pas par hasard à la SNCF, mais par choix de consacrer
notre vie professionnelle au service public et à l’intérêt
général, plutôt qu’ailleurs à organiser le pillage des
ressources pour des profits de plus en plus financiers.
Or, les mercenaires qui nous dirigent, aujourd’hui dans
le Groupe SNCF, mais hier ou demain à Vinci, Air
France, Valéo, Aéroport de Paris ou autres, estiment
que ces valeurs sont archaïques, avec un mépris
croissant pour celles et ceux qui les évoquent encore.
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Lettre ouverte aux
cadres pour la grève
Il faut dire que nos dirigeants-mercenaires ne sont
plus des connaisseurs du rail. Ils recrutent des cadres
à leur image ou tentent de les couler dans leur moule
par le conditionnement idéologique, pour en faire des
managers, obsédés par la marge opérationnelle
(« MOP ») et le chash flow libre (« CFL »). Ils nous
demandent d’oublier les valeurs humaines ou la
compétence technique acquise et d’être des
propagandistes zélés de leurs décisions, celles d’une
tutelle gouvernementale convertie aux prétendues
vertus de la concurrence.
L’activité de plus en plus complexe & contrainte
Au quotidien, la pression s’accroît. On nous impose des
objectifs toujours moins atteignables, compte tenu de
la pénurie de moyens et de l'extrême complexité du
fonctionnement du système ferroviaire. Eclatement de
l’entreprise et explosion des coûts de transactions (hier
entre RFF et SNCF, aujourd’hui entre Réseau, Mobilités
et SNCF), en sont des causes majeures.
Nous ne sommes pas des privilégiés !
Ramenés à notre temps de travail réel dans la journée,
la semaine, ou l’année (le repos ou congés que l’on ne
peut prendre), le coût horaire de nos salaires est bien
loin des ponts d’or que les dirigeants-mercenaires
s’attribuent en se recrutant par cooptation dans des
postes stratégiques, ou des indemnités qu’ils
s’octroient à leur départ…
Car le mot d’ordre de baisse du coût du travail, ce
n’est pas pour eux-mêmes : de 2000 à 2014, les 10
plus hautes rémunérations de la SNCF ont cru de
104,8% en euros constants, contre 15% pour
l’ensemble des cheminots (incluant cadres supérieurs
et contractuels) !
La reconnaissance financière n'est donc pas au rendezvous, mais plus largement, les dirigeants-mercenaires
n'expriment aucune reconnaissance ni de bienveillance
vis-à-vis de l'encadrement. Ils ont une mission à
mener, qu’importent les dégâts humains (qu’ils ont
appris à nier par des ritournelles de psychologie de
bazar apprises dans leurs écoles de gestion, qu’elles
soient publiques, comme l’ENA, ou privées).
Ainsi, au détour d'une réunion, nous avons tous eu
l’occasion d’observer la morgue d’un haut dirigeant
exécutant le cadre qui a eu l'audace de poser une
question qui fâche ou de faire connaître une simple
divergence d’analyse. Il suffit de considérer le nombre
de cadres placardisés ou mutés d’office, expédiés vers
l’Espace Initiative Mobilité (« EIM »), véritable
Pôle Emploi interne, voire même poussés au désespoir
en dépit de leurs compétences (ou justement à cause
de ces compétences !), par le seul fait du Prince...
Le choix de nos dirigeants d'accentuer la gestion par
activité a déchaîné des forces centrifuges qui
transforment toute démarche transverse, recherchant
l'intérêt de l'ensemble de la SNCF et du mode
ferroviaire, en un parcours du combattant vain et
démoralisant. Nombre d'entre nous passent leurs
journées à essayer de recoller les morceaux cassés du
fait de l'usine à gaz que les tenants de la privatisation
du chemin de fer ont construit avec un seul véritable
objectif : affaiblir la SNCF pour en livrer les morceaux
profitables aux détenteurs du capital privé !
L’énergie considérable que nous dépensons pour
parvenir malgré tout à faire avancer le système, ou
plus prosaïquement pour tenter de le maintenir en état
de fonctionner, est niée par la Direction.
