européennes 2014

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européennes 2014
PARLEMENT : LA DROITE BAT AU ROYAUME-UNI,
LES SOCIAUX-DÉMOCRATES LES EUROPHOBES EN TÊTE
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Mardi 27 mai 2014 - 70e année - N˚21571 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Le chaos
du président
Hollande
Fondateur : Hubert Beuve-Méry
Le triomphe du Front national
dévaste le paysage politique français
I
nutile de chipoter, d’invoquer le
taux d’abstention très élevé ou
de minimiser l’importance de
ce scrutin défouloir : le Front
national est le grand vainqueur, en
France, des élections européennes.
Après son score sans précédent à
la présidentielle de 2012 et la percée
du FN aux municipales de mars,
Marine Le Pen a atteint son troisième objectif. Avec plus du quart des
suffrages exprimés le 25 mai, elle est
à la tête du premier parti de France et
devance nettement l’UMP comme
premier parti de l’opposition. Plus
que jamais, le parti d’extrême droite
a donc su exploiter à son profit la triple crise qui mine le pays depuis des
années.
Crise économique et sociale, marquée par six années de croissance
quasi nulle et d’envolée inexorable
du chômage. Crise d’une Europe qui
t Avec 25 % des
voix, Marine Le Pen
remporte pour
la première fois
un scrutin national
t Réunion
de crise à l’Elysée
après la déroute
historique du PS
t Manuel Valls
annonce des
baisses d’impôts
t Le revers cinglant
de l’UMP précipite
sa crise interne
ÉDITORIAL
UK price £ 1,80
a cessé d’offrir un giron protecteur
etun horizon prometteurpour devenir le repoussoir de bien des inquiétudes nationales. C’est ce sentiment,
certes minoritaire mais très vif, que
le Front national exprime.
Crise politique, enfin. A force de
macérer, le malaise démocratique, le
discrédit des partis politiques traditionnelset l’impuissancedesgouvernants à répondre aux craintes des
Français ont fini par provoquer un
séisme plus profond et plus grave
que celui du 21 avril 2002.
Alors, la qualification de JeanMarieLe Pen au second tourdela présidentielle avait été un coup de
semonce. Aujourd’hui, le succès de
sa fille est un coup de massue qui
bouleverse tout le paysage politique. Avec moins de 14 % des suffrages, la déroute du Parti socialiste est
sans précédent depuis près d’un
demi-siècle dans une élection nationale. Elle n’est pas compensée par les
autres listes de gauche : toutes les
gauches réunies ont attiré les voix
d’à peine plus d’un électeur sur trois.
La claque est presque aussi cinglante pour la droite. Fragilisée par
ses divisions autant que par les
récentes affaires financières mettant en cause son président, l’UMP
apparaîtaffaiblie,écarteléeetincapable d’incarner une opposition
convaincante. Quant aux centristes,
ilstirentleur épingledu jeu, maisrestent une force d’appoint aléatoire.
Pour le pouvoir exécutif, l’heure
est donc « grave, très grave », comme
l’a martelé le premier ministre,
Manuel Valls. En dépit de la protection des institutions, la sanction des
européennes, deux mois après celle
des municipales, oblige à poser la
question : comment agir, gouverner
– et plus encore réformer – quand le
chef de l’Etat est aussi affaibli et sa
base politique aussi étriquée ? C’est
pourtant vital pour empêcher
Mme Le Pen de poursuivre sa marche
en avant.
En Europe, où elle faisait déjà figure de maillon faible, la France va inévitablement apparaître comme le
« mouton noir », en proie aux délétères – et détestables – pulsions du
national-populisme. Cela réduira
d’autant la capacité d’influence de
François Hollande et ses marges de
manœuvre. Calamiteux. p
LIRE PAGES 2 À 13
Marine Le Pen, le 25 mai,
au siège du Front national,
à Nanterre.
CYRIL BITTON/FRENCH POLITICS POUR LE MONDE
TOUR D’EUROPE...
Juncker
revendique
la présidence de
la Commission
Le Parti populaire européen est le premier parti à Strasbourg, devant
les sociaux-démocrates
de Martin Schulz.
Libérauxdémocrates
Verts
Sociauxdémocrates
Gauche
radicale
PAGES 9 À 13
43
55
70
Conservateurs
212
44
186
CRE
(conservateurs)
36
Le nouveau
Parlement
européen
751 sièges
Souverainistes
Non-inscrits
38 (dont FN)
Mamie, c’est toute l’année qu’elle
enchaîne les services à la cuillère.
67 Autres
Résultat provisoire
LE REGARD DE PLANTU
Mamie Nova, il n’y a que toi qui me fais ça.
POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE GRIGNOTER ENTRE LES REPAS. www.mangerbouger.fr
Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
0123
Mardi 27 mai 2014
Le séisme qui ébranle la vie politique française
Pour la première fois dans l’histoire de la République, un parti d’extrême droite arrive largement en tête d’un scrutin nat
U
ne page de la vie politique
française s’est définitivement tournée, dimanche
25 mai, à l’occasion des élections
européennes. Pour la première fois
en France, l’extrême droite est arrivée en tête d’un scrutin d’ampleur
nationale. Douze ans après sa
deuxième place à la présidentielle
de 2002, voilà le FN en pole position, loin devant les autres formations politiques. Marine Le Pen a
donc réussi un double pari : hisser
le parti créé en 1972 par son père à
son plus haut niveau historique, et,
à travers cette victoire, provoquer
un profond bouleversement de la
scène politique nationale.
Le triomphe du FN
Depuis deux ans, le même scénario se répète : à chaque élection,
le FN progresse nettement par rapport au précédent scrutin équivalent. A la présidentielle de 2012,
Mme Le Pen avait ainsi obtenu
17,9 % des voix, soit 7,5 points de
plus que son père cinq ans plus tôt.
Aux législatives suivantes, le FN
avait rassemblé 13,6 % des suffrages, soit une progression de
9,3 points par rapport à 2007. Aux
municipales de mars, enfin, le parti d’extrême droite a enregistré
une poussée inédite : onze mairies
conquises – il n’en avait jamais
détenu plus de quatre.
Le scrutin de dimanche confirme cette tendance, maisen l’accentuant. Avec près de 25 % des voix, le
FN quadruple son score par rapport aux élections européennes de
2009, arrivant en tête dans cinq
des septcirconscriptionsmétropolitaines. Ce résultat est d’autant
plus remarquable que le niveau de
l’abstention (57 %) est élevé, ce qui
tend à montrer que les électeurs
du FN se sont fortement mobilisés.
C’est dans le Nord-Ouest, où sa
présidente était elle-même tête de
liste, que sa percée est la plus spectaculaire : avec 33,6 % des voix,
Marine Le Pen distance de près de
15 points la liste de l’UMP (18,75 %)
et de plus de 20 points la liste commune au Parti socialiste et au Parti
radical de gauche (11,78 %).
Si les scores très élevés du FN
dans l’Est (28,96 %) et le Sud-Est
(28,18 %) ne sont guère surprenants au regard des scrutins de ces
dernières années, les résultats
qu’il obtient ailleurs sont beaucoup plus étonnants. Dans les
régions traditionnellement rétives à l’extrême droite, les digues
ont sauté. C’est le cas dans le SudOuest, où le FN, avec 24,71 % des
voix, a quadruplé son score de
2009. C’est également le cas dans
l’Ouest: encinq ans,le FN y a multiplié son score par six, passant de
3 % à 19,3 % des suffrages. C’est
enfin le cas en Ile-de-France, où il
arrive en deuxième position, avec
17,3 % des voix.
Tel est l’un des enseignements
majeurs du scrutin : désormais,
aucune partie du territoire, y compris les régions les moins touchées
par la crise et les plus réputées
« europhiles », n’échappe à la flambée de l’extrême droite. Dans la
stratégie de « banalisation » du FN
voulue par Mme Le Pen, un tel élargissement de l’ancrage géographique du parti est un acquis de taille.
La gauche en miettes
Lesrésultatsdes électionsmunicipales le laissaient présager, les
sondages des dernières semaines
aussi, il n’empêche : le résultat
obtenu dimanche par le PS est un
choc. Jamais depuis 1979, date des
premières élections européennes,
son score n’a été aussi bas. Jusqu’alors,l’étiageétait celuide la liste conduite par Michel Rocard en
1994 : 14,5 % des voix. Cette fois, le
PS ne fait en apparence que légèrement moins bien, avec 13,98 % des
suffrages. Mais en réalité, la baisse
est nettement plus préoccupante.
Il y a vingt ans, nombre de sympa-
thisants socialistes avaient voté
pour la liste conduite par Bernard
Tapie (12 %).
Deux ans après l’élection de
François Hollande, le PS se trouve
en somme dans une situation pire
que celle dans laquelle il était à la
fin du second septennat de François Mitterrand, ce qui en dit long
sur la rapidité de son usure au pouvoir. Les scores qu’il obtient dans
certaines régions disent l’ampleur
de la débâcle: 11,78 % dans le NordOuest, soit un recul de 6 points par
rapport à 2009 ; ou encore 13,23 %
dans l’Est, soit un recul de près de
4points en cinq ans, et ce, bien que
la liste du PS y fût conduite par le
charismatique Edouard Martin,
l’ancien leader syndicaliste de Florange.
Pour la gauche dans son ensemble,le scrutinest donc unecatastrophe. En 2009, le faible score du PS
(16,5 %) avait pour corollaire l’excellent résultat enregistré alors
par Europe Ecologie-Les Verts
(16,3%), dûnotammentà la personnalité de celui qui en conduisit la
campagne, Daniel Cohn-Bendit.
Cette fois, EELV n’obtient que
8,91 % des voix. Avec un Front de
gaucheà 6,34 % et une liste Nouvelle donne qui atteint 2,9 %, le total
gauche s’avère donc famélique :
moins de 33 %. Deux ans après son
élection, cette donnée est particulièrement inquiétante pour François Hollande, déjà au plus bas
dans les sondages de popularité.
Une claque pour
l’UMP
Sile PS, et plus largementla gauche, sont un champ de ruines,
l’UMP n’est guère plus flamboyante.Les résultatsdesélectionsmuni-
cipales, en mars, lui avaient apporté une bouffée d’air frais trompeuse.
En dépit de la tragi-comédie de
saguerre des chefsentre Jean-François Copé et François Fillon, fin
2012, le parti était sorti finalement
vainqueurde ce scrutin local,profitant du vote sanction contre la
majorité pour repousser l’heure
des grandes explications. Cette
fois, elle n’a plus d’échappatoire.
L’UMP finit 4 points derrière le FN,
à 20,79 %. Elle est, aussi, près de
7 points derrière son score des
européennes de 2009 (27,88 %).
Une vraie défaite.
Ce mauvais score a plusieurs
causes. La crise de leadership, avec
un Jean-François Copé décrédibilisé, pris dans la toile de l’affaire
Bygmalion, qui le voit soupçonné
d’avoir utilisé des fonds du parti
au profit de ses amis, en est une.
Le grand flou idéologique du
parti, censé lors de sa création, en
2002, réunir la droite et le centre,
en est une autre. Le centre, dimanche 25 mai, avait choisi l’échappée
en solitaire : l’Alternative, qui réunit l’UDI et le MoDem,attelageparfois bancal, mais qui a au moins le
mérite de parler d’une même voix
sur l’Europe, obtient 9,7 % des suffrages, soit un peu plus que le
MoDem en 2009 (8,5 %).
Prise en tenaille entre le centre
et le FN, l’UMP chemine sur une
voie de plus en plus étroite, dans
un exercice impossible de funambulisme. Les jours à venir seront,
pourelle,immanquablementmarqués par des affrontements violents, entre choc des ego et choc
des lignes. Le pire serait qu’ils
soient stériles. p
Pierre Jaxel-Truer
et Thomas Wieder
«Jamais un président n’a été réduit à une base
Pour le politologue Pascal Perrineau, le parti de Marine Le Pen a changé de
PASCAL PERRINEAU est professeur
à Sciences Po et auteur de LaFrance au Front. Essai sur l’avenir du FN
(Fayard, 240 pages, 18euros).
Le Front national en tête du scrutin européen en France, peut-on
parler d’un séisme politique ?
Y
Oui, incontestablement. Au premier
tour de l’élection
présidentielle de 2002, Jean-Marie
Le Pen arrivait en deuxième position avec 16,9% des suffrages et
l’on parlait déjà de séisme et de
raz-de-marée. Avec 25 % des suffrages, les listes du FN sont en première position. C’est du jamais-vu: jusqu’à maintenant le FN oscillait
entre la troisième et la huitième
place aux européennes et il rassemblait en moyenne 9,2 % des
voix sur les six dernières élections
européennes. On voit bien que le
25mai le FN a changé de dimension.
Comment l’expliquez-vous ?
Il y a des causes générales et des
raisons plus spécifiquement françaises. La profondeur de la crise
économique et sociale a entraîné
une réaction extrêmement vive
dans les couches sociales les plus
touchées par celle-ci. Il faut ajouter
un intense malaise vis-à-vis d’une
classe politique considérée comme impuissante et éloignée des
préoccupations des « gens d’en
bas». Mais cette défiance politique
est portée, en France, à son point
d’orgue; l’actuelle majorité au pou-
voir faisant l’objet d’un rejet inconnu dans son ampleur jusqu’alors.
Enfin, la France est particulièrement mal à l’aise avec la globalisation et avec la dimension supranationale de l’Union européenne.
Le nationalisme de fermeture
dont le FN est porteur est en phase
avec la montée de ce nationalisme
inquiet. La récente évolution du
FN qui l’a porté sur le terrain de la
République, de l’Etat protecteur,
de la laïcité et de la réhabilitation
de l’Etat comme acteur essentiel
au plan économique, a ouvert les
perspectives idéologiques et électorales du parti.
Quelles en sont les conséquences pour la France et pour la place de la France en Europe ?
Cette poussée forte du FN qui
l’installe aux avant-gardes de la vie
politique française, va avoir un
impact sur une opinion publique
internationale qui doute déjà des
capacités d’adaptation du pays à la
nouvelle donne économique. Au
plan européen, l’influence française dans les groupes qui font le présent et l’avenir de l’Union européenne (PPE, PSE et libéraux) va se
trouver amputée du fait de l’arrivée d’une vingtaine de députés du
FN. Lesquels ne se préoccupent pas
de participer au compromis européen mais se posent le problème
d’une pure et simple déconstruction qui ne concerne qu’une minorité des 751eurodéputés.
Le FN est-il pour vous un parti
d’extrême droite ou un parti
populiste ?
Certes, le FN comprend aujourd’hui nombre d’héritiers d’une
extrême droite qui l’a porté sur les
fonts baptismaux. Mais, depuis
2011, le parti s’est élargi, a fait évoluer son dispositif idéologique
afin de s’émanciper de la matrice
extrémiste et de se transformer en
parti porteur à la fois d’un nationalisme dont il n’est pas le seul vecteur et d’un populisme qui touche
nombre de familles politiques parfois très éloignées de lui.
Le tripartisme est-il installé en
Le FN a attiré 43%
des ouvriers, 38% des
employés et 37% des
chômeurs. Contre 8%
des ouvriers, 16% des
employés et 14% des
chômeurs pour le PS
France ou faut-il relativiser le score de cette élection défouloir ?
Election après élection, le système bipolaire français est en train
d’évoluer vers un système tripolaire où s’affrontent trois grandes
familles séparées dans leurs tropismes économiques, sociaux et
culturels: la gauche, la droite classique et le national-populisme sans
que l’on puisse voir, à brève
0123
3
européennes 2014
Mardi 27 mai 2014
«La France en éruption volcanique»
Dimanche soir, les responsables politiques ne trouvaient pas de mots face à l’onde de choc
tional
Récit
Les clés du scrutin
Une abstention forte
L’abstention atteint un niveau élevé avec 56,84 % des électeurs qui
ne se sont pas déplacés, dimanche 25 mai, pour les élections
européennes. En 2009, toutefois,
l’abstention était légèrement
plus élevée (59,37 %). Comptabilisé pour la première fois, le vote
blanc a atteint 0,58 %, soit
110 000 bulletins.
Le FN en tête
Le Front national obtient 24,95 %
des suffrages, devant l’UMP
(20,79 %) et le PS (13,98 %). Les
listes UDI-MoDem obtiennent
9,9 % des suffrages exprimés,
EELV 8,91 %, le Front de gauche
6,34 %, Debout la République
3,82 %.
La répartition des 74 députés
Le Front national devrait remporter 24 sièges, l’UMP 20 et le PS 13
– dont un pour son allié PRG – sur
les 74 sièges d’eurodéputés attribués à la France. L’UDI devrait en
obtenir 7, Europe Ecologie-Les
Verts 6 et le Front de gauche 3. Le
dernier siège va à un élu divers
gauche en outre-mer.
Sur le plateau de France 2 lors
de la soirée électorale dimanche
25 mai, plusieurs responsables
politiques ont parlé de « choc ».
BRUNO LÉVY POUR « LE MONDE »
électorale aussi ténue»
dimension avec le scrutin européen du 25mai
échéance, comment la bipolarisation pourrait faire retour par une
inclusion du FN dans une coalition
de pouvoir.
Qui de l’UMP ou du PS
est le plus vulnérable ?
Les deux partis de gouvernement sont atteints. Cela fait longtemps que le FN n’est plus seulement une question politique posée
à la droite française mais aussi une
question sociale majeure posée à la
gauche. Dimanche 25mai, selon un
sondage Ipsos-Steria, les listes du
FN ont attiré 43% des ouvriers qui
se sont déplacés aux urnes, 38%
des employés et 37% des chômeurs. Les listes du PS ont attiré à
elles 8% des ouvriers, 16 % des
employés et 14% des chômeurs.
François Hollande est-il directement menacé par cette nouvelle
donne ?
Jamais un président de la République n’a été réduit à une base
électorale aussi ténue. Sa faiblesse
politique est extrême, et la performance du FN est aussi celle de sa
capacité à porter avec le plus de
véhémence le rejet du chef de
l’Etat. 69% des électeurs du FN ont
voté avant tout pour manifester
leur opposition au président et au
gouvernement (contre 34 % dans
l’ensemble de l’électorat).
Au-delà du président, la majorité au pouvoir ne peut qu’appeler à
un rassemblement autour de projets qui ne chercheront plus à cliver la société française que ce soit
sur le terrain sociétal ou économique. D’autre part, le désarroi de
nombre de couches populaires exige de dégager un projet fort où les
efforts demandés seront mis en
cohérence dans un projet de solidarité sociale à l’horizon 2020. L’ampleur de la crise économique, sociale et politique appelle un véritable
« new deal» à la française. Reste à
savoir qui peut le porter de manière forte et crédible dans le dispositif affaibli de la gauche au pouvoir.