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Ainsi pour les syndicalistes de SUD-Rail qui
s’investissent dans ce qu’on appelle la souffrance au
travail, on assiste à de véritables mise à l’isolement
des agents par les lignes hiérarchique et RH réunies
(quand ce ne sont pas des harcèlements), plutôt que
d’employer leurs compétences, dès lorsqu’ils ont osé à
un moment donné, mettre en doute la pertinence des
décisions et actions engagées. Et ceci, jusqu’aux
suicides, qui n’ont rien à envier aujourd’hui, à la SNCF,
aux pires heures de France Télécom.
L’encadrement fait face à une souffrance au
travail spécifique…
Placés entre le marteau et l’enclume, nous sommes
stigmatisés par notre hiérarchie lorsque nous ne
parvenons pas à faire accepter à nos subordonnés les
réorganisations compulsives, assorties de suppressions
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Lettre ouverte aux
cadres pour la grève
de postes et de mobilités forcées, qui se succèdent
sans trêve.
Pourtant, nous savons bien que cela conduit le
système ferroviaire public dans le mur, que les
désintégrations successives rendent l’exploitation
ferroviaire et le respect de la sécurité de plus en plus
complexes et précaires. Nous vivons aussi,
personnellement, la déshumanisation que le néomanagement instaure à la SNCF et dont on voudrait
nous obliger à nous faire les complices zélés, pour être
bien notés. Sur le terrain, nous connaissons bien les
difficultés croissantes de notre personnel pour
atteindre les objectifs de production, étant nous aussi
soumis à une charge de travail à laquelle nous ne
pouvons faire momentanément face, qu’au détriment
de notre santé, à coups de tranquillisants et de
neuroleptiques.
Pire encore : nombre d’entre nous, contraints de
recourir à des méthodes et des comportements que
leur propre morale réprouve, connaissent la souffrance
éthique, avec laquelle ils composent par des stratégies
de défense fondées sur le déni de la souffrance
d’autrui et le silence sur la leur. Or ces barrières se
rompent de plus en plus souvent, laissant libre cours à
la dépression ou à la décompensation psychologique
et, à l’extrême, au suicide. L’encadrement est
particulièrement victime de telles pathologies, ce que
les médecins du travail savent pertinemment mais
n’ont pas le droit de dire !
…tout en étant jugé seul responsable de la
souffrance des subordonnés
La Direction est bien obligée de reconnaître l’existence
de souffrances au travail à la SNCF, qu’elle réduit alors
à une question de fragilités individuelles et de
propensions au stress qu’il s’agirait de repérer et de
« gérer ». Le patronat a d’ailleurs imposé un concept
et un vocabulaire – les risques psychosociaux
(« RPS ») – pour ainsi retourner la chaussette et éviter
surtout que l’on fasse le lien entre souffrances au
travail et organisations du travail.
Mais le traitement de ces phénomènes par la Direction
aboutit à des injonctions paradoxales supplémentaires.
D’un côté, nos patrons nous imposent des objectifs
financiers intenables. De l’autre ils nous demandent de
surveiller les dégâts occasionnés par l’organisation du
travail et les méthodes de management pathogènes
qu’ils nous imposent de mettre en place.
Un extrait du texte de référence de la DRH sur le
stress au travail illustre bien ce constat : « Il leur
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revient [aux managers] de veiller à ce que la fixation
d’objectifs individuels et la mesure des résultats
associés ne puisse conduire à des mises en cause
personnelles, ni à l’exacerbation de rivalités ou de
compétition
interne
au
sein
des
équipes.
L’encadrement veille à ce que le management par les
résultats soit indissociable du respect des individus, et
de l’esprit de solidarité et d’équipe. »
Ceci est d’une supercherie et d’un cynisme sans
bornes, car la Direction demande à l’encadrement de
discriminer les agents à l’aide de primes (GIR, La
Prime, EVS liés aux résultats financiers dans certains
métiers), mais surtout sans instaurer un esprit de
compétition ! On demande d’évaluer individuellement
les agents, mais sans que cela aboutisse à une mise
en cause des individus ! On demande de mettre en
œuvre un management qui casse les collectifs de
travail et défait tous les repères professionnels
existants, mais sans casser l’esprit de solidarité et en
veillant au bien-être des agents !