Pourquoi l’UMP n’est-elle
pas parvenue à poursuivre
sur sa lancée des municipales ?
Dans les élections municipales,
directement productrices de pouvoir au plan local, l’expérience gestionnaire et la culture de gouvernement du grand parti d’opposition
ont emporté la conviction. Dans
les européennes, les fonctions
purement expressives et tribunitiennes du vote l’ont emporté.
La situation est-elle si grave
qu’elle appelle
une recomposition politique ?
Cette implantation du FN au
cœur de l’électorat, même si elle
connaîtra des reclassements, marque une rupture. La réplique de la
présidentielle de 2002 est tout à
fait possible avec cette fois-ci un
FN désenclavé, situé au cœur du
malaise national et capable d’attirer à lui des électeurs que le FN de
2002 était incapable de séduire. p
Propos recueillis par
Françoise Fressoz
C
omment l’appeler, ce monstre ? Comment nommer cet
événementqui placel’extrême droite largement en tête,
devant l’UMP et le PS ? Un
Super-21 avril européen ? Une
catastrophe nucléaire ? Un
Blitzkrieg électoral ? Un tsunami
politique? Rien de tout ça. Dimanche 25 mai au soir, alors que dans
toutes les permanences électorales de France, on cherche les mots
pour décrire cette raclée aussi
inquiétantequ’historique,les politiques, sur les plateaux de télévision, se montrent étonnamment
prudents. Comme si, malgré la
catastrophe
annoncée,
ils
n’avaient rien à dire.
Pas de cris, pas de larmes Qu’il
est loin ce 21 avril 2002, quand Lionel Jospin avait parlé de « coup de
tonnerre » et que ses supporters
– mais aussi des journalistes –
s’étaient mis à pleurer. C’est pourtant pire : cette fois, le FN se trouve
en tête d’une élection nationale. Le
patron de l’UMP (20,79 %) JeanFrançois Copé, parle de « colère du
peuple français contre la politique
conduite dans notre pays ». Rue de
Solférino, au siège du PS, précipité
à son plus bas niveau historique
(13,98 %), Jean-Christophe Cambadélis retient lui aussi ses mots,
sans superlatif ni dramatisation :
« Ce jour restera dans nos mémoires comme un jour sombre.»
Il ignore que, quelques minutes
plus tard, le premier ministre, costume et cravate d’enterrement, va
parler de « moment très grave », de
« choc », de « séisme». Un tournant
dansla soirée. Avantlui, surles plateaux, Jean-Luc Mélenchon, l’un
des grands perdants de la bagarre,
était seul à parler de « crise de civilisation». « Le Front national en tête
de ce scrutin est une information
suffocante, juge l’eurodéputé du
Front de gauche avant de quitter le
plateau.Noussommes les spécialistes en Europe des catastrophes et
des crises sociales qui tournent
mal. Je suis très triste pour ma
patrie. La France est entrée en éruption volcanique et ça commence
toujours par des pluies acides. »
de France, ce n’est pas la vérité ».
L’élément de langage commence à
ressembler à un déni de réalité.
« Les soirées électorales à la
télé, c’est démodé » Le seul
endroit où l’on parle cru, c’est sur
Internet. Dailymotion pour FranzOlivier Giesbert (FOG), Mediapart
pour Edwy Plenel, les européennes 2014 resteront celles des soirées télé alternatives. « Regarder
les soirées électorales à la télé, c’est
démodé », explique dans un clip
FOG, le patron du Point. Autour de
sa table, Elisabeth Lévy, Jean-François Kahn et Philippe Tesson s’étripent comme au temps de « Droit
de réponse», entre deux assiettes
froides.
Mediapart a réuni pour sa part
un salon très CNRS et des invités
– le Vert Julien Bayou, la socialiste
Marie Noëlle Lienemann et Pierre
Larrouturou, fondateur de Nouvelle Donne – auxquels Edwy Plenel
fait la leçon de la division. Ici, on
fait de François Hollande « le premierresponsabledelasituationprésente », et on juge que l’arrivée de
Manuel Valls à Matignon a même
«peut-être amplifié les choses».
Tous les correspondants à
l’étranger le disent : l’événement
de ces élections européennes, c’est
la première place acquise, en France, par un parti d’extrême droite.
Edwy Plenel rappelle d’ailleurs
que Marine Le Pen, ce n’est pas une
« nouvelle extrême droite, elle est
habile et neuve dans ses tactiques
mais son socle, c’est le même laboratoire intellectuel qu’il y a un siècle ». Mais ce n’est pas l’avis de tout
le monde.
Mme Le Pen est-elle la fille de son
père ? Moins dangereuse ? Plus
effrayante au contraire ? Le débat,
né il y a quatre ans, est balancé.
L’une des premières à apparaître
sur le plateau de TF1, Ségolène
Royal évite soigneusement de parler d’extrême droite : « Un électeur
sur quatre a voté pour un parti violemment anti-européen», dit-elle.
Et sur France 2, où il a fini par
migrer en fin de soirée, FOG lance
un mea culpa : « Je fais partie des
connards qui ont diabolisé Le Pen.»
Le problème Hollande Pas de
François Hollande, ce soir, à la télé.
Il est resté à l’Elysée. Seul un communiqué fait savoir qu’une réunion de crise est prévue lundi avec
plusieurs ministres. « François
Hollande est un François Mitterrand au petit pied », lâche
Bruno Le Maire sur TF1. Sur les
« télés libres », on ne mâche pas
non plus ses mots. « Crétin des
Alpes », « Cresson du sexe masculin », lance le polémiste Philippe
Tesson. « Je ne suis pas d’accord,
Cresson était pas mal », répond
Jean-François Kahn.
C’est un député UDI, François
Sauvadet, qui, sur Tweeter, vient
siffler la fin de la récréation.
« Démission de Hollande ? Tout ce
qui excessif en devient insignifiant », écrit l’ancien ministre en
citant Talleyrand.
« Il y a quand même une bonne
nouvelle, lâche Laurent Fabius sur
le plateau de France 2 pour tenter
d’égayer la soirée et de prendre de
la hauteur, c’est l’élection probable
à Kiev de quelqu’un qui va favoriser l’unité ukrainienne. » Mais
Rachida Dati, qui fulmine contre
tout le monde, leur oppose une
abrupte fin de non-recevoir :
« L’Ukraine, je crois pas que ce soit
la préoccupation des Français ce
soir. »
Le nouveau maire de Kiev, l’exchampiondu monde de boxe Vitali Klitschko, un des chefs de file de
la contestation pro-occidentale, a
heureusement l’esprit plus large.
« Vous êtes sûr que vous voulez
vraiment aller vers l’Europe ? », lui
demandel’envoyé spécial de France 2 après l’annonce de la victoire
du FN aux européennes. « Oui, lui
a-t-il répondu, parce qu’au moins,
en France, vous pouvez prendre
des déculottées ! »
Sarkozy, le grand absent Il avait
envoyé une tribune au Point, trois
jours plus tôt. Mais ce soir, Nicolas
Sarkozy est aux abonnés absents.
Son ami Brice Hortefeux est
devancé dans la région Centre par
un illustre inconnu du FN. Rachida Dati explique, elle, que les primaires réclamées par Alain Juppé
en 2016 ne sont pas le problème
du jour, Nathalie Kosciusko-Morizet réclame une alliance avec le
centre, le maire de Bordeaux et
François Fillon mettent en cause
la présidence de Jean-François
Copé, un bureau national houleux
de l’UMP est convoqué mardi,
mais Nicolas Sarkozy est ailleurs.
Il a suivi Carla Bruni à Tel-Aviv,
où elle donnait un concert dimanche soir. Il est applaudi par la salle
aux cris de « Nicolas ! Nicolas ! »
quand il s’est avancé vers sa place,
s’est prêté au jeu des selfies avec
des spectateurs, mais a refusé de
commenterla Berezinade son parti. p
Ariane Chemin
« Front national, premier parti
de France » Manque d’imagina-
tion? Politiqueset journalistespuisenttoujours dans le lexique tectoniquequandles urnescréentlasurprise. « Tremblement de terre », dit
Jean-Marie Le Pen tandis qu’à gauche « séisme » tourne en boucle.
Cette fois, pourtant, les sondages
ne s’étaient pas trompés. Chacun
avait eu le temps de se préparer.
« C’est pas la peine de paraître surpris pour commenter des résultats
que tout le monde connaissait
d’avance! », s’agace l’ancienministre socialiste des affaires étrangères Hubert Védrine sur France 2.
Superstition ou prudence, au
siègeduFN, lesfrontistesont attendu 20 heures pour épingler au
mur, derrière le pupitre de Marine
Le Pen, leurs affiches victorieuses :
« Front national, premier parti de
France». C’est la triste vérité. Pourtant, ailleurs, on temporise, on
minimise. « Il faut arrêter les illusions d’optique, dit Jean-François
Copé.Il faut ajouterles scores de l’UDI puisque nous étions ensemble
en 2009. Et s’il y avait eu un second
tour… »
Sur La Chaîne Parlementaire, le
socialiste David Assouline explique que les 26 % du FN n’en « font
pas le premier parti de France, car il
faudrait d’autres élections avec
plus de votants pour juger». Même
discours pour l’ancienne ministre
Elisabeth Guigou : « Il est faux de
dire que le Front national est le premier parti de France, comme on
l’entenddire ici ou là. Un parti, ça se
mesure aux législatives, aux présidentielles et aux municipales.»
Un des rares ministres à montrer son nez ce soir, Stéphane
Le Foll, juge aussi que « dire que le
Front national est le premier parti
TIS S OT LU XU RY AU TO MATIQ U E. MOUVEMENT POWE R M AT I C 8 0 ,
O FFICIEL L EM EN T CER T IFIÉ CHRO N O M È T RE PA R L E COSC
( C O N T R Ô L E O F F I C I E L S U I S S E D E S C H RO N O M È T R E S ) , O F F R A N T
JUSQ U’À 8 0 HEUR ES DE R ÉSERVE DE MA RC HE AVEC UN B O ÎT IER
EN ACIER INOXYDA B L E 3 16 L . I N N OVAT E U RS PA R T R A D I T I O N .
T I S S OT S H O P. C O M
**
B O U T I Q U E S T I S S OT
76 , AV E N U E D E S C H A M P S - E LYS É E S – 7 5 0 0 8 PA R I S
G A L E R I E D E S A RC A D E S, AV E N U E D E S C H A M P S - E LYS É E S – 7 5 0 0 8 PA R I S
*J USQ U ’À 8 0 HEURES DE RÉSERV E DE M A RCHE
** M O N T RES SUIS S ES DE LÉGEN DE DEPUIS 18 5 3
4
0123
Mardi 27 mai 2014
FN Florian Philippot, le numéro deux du Front national. Le parti frontiste est arrivé en tête du scrutin
avec 24,95 % des voix et obtient 24 sièges au Parlement européen. BRUNO LÉVY POUR « LE MONDE »
PS Manuel Valls à sa sortie de RTL, lundi matin. Le premier ministre a assuré à l’antenne qu’il ne fallait
pas changer de « feuille de route » et a demandé du « temps ». JEAN-CLAUDE COUTAUSSE-FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »
Marine Le Pen franchit un nouveau palier
La présidente du FN voit, dans la première place de son parti, le signe d’une recomposition politique
M
arine Le Pen a réussi son
pari : elle a placé son parti, le Front national, en
tête des élections européennes.
Jusqu’alors, celles-ci n’avaient
jamaisétéde bonscruspour ce parti, mis à part en 1984 où, avec 11 %
des voix, le FN avait fait irruption
sur le devant de la scène politique
hexagonale.
Depuis des mois, Mme Le Pen pronostiquait que le FN allait devenir
le « premier parti de France ». Une
façonde fixer un objectif à ses troupes et de mobiliser son électorat
potentiel. La méthode a marché.
Avec 24,95% des suffrages, elle s’offre le scalp de l’UMP (20,79%) et du
PS,loinderrière(13,98%).LeFNarrive en tête dans cinq circonscriptions sur huit, avec des pointes
dans ses zones de forces du NordOuest (33,61%), de l’Est (28,96 %) et
du Sud-Est (28,18%).
«Avec ce résultat, on va construire les victoires de demain. C’est un
socle. Une nouvelle bipolarisation
apparaît: le FN contre l’UMPS. C’est
une recomposition de la vie politique, déclare Mme Le Pen au Monde.
Le clivage est désormais entre les
nationaux et les mondialistes. »
Une phrase qu’elle répète depuis
des années, comme un mantra.
Pour la présidente du FN, « un barrage a sauté. La diabolisation, c’est
fini. On va parler politique, des
grands choix pour la France».
«Quand on dépasse 20% des suffrages, on passe une étape. Surtout
quand cela se fait contre l’ensemble
des partis », avance aussi Florian
Philippot, numéro deux du FN.
Mme Le Pen veut pousser au maximum son avantage et mettre la
pression sans discontinuer sur les
partis de gouvernement. De l’exécutif, elle exige la dissolution et
l’instauration de la proportionnelle. De l’UMP, elle n’attend qu’une
chose, sa dislocation, pour devenir
hégémonique dans l’opposition.
«On assiste à un rejet global du système. C’est une espèce de révolution
patriotique», estime-t-elle encore.
Entoutcas,Mme LePenabordeles
prochaines échéances en position
de force. Les régionales, un scrutin
plutôt favorable au FN, pourraient
voir se parachever une recomposition de la droite avec une UMP qui,
sous la pression, pourrait multiplier les accords avec le parti lepéniste. Et ne pas survivre à ses coups
de boutoir. Mais le véritable objectif de Marine Le Pen, c’est 2017. Et
l’arrivée au pouvoir. Les frontistes
en sont persuadés: la conquête de
l’Elysée est désormais « possible».
«Avec 25 %, c’est un vote d’adhésion que l’on voit ce soir, affirme
Marine Le Pen. Surtout avec nos
positions très tranchées sur les
sujets européens. Pour faire un tel
score, l’on a dû prendre à droite
mais aussi à gauche. » Selon IpsosSteria, la formation de Marine
Le Pen a su convaincre non seulement les jeunes de moins de 35 ans
– 30 % de ceux d’entre eux qui ont
voté ont donné leur voix au FN –
mais, surtout,l’électoratpopulaire.
Dimanche, 38 % des employés et
43 % des ouvriers lui ont apporté
leurs suffrages. La gauche, sur ce
qui constitue historiquement son
cœur de cible, est laminée : seulement 8 % des ouvriers et 16 % des
employés ont voté PS.
Cette victoire sans appel, c’est en
grande partie à Marine Le Pen que
le parti d’extrême droite la doit. En
2009, le FN réalisait à peine un peu
«Pour faire
un tel score, on a dû
prendre à droite
mais aussi à gauche »
Marine Le Pen
présidente du Front national
plus de 6% des voix. Certains analystes le donnaient pour mort. Et
Mme Le Pen semblait bien seule lorsqu’elle nous assurait que ces résultats marquaient «le retour du FN».
Que s’est-il passé ? Comment
expliquer qu’en cinq ans un parti
moribond rassemble un quart des
suffrages? « Le contexte a changé.
On avait raison trop tôt, et les faits
ont rejoint ce qu’on disait, dit Mme Le
Pen.Surtout,noussommesdevenus
un parti de gouvernement qui n’a
pas les mêmes exigences que quand
il était un parti de contestation.»
Lastratégiedite«dedédiabolisation » a joué un rôle de premier
ordre dans la montée électorale du
FN. Car, même si le programme du
parti n’a pratiquement pas bougé
depuisl’accessiondeMarineLePen
à la tête de celui-ci en 2011, l’accent
mis sur les problématiques économiques et sociales, le verbe moins
haut, également, de Mme Le Pen, ont
rassuré une partie des électeurs.
Elle-mêmea su changer,d’abord
physiquement lorsqu’il s’est agi de
naître médiatiquement,mais aussi
sur le fond. Elle a beaucoup travaillé. «Elle a su prendre de la hauteur par rapport au début. Elle a
gagné en sens politique. Elle s’est
rendu compte que, pour arriver au
pouvoir, il fallait certes séduire,
mais surtout convaincre», raconte
un proche. Un autre dirigeant ne
lésine pas: «Elle vit son rôle comme
un sacerdoce. Elle est très exigeante
avec elle-même.»
Maislepointessentielpourcomprendre les résultats de dimanche
reste le discours économique du
FN.Depuis 2011,Mme Le Pen ne cesse
de marteler son message de lutte
contre la mondialisation économique et ses injustices, incarnée selon
elle par l’Union européenne. Elle a
aussi fait de l’euro un épouvantail,
responsable de tous les malheurs
économiques de la France.
Derrière ces évolutions, on ne
peut ignorer le rôle que tient FlorianPhilippot.«Il est incontestablement efficace et contribue à sa nouvelle image. Sa stratégie axée sur
l’économie marche », souligne un
dirigeantFN,qui pourtantn’est pas
un proche de l’énarque. Le principal intéressé se borne à reconnaître
qu’ils sont « très proches» et qu’ils
partagent «la même vision».
Il n’en demeure pas moins que
ce score historique ne règle pas
tous les problèmes pour Mme Le
Pen. Quoi qu’en disent ses dirigeants, le FN manque encore de
cadres locaux qui sont autant de
relais, sur le terrain, pour diffuser
les idées du parti. Même si le retard
commence à être comblé grâce à
l’élection de plusieurs centaines
d’élus dans les conseils municipaux en mars. Et, si la victoire aux
européennes est impressionnante
–pourlapremièrefoisdansl’histoiredelaVe République,unpartid’extrême droite arrive en tête à une
élection–,ellerisqued’êtrepeuopérante. Le FN n’est pas sûr de pouvoir constituer un groupe au Parlement, faute de partenaires élus. p
Abel Mestre
«Si vous ne gueulez que chez vous, ça ne sert à rien»
Reportage
Marseille
Correspondance
Dimanche soir, le dépouillement
du bureau 1 333, à Marseille, n’a
pas duré longtemps. A 20heures,
le président et ses assesseurs
– deux militants UMP et un élu
Front national – se sont assis pour
compter les 180 bulletins contenus dans l’urne. Le taux de partici-
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pation vient de s’arrêter à 12,90 %.
L’un des pires scores de Marseille
pour ce bureau du 13e arrondissement où, au premier tour de la
présidentielle de 2012, près de
70 % des inscrits étaient venus
voter, plaçant François Hollande
très largement en tête.
Deux ans plus tard, Vincent
Peillon et le PS arrivent toujours
premiers. Mais, dans ce scrutin
européen, l’ancien ministre de
l’éducation récolte 42 voix… sur
1 395 possibles. Guère plus que
Jean-Marie Le Pen, tête de liste FN
pour le Sud-Est, ou l’UMP Renaud
Muselier, pourtant ancien premier adjoint de la ville (respectivement 34 et 33 voix). Un recul cinglant et généralisé.
« Les européennes, ici, personne
n’y comprend rien », s’excuse presque Abderahmane, 70 ans, dont
« trente-six passés dans les hydrocarbures». Canne en main, lunettes noires, cet ouvrier retraité « à
900 euros par mois» est venu
voter « pour l’amélioration du
quartier». « Ces arrondissements
sont les rebuts de Marseille, souffle-t-il, désabusé. On nous a abandonnés et les jeunes ne croient plus
aux politiques.»
Le 1 333 est installé dans une
jolie école primaire, havre cerné
par Les Lauriers et Les Cèdres,
deux cités déglinguées des quartiers nord de Marseille. Quelques
propriétaires de villas complètent
l’électorat de cette zone précarisée. En ce dimanche, sur la rue
qui mène au bureau de vote, un
« chouf » fait le pied de grue tous
les cinquante mètres. Quatre ou
cinq guetteurs, symboles immobiles, signalent les points de vente
de drogue et alertent le quartier à
l’approche des « képis».
En mars, pour les élections
municipales, le scrutin était électrique. Au bout de deux tours tendus,
le 7e secteur, regroupant les 13e et
14e arrondissements, s’est donné
au frontiste Stéphane Ravier. Le
1333, lui, a résisté à la poussée FN:
l’ex-président de l’OM Pape Diouf
y a réussi un de ses meilleurs scores et le PS y est sorti en tête.
Ce jour-là, Ali, 41 ans, 3 enfants,
avait voté Front de gauche. Comme aujourd’hui. « Parce que je suis
un ouvrier et que ce parti est le
seul qui prend en compte notre
situation. Moi, je travaille sept
jours sur sept et je n’ai pas de quoi
refaire mes dents », assure-t-il en
montrant son sourire dévasté. En
2012, Ali a cru en Hollande. Maintenant, il s’en « mange les doigts ».
«Cesarrondissements
sontles rebuts de
Marseille.Onnousa
abandonnés, etles
jeunesne croient plus
auxpolitiques»
Abderahmane, 70 ans
L’Europe? Il la voit « tous les jours
sur les chantiers ». « Je croise des
gens qui ne parlent même pas
français… On les fait venir ici alors
que nos jeunes sont tous au chômage », lance-t-il, incrédule.
Ce dimanche, le tic-tac de l’horloge murale meuble les longs
moments sans électeur. Entre les
trois bénévoles, l’ambiance reste
cordiale. « Et cette fois, les socialistes n’ont envoyé personne », se
réjouit, étonné, Dany Lamy,
adjoint d’arrondissement FN à la
sécurité. « On ne va pas se mentir,
nous n’avons pas fait campagne,
concède Stéphane Mari, le nouveau président du groupe PS au
conseil municipal. Nous sommes
encore KO debout et nos militants,
pas plus que les élus, ne se sont
investis.»
Au 1 333, un père, une mère et
leur fils s’emportent devant l’alignement interminable des bulletins des 23 listes. Sur la table qui
déborde, ils ne trouvent pas celui
du Front national. Jonathan, le
fils, 28 ans, porte le tee-shirt d’un
jeu vidéo – Sniper Elite V2 – dont
le logo ressemble à s’y méprendre
à un aigle de la Wehrmacht. Comme son père, retraité, il vote FN
pour sanctionner « le système
UMPS » et parce que « si vous ne
gueulez que chez vous, ça ne sert à
rien ». Comme Marine Le Pen, il
pense que «sortir de l’euro relancera les exportations françaises ». En
bac pro logistique, le jeune homme espère même que « la fin de la
monnaie unique [l]’aidera à trouver un emploi ».
« Les gens aiment l’Europe,
mais ils n’aiment pas son fonctionnement », analyse Mathieu Dorschener, le président du bureau, en
se préparant un énième café.
« Combien ils sont à Bruxelles et
combien ils gagnent? », questionne, en écho, Amar, mécanicien au
chômage. Il a donné sa voix à
Mélenchon et tenté de convaincre, en vain, son beau-frère et sa
femme de l’accompagner: « Mais
ils disent que voter ne leur rapporte plus rien. » « C’est la conséquence du clientélisme du PS local »,
assène l’élu FN Dany Lamy. p
Gilles Rof
0123
européennes 2014
Mardi 27 mai 2014
UMP François Fillon, au siège de son microparti, à Paris, dimanche soir. Arrivé deuxième, avec 20,79 %,
l’UMP enverra 20 représentants au Parlement européen. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
5
PS Le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Le PS obtient son plus faible
score aux européennes (13,98 %) et n’aura que 13 sièges à Strasbourg. M. AWAAD/IP3 POUR « LE MONDE »
Le désespoir d’Edouard Martin: «Une déculottée sans nom!»
Dans la circonscription Est, le FN arrive nettement en tête, avec 28,96%. Le PS est relégué en troisième position
Metz
Envoyée spéciale
L
esquelquescopainsdeFlorange (Moselle), réunis dans une
sinistre petite salle de la banlieue de Metz, se poussent du coude depuis un moment. « Tu crois
qu’onpeuttoutdemêmeallerféliciter Edouard ? », a demandé l’un.
« Franchement, attends un peu… »,
asoufflél’autre.Personnen’a encore touchéà la bière et aux chips.Par
la fenêtre, sur le parking, ils regardent tous Edouard Martin fumer
nerveusement sa énième cigarette
et aucun n’ose aller congratuler le
syndicaliste d’Arcelor pour son
élection au Parlement européen.
Depuis 19 heures, les militants
téléphonent au QG de la tête de liste socialisteles résultatsdansla circonscription de l’Est, et ils sont si
désastreux pour la gauche qu’on
leur fait parfois répéter deux fois
pour être sûr.
Edouard Martin, lui, a vite compris : « C’est une déculottée sans
nom ! » Presque partout, dans les
18 départements de cette circonscriptionqui regroupe Alsace,Bourgogne, Champagne-Ardenne, Lorraine et Franche-Comté, le FN
mené par Florian Philippot a écrasé ses adversaires avec 28,96 % des
voix et quatre sièges au Parlement. L’UMP, conduite par Nadine
Morano, sauve les meubles avec
22,72 % des suffrages et trois sièges, mais le PS, avec ses 13,23 % des
voix n’aura qu’un seul élu.
Même à Florange, où l’ouvrier a
mené le combat pour la défense
des sidérurgistes lorrains, Edouard
Martin n’arrive qu’en troisième
position (18,55 %) derrière le FN
(31,21 %) et l’UMP (19,90 %). A Guénange, l’ancienne cité-dortoir des
Le FN arrive en tête dans
70% des départements
LE FRONT NATIONAL est l’incontestable vainqueur de ces élections européennes. Signe manifeste de cette spectaculaire percée, le
nombre de départements où il
arrive en tête : 71 sur 101. Le parti
d’extrême droite réalise son
meilleur score dans l’Aisne, avec
40,02% des suffrages. Viennent
ensuite le Pas-de-Calais (38,87 %),
l’Oise (38,22 %), la Somme (37,15 %),
le Vaucluse (36,42 %), les PyrénéesOrientales (35,23 %) et le Var
(34,96 %). Autant de zones traditionnelles où il réalise habituellement ses meilleurs résultats.
Il franchit encore la barre des
30 % dans 18 autres départements: Eure, Haute-Saône, Meuse, Ardennes, Alpes-Maritimes,
Haute-Marne, Gard, Nord, Bouches-du-Rhône, Aube, Vosges, Yonne, Moselle, Aude, Tarn-et-Garonne, Orne, Territoire de Belfort,
Haut-Rhin. Seuls 23 départements
lui accordent moins de 20 % des
suffrages: Landes, Puy-de-Dôme,
Corrèze, Deux-Sèvres, Cantal, Maine-et-Loire, Aveyron, Lot, Mayenne, Yvelines, Côtes-d’Armor, Pyrénées-Atlantiques, Val-de-Marne,
Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine,
Finistère, Guyane, Réunion, Hautsde-Seine, Paris, Guadeloupe,
Mayotte, Martinique.
24 eurodéputés frontistes
En recueillant 24,95 % des suffrages au niveau national, il multiplie pratiquement par quatre son
score de 2009 (6,34 %). Il envoie
24 représentants au Parlement
européen, soit huit plus que lors
de la précédente législature.
Compte tenu du niveau élevé
d’abstention (56,84%), il ne retrouve pas, toutefois, le nombre de
voix de Marine Le Pen au premier
tour de la présidentielle: 4 701 051
voix contre 6 421 426, soit un peu
plus de 1,7 million de voix d’écart.
Le FN arrive en tête dans cinq
des grandes circonscriptions:
Nord-Ouest (33,61 %, contre
10,18% en 2009), Est (28,96 %
contre 7,57 %), Sud-Est (28,18 %,
contre 8,49 %), Sud-Ouest (24,71 %
contre 5,94 %), Massif central-Centre (24,18 % contre 5,12%). Il est
devancé par l’UMP dans l’Ouest
(19,30% contre 3,06%) et en Ile-deFrance (17,31 % contre 4,40 %), et
recueille 10,24% des suffrages en
outre-mer, où il se classe en quatrième position alors qu’il n’avait
pas présenté de liste en 2009.
A l’occasion de ce scrutin européen, le parti d’extrême droite
devient la première force électorale dans 16 régions administratives
de métropole sur 22. Il dépasse la
barre des 30 % en Picardie
(38,39%), Nord-Pas-de-Calais
(35,15%), Provence-Alpes-Côted’Azur (33,21%), Languedoc-Roussillon (31,47%), Champagne-Ardenne (31,32%), Haute-Normandie
(31,24%), Lorraine (30,53 %).
Le parti lepéniste obtient plus
de 30 % dans 40villes de plus de
30 000 habitants. Dans cinq d’entre elles, il franchit même le seuil
de 40 % des suffrages exprimés:
Marignane (49,33 %), Liévin
(43,30%), Wattrelos (42,71%), Fréjus (41,96 %), Vitrolles (40,38 %).
C’est à Paris qu’il réalise son plus
faible score dans une ville de plus
de 30 000 habitants en métropole, avec 9,31 % des suffrages exprimés. Suivent Rennes (9,35%), Issyles-Moulineaux (9,67 %), Boulogne-Billancourt (9,83 %), Nantes
(10,09%), Neuilly-sur-Seine
(10,26%). p
Patrick Roger
hauts fourneaux où il a grandi et
où les socialistes tiennent la mairie
depuis trente-cinq ans, le FN l’emporte de 13voix sur la gauche. Plus
de 40 % des ouvriers de l’Est ont
votéFN.«Lerésultatestcatastrophique», enrage Edouard Martin.
« Je leur ai pourtant dit, tout au
long de ma campagne: ne confondez pas les votes. Quoi qu’il arrive,
Hollande restera président», s’agace-t-il, avant de constater : « Le FN
s’est installé dans le paysage et ce
n’estplus seulementuncri decolère.
J’ai bien peur que les idées frontistes
s’ancrent de manière radicale dans
la tête de nos concitoyens.»
Maisil combatencore: « Lesélecteurs doivent prendre leur part de
responsabilité.Quandj’entendsFlorian Philippot dire qu’on peut faire
comme la Grande-Bretagne et vivre
sans l’euro, il faut que les gens comprennent que la croissance anglaise
se paye sur le dos des ouvriers. Que
ceuxquisontallésàlapêchenepleurent pas quand le libéral JeanClaude Juncker sera président de la
Commission! »
Victoire « amère »
Non loin de lui, Antoine Terrak,
un de ses ex-compagnons de route
d’Arcelor, résume son désespoir :
« Les ouvriers qui ont voté Front
national ont voté contre euxmêmes…» Autour d’eux, on ne sait
plus trop quoi dire pour expliquer
la défaite cinglante. « La gauche ne
fait plus rêver, reconnaît le responsable CFDT du groupe sidérurgiste,
Patrick Auzanneau. On paye
d’avoir promis des choses qu’on ne
pouvaitpas tenir et ce sont nossympathisants qui se sont abstenus.»
Jean-Pierre Masseret, le président(PS) du conseilrégionaldeLorraine, écoute stoïquement une
Guadeloupe
1
Eure
Vendée
DeuxSèvres
CharenteMaritime
La Réunion
Aube
Loiret
Vienne
Lot-etGaronne
Landes
Gers
PyrénéesAtlantiques
HautesPyrénées
Loire
Savoie
Isère
Cantal
Lot
Tarn-etGaronne
HauteSavoie
Rhône
Puy-de-Dôme
Dordogne
Gironde
Territoire
de Belfort
Jura
Ain
Creuse
HautRhin
Doubs
Saône-etLoire
Allier
Corrèze
Mayotte
Côted'Or
Nièvre
Cher
HauteVienne
Vosges
HauteSaône
Indre
Charente
HauteMarne
Yonne
Loir-etCher
Indreet-Loire
Bas-Rhin
Meurtheet-Moselle
4
3
Moselle
Meuse
Marne
2
Sarthe
Maineet-Loire
LoireAtlantique
Val-de-Marne
Ardennes
Oise
Eure-etLoir
Mayenne
Martinique
Guyane
Aisne
Orne
Côtesd'Armor
Morbihan
1-Val-d'Oise
2-Yvelines
3-Essonne
4-Seine-et-Marne
Calvados
Ille-etVilaine
Paris
Somme
SeineMaritime
Le Front national n’arrive pas
en première position
Finistère
Seine-SaintDenis
Nord
Le Front national arrive
en première position
Manche
Raphaëlle Bacqué
Hautsde-Seine
Pas-deCalais
Le Front national arrive en première position
avec plus de 30 % des suffrages exprimés
De Paris, où elle suit les résultats
dans sa région Lorraine, la ministre
de la culture, Aurélie Filippetti, ne
dit pas autre chose : « On n’a pas
choisi Edouard Martin pour le jeter
comme un Kleenex après les résultats. Il a un parcours remarquable
et au moins, il y aura un ouvrier au
Parlement européen!»
En attendant, le nouvel eurodéputé a la victoire « amère ». Sur les
écrans de télévision, il regarde distraitement les anciens et les nouveaux ministres de droite et de
gauche expliquer leur « choc »
devant la poussée du FN dans toute la France et celle des conservateurs dans toute l’Europe. Alors,
l’ancien ouvrier,les yeux rougisde
fatigue, demande doucement: « Il
y a 27millionsde chômeursen Europe. Que veulent-ils, ceux qui sont
là-haut ? La guerre? » p
vieille militante qui « ne comprend plus ce que fait là-haut François Hollande ». Sur les tables, on a
apporté du pain, du saucisson et
du fromage pour réconforter les
maigres troupes qui regardent,
assommées, les résultats s’égrener
sur les écrans de télévision.
Quelques militants socialistes,
qui avaient discrètement envisagé
qu’Edouard Martin puisse laisser
sa place d’eurodéputé à Catherine
Trautmann, la deuxième de la liste
laisséeautapismalgréquatremandats au Parlement européen, ont
vite renoncé à leurs illusions : en
Alsace, terre d’élection de l’ancienne maire de Strasbourg, le PS glane
tout juste 10 % des suffrages.
Mme Trautmann, au téléphone, n’a
tenté aucune négociation. La direction nationale du PS non plus,
laquelle avait choisi ce syndicaliste
charismatiquecomme tête de liste.
HauteLoire
Ardèche
Lozère
Drôme
Aveyron
Gard
Tarn
Hérault
HauteGaronne
Vaucluse
Bouchesdu-Rhône
HautesAlpes
Alpes-deHauteProvence
AlpesMaritimes
Var
Aude
Ariège
HauteCorse
PyrénéesOrientales
Corsedu-Sud
SOURCE : LE MONDE ; MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
6
0123
Mardi 27 mai 2014
Front de gauche Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de France 2, dimanche soir. La formation a obtenu
6,34 % des suffrages, un score comparable à celui qu’il enregistrait en 2009 (6,05 %). BRUNO LEVY POUR « LE MONDE »
EELV Yannick Jadot et Emmanuelle Cosse dans les locaux de France Télévisions.
Avec 8,91 % des voix, contre 16,28 % en 2009, le parti perd huit eurodéputés. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE »
François Hollande plus fragilisé que jamais
Le chef de l’Etat, qui se rend à Bruxelles mardi pour un sommet européen, a présidé une réunion de crise lundi matin à l’Elysée
J
e regarde les choses en face », a
répété François Hollande à ses
conseillers,aveclesquelsil a passé la soiréedans son bureau, à l’Elysée. Le président, qui avait effectué dimanche 25 mai en voiture
l’aller-retour à Tulle, comme à la
belle époque où il était premier
secrétaire du PS, celle où il sentait
encore le pays, n’a pu que se rendre à l’évidence : « C’est un choc, un
séisme », a dû concéder le premier
ministre Manuel Valls, selon des
éléments de langage calés un peu
plus tôt, par téléphone, avec le
chef de l'Etat.
Sur l’échelle de Richter des
gifles électorales subies par le hollandisme,cette deuxièmecatastrophe en moins de deux mois a tout
de la réplique sismique. « C’est
durable », soupire un conseiller
ministériel atterré.
Si la déroute aux municipales
avait fait vaciller sur ses bases locales la formationmajoritaire atteinte dans ses fondations mêmes, le
désastreeuropéen,sur le plan symbolique, se révèle plus dévastateur
encore. L’on ne sait, au fond, ce qui
est pire : d’atterrir en troisième
position, plus de dix points derrière le Front national qui, fort de
24,95 % des voix, remporte pour la
première fois un scrutin national
en France. De pointer à six longueurs derrière l’UMP, qui
recueille 20,79 % des voix. Ou de
plonger, avec 13,98 % des suffrages, sous la ligne de flottaison des
européennes de 1994 qui avait
valu à Michel Rocard, premier
secrétaire de l’époque, de couler
corps et biens.
Les socialistes sont donc parvenus à faire encore moins bien que
leur score déplorable de 2009,
quand ils avaient, quelques mois
après leur sinistre congrès de
Reims, obtenu 16,48 %. A l’époque,
ils avaientpâti, outre de leursguerres intestines, de la percée des écologistes conduits par Dany CohnBendit, qui les avaient talonnés de
peu avec 16,28 %. Ils ne pourront
pas, cette fois, se camoufler derrièrecette explication,puisque le score des listes EELV est presque divisé par deux, à 8,91 %.
Fin connaisseur de sa carte électorale, le chef de l’Etat pourra
apprécier à leur juste valeur l’indigence des scores obtenus par cer-
tainesfiguresduparti,comme Vincent Peillon, qui plafonne dans le
Sud-Est. Ou dans des bastions
socialistes historiques, comme le
Nord-Ouest. Même l’emblématique syndicaliste Edouard Martin,
dans l’Est, peine à s’extirper de cet
étiage.
Pas de changement de cap
Où sont passés les électeurs de
gauche? Avec un Front de gauche
à 6,34 % et une liste Nouvelle Donne qui atteint les 2,9 %, le total de la
gauche s’avère famélique, qui plafonne à 32,1 %. Deux ans après
l’électionde FrançoisHollande, cette donnée est particulièrement
inquiétante, qui ne devrait pas
manquer de relancer le débat
entre camarades sur le candidat
idoine pour 2017, et son mode de
désignation.
Plus fragilisé que jamais sur la
scènenationale, leprésidentseprésente aussi en position d’extrême
faiblesse sur le théâtre européen,
alors qu’il est attendu à Bruxelles,
mardi 27 mai, pour y retrouver
chefs d’Etat et de gouvernement de
l’Unioneuropéenne.Poursepréparer aux prochaines étapes qui s’annoncent politiquement agitées, il a
réuni à l’Elysée, lundi aux premières heures du jour, outre
ManuelValls, Laurent Fabius, Stéphane Le Foll, Bernard Cazeneuve,
Michel Sapin et Harlem Désir afin
d’évoquer«ladimensioneuropéenne» de ce cataclysme électoral.
Le message : « le phénomène
observé en France n’est pas un cas
Le Parti socialiste de nouveau confronté à ses divisions internes
VENDREDI, ILS ESPÉRAIENT encore être la « surprise» du scrutin.
Ils l’ont bel et bien été, mais pas
au sens où ils l’entendaient. Deux
mois après la « gifle » des municipales, les socialistes ont enregistré une nouvelle défaite historique, dimanche 25 mai, aux européennes.
Avec seulement 13,98% des suffrages, les listes PS-PRG terminent
troisième et font moins bien
qu’aux élections catastrophiques
de 1994 lorsque Michel Rocard
n’avait atteint que 14,49 %. Grand
perdant du vote, le PS se fait distancer de onze points par le Front
national et n’envoie que treize
eurodéputés à Strasbourg, contre
quatorze en 2009, déjà un mauvais cru.
« Un choc, un séisme», a commenté dimanche soir le premier
ministre Manuel Valls. « Un jour
sombre pour la démocratie, l’Euro-
pe et la France», a ajouté le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis.
Face à cette nouvelle déroute,
les socialistes sont apparus désemparés au siège du PS, rue de Solférino. Même s’ils savaient que la
bataille serait âpre, ils espéraient
que les changements opérés
depuis les élections municipales
auraient un effet. Mais rien n’y a
fait. « Une fois de plus, la gauche
est restée à la maison», constate le
sénateur de Paris David Assouline.
Pour le député Christian Paul
(Nièvre), « on n’est plus dans la
déception, mais dans le désaveu ».
« La crise avec notre électorat est
très grave, peut-être même irréversible, se désole un membre de la
direction. Notre pays ne sait plus
où il en est ni où il va, et nous sommes incapables de répondre à ces
questions.»
Après ce « 21-avril » européen
et faute d’électrochoc réel, les
socialistes redoutent déjà
d’autres défaites aux régionales et
surtout à la présidentielle de 2017.
Mais une fois encore, ils s’apprêtent à se diviser sur les questions
de l’après et du comment. Dès
dimanche soir, cette division a
commencé à s’exprimer.
« Changer de politique »
D’un côté, 21 parlementaires de
la majorité qui se disent «réformateurs» ont mis en garde contre la
tentation de vouloir « raviver le
débat sur la politique économique» menée par le gouvernement
et par François Hollande. Cette
aile droite du PS entend au
contraire « accélérer » les réformes
instituées par le pacte de responsabilité, et même aller plus loin et
s’attaquer au système de retraites
qualifié de « rigidité structurelle ».
Face à elle, l’aile gauche socialiste a sommé au contraire le chef de
l’Etat de tout changer. « Il faut un
nouvel accord avec tous les partis
de gauche, un nouveau programme économique et un nouveau
premier ministre pour l’incarner»,
a estimé la sénatrice parisienne
Marie-Noëlle Lienemann.
Entre les deux, le marais socialiste à l’Assemblée nationale se
prépare à connaître de forts
remous. Les 41députés qui se sont
abstenus fin avril lors du vote du
plan d’économie de 50 milliards
d’euros fourbissent leurs armes
en perspective des prochains
débats budgétaires. « On va exprimer notre souveraineté dans les
semaines qui viennent, prévient
M.Paul, un de leurs chefs de file.
Un changement d’équipe n’a pas
suffi, la responsabilité du président maintenant est donc de changer de politique.»
Même les moins radicaux, comme le député Matthias Fekl (Lot-etGaronne), donnent de la voix:
« Faire des économies, c’est bien,
mais cela ne fait pas un projet de
société. On ne peut pas passer les
trois ans qui viennent en parlant
uniquement du pacte de responsabilité», estime-t-il.
Pour l’instant, l’état-major
socialiste reste intransigeant.
« L’inflexion sociale est engagée
depuis les municipales. Nous
avons simplement besoin de
temps pour obtenir des résultats »,
évacue le député Christophe Borgel (Haute-Garonne). Dimanche
soir, Jean-Christophe Cambadélis
a souhaité que l’ensemble de la
gauche, écologistes et communistes compris, « retrouve le chemin
de l’unité». Une véritable gageure
alors que le PS seul n’est toujours
pas au clair avec lui-même. p
Bastien Bonnefous
isolé, le populisme progresse dans
tous les Etats européens », indique-t-on à l’Elysée, où l’on affirme
que « le rôle du chef de l'Etat est de
faire prendre conscience à l’Europe
et aux Européens qu’il faut changer
les choses».
L’exécutif, donc, décline toute
responsabilité et s’est retranché, à
l’image de M. Valls dimanche soir,
derrière le « profond scepticisme»,
la « crise de confiance » et la « colère» à l’égard de l’Europe.
Force est de constater que c’est
tout autant son action qui se trouve ainsi sévèrement sanctionnée.
Et que, malgré ses efforts, rien n’y a
fait. Ni l’activisme du premier
ministre, qui aura multiplié les
meetingscesdeuxdernièressemaines. Ni la forte implication de ses
ministres, censée mobiliser « le
cœurdel’électoratPS»,danslacampagne européenne, contrairement
àcequis’étaitpratiquépendantcelle des municipales. Ni même les
mesures fiscales en faveur des plus
modestes,annoncéesparlegouvernement ces derniers jours. Comme
si tout effort de l’exécutif se révélait, immanquablement, vain.
Que peut faire le président ? Il
vient de préciser son inflexion
sociale-libérale avec le « pacte de
responsabilité », de changer son
premier ministre et son gouvernement, de remanier le Parti socialiste et son équipe à l’Elysée. Il ne lui
reste plus grand-chose. « Il faut de
nouvelles baisses d’impôts, notamment de l’impôt sur le revenu », a
préconisé M. Valls, lundi matin
sur RTL. De changement de cap, il
n’y aura pas. « Je ne veux pas changer cette feuille de route», a campé
M.Valls, qui précise qu’« il faut que
le quinquennat aille à son terme ».
Comme si la chose n’allait désormais plus de soi. p
David Revault d’Allonnes
et Thomas Wieder
L’échec des écologistes relance les débats sur leur ligne politique
A FORCE DE SE RÉPÉTER qu’ils ont
fait un « bon score» aux européennes, dimanche 25mai, peut-être
que les écologistes finiront par le
croire. Ils ont eu beau applaudir
leurs résultats sur les plateaux
télé, leur enthousiasme a été rattrapé par la réalité des chiffres et
un score de 8,91 %. EELV s’en sort
certes mieux que le Front de gauche mais ne termine qu’en cinquième position, derrière le FN,
l’UMP, le PS et les centristes. Bien
loin des 16,28 % des voix de 2009
et des quatorze députés qui
avaient alors décroché leur ticket
pour le Parlement européen.
Sans Daniel Cohn-Bendit comme chef de file, ils ne sont plus que
six pour cette nouvelle mandature: Pascal Durand en Ile-de-France,
José Bové dans le Sud-Ouest, Yannick Jadot dans l’Ouest, Karima
Delli dans le Nord-Ouest et
Michèle Rivasi dans le Sud-Est. En
seconde position, en Ile-de-France,
Eva Joly est réélue de justesse.
En revanche, Sandrine Bélier ne
parvient pas à sauver son siège
dans l’Est. «Si on fait entre 8 % et
9%, ce sera notre meilleur score
après 2009», tentait d’expliquer
M.Jadot avant l’annonce des résul-
tats. L’ex-patronne des Verts, Cécile Duflot, a, elle, fait part d’un sentiment « très partagéd’un 21avril
européen». « On fait un bon score
dans une situation déprimante»,
juge-t-elle. Eva Joly, elle, a évoqué,
à un moment où elle n’était pas
sûre d’être réélue, un résultat
«excellent, surtout dans l’effondrement de la gauche».
Un nouvel échec pour le Front de gauche
Grosse déception pour le Front
de gauche qui, avec 6,34 % des
voix, ne progresse quasiment
pas par rapport à 2009. Ils ne
seront plus que trois députés
européens (contre quatre auparavant) : Jean-Luc Mélenchon
dans le Sud-Ouest, Marie-Christine Vergiat dans le Sud-Est et
Patrick Le Hyaric en Ile-de-Fran-
ce. Dans le Nord-Ouest, Jacky
Hénin, lui, ne parvient pas à sauver son siège. Cinq ans après sa
création, la coalition de la gauche radicale paie ses divisions
internes héritées des municipales. Dans une brève allocution,
M. Mélenchon a reconnu « quelques erreurs » mais assuré que le
Front de gauche resterait « uni ».
Conscients qu’ils ne referaient
pas le coup de 2009, les écologistes misaient tout de même sur un
score à deux chiffres. Jean-Vincent Placé était d’ailleurs nettement moins positif que la plupart
de ses camarades. «C’est une défaite électorale, a jugé le président du
groupe écologiste au Sénat. Nous
souhaitions faire plus de 10 % et on
n’y est pas. » Un avis partagé par
Christophe Rossignol, conseiller
régional: « Evidemment que ce
n’est pas un bon score : on est
même en dessous des résultats des
municipales. La dynamique qu’on
a créée il y a deux mois, on l’a totalement perdue.»
Dans la soirée, certains n’hésitaient pas à critiquer la stratégie
de campagne. « On aurait dû être
plus positifs, soupire la sénatrice
du Val-de-Marne Esther Benbassa.
On n’a pas été très lisibles. En parlant du traité transatlatique, on a
nui à la clarté du message.» Très
active sur la procréation médicalement assistée, la sénatrice
n’oublie pas un petit tacle pour
José Bové à qui elle s’est récemment opposée. « La base est pour,
Bové est contre, il faudrait accorder nos violons…», souligne-t-elle.
« Stratégie mortifère »
Pour son collègue Ronan Dantec, les écologistes ont aussi été
concurrencés par la présence de
Nouvelle Donne, le tout nouveau
parti de Pierre Larrouturou, qui
obtient 2,9 % des voix. « Ce sont les
mêmes réseaux, juge le sénateur
de la Loire-Atlantique. Si on agrège
leur score et le nôtre, il y a un espace de même niveau que le PS. »
Une chose est sûre : EELV n’a
pas réussi à séduire les déçus de
François Hollande, comme ils
avaient su rallier des électeurs
socialistes en 2009. « Quand le PS
est faible, les gens votent pour
nous mais avec notre stratégie
mortifère, on n’a pas su être une
alternative», critique Christophe
Rossignol.
Comme lui, les partisans du
maintien au gouvernement ne
manqueront pas de rouvrir les hostilités. « On savait les électeurs écologistes massivement pour la participation au gouvernement. La sortie n’a créé aucun élan électoral», a
également déploré sur Twitter
François de Rugy, coprésident du
groupe écologiste à l’Assemblée
nationale. Cécile Duflot, elle, reste
ferme sur ses positions. « Ça a été
compris», assure l’ex-ministre. p
Raphaëlle Besse Desmoulières
PARIS
ST-BARTHÉLÉMY
CANNES
RALPHLAUREN.COM/RICKY
8
0123
Mardi 27 mai 2014
UMP Jean-François Copé a appelé à « remettre en perspective » les résultats, invitant les observateurs
à « additionner » le score de l’UMP « à celui de l’UDI ». JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
UDI-MoDem Marielle de Sarnez, eurodéputée MoDem, sur le plateau de France 2. En recueillant 9,90 %
des voix, le centre améliore ses résultats de façon significative par rapport à 2009. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE »
L’UMP défaite, le sort de Copé devrait se décider mardi
En obtenant 20,8% des suffrages, l’UMP perd son statut de premier parti d’opposition au profit du FN
L
’UMP retombe dans un climat de tension extrême. Le
parti, qui espérait remporter
les élections européennes dimanche 25 mai en devançant le Front
national, a manqué son pari. Il n’a
pas réussi à tirer profit du rejet de
l’exécutif pour s’imposer, comme
cela avait été le cas aux municipales de mars.
En obtenant seulement 20,8 %
des suffrages – loin de ses 27,88 %
de 2009 –, il se retrouve distancé
parl’extrêmedroitede plusde quatre points. L’échec est cruel, puisque l’UMP perd son statut de premier parti d’opposition au profit
du FN. Les candidats frontistes
devancentceuxde droite dans toutes les régions, excepté dans
l’Ouest et en Ile-de-France.
Peu adepte des remises en question personnelles, Jean-François
Copé a tenté par tous les moyens
de relativisersapropreresponsabilité dans la défaite de son parti.
Appelant à « remettre en perspective » les résultats, le président de
l’UMP a voulu d’abord y voir une
« exaspération très forte contre la
politique » conduite par François
Hollande. Cherchant à tout prix à
faire diversion, il a tenté de masquer l’échec de son camp en
demandant aux observateurs
d’« additionner» le score de l’UMP
« avec celui de l’UDI ».
Mais les autres dirigeants du
parti n’ont pas épargné M. Copé,
mis en cause dans l’affaire Bygmalion, qui le voit soupçonné d’avoir
utilisé des fonds du parti au profit
de ses amis. Le plus virulent reste
François Fillon, qui n’a toujours
Copé assure ne rien savoir
« du tout » sur Bygmalion
« Je demande que François Hollande prenne toutes les initiatives pour changer de politique »,
a déclaré le président de l’UMP
Jean-François Copé, lundi
26 mai sur BFM TV et RMC.
Interrogé sur les turbulences
internes à l’UMP et sur l’affaire
Bygmalion, M. Copé a assuré ne
savoir « rien du tout », n’avoir
« jamais vu » de factures et
n’avoir « pris aucune décision ».
pas digéré de s’être fait « voler » la
victoire lors de l’élection pour la
présidence du parti, fin 2012.
Mâchoires serrées, l’ex-premier
ministre a réclamé la tête de son
meilleur ennemi, en estimant que
l’UMP a « maintenant besoin d’un
changement profond ».
« Cela n’est pas la première fois
que je tire le signal d’alarme », a
insisté M. Fillon depuis le siège
parisien de son micro-parti, Force
républicaine. « L’UMP est atteinte
dans sa crédibilité et doit s’interroger sur les raisons de son échec.
Son honneur est mis en cause »,
a-t-il souligné, sévère.
D’autres responsables du parti
ont appelé à un changement de
direction. « L’UMP va avoir besoin
d’une profonde reconstruction », a
affirmé Laurent Wauquiez, regrettant que « le climat des affaires »
ait « pesé sur la mobilisation » de
l’électorat de droite, en allusion à
l’affaire Bygmalion.
Alain Juppé et Bruno Le Maire
ont également mis la pression sur
M.Copé, en réclamant une refonte
de l’UMP et une « transparence »
absolue sur les pratiques et la gestion du parti.
M.Copé sait qu’il est au pied du
mur. Mais il défendra sa position
jusqu’au bout. Acculé, il se voit
contraint de faire des concessions
àses rivaux.Cesderniersayantprévu de lancer une charge collective
Les rivaux de M. Copé
ont prévu de lancer
une charge collective
contre lui, mardi
matin, lors d’un
bureau politique
contre lui mardi matin, lors d’un
bureau politique qui s’annonce
extrêmement tendu.
D’abord, il est prêt à livrer la tête
de son directeur de cabinet, Jérôme Lavrilleux, honni par les fillonistes depuis la guerre fratricide
de l’automne 2012 et particulièrement visé dans l’affaire Bygmalion. D’après plusieurs sources, ce
dernier doit profiter de son élec-
tion au Parlement européen,
dimanche, pour interrompre son
travail auprès du numéro un du
parti. « Copé a trouvé une bonne
occasion de couper la branche
pourrie», observe un filloniste.
Pour sauver son poste, M. Copé
a ensuite annoncé dimanche soir
qu’il allait « proposer plusieurs initiatives» lors du bureau politique.
Selon nos informations, il va suggérer que l’ancien médiateur du
crédit, René Ricol, effectue un
audit sur le fonctionnement du
parti pour « améliorer la gouvernance en matière de procédures».
Sur l’affaire Bygmalion, le maire de Meaux (Seine-et-Marne) a
prévu de porter plainte contre X.
Déterminé à se faire passer pour
une victime de ses collaborateurs,
il souhaite aussi être entendu par
les juges pour communiquer les
informations dont il dispose dans
ce dossier. Ces initiatives « visent à
desserrer l’étau autour de lui »,
selon un copéiste.
Il n’est pas sûr que cela suffise à
calmer l’ardeur de ses opposants,
déterminés à le déloger de la tête
Avec 10% des voix, les centristes veulent peser sur l’UMP
LE CENTRE a atteint son objectif.
En flirtant avec les 10 % des suffrages lors des élections européennes dimanche 25 mai, l’Alternative – nom de l’alliance entre l’UDI
et le MoDem– améliore de façon
significative ses résultats par rapport à 2009. Il y a cinq ans, le
MoDem, qui concourait seul,
avait réalisé 8,5 % des suffrages.
Les centristes vont envoyer 7 députés au Parlement européen.
« Nous sommes le quatrième
parti de France», s’est ainsi félicité Yves Jégo, le président par intérim de l’UDI, dimanche soir. « Pari
réussi pour le centre ! La décomposition de l’UMP est en marche et le
PS, parti de gouvernement, fait un
score très mauvais. L’UDI-MoDem
est une force centrale en émergence, claire et sans arrière-pensée», a
abondé Marielle de Sarnez, tête de
liste en Ile-de-France et n˚ 2 du
MoDem. « L’objectif d’un score à
deux chiffres est atteint ce soir,
moins de dix-huit mois après la
création de l’UDI, alors même que
nous faisions face à l’europhobie
ambiante. C’est un début, pas une
fin», note pour sa part Jean-Christophe Lagarde, député de SeineSaint-Denis.
Les deux partis du centre et du
centre droit se sont alliés à
l’automne 2013 dans la perspective des élections européennes. Ils
étaient persuadés de pouvoir
défendre un projet profondément pro-européen, face à un FN
en pleine dynamique, un PS et
une UMP divisés en interne sur
cette question.
Avec 10 % des voix, ils estiment
pouvoir compter à nouveau dans
le paysage politique. « Depuis ce
soir, nous sommes cotés en bourse », sourit ainsi un dirigeant. Et
0123
les appels du pied de l’UMP, dès
dimanche semblent leur donner
raison. Ainsi, Alain Juppé maire
de Bordeaux et fondateur de
l’UMP en 2002, a appelé à « recréer
les bases d’un accord entre droite
et centre ».
« Leadership »
Une approche qui ne laisse pas
insensible au centre, même si
beaucoup préfèrent temporiser.
« On va en parler entre nous. Il
faut d’abord que l’UMP mette de
l’ordre entre ses dirigeants », estime M. Jégo. « L’UMP doit analyser
les raisons de son échec. D’abord,
l’incohérence sur la question européenne. Ensuite, quand une partie
de l’UMP, comme Laurent Wauquiez, court après le FN, l’on voit
que les Français préfèrent l’original à la copie», tacle encore le
député de Seine-et-Marne.
Certains à l’UMP, pour minimiser leur déconvenue, tentent d’additionner les scores de leur parti
avec ceux des centristes. Une
manœuvre qui agace Jean-Christophe Lagarde : « Confondre l’UMP et
l’UDI n’est ni souhaitable ni acceptable.» « Nous souhaitons une
coalition entre le centre et la droite
républicaine, mais nous refuserons la confusion qui nous a déjà
conduits à la défaite. Dans cette
coalition, l’UDI-MoDem doit se
fixer pour ambition de prendre le
leadership de l’opposition», avance-t-il.
La question des rapports futurs
entre UMP et centre est évidemment celle de la présidentielle de
2017. L’Alternative aura-t-elle un
candidat indépendant ou participera-t-elle à une grande primaire ? « Cela fait longtemps déjà que
je plaide pour une primaire large,
qui aille au-delà de l’UMP, une
vraie compétition pour choisir le
leader de l’opposition pour 2017. Et
j’entends les appels d’Alain Juppé
qui vont en ce sens », souligne
Yves Jégo. Et de conclure: « Il n’y a
pas de raison que le champion des
champions qui sortirait de cette
primaire ne soit pas un membre
de l’UDI. »
Marielle de Sarnez, elle, veut
continuer dans la voie de l’indépendance du centre. « Le système
politique n’est pas satisfaisant, il
faut reconstruire tout un système
et nous pouvons être un pivot de
cette reconstruction, juge la viceprésidente du MoDem. Avec la crise du PS, des électeurs de gauche
peuvent être tentés par le centre.
C’est pour cela qu’il faut rester sur
une ligne “centrale”.» p
Abel Mestre
(avec Hélène Bekmezian)
du parti. « Copé ne peut pas rester
en place, juge un filloniste. Soit il
n’était pas au courant des malversations financières et, dans ce cas, il
est incompétent. Soit il savait et
doit payer.» « Il y a une telle cristallisation négative autour de JeanFrançois qu’il doit partir », tranche
un ex-ministre, fataliste.
En dehors du cas Copé, plusieurs ténors remettent en cause
la stratégie d’alliances du parti
gaulliste, en regrettant qu’il n’ait
pas présenté des listes communes
avec les centristes, comme en
2009. « Si l’UMP avait fait une liste
commune avec l’UDI, on serait
devant le Front national », a ainsi
observé Roger Karoutchi. Pour
Alain Juppé et Nathalie KosciuskoMorizet, la droite et le centre sont
condamnés à se rassembler pour
contrer l’émergence de l’extrême
droite. « Recréons les bases d’un
accord entre droite et centre », a
plaidé le maire de Bordeaux.
Ces différentes prises de position mettent en lumière les rivalités à droite, dans la perspective de
l’élection présidentielle de 2017. Le
constat est accablant pour le parti
d’opposition,qui souffred’un déficit de leadership, peine à présenter
un projet d’alternance crédible, et
se retrouve « balkanisé» avec plusieurs écuries présidentielles en
son sein. « On est confronté à un
risque d’explosion ou d’implosion
de l’UMP », résume Eric Woerth.
Dans ce contexte, les sarkozystes appellent au retour de leur
champion, qu’ils présentent en
homme providentiel. « Je souhaite
le retour de Nicolas Sarkozy au premier plan », a déclaré Brice Hortefeux dimanche soir, affirmant que
l’ex-présidentétait « le seul responsable politique en France à pouvoir
faire reculer le FN ». Sa tribune sur
l’Europe, publiée trois jours avant
le scrutin, n’a pourtant pas réussi à
faire gagner l’UMP. Cela n’a pas
échappé à ses rivaux. Un prétendant à la primaire veut y voir le
signe que l’ex-président n’est pas
le sauveur de la droite : « Si Nicolas
Sarkozy était la solution, sa tribune
aurait eu plus d’effet. » p
Alexandre Lemarié
VOIX DE FEMMES
Une série de rencontres, avec une lecture par une grande comédienne suivie d’un
entretien avec l’auteur mené par Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres »
Rendez-vous le lundi 2 juin à 20 heures à l’Odéon-Théâtre de l’Europe
avec Chantal Thomas et Natalie Dessay autour de L’Echange des princesses
Diffusion sur France Culture le dimanche 8 juin à 21 heures dans « Théâtre & Cie »
www.theâtre-odeon.eu
0123
européennes 2014
Mardi 27 mai 2014
Royaume-Uni Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage est arrivé en tête avec
plus de 27 % des voix. « Les gens ont enfin compris », s’est félicité le dirigeant antieuropéen. CARL COURT/AFP
9
Danemark Morten Messerschmidt arrive au Parlement danois, à Copenhague, le 25 mai.
Sa formation, Le Parti populaire, est arrivé en tête du scrutin avec 26,6 % des suffrages. THOMAS LEKFELDT/AFP
Vague europhobe sur le Vieux Continent
UKIP au Royaume-Uni, Front national en France et Parti populaire au Danemark arrivent en tête dans leur pays
Score des partis d’extrême droite
et des partis europhobes
en % des suffrages exprimés
SUÈDE
2
Plus de 25 %
De 15 % à 25 %
De 7 % à 15%
Moins de 7%
FINLANDE
2
Démocrates suédois
ESTONIE
DANEMARK
4
* score en % obtenu en additionant
les résultats de deux partis
IRLANDE
en nombre de sièges
ROY.-UNI
PAYS-BAS
3
UKIP
xx
23
PVV
Parti d’extrême droite
ou parti europhobe
arrivé en tête
BELGIQUE
LUX.
Front national
24
POLOGNE*
8
ALLEMAGNE*
8
FRANCE*
Parti d’extrême droite
susceptible de former
un groupe parlementaire
avec le FN
LETTONIE
LITUANIE
2
Parti populaire danois
R. TCHÈQUE
AUTRICHE
SLOVAQUIE*
4
HONGRIE
Parti de la liberté (FPÖ)
3
SLOVÉNIE CROATIE
ITALIE*
25
PORTUGAL
ESPAGNE
BULGARIE*
dont 7 pour la Ligue du Nord
Ligue du Nord
SOURCE : PARLEMENT EUROPÉEN ;
MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
P
aris-Londres-Copenhague.
Tel est le trio gagnant de la
droiteextrêmeaprèsles élections européennes du 25 mai. Le
Front national, le UKIP et le Parti
populaire danois (Dansk Folkeparti ; DF) arrivent en tête dans chacun de leur pays, provoquant un
véritable séisme. Marine Le Pen
dynamite le paysage politique
français,tout comme Nigel Farage,
le chef du UKIP, qui écrase les
conservateurs et devance les travaillistes. Au Danemark, DF a cinq
points d’avance sur les sociauxdémocrates au pouvoir. Ils sont
l’image la plus visible de cette
vague europhobe qui part à l’assaut du Parlement européen pour
le détruire de l’intérieur.
Quand ils ne sont pas premiers,
les partis europhobes obtiennent
des scores importants en Autriche,en Hongrie,en Suèdeet enGrèce. En Italie, Beppe Grillo (21 %) est
ROUMANIE
500 km
MALTE
largement distancé par la liste du
présidentdu conseilde centre gauche,MatteoRenzi(41%), quia trempé sa légitimité démocratique
dansce scrutin.Maisl’ancien comique devrait envoyer une petite
vingtaine de députés au Parlement européen.
Les partis europhobes
représenteront
plus de 140 députés,
soit près
d’un cinquième
du Parlement
L’extrême droite a cependant
connuquelques déceptionsélectorales qui empêchent la vague brune de se transformer en tsunami.
Aux Pays-Bas, l’allié privilégié de
MarineLe Pen, le Parti pour la liber-
GRÈCE*
3
CHYPRE
té de Geert Wilders, est en recul par
rapportà 2009. De même à Helsinki, les Vrais Finlandais ne se classent qu’en troisième position,
alorsque certainssondages lesplaçaient en tête. Enfin, à Bratislava,
le Parti national slovaque n’a pas
réussi à faire élire le moindre eurodéputé, ce qui posera un problème
à Marine Le Pen pour constituer
son groupe d’extrême droite.
Cespartiseurophobesreprésenteront plus de 140 députés, près
d’un cinquième du Parlement.
Mais ils auront bien du mal à s’entendre à Strasbourg et à Bruxelles.
Ils représentent des tribus qui se
méfient les unes des autres.
A l’exception de Beppe Grillo,
qui est inclassable, ils se rattachent tous à des traditions d’extrême droite, même s’ils veulent parfois les faire oublier.
Les partis populistes scandinaves essaient de gommer leur origi-
Succès contrastés pour les partis indépendantistes
Dans les trois régions européennes travaillées par des tentations indépendantistes, les électeurs ont profité du scrutin européen pour s’exprimer. Dans la
Flandre belge, où le scrutin était
couplé aux régionales et aux
législatives, l’Alliance néo-flamande (NVA), le parti séparatiste de Bart De Wever, triomphe. Il
est en tête dans la quasi-totalité
des cantons flamands. Il aurait
séduit de 30 % à 33 % des élec-
teurs, ce qui marque une nouvelle forte progression. En Catalogne, où le gouvernement local
veut organiser un référendum
d’autodétermination le 9 novembre, le parti indépendantiste de
gauche Esquerra republicana de
Catalunya (ERC) est arrivé en
tête. Avec 23,67 % des voix, il a
même devancé la coalition nationaliste CiU du président du gouvernement régional Artur Mas
(21,86 %). Plus radical, ERC ne
manquera pas de compliquer le
processus très délicat enclenché par M. Mas, dans la mesure
où le gouvernement central
espagnol ne veut pas entendre
parler d’un référendum.
En Ecosse, enfin, où un référendum sur l’indépendance aura
lieu le 18 septembre, le Parti
national écossais a obtenu
28,9 % des voix, en dessous de
ses attentes et des 37 % que lui
prédisaient les sondages.
ne d’extrême droite et récusent – à
l’exception de la Suède, qui hésite
encore – une alliance avec le Front
national. Ils ont depuis longtemps
opéré leur recentrage politique
qui les pousse à collaborer avec
des gouvernements dirigés par
des partis traditionnels, comme
en Finlande ou au Danemark, dans
la législature précédente.
Le Parti populaire danois n’excluait pas, dimanche, de collaborer avec le gouvernement socialdémocrate de Helle Thorning-Schmidt. Ils se sentent plus proches
du UKIP de Nigel Farage que de
Marine Le Pen.
La présidente du Front national
a tenté, elle aussi, de normaliser
son parti pour le rendre plus présentable. Elle a convaincu un plus
grand nombre d’électeurs. Mais la
réputation sulfureuse du parti de
Jean-Marie Le Pen et ses propos
antisémites continuent d’effrayer
Nigel Farage et les Scandinaves.
La dernière tribu est jugée infréquentable par les membres du
groupe de M. Farage comme par
Mme Le Pen. Elle regroupe des partis néonazis, comme le Jobbik hongrois ou Aube dorée en Grèce, qui
enverront respectivement trois et
deux députés au Parlement européen.
Un thème, en revanche, les rassemble : la détestation de l’immigration. Leur cible première est la
présence d’étrangers extra-européens. Geert Wilders a été jusqu’à
promettre à ses partisans de « s’occuper » des « Marocains » présents
aux Pays-Bas. La Ligue du Nord italienne, le FPÖ autrichien, le Parti
populaire danois, les Vrais Finlandais, le Front national, sans même
parler du Jobbik et d’Aube dorée se
renvoient comme un écho cette
obsession partagée.
Seul le Mouvement 5 étoiles de
Beppe Grillo semble pour l’heure
épargné, même si son chef de file a
semblé être tenté de suivre cette
pente. « Combien d’immigrés pouvons-nous accueillir si un Italien
sur huit n’a pas les moyens de manger ? », avait-il lancé aux sénateurs
de son parti qui voulaient supprimer le délit « d’immigration clandestine» créé par un ancien ministre de la Ligue du Nord. Mais pour
tous les autres partis europhobes,
l’hostilité à l’islam est devenue le
visage le plus visible de leur xénophobie.
La nouveauté de la campagne
qui s’est achevée dimanche, c’est
l’hostilité affichée envers l’immigrationintra-européenneenprovenance de nouveaux Etats membres,commelesBulgaresetlesRoumains.LeUKIPs’enest faitunespécialité. « Vingt-six millions de personnes en Europe cherchent du travail. Et quels emplois veulent-ils
prendre? », interrogeaient ses affi-
ches de campagne. Mais il n’est pas
le seul à remettre en cause, d’une
manière ou d’une autre, la liberté
de circulation dans le grand marché européen, l’un des principaux
acquisdelaconstructioneuropéenne. Avec d’autres,le Parti populaire
danois a insisté, dans sa campagne,
sur les avantages sociaux accordés
aux citoyens de l’UE.
La vague europhobe
enregistrée
dimanche 25mai
n’épouse pas
les contours
de l’Europe de la crise
En période de vaches maigres,
la tentation du repli sur soi et du
rejet de l’étranger est bien présente. Pourtant, la vague europhobe
enregistrée le 25 mai n’épouse pas
les contours de l’Europe de la crise.
Elle frappe aussi bien des pays à
l’économie compétitive et dynamique, comme le Danemark et
l’Autriche, ou en pleine récupéra-
tion, comme le Royaume-Uni, que
des Etats frappés de langueur et en
mal de réformes, comme la France, ou éprouvés par la récession,
comme la Grèce.
Inversement, des pays malmenés par les politiques budgétaires
restrictives sont indemnes de tout
populisme. C’est le cas de l’Irlande,
sortie il y a peu du plan d’aide, ou
du Portugal. C’est aussi vrai de l’Espagne.Là aussi,les partis traditionnellement dominants sont en
recul : le conservateur Parti populaire et le Parti socialiste ont attiré
moins d’un électeur sur deux
quand, il y a cinq ans, ils en avaient
réuni huit sur dix. Mais la nouveauté n’est pas venue d’un
réflexe anti-européen ou antiimmigrés. Elle est venue des nationalismes régionaux, exaspérés
par la questiondu statut de la Catalogne, de la gauche de la gauche et
de la mouvance issue du mouvement des « indignés ».
La recomposition politique
n’est pas, fatalement, partout le
fait de l’extrême droite. p
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10
0123
Mardi 27 mai 2014
Luxembourg Jean-Claude Juncker, tête de liste pour le Parti populaire européen, revendique
« une certaine légitimité » pour le poste de président de la Commission européenne. JOHN THYS/AFP
Pays-Bas Avec 12,9 % des voix, le Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV) est en-decà des pronostics.
HOLLANDSE HOOGTE/CORBIS
Le populisme affaiblit le Parlement face aux gouvernements
Pour la présidence de la Commission, les groupes pro-européens pourraient avoir du mal à imposer leurs candidats aux chefs des exécutifs
Bruxelles
Bureau européen
U
n Parlement européen plus
fragmenté et sous pression
d’une forte minorité eurosceptique. Les principales familles
politiques européennes, celles
autour desquelles se bâtissent les
majorités, sortent affaiblies des
élections du 25 mai.
D’après des estimations encore
provisoires, le Parti populaire
européen, principal groupe de
droite, arrive en tête avec 212 élus,
mais il perd plus de soixante sièges par rapport au scrutin de
2009. Le Parti socialiste européen,
principalgroupede gauche,ne parvient pas à bénéficier de ce recul et
fait un peu moins bien qu’il y a
cinq ans, avec 186 sièges, contre
196. Le groupe des libéraux-démocrates pointe en troisième position,avec70élus,pour 83dansl’hémicycle sortant. Quant aux écologistes, ils parviennent à ce stade à
maintenir leur quatrième place
(55élus).
A elles quatre, les forces proeuropéennes représentent désormais 523 élus, contre 609 dans le
Parlement sortant. Elles vont
devoir faire de la place aux forma-
tions plus critiques à l’égard du
projet européen, voire carrément
europhobes. A gauche, la gauche
radicale, emmenée par le Grec
Alexis Tsipras obtient 43 élus,
contre 35 dans le Parlement sortant. Mais c’est surtout la droite
eurosceptique qui sort renforcée,
en dépit des divisionsqui la traversent. A ce stade des décomptes, le
groupe de souverainistes où siègent les conservateurs britanniques obtient 44 élus, contre 36 aux
anti-européens de l’EFD, créé
autour des élus du UKIP de Nigel
Farage. Après sa victoire en France,
le Front national n’est pas assuré
de pouvoir former un groupe parlementaire d’extrême droite, mais
il va tout faire pour y parvenir.
La pêche au ralliement devrait
être des plus animées dans les prochains jours. Outre une quarantaine de non-inscrits, dont les élus du
Front national avant la constitution d’un éventuel groupe, près de
70 élus étiquetés « divers » sont
susceptibles de venir renforcer
l’une ou l’autre famille de l’hémicycle. Certains, comme la vingtaine d’élus eurosceptiques de Beppe
Grillo, en Italie, seront très courtisés. « La composition et la taille des
groupes ne seront pas forcément
connues avant une semaine », prévient Hannes Swoboda, le président sortant du groupe socialiste.
Il n’empêche, les principales
familles politiques européennes
vont désormais tenter de peser sur
le choix du président de la Commission européenne. PPE, PSE et
libéraux ont confirmé qu’ils
comptaient discuter en ce sens dès
lundi 26 mai. Ensemble, ils disposent sur le papier d’une majorité
La pêche
au ralliement
devrait être
des plus animées
dans les prochains
jours
de 468 sièges, soit largement la
majorité
absolue
requise
(376 voix) pour élire le successeur
de José Manuel Barroso. Cependant leur stratégie reste confuse,
car les trois chefs de file en lice,
Jean-Claude Juncker pour le PPE,
Martin Schulz pour les socialistes
et Guy Verhofstadtentendentchacun jouer un rôle central dans la
course aux postes.
Le premier s’est dit prêt à
« accepter le mandat de président
dela Commission».«J’aiune certaine légitimité pour pouvoir prétendre que le PPE fasse de sa tête de liste son candidat » pour ce poste, a
affirmé Jean-Claude Juncker, vétéran de la construction européenne, lors d’une rapide intervention
au Parlement. « Légitimité » que
Martin Schulz s’est bien gardé de
reconnaître: le candidat socialiste
a lui aussi promis de chercher une
majorité sur son projet et pose ses
conditions– lutte contre le chômage des jeunes et l’évasion fiscale –
avant toute alliance. Dimanche, il
a mis en garde contretoute conclusion précipitée sur la base d’estimations provisoires dont il « doute ». Mais le social-démocrate allemand ne devrait pas être en mesurede constituer une majoritéalternative à gauche.
Guy Verhofstadt, de son côté,
devrait être en position de pivot
entre la droite et la gauche dans la
perspective d’une « grande coalition » PPE/socialistes/libéraux.
Pour lui, comme pour l’ensemble
des forcespro-européennes,le successeur de José Manuel Barroso
doit être choisi parmi les chefs de
file qui ont piloté la campagne au
Bataille en coulisse pour un groupe d’extrême droite
Bruxelles
Bureau européen
Elle n’a jamais été aussi forte en
France mais n’est pas sûre de pouvoir constituer un groupe au Parlement européen. Avec 24 élus sur
les 25 nécessaires, Marine LePen
dispose désormais de troupes qui
lui permettent, presque à elle seule, de fonder une fraction d’extrême droite. Mais elle n’est pas tout
à fait certaine de rassembler des
alliés dans sept pays différents,
comme l’exigent les règles du Parlement européen.
Parmi ses alliés potentiels, le
Parti national slovaque n’est plus
en mesure de siéger dans l’hémicycle. Par ailleurs, les démocrates
suédois font bel et bien leur
entrée dans le Parlement européen, avec 7 % des voix, mais ils
hésitent à rejoindre l’alliance que
tente de forger Marine Le Pen.
Quant au Vlaams Belang, en Belgique, il est passé tout près de l’élimination, mais disposerait finalement d’un siège, selon les estimations provisoires.
Les autres alliés du Front national ont confirmé plus facilement
leur présence dans l’hémicycle,
même si leur succès est loin de
l’ampleur de la victoire du FN en
France. Le FPÖ autrichien, en progrès derrière les conservateurs et
sociaux-démocrates associés au
gouvernement, et le Parti pour la
liberté de Geert Wilders, en deçà
des pronostics des sondages néerlandais, sont au rendez-vous, tout
comme les élus de la Ligue du
Nord italienne.
Eviter l’éclatement
Les prochains jours devraient
être déterminants pour les projets
européens de Marine LePen. La
chef du Front national est à la lutte
avec deux Britanniques soucieux
de préserver leurs propres groupes: Nigel Farage, le chef du parti
anti-européen UKIP, mais aussi,
plus indirectement, le premier
ministre DavidCameron. Arrivé
en tête au Royaume-Uni, le premier a fort à faire pour éviter l’éclatement de sa formation (EFD, Europe de la liberté et de la démocratie). Il devrait être délaissé par la
Ligue du Nord, courtisée par le
Front national. Mais il va chercher
à attirer une partie des élus eurosceptiques de Beppe Grillo, arrivé
en deuxième position en Italie. Le
patron du UKIP cherche depuis
des mois à se différencier du Front
national, dont il a mis en cause en
début de campagne « l’antisémitisme». Mais de nombreux experts
ne voient pas comment il pourrait
maintenir son groupe si le FN parvenait à former le sien. Et réciproquement.
La concurrence entre les forces
eurosceptiques est d’autant plus
vive que David Cameron entend
de son côté éviter la marginalisation des élus tories, associés aux
eurosceptiques polonais et tchèques au sein de la formation CRE
(Conservateurs et réformistes européens). Celle-ci pourrait bénéficier
du renfort des élus anti-euro de
l’AFD et du soutien de l’Alliance
néoflamande de la NVA, en Belgique. Au détriment de Nigel Farage,
elle devrait aussi attirer les Vrais
Finlandais et le Parti du peuple
danois, arrivé en tête.
Ces deux formations ont décliné les avances de Mme Le Pen. Celleci pourrait en revanche jeter son
dévolu sur une des surprises du
scrutin: le Congrès de la nouvelle
droite, formation europhobe qui a
obtenu plus de 7 % en Pologne.
Pour former son groupe, la chef du
FN exclut en revanche de s’associer à l’extrême droite grecque
d’Aube dorée ainsi qu’au Jobbik
hongrois. Ouverte discrètement
depuis des semaines, la pêche aux
ralliements devrait se prolonger
après les élections. En principe, les
groupes doivent être formés avant
le 24juin s’ils veulent obtenir des
postes d’influence. p
Ph. R.
niveau européen. Un point de vue
que contestent déjà les eurosceptiques.
Les performancesdes uns et des
autres laissent cependant les coudées franches aux chefs d’Etat et
de gouvernement. Ces derniers
doivent se retrouver mardi dans la
soirée, à Bruxelles, afin de mandater Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, pour
entamer les tractations avec les
eurodéputés. A moins d’une surprise, aucune décision ne devrait
êtreprise mardicar le Conseileuropéen aborde la discussion en rang
dispersé lui aussi.
Si certainschefsd’Etat etde gouvernement pourraient, à l’instar
de François Hollande, se contenter
de Jean-Claude Juncker, ou de
Martin Schulz, d’autres, comme le
Britannique David Cameron, ne
sont favorables ni à l’un ni à
l’autre. Angela Merkel, après avoir
soutenul’ancien premier ministre
luxembourgeois pour mener la
campagnedes chrétiens-démocrates, attend avant de se prononcer.
« Elle n’a pas renoncé à choisir en
dehors des chefs de file en lice »,
croit savoir un responsable européen.
Quel quesoit le postulant,la dif-
ficulté est maintenant de rassembler une majorité absolue de
376 voix au Parlement européen,
ainsi qu’une majorité qualifiée au
sein du Conseil européen. « Au
fond, personne n’a envie de se faire
imposer le futur patron de la Commission par le Parlement européen », dit un proche d’Herman
Van Rompuy, pour résumer l’état
d’esprit du Conseil. Toutefois,
selon ce responsable, si un candidat parvient à rassembler 376 voix
parmi les eurodéputés, ce sera
« un fait politique qu’il sera difficile
d’ignorer».
« Après cette campagne inédite,
il ne va pas être possible pour le
Conseil européen de considérer les
élections comme un fait divers qui
a amusé les partis », veut croire
une autre source européenne.
Dans l’idéal, le successeur de
M. Barroso serait désigné fin juin
par le Conseil, puis élu en juillet
par le nouvel hémicycle. A moins
que le bras de fer annoncé entre
chefs d’Etat et eurodéputés ne
retarde les échéances. Angela Merkel devait joindre François Hollande dans la journée de lundi pour
tenter de trouver une issue la plus
rapide possible. p
Philippe Ricard
Les Européens face
au choc Marine Le Pen
LE « CHOC», LE « SÉISME»… La victoire de Marine Le Pen en France
faisait la « une» des médias internationaux, notamment en Autriche et au Royaume-Uni, où la chef
du parti d’extrême droite partage
l’affiche avec Nigel Farage, le chef
de file du UKIP, le parti europhobe qui a remporté les élections
outre-Manche. « Le FN mène un
tremblement de terre populiste
aux élections européennes», titre
le Financial Times.
A Londres, William Hague, le
ministre des affaires étrangères,
s’est dit « inquiet ». Interrogé par
la BBC pour savoir s’il s’agissait de
la « montée d’un parti raciste », il a
répondu sans ambiguïté: « Oui ».
Ajoutant, « en France, la désillusion envers la politique et l’UE est
sérieuse».
« Plus jamais comme avant »
En Pologne, le premier ministre, Donald Tusk, s’est ému. «Cette
journée sera gravée dans l’histoire.
L’Europe change sous nos yeux.»
En Suède, la première réaction
fut entendue au siège des Démocrates de Suède, le parti d’extrême
droite, qui a applaudi chaudement les résultats du FN. Interrogé plus tard, Jimmie Akesson, le
président du parti, a pourtant
habilement esquivé le sujet de
Mme Le Pen. « Il est intéressant de
voir comment le UKIP et le Parti
populaire danois [DF] progressent.
Cela indique bien qu’il y a un
contre-mouvement en Europe qui
grandit», a-t-il dit. Il a expliqué
qu’il se sentait plus proche du DF,
un parti d’extrême droite qui ne
veut pas coopérer avec le FN.
Or, depuis Copenhague, ce dernier a encore pris ses distances
avec le parti de Marine Le Pen
après sa victoire. La tête de liste
européenne du Parti populaire
danois, Morten Messerschmidt, a
dit regretter que « des partis comme le Front national et Aube dorée
gagnent du terrain ».
En Italie, le président de la
Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui
a signé un accord avec Marine
LePen, explique que « rien ne sera
plus jamais comme avant en Europe». Pour Ilvo Diamanti, professeur de sciences politiques à l’université d’Urbino (Marches), le score du FN est le signe de « la crise de
la démocratie» qui attaque la
France après avoir attaqué l’Italie.
Le président de la Commission
européenne, José Manuel Barroso,
a, lui, appelé, lundi 26 mai, les forces européennes à se « rassembler», face à la poussée des europhobes et de l’extrême droite. p
De nos correspondants
0123
européennes 2014
Mardi 27 mai 2014
11
«Le renard UKIP est dans le poulailler» du Parlement
Arrivé en tête du scrutin, Nigel Farage s’engage à «débarrasser» le Royaume-Uni de l’Union européenne
Southampton
Envoyée spéciale
I
l a le triomphe modeste : cela
fait partie du personnage qu’il
s’est savamment construit.
« Well, I’m delighted » (« Je suis
ravi »), a dit Nigel Farage d’un air
impassible en contemplant les
résultats des élections européennes, dimanche 25 mai, alors même
qu’ilvenait de susciter le « tremblement de terre politique» qu’il avait
lui-même désiré et prédit.
Le chef du petit parti United
Kingdom Independence Party
(UKIP), député à Bruxelles depuis
1999, n’a jamais été élu à la Chambre des communes et fédère
35 000 membres autour de lui. Il
vient de réussir l’exploit de sa vie :
faire du UKIP le premier parti britannique au Parlement européen.
Avec 29 % des voix, il dame le pion
aux trois partis de l’establishment : Conservateurs (24 %),
Labour (24 %) et LibDems (Libéraux-démocrates, 8 %). Il est
aujourd’hui, de fait, avec la présidente du Front national, Marine
Le Pen, un porte-voix puissant
dans ce nouveau Parlement de
Strasbourg, l’instigateur en chef
de la vague populiste et europhobe qui laisse l’Europe KO debout.
Cette soirée du 25 mai, Nigel
Farage l’a passée sans façons : à
l’hôtel de ville de Southampton,
parmi les candidats des différents
partis dans cette région du Sud-Est
de la Grande-Bretagne qui l’élit
pour la quatrième fois consécutive au Parlement européen.
Victorieux, il n’a rien changé
son image de gentleman populiste: un buste trèsdroit en toutes circonstances et une courtoisie
appuyée que viennent interrompre de gros rires bruyants, si possible la pinte de bière à la main. Il a
contemplé avec magnanimité le
succès de ses efforts : l’énumération répétée des trois fléaux qui
selon lui assaillent le peuple britannique – l’immigration, l’Union
européenneet les partis gouvernementaux, aussi ineptes que l’est
« l’UMPS » pour Mme Le Pen.
Il était aussi assez content de sa
trouvaille, formulée juste avant
Une victoire historique
pour les antieuropéens
Londres
Correspondance
Le tremblement de terre que promettait Nigel Farage a eu lieu. Le
dirigeant du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) a
réussi son pari de terminer en
tête des élections européennes au
Royaume-Uni avec plus de 27 %
des voix. C’est la première fois
depuis 1910 qu’un scrutin n’est
remporté ni par les travaillistes ni
par les conservateurs. « C’est un
résultat extraordinaire», s’est félicité M. Farage. Avant d’ajouter
qu’il s’étonne que ce ne soit pas
arrivé plus tôt : « Les gens ont
enfin compris. Nous avons perdu
le contrôle de notre pays, et de nos
frontières.»
Presque tout le pays a été
emporté par une vague violette,
la couleur du UKIP. Seule l’Ecosse
fait de la résistance : le parti antieuropéen n’y récolte que 10 % des
voix. Londres reste également réticente. Mais, partout ailleurs, le
UKIP s’est largement imposé.
Les travaillistes arrachent de
justesse la deuxième place, juste
devant les conservateurs. Les libéraux-démocrates, les plus proeuropéens, essuient une défaite
catastrophique, terminant à la cinquième place, derrière les Verts.
M.Farage, cofondateur du
UKIP en 1993, réussit ainsi un tour
de force politique. Il y a quelques
années seulement, David Cameron balayait du revers de la main
ce parti, qu’il disait composé de
« cinglés, barjots et racistes qui
n’osent pas dire leur nom ».
Aujourd’hui, le voilà au centre du
jeu politique.
Le UKIP a réussi à s’imposer en
élargissant consciemment son discours politique: au rejet de l’UE,
qui est sa raison d’être, il a ajouté
une opposition à l’immigration
qui lui a valu des accusations répétées de racisme – une charge qui a,
semble-t-il, été contre-productive.
De plus, son dirigeant, M.Farage,
manie un humour décapant, et
travaille une attitude anti-élites,
qui tranche avec les discours aseptisés de ses opposants.
Même si le résultat était attendu, la secousse aura des effets sensibles dans tout le paysage politique britannique, à deux niveaux.
D’abord, d’un point de vue européen, cette victoire ne peut que
faire avancer un peu plus le
Royaume-Uni vers une sortie de
l’UE. « Tous les partis vont être
poussés à être plus eurosceptiques», estime Peter Kellner, président de l’institut de sondage YouGov. Du côté des conservateurs,
David Cameron a promis un référendum sur le maintien dans
l’Union d’ici à 2017. Mais, dans un
premier temps, il veut rapatrier
de Bruxelles un certain nombre
de pouvoirs. « Il va devoir être
beaucoup plus dur dans ses négociations», estime M. Farage.
Les travaillistes aussi vont être
sous pression. Ils ont jusqu’à présent exclu un référendum, sauf
en cas de nouveau traité européen. « Ils vont devoir revoir leur
position», veut croire M. Farage.
Rien n’assure que cela sera le
cas, mais tous les sondages indiquent que les Britanniques souhaiteraient un référendum. Alors que
le Labour est à la peine à un an des
législatives, son chef, Ed Miliband,
pourrait s’y résoudre, afin d’arracher des voix supplémentaires.
Ententes locales
A un deuxième niveau, les
répercussions de la victoire du
UKIP seront importantes pour la
politique intérieure. Le parti antieuropéen n’a aucun espoir de
devenir dominant à la Chambre
des communes, le mode de scrutin majoritaire à un tour rendant
difficile une véritable percée.
Mais M. Farage se prend désormais à rêver tout haut de remporter une poignée de députés aux
législatives, suffisamment pour se
retrouver en position de faiseur de
roi. « Tout est possible», lance-t-il.
Son parti pourrait d’ailleurs remporter un premier siège le 5 juin,
lors d’une législative partielle à
Newark, dans le nord de l’Angleterre : le UKIP y a décroché la première place lors du scrutin européen.
Même si le parti europhobe ne
gagne aucun siège au Parlement,
il peut jouer un rôle décisif en prenant des voix aux autres partis. A
ce jeu-là, ce sont les conservateurs
qui ont le plus à perdre. M. Cameron craint qu’une déperdition de
voix, même minime, vers le UKIP
n’entrave sa réélection, offrant la
victoire aux travaillistes.
Inquiets, plusieurs conservateurs ont appelé à un pacte avec le
UKIP. Si un accord national semble exclu, il n’est pas impossible
que des ententes locales puissent
être nouées, malgré l’opposition
de M. Cameron.
Les partis politiques traditionnels espéreront sans doute que le
phénomène ne soit que passager.
En 2004 et en 2009, lors des deux
précédents scrutins européens, le
UKIP avait obtenu 16 % des voix,
avant de retomber dans l’oubli.
Mais, cette fois, tourner la page
sera beaucoup plus difficile. p
Eric Albert
l’élection : « Le renard UKIP est
dans le poulailler de Westminster.»
Le renard, c’est lui. Le poulailler, ce
sont les députés de la coalition
gouvernementale conservatrice
et LibDem comme de l’opposition
Labour. Nigel Farage est doublement en position de force : avant
lesélections européennes,il a remporté un succès relatif aux élections locales qui ont eu lieu au
Royaume-Unijeudi 22mai: 150sièges de conseillers pour le Ukip qui
n’en avait que 2. « Ce sont deux
avertissements», menace-t-il.
Le leader du Ukip laisse planer
le suspense sur sa propre candidature à la Chambre des communes,
aux élections législatives de
mai 2015. Personne n’est dupe : le
UKIP n’obtiendra pas des scores
semblables lors d’un scrutin général, considéré comme plus vital
pour les électeurs et où la question
européenneredeviendramarginale.Maisil compteen revancheutiliser cette double victoire comme
un moyen de pression sur David
Cameron, Ed Miliband et Nick
Clegg, les leaders conservateurs,
travaillistes et LibDems. « Je leur
donne ce conseil d’ami, dit-il. il
vaut mieux qu’ils changent de politique, sinon les élections générales
seront un désastre pour eux. »
Changer de politique, pour
Nigel Farage, cela se réduit à organiserun référendumsurl’indépendancedu Royaume-Uni.«La victoi-
«Schulz! Je veux
Schulz, bien sûr!
Il est désagréable,
agressif, déplaisant…
Il nous faut le pire!»
Nigel Farage
chef du UKIP
re aujourd’hui des partis eurosceptiques européens, de droite et de
gauche, prouve que ce processus
est inévitable. La bulle européenne
a déjà explosé. Il est plus que
temps : je veux me débarrasser de
l’Union européenne. Je ne veux
plus de commission, plus de Cour
de justice, plus de parlement, plus
de députés, rien. C’est bien clair ? Et
vous verrez, je parie cher que le
Labouraussi promettraun référendum sur la sortie de l’Europe! »
Pour ce qui est du futur président de la Commission européenne, Nigel Farage a fait son choix : il
votera pour l’Allemand Martin
Schulz, du groupe socialiste,actuel
président du Parlement de Bruxelles. Il l’affirme avec tout le sérieux
dont il est capable : « Schulz ! Je
veux Schulz, bien sûr ! Il est désagréable, agressif, déplaisant… Il
nous faut le pire, c’est pour le
mieux ! Schulz sera bon pour en
finir avec l’Europe.»
Nigel Farage et Marine Le Pen,
ont un point commun : les deux
grands vainqueurs du 25 mai ont
réussi l’exploit de mobiliser des
populations désespérées et de leur
trouver, dans un contexte européen en plein marasme, un bouc
émissaireidéal, l’establishment,les
élites nationales ou bruxelloises, la
zone euro et une Union européenne qui seraient la cause de l’immigrationetduchômage.Ilsontpourtant de gros points de divergence:
Nigel Farage, disciple de Margaret
Thatcher, est notamment un ultralibéral affirmé. Il tient par ailleurs à
ménagersonimagede«partieurosceptique décent », seul garant de
son pouvoir d’influence dans la
politique britannique. Pour cela, il
s’obstine à tenir tête à Marine
LePen et répète son refus de siéger
avec le Front national dans un
même groupe parlementaire.
« Nous serons présents au Parlement, nous voterons contre toutes
les directives et il n’y aura pas d’alliance avec un parti qui traîne un
lourdbagagederacismeetd’antisémitisme», clame-t-il.
Sur les dix députés européens
représentant la région du Sud-Est
de la Grande-Bretagne, Nigel Farage a été réélu numéro un. Il fut bref
pour une fois, il n’y avait pas de
foule à convaincre dimanche soir,
juste les candidats, la presse et
quelques coéquipiers. En vieux
routier des tribunes, il a regardé
droit dans les caméras et averti :
« Vous n’avez pas fini d’entendre
parler de nous. » p
Marion Van Renterghem
12
0123
Mardi 27 mai 2014
Grèce Alexis Tsipras, le président de Syriza (gauche radicale), vainqueur du scrutin (26,46 %), à Athènes,
devant le parti conservateur Nouvelle Démocratie (23,17 %). ALKIS KONSTANTINIDIS/REUTERS
Le message anti-austérité
des Grecs à l’Europe
La gauche radicale, menée par Alexis Tsipras,
devient la première force politique du pays
Athènes
Correspondance
C
e n’est pas la foule des
grands jours mais quelques
centaines de militants ont
tout de même fait l’effort de venir,
tard dans la nuit de dimanche
25 mai, applaudir Alexis Tsipras
devant le quartier général de campagne du parti de la gauche radicale Syriza, sur l’une des places principales d’Athènes. Le Syriza vient
d’emporterles électionseuropéennes, avec 26,46 % des voix, et
devient ainsi la première force
politique du pays. « Une grande
première et une victoire pour toute
la gauche européenne! », se félicite, des paillettesdans les yeux,Areti, une sympathisante de 26 ans.
Surla scène, leprésident de Syriza, Alexis Tsipras, écoute très souriant Réna Dourou,l’heureusecandidate du parti, élue sur le fil avec
50,41 % des voix à la tête de la
région de l’Attique, qui concentre
à elle seule 30 % des électeurs
grecs. Car les Grecs votaient aussi
ce dimanche pour désigner leurs
maireset leurs préfets de région. Si
l’Attique a basculé dans le giron de
Syriza, la majorité des treize
régions grecques reste cependant
aux mains des conservateurs.
« Le vrai symbole de la sanction
du gouvernement de coalition,
c’est la victoire de Réna Dourou en
Attique, car l’Attique est la région
qui a le plus souffert de la crise, et
elle vient de choisir Syriza. On a un
pays à deux vitesses avec des
régions assez conservatrices et un
centre autour d’Athènes plutôt
contestataire», explique le politologue Elias Nikolakopoulou. Et
c’est là tout le paradoxe de cette
journée d’élections.
D’un côté, les Grecs ont adressé
à l’Europe le message clair qu’ils
ne voulaient plus de l’austérité en
portant Syriza à la première place,
mais ils se sont montrés moins
aventureux dans les scrutins
locaux en votant pour des candidats issusde la coalitiongouvernementale. Cela prouve que de nombreuxGrecsrestentsensiblesaudiscoursdestabilitépolitiquedéveloppéparleparticonservateurNouvelle Démocratie (ND), qui a réussi à
gagner 23,17% des suffrages.
« C’est une défaite, mais pas si
brutale. Aux législatives de 2012, ND
avait remporté 29% des suffrages»,
souligne M.Nikolakopoulou.
L’ancrage d’Aube dorée
D’autant que si les socialistes
du Pasok sont en recul net par rapport aux européennes de 2009,
avec8,1%sousles couleursde L’Olivier (Elia), ils résistent mieux que
prévu. L’Olivier devance notamment le nouveau parti To Potami
(« la rivière »), créé par le journaliste vedette Stavros Theodorakis,
qui n’obtient que 6,6 %.
Al’annoncedes résultatsdimanche soir, Alexis Tsipras a réclamé
des élections législatives « aussi
rapidement que possible ». Mais
avec trois petits points d’écarts
seulement, les conservateurs de la
Nouvelle Démocratie ont exclu
toute idée de scrutin anticipé.
L’autreenseignementdecescrutin, c’est la montée en puissance
des néonazis d’Aube dorée qui, en
obtenant 9,3 % des suffrages,
deviennent la troisième force du
pays. «Ils se sont ancrés dans le paysagegrecmalgréleursdéboiresjudiciaires. Au premier tour des élections locales, le 18 mai, ils avaient
fait un bon score, autour de 11 % »,
rappelle M. Nikolakopoulou. p
Adéa Guillot
Italie Le cofondateur du Mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo (au centre), dimanche 25 mai, près de Gênes.
Son parti a subi une défaite face au Parti démocrate en ne recueillant que 21 % des voix. MARCO BERTORELLO/AFP
En Italie, la surprise Matteo Renzi
Le Parti démocrate du président du conseil distance le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo
Rome
Correspondant
L
es Italiens ont une expression très imagée pour traduire les efforts de ceux qui,
après avoir prédit les catastrophes, tentent de rétablir la situation quand les événements leur
donnent tort : « S’accrocher aux
miroirs ». Et ils étaient nombreux
ceux qui, dimanche 25 mai, après
la fermeture des bureaux de vote à
23 heures, ont voulu « s’accrocher
aux miroirs ». Tous ceux qui, à la
lecture des derniers sondages,
avant qu’ils ne soient interdits de
publication le 9 mai, avaient pronostiqué la défaite du président
du conseil et secrétaire du Parti
démocrate (PD, centre gauche),
Matteo Renzi, devant le héraut de
la lutte contre l’euro, Beppe Grillo.
La victoire du centre gauche
(41%) est d’abord celle du nouveau
premier ministre. Désigné le
22 février après avoir « mis à la casse » les vieilles gloires du parti et
« poignardé » son prédécesseur,
Enrico Letta, le jeune (39 ans) Matteo Renzi n’avait à son crédit que
sa victoire à la mairie de Florence
en 2009 et celle aux primaires du
PD en décembre 2013. Mais il lui
manquait l’onction d’un vrai scrutin national.C’est aujourd’huichose faite, alors que l’Italie prendra,
le 1er juillet, la présidence tournante de l’Union européenne pour
six mois.
A peine nommé, il a multiplié
les annonces de réformes dans le
but avoué « d’assécher » le vivier
électoral du Mouvement 5 étoiles
de Beppe Grillo. En multipliant les
Ce scrutin signe
la disparition
de la droite
berlusconienne
et postberlusconienne
meetings et les apparitions télévisées, il a convaincu qu’il avait
envie, plus que les autres, de « faire
le job ». Paradoxe : il est l’un des
rares chefs de gouvernement à
avoir ouvertement fait campagne
pour l’Europe et à être sorti vainqueur de ce scrutin.
En théorie, M. Renzi devrait
avoir un boulevard devant lui
pour mener à bien les réformes
encore en chantier. Plusieurs d’entre elles (la modification du mode
de scrutin, la fin du bicamérisme)
ont été mises entre parenthèses le
tempsde la campagne.Mais les faiblesses de ses alliés, Forza Italia et
le Nouveau Centre droit d’Angelino Alfano, peuvent faire craindre
que ceux-ci ne révisent leur stratégied’alliance.L’effetRenzine profite qu’à Matteo Renzi lui-même.
Mais que pèsent-ils ? Le scrutin
du 25 mai, même s’il doit être tempéré d’une forte abstention, signe
ladisparition de ladroite berlusconienne et postberlusconienne. Il
faut remonter au temps de la
Démocratie chrétienne dans les
années 1970-1980 pour trouver
une victoire comparable à celle de
M.Renzi aujourd’hui.
Cet avantage numérique, sur
ses alliés comme sur ses adversaires, lui offre un atout majeur. En
cas de mauvaise volonté d’un de
ses partenaires, il pourrait les
menacer de retourner aux urnes
avec l’assurance, du moins en
tenant compte du scrutin européen, d’en sortir vainqueur.
Pour le Mouvement 5 étoiles,
« presque vainqueur » des élections de février 2013, la défaite est
amère (21 %). M. Grillo, pendant
toute la campagne, a répété que sa
formation était largement en tête.
En semblant lui donner raison, les
sondages ont accrédité l’idée que
sa stratégie d’opposition à outrance était payante.
Cette formation, qui s’apprêtait
à demander la démission du président de la République, Giorgio
Napolitano, et des élections anticipées, va devoir revoir sa stratégie.
Son refus de tout « compromis »
avec les partis au pouvoir l’a déjà
poussée à exclure une vingtaine
de parlementaires qui y étaient
favorables. Ce résultat devrait
encourager les rapprochements
de certains d’entre eux avec le Parti démocrate.
Enfin, ce 25 mai marque peut
être la fin – souvent annoncée,
jamais vérifiée – du berlusconisme. Condamné à quatre ans de prison (réduit à une année en raison
de diverses amnisties) pour fraude fiscale, privé de ses droits civiques, humilié par sa participation
quatre heures par semaines à des
travaux d’intérêt général dans un
hospice de la banlieue de Milan,
l’ex-Cavaliere a fait campagne,
comme Beppe Grillo, contre l’Allemagne et contre l’euro. Les Italiens
semblent avoir jugé qu’il n’avait
plus l’énergie ni l’âge du rôle. p
Philippe Ridet
Nouveau triomphe pour le parti de M.Orban en Hongrie
L’éclatement de la gauche profite à l’extrême droite du Jobbik, deuxième derrière le Fidesz-KDNP
Vienne
Correspondante
L
es élections européennes ont
nettementconsolidé,en Hongrie, la droite conservatrice
et l’extrême droite radicale, tout
en rebattant les cartes au sein de la
gauche.Dans la foulée des législatives du 6 avril, la coalition Fidesz-
KDNP au pouvoir a remporté
51,49 % des voix et 12 sièges sur 21 :
c’est un nouveau triomphe pour le
premier ministre, Viktor Orban,
qui s’est distingué, depuis 2010,
par ses attaques contrela « dictature » bruxelloise.
Pendant la campagne, il n’a pas
hésité à attaquer l’Union européenne (UE). Après une décision
de la Cour européenne des droits
de l’homme – qui ne dépend pas
de l’UE, mais du Conseil de l’Europe – demandant à la Hongrie de
réexaminer son régime de peines
à perpétuité, Viktor Orban a répliqué, pendant un meeting, le
20mai : « C’est l’ultime preuve qu’à
Bruxelles et à Strasbourg, dans
l’Union européenne, les droits des
criminels passent avant ceux des
victimes et des innocents. »
Faible participation
La véritable surprise vient des
bons résultats obtenus par deux
listes de la gauche libérale proeuropéenne,la Coalition démocratique (DK) de l’ancien premier
ministre Ferenc Gyurcsany, qui a
atteint 9,76 % des suffrages, soit
2 sièges, et celle de son successeur
lorsqu’il avait dû démissionner
sous la pression de l’opposition,
Gordon Bajnai, dont la formation
Együtt (Ensemble) a remporté
7,22% des voix et un siège.
Cettedouble performancea surtout affaibli le Parti socialiste
(MSZP), héritier direct de l’ancien
Parti communiste, qui subit un
revers cinglant : il est relégué à la
troisième place, avec seulement
10,92% des voix et deux sièges. La
faible participation (28,92 %) semble avoir nui à la gauche.
Le parti écologiste LMP (Faire de
la politique autrement), qui veut
se tenir à égale distancedes conservateurs et de la gauche, réussit son
entrée au Parlement européen,
avec 5 % des suffrages et un député. Au total, la gauche et les écologistes capitalisent plus de
750 000 voix, alors que le parti
d’extrême droite, Jobbik, en
obtient près de 340 000.
L’éparpillementdu vote de gauche a pour conséquence de donner
au Jobbik la deuxième place – une
victoire symbolique, car il a peu
progresséen voix(14,68%) par rapportà 2009et gardele même nombre de députés (trois).
Mais la bonne tenue du Jobbik,
malgréles accusationsd’espionnage au profit de Moscou lancées
contre un de ses candidats, ne peut
que conforter le cours eurosceptique de M. Orban, décidé à faire
entendre sa voix dans le groupe
des conservateurs du Parti populaire européen (PPE).
LeFideszn’apasfailliàsaréputation de membre turbulent du PPE
en prenant position contre le chef
de file de son parti, Jean-Claude
Juncker : « Nous ne pensons pas
qu’il doive diriger la Commission»,
a déclaré le parti de M. Orban à la
veille du scrutin du 25 mai. p
Joëlle Stolz
0123
européennes 2014
Mardi 27 mai 2014
Allemagne Au QG du SPD, Martin Schulz, candidat du Parti socialiste européen à la présidence de
la Commission, et le vice-chancelier Sigmar Gabriel. Le parti a recueilli 27,4 % des suffrages. J. MACDOUGALL/AFP
Pologne Les premiers résultats annonçaient la Plateforme civique (PO) du premier ministre Donald Tusk
(au centre) en tête. Au matin, le parti n’obtenait que la deuxième place, avec 31,29 % des votes. J. SKARZYNSKI/AFP
Donald Tusk limite la montée
de l’euroscepticisme en Pologne
Le premier ministre bénéficie de sa stature internationale, acquise pendant la crise ukrainienne
Varsovie
Envoyée spéciale
E
trange ambiance sur la place
des Trois-Croix, au cœur de
Varsovie. Sorties il y a peu du
stade, des centaines de supporters
du Legia Varsovie défilent, bière à
la main, pour saluer la victoire de
leur club de football dans le championnat national. Au milieu, sans
leur accorder un regard, un vieil
homme ému en interpelle un
autre : « Jaruzelski est mort ! » La
mortdu dernier dirigeantcommuniste du pays, à 90 ans, vient d’être
annoncée. Toujours sur la même
place, dans le très chic restaurant
Ale Gloria, les membres de la Plateforme civique (PO), parti de centre
droitau pouvoir,attendentfébrilement les résultats des élections
européennes.
A 21 heures, le premier sondage
Ipsos tombe : le PO arrive en tête
avec 32,2 % des suffrages, soit un
point de plus que Droit et Justice
(PiS), le deuxième parti du pays, de
droiteeurosceptique.«Jevousfélicite, mais les résultats frôlent le
match nul et je pense qu’il faut
attendre demain matin», se réjouit
prudemment Donald Tusk, le fringant premier ministre PO. Il ne
croit pas si bien dire. Dans la nuit,
les résultatspartiels donnent lavictoire au PiS, en tête de… 5 points sur
le PO, à 33,88%. Mais, à 5 heures du
matin, nouveau retournement: le
PiS n’estplus en tête que d’un point
à 32,35 % contre 31,29 % au parti au
pouvoir. Lundi matin, 10 % des
bureauxdevoten’avaientpasencore été dépouillés. Et il n’est pas
exclu que le PO reprenne la main.
Dans tous les cas, les deux partis
au coude-à-coude devraient chacun envoyer 19 élus au Parlement
européen. « C’est un score honorable : après tout, nous avons gagné
toutes les élections depuis 2007 »,
relativise un militant du PO.
Le taux de
participation est
estimé à 23% environ,
moins qu’en 2009
Il est vrai qu’il y a quelques mois
encore, tous les sondages prédisaient une large victoire du PiS,
dirigé par Jaroslaw Kaczynski,
ancien président du conseil et frère jumeau du président Lech Kaczynski, mort dans un accident
d’avion en 2010.
Tout jouait contre le PO. Après
avoir surfé sur la croissance qui a
porté le pays après son entrée dans
l’Union européenne il y a dix ans,
M.Tusk avait en effet dû faire face,
début 2013, au mécontentement
croissant des Polonais. Notamment à propos de la précarité. « Il a
aidé les entreprises, mais nous, les
jeunes, n’avons que des contrats
pourris », s’agace ainsi Agnieszka
Dornowska,graphisteindépendante de 29 ans, évoquant les contrats
d’un mois mal rémunérés.
Le PiS a donc battu campagne
surles faiblessesdugouvernement
et s’est présenté comme l’alternative. Son slogan: « Servir la Pologne,
écouter les Polonais.» « Seulement,
lacriseukrainienneestvenuebouleverser la donne», explique Lukasz
Mezyk,cofondateurdusited’analyse politique 300polityka.pl. Dès le
début des tensions, le premier
ministre Tusk s’est posé en défenseur de l’Ukraine. Il a proposé une
union énergétique afin de sécuriser les approvisionnementsen gaz.
Son slogan : « Une Pologne forte
dans une Europe sûre.» « Cela lui a
donné une stature internationale
qui a remobilisé une partie de l’électorat du PO », commente Konrad
Piasecki, journaliste à Varsovie.
Surtout,M.TuskrassurelesPolonais, inquiets des manœuvres de
leur imposant voisin russe – selon
un sondage de l’institut CBOS, 47 %
estiment que la sécurité de leur
pays est menacée. « Il a habilement
fait passer au second plan les problèmes intérieurs», remarque Eryk
Mistewicz, spécialiste en communication politique. « Voilà pourquoi les deux grands partis arrivent
au coude-à-coude.»
Quel enseignement tirer, à près
d’un an des législativeset de la présidentielle polonaises? « Le PO n’a
pas trop de souci à se faire, car il a
plusd’alliés que le PiS avecqui monter une coalition », explique
M. Mezyk, qui s’inquiète plutôt du
faible taux de participation, estimé à 23 % environ, soit moins que
les 25 % des européennes de 2009.
Autre inquiétude : le score surprise des europhobes du Congrès
de la nouvelle droite (KNP), qui a
récolté7,06%desvoix(4eurodéputés), selon les résultats partiels, ce
qui en fait le sixième parti après les
sociaux-démocrates du SLD
(9,55 %) et le parti paysan, le PSL
7,21%.Sonchef,JanuszKorwin-Mikke, 72 ans, mathématicien insolent
etanciendissidentanticommuniste ultra-libéral, s’est fait remarquer
ces dernières semaines par ses propos antidémocratiques. « Nous
allons démanteler l’Union européennede l’intérieur», a-t-il déclaré
en découvrant les résultats.
« C’est un personnage quelque
partentreJean-MarieLePenetColuche, cultivant l’absurde et l’antiestablishment», décrypteErykMistewicz. M. Korwin-Mikke séduit un
électorat jeune et un peu perdu,
selon les analystes. Donald Tusk
utilisera probablement le KNP
comme repoussoir afin de remobiliser son électorat. p
Marie Charrel
Le SPD gagne du terrain, tandis que la CSU, affaiblie par sa campagne antieuropéenne, recule
U
ne participation en hausse,
des partis au pouvoir dont,
globalement, les résultats
sont meilleurs qu’en 2009, les partis extrémistes maintenus en marge du système : dans une Europe
critiquée de toutes parts, d’Athènes à Copenhague en passant par
Paris, l’Allemagne apparaît commeunpôlede stabilité,ce qui pourrait – encore – renforcer son poids
sur la scène européenne, d’autant
plus que François Hollande, lui,
sort affaibli de ce scrutin.
Sept électeurs allemands sur
dix ont en effet voté pour un parti
favorable à la construction européenne,voire à son approfondissement : la CDU, le SPD, les Verts
(10,5%)oule Partilibéral(FDP).Grâce à la progression(+ 6,3 %) du Parti
social-démocrate depuis 2009, la
coalitionau pouvoir– quiest ànouveau la même qu’il y a cinq ans –
réalise un meilleur score que lors
du précédent scrutin européen.
Si le message pro-européen
envoyépar les électeursallemands
est donc incontestable, ceux-ci ont
émis un autre signal, qui empêche
les partis porteurs du projet européen d’être totalement satisfaits.
Le premier est le succès d’Alternative pour l’Allemagne (AfD).
Crééeau printemps2013 par Bernd
Lucke, un universitaire de Hambourg déçu par la CDU, dont il a
longtemps été adhérent, l’AfD a
raté de peu son entrée au Bundestag en septembre 2013. Mais, en
huit mois, ce parti a porté son score de 4,7 % à 7 %. Peut-être parce
qu’il insiste désormais moins sur
le retour au deutschemark que sur
la limitation des pouvoirs accordés à la Commission européenne.
L’avenir de ce parti, qui se dit
plus proche des conservateurs britanniques que du Front national
français, est l’une des inconnues
desprochaineséchéancesélectorales en Allemagne. En revanche, la
CSU bavaroise, qui a mené une
campagne plutôt eurosceptique,
notammentenraison dela concurrence de l’AfD, a obtenu le pire score deson histoireà un scrutineuropéen (40 % en Bavière, soit 8 % de
moins qu’en 2009).
Treize partis
Mêmesile scrutinnevapas bouleverser la coalition au pouvoir, la
CSUva setrouver légèrementaffaiblie alors que le SPD, en progrès
par rapport aux scrutins précédents (27,4%), peut retrouver quelquesraisonsd’espérer.AngelaMerkel devait recevoir à la chancellerie, lundi 26 mai, Horst Seehofer, le
président de la CSU, et Sigmar
Gabriel, le président du SPD, pour
faire le bilan des élections avant le
dîner des chefs d’Etat et de gouvernement européens mardi soir.
Il devrait surtout être question
de la place qu’auront les Allemands dans la future Commission.Rivaux avant les élections,il y
a fort à parier que Sigmar Gabriel
et AngelaMerkeltrouverontfacile-
Arrivéeentête,
l’extrêmedroitedanoiseest
enquêtederespectabilité
LeParti populaire a su capter les voixdes déçus
deslibéraux etdes sociaux-démocrates
Stockholm
Correspondance
C
ommeenFrance, uneformation d’extrême droite antiimmigrés et eurosceptique,
le Parti populaire danois (DF), arrive en tête des élections européennes au Danemark, avec 26,7 % des
voix, soit plus du double de son
score obtenu lors des élections de
2009.
Cette victoire spectaculaire permet à DF d’envoyer deux députés
européens en plus des deux
actuels à Strasbourg et Bruxelles.
Deux tiers des gains réalisés l’ont
été au détriment du Parti libéral,
affaibli par un scandale qui a touchésonprésident.L’autretiers provient des sociaux-démocrates, un
parti à qui l’extrême droite n’hésite pas à faire des appels du pied.
Lors de son discours du 1er-Mai,
le président de DF, Kristian Thulesen Dahl, avait été jusqu’à leur lancer un appel direct : « Les travailleurs danois ont beaucoup à
gagner si DF et les sociaux-démocrates se rapprochent les uns des
autres.» Un calcul en partie électoraliste, mais qui témoigne aussi
de la volonté de DF – qui prend garde de se démarquersystématiquement du FN français – de lisser
son image.
Résultat moyen
des Vrais Finlandais
L’Allemagneresteunpôledestabilitéélectorale
Berlin
Correspondant
13
ment un terrain d’entente. Même
si le SPD réclame une « autre Europe » et vasans doute prendreappui
sur le succès des eurosceptiques
dans nombre de pays pour réitérer
sonmessage,le SPDassume parfaitement la politique européenne
menée par Angela Merkel. FrankWalter Steinmeier, ministre (SPD)
des affaires étrangères, la qualifie
d’ailleurs de « succès».
Etonnamment, malgré une
« équipe allemande » très soudée,
ce ne seront pas moins de treize
partis que l’Allemagne devrait
envoyer au Parlement européen
en raison d’une récente décision
de la Cour constitutionnelle de
Karlsruhede ne pas mettrede seuil
minimal pour entrer au Parlement. Parmi ces partis figureront
le Parti libéral, exclu du Bundestag
en 2013 et qui continue sa descente
aux enfers avec un minuscule
3,4 % des voix, et le parti néonazi
(NPD)qui obtient 1 % des voix et un
député. p
Frédéric Lemaître
La Finlande a échappé à la vague
populiste des élections européennes. Depuis leur succès aux
élections législatives de 2011, où
ils avaient atteint 19 % des suffrages, les Vrais Finlandais (VF)
avaient le vent en poupe.
Ils réalisent finalement une performance moyenne, avec 13 %
des suffrages. Le parti populiste
occupe la troisième place, derrière les conservateurs et les centristes, juste devant les sociauxdémocrates.
Les Vrais Finlandais avaient
reculé dans les sondages ces dernières semaines. Ils réalisent
toutefois un score supérieur à
celui qu’ils avaient obtenu lors
des élections européennes de
2009 et enverront deux députés
au Parlement européen.
Ce parti souverainiste, hostile à
l’immigration, a adouci depuis
longtemps ses discours pour
apparaître comme crédible, et
s’est nettement dissocié du
Front national français. Pourtant, l’un des deux futurs députés VF au Parlement sera un certain Jussi Halla-aho, connu pour
ses propos racistes.
Dimanche soir, la tête de liste
européenne de DF, Morten Messerschmidt,a affirmé regretter que
« des partis comme le Front national et Aube dorée gagnent du terrain. Mais ils le font, dit il, parce que
les partis établis trahissent les Européens. Il n’y a pas d’autre alternatives si l’on veut donner une autre
direction à l’Europe». Selon lui, des
partis comme DF et les conservateurs britanniques tentent de
remettre l’Europe sur les rails. DF a
indiqué qu’il comptait rejoindre le
groupe des conservateurs et réformateurs européens (ECR).
Responsabilité
Depuis six mois, au Danemark,
le débat a porté sur les avantages
sociaux dont bénéficient les
citoyens de l’Union européenne
dansle pays. Cedébat a profitéà DF,
qui réclame notamment une dérogation afin que le Parlement
danois, et non l’UE, décide qui a
droit aux allocations familiales et
chômage.
Pia Kjærsgaard, fondatrice de
DF, a récemment critiqué le dumpingsocialetlacriminalitéoriginaire de l’Europe de l’Est – DF est partisan du rétablissement des contrôles aux frontières. Quant à Anders
Vistisen, le numéro deux sur la liste,ilestd’avisdesupprimerleParlement européen et de stopper l’entrée des musulmans au Danemark.
Revenant sur cette thématique
des avantages consentis aux
citoyens européens, la première
ministre sociale-démocrate Helle
Thorning-Schmidt,après avoir félicité l’extrême droite pour sa victoire, a rappelé à DF qu’il avait désormais une grande responsabilité :
« Nous allons maintenant voir si
vous utilisez ces voix pour lutter
contre le dumping social. Parti du
peuple danois, nous vous avons à
l’œil», a lancé la première ministre.
A la différence de la situation
française, l’extrême droite a gagné
une certaine respectabilité démocratique au Danemark depuis une
quinzaine d’années déjà. Anders
Fogh Rasmussen, premier ministre libéral d’un gouvernement
minoritaire entre 2001 et 2009,
avait ouvert la voie en faisant du
Parti du peuple son allié au parlement, lui permettant ainsi de rentrerdans lejeu politique.En échange de son soutien, DF avait obtenu
untrès net durcissementde la politique d’immigration danoise.
Les sociaux-démocrates euxmêmes ont souvent adopté la
même rhétorique, ce qui est l’une
des raisons de leur baisse régulière
au profit de l’extrême gauche. p
Olivier Truc
14
international
0123
Mardi 27 mai 2014
L’Ukraine porte au pouvoir Petro Porochenko
La victoire de l’homme d’affaires au premier tour de la présidentielle renforce le camp des partisans de l’unité
Kiev
Envoyé spécial
A
circonstances exceptionnelles, résultathors normes. Un
pays meurtri n’a pas de
temps à perdre avec de longues
batailles politiques. Petro Porochenko, 48 ans, a été élu président
de l’Ukraine dès le premier tour,
dimanche 25 mai. Il était crédité,
lundi matin, de 54,13 % des voix
après le dépouillement de 28 % des
bulletins, très loin devant l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko (13,5 %). Depuis vingt ans,
aucun autre président – Léonid
Koutchma, Viktor Iouchtchenko,
Viktor Ianoukovitch – n’avait reçu
un mandat de cette force.
La perte de la Crimée (1,8 million d’électeurs),la très faibleparticipation dans l’est du pays, en raison des violences séparatistes, et
l’incapacité d’un Parti des régions
en crise à soutenir un seul candidat fort expliquent en partie ce
Dans l’est du pays,
à peine 13%
des bureaux étaient
ouverts, et seuls 18,2%
des électeurs ont eu
la possibilité de voter
résultat exceptionnel. Le premier
représentant dit « de l’Est », Serhyi
Tikhipko, n’arrive qu’en cinquième position (5 %). Mais un autre
facteur a également joué. Le score
de Petro Porochenko, que personne n’avait anticipé, témoigne d’un
effet paradoxal de l’entreprise de
déstabilisation lancée par la Russie après la révolution de Maïdan :
en portant atteinte à l’intégrité de
l’Ukraine, elle a consolidé l’unité
du pays.
Pour la première fois depuis la
« révolution orange » de 2004, la
fracture de l’Ukraine en deux
– ouest tourné vers l’Europe, est
vers la Russie – ne se traduit pas
dans les urnes. « Nous vivons dans
un nouveau pays », a expliqué le
vainqueur, dimanche soir, aux
côtés du boxeur Vitali Klitschko,
nouveau maire de Kiev. M. Porochenko a remercié « du fond du
cœur» les électeurs. Il a promis de
réaliser les aspirations européennes du pays, en signant le traité de
libre-échange avec l’UE et en obtenantla levée des visaspourl’espace
Schengen.Mais,enpriorité,ilcompte « mettre fin au chaos» dans l’Est.
Sonpremierdéplacementauralieu
dans le Donbass.
Il lui faudra une bonne escorte,
car la solidité des fils qui relient la
Petro Porochenko lors de sa conférence de presse, à Kiev, dimanche 25 mai. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
région au reste de l’Ukraine reste à
l’épreuve. Certes, on a suffisamment voté, dimanche, pour que
Kiev puisse prétendre rétablir son
autorité dans l’Est, au nom d’un
Etat unitaire. Mais à peine 13% des
bureaux étaient ouverts dans la
région. Selon le Comité des électeursd’Ukraine,uneONGquiobserve l’élection, seuls 18,2% des électeurs ont eu la possibilité de voter.
Les séparatistesne sont pas allés
à l’affrontement contre l’armée
ukrainienne. Ils se sont contentés
de rendre désertes les rues de
Donetsk. Pas un seul bureau de
vote n’y a ouvert. Ils avaient torpillélescrutinbienavantl’ouverture en multipliant les raids dans les
commissions électorales, intimidantles volontaires,enlevantbulletins, listes et tampons en toute
impunité. Preuve symbolique de
leur détermination: Rinat Akhmetov, le maître de Donetsk, est dorénavant pris pour cible. Un rassem-
blement a eu lieu dimanche
devant sa résidence.
La surprise du score réalisé par
Petro Porochenko vient non seulement de son ampleur, mais aussi
du contraste avec une campagne
globalement terne. Les principaux
candidatsonttousparlédelanécessité d’une Ukraine forte face à la
menaceextérieure,deladécentralisation, de la lutte contre la corruption. Petro Porochenko a profité de
trois facteurs: son image de manager à succès, comme patron du
groupe chocolatier Roshen; le vote
utile; la faiblesse de ses rivaux.
Le vote utile a été déterminant.
En raison de l’annexion de la Crimée et des violences croissantes
dans le Donbass, il fallait au plus
vite doter l’Etat d’une tête pensante, agissante et surtout légitime. La
souveraineté
démocratique
devait cautériser les atteintes à la
souveraineté territoriale. Petro
Porochenko a évoqué dès ce
dimanche les futures négociations avec la Russie. « Le peuple russe, comme le peuple ukrainien, a
payé un prix élevé pour l’aventure
en Crimée », a-t-il rappelé. Le vainqueur réclame aussi des élections
législatives anticipées, dès cette
année. Elles se justifient, selon lui,
M.Porochenko
a profité de trois
facteurs: son image
de manager à succès,
le vote utile et la
faiblesse de ses rivaux
parce que le Parlement actuel porte « une responsabilité politique, et
non pénale » dans la pente « totalitaire » de l’ancien régime, et
notamment le vote des lois répressives du 16 janvier.
Reste à savoir quelle stratégie va
adopter le président, pour faire
fructifier son succès. Il ne dispose
pas d’un véritable parti. Sa victoire
spectaculaire traduit aussi, en
creux, la faiblesse de ses adversaires. Ioulia Timochenko n’a pas été
capable de renouveler son image,
après sa sortie de prison fin février.
Elle a continué de miser sur un
one-woman-show dont les électeurs sont lassés. Bien que victime
d’une vendetta politico-judiciaire,
emprisonnée pendant plus de
deux ans, Mme Timochenko est vue
comme une figure archétypale des
élites compromises depuis la
« révolution orange » de 2004. Ses
attaques contre Petro Porochenko
au sujet de ses alliances oligarchiques, notamment avec l’intermédiairedusecteurgazier,DmitroFirtach, n’ont pas eu d’impact. Même
son changement de coiffure et
l’abandon de la tresse, à deux jours
du scrutin, ont provoqué de simples haussements d’épaules.
Le troisième homme surprise
du scrutin est Oleh Liachko
(8,48 %). Le chef du Parti radical,
une formation nationaliste, est un
ancien journaliste, devenu un
populiste controversé. Il a fait parler de lui dans la dernière ligne
droite de la campagne en revendiquant l’organisation d’un groupe
paramilitaire, destiné à défendre
le Donbass contre les séparatistes
et les criminels.
A noter, enfin, le score extrêmement faible des deux figures de
l’extrême droite, Dmitro Iaroch
(Pravyi Sektor) et Oleh Tiakhnibok
(Svoboda), qui plafonnent chacun
à environ 1 %. Contrairement aux
fantasmes fabriqués par les télévisions russes, l’Ukraine ne s’est pas
livrée aux « fascistes » après
Maïdan.Elle s’est au contraire donnée,sansillusions,àunhommerassurant par temps de chaos. p
Piotr Smolar
(avec Louis Imbert à Donetsk)
Un oligarque rusé et opportuniste à la tête d’un pays au bord du gouffre
Portrait
Kiev
Envoyé spécial
« Une vie meilleure» : tel a été le
slogan de campagne de Petro Porochenko. La sienne, en tout cas,
vient de basculer dans un autre
monde, grâce à une victoire électorale sur laquelle personne
n’aurait misé il y a quelques mois.
Non pas que Petro Porochenko,
48ans, manquât de qualités. Rompu aux coulisses de la politique
ukrainienne, il a su faire preuve
de flair et d’opportunisme. Affable, pragmatique, pro-européen,
entrepreneur comblé : son profil
est rassurant pour les électeurs et
les chancelleries occidentales.
Mais, derrière cette présentation favorable, Petro Porochenko,
le « roi du chocolat», personnifie
des traits typiques de la politique
ukrainienne, où