Or,
ces
injonctions
précisément l’une des
souffrances au travail.
paradoxales
constituent
principales causes des
A la guerre comme à la guerre !
Pour justifier ces organisations du travail, on nous sert
toujours le discours de la compétitivité, de la « guerre
économique » où seuls survivront ceux qui s’adaptent.
C’est l’enjeu aujourd’hui des attaques inégalées contre
les conditions de travail des cheminots avec
l’abrogation du décret de décembre 1999 (RH0077), et
l’empilement des trois niveaux en remplacement :
décret socle au ras des pâquerettes, CCN pas
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Lettre ouverte aux
cadres pour la grève
tellement meilleure, et accord d’entreprise posant les
outils pour déroger en moins bien à la CCN
Souvenons-nous alors de la citation de Paul Valéry :
« La guerre, un massacre de gens qui ne se
connaissent pas, au profit de gens qui se
connaissent mais ne se massacrent pas. »
démographiques de la mortalité selon la catégorie
socio-professionnnelle sont éloquentes (voir La Lettre
Economique de SUD-Rail n°53 de février 2016).
A quoi nous répondons : « Crosse en l’air ! »
Ce que nous avons dès lors à dire aux responsables de
l’état de grand péril dans lequel nous nous trouvons
collectivement, à eux qui méprisent aussi bien nos
personnes que nos métiers, est en fait très simple :
« La situation est insupportable ; nous ne la
supporterons donc pas. »
Faire partie de l’encadrement ne doit pas impliquer
d’être la piétaille zélée de nos dirigeants-mercenaires.
Il faut au contraire affirmer notre opposition,
réaffirmer nos valeurs : les compétences de nos
métiers, le travail bien fait, le souci de la sécurité dans
la réalité, c’est-à-dire inscrite dans la manière de
penser les organisations du travail et de leur donner
les moyens des buts qu’on leur assigne, et non pas
une sécurité de simple vocabulaire dans des
procédures sur papier glacé, avec pour seul objectif de
trouver une anagramme pour communicants (cf. la
démarche « PRISME » qui sévit actuellement, suite
aux accidents graves qui s’accumulent). Et bien sûr il
faut affirmer cette opposition collectivement.
Alors oui, le capitalisme induit la guerre économique,
mais cette guerre est conduite par le 1% de la
population qui détient 80% des richesses, et qui se
connaît bien (ils s’offrent même chaque année en
spectacle au « sommet » de Davos), pour entretenir
une mécanique qui a toujours besoin de créer de la
valeur pour le capital, et donc d’attraire tout dans le
champ de la marchandise, et d’accaparer toujours plus
de la plus-value créée par le travail, au détriment des
revenus du travail.
Tandis qu’on nous demande à nous de n’être que des
soldats prêts à souffrir, et parfois même à mourir, en
nous opposant les uns aux autres (salariés entre eux,
usagers entre eux, salariés contre usagers,…). Parler
de mourir n’est pas trop fort, car les analyses
Pour faire savoir aujourd’hui cette opposition, il nous
faut nous engager dans la grève, ou au minimum du
minimum, ne pas aller faire les gilets-rouges quand
Pépy Ier dira que tel est son bon vouloir !
Certes, à part les cadres de proximité, peu de cadres
bloquent la machine par leur grève (ce qui doit
d’ailleurs interroger sur le contenu de notre travail…),
mais le taux de grève des cadres est très symbolique
pour montrer aux dirigeants-mercenaires que leurs
janissaires habituels ont décidé de réfléchir et de
demander des comptes, avant d’obéir bon gré mal gré.
Alors, aux généraux de la guerre économique,
répondons : « Crosse en l’air ! »
Vous souhaitez vous organiser pour défendre vos droits et en acquérir de nouveaux ?
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syndiquant à SUD-Rail ? Ou simplement retrouver les informations sur les services et les
thèmes évoqués ?
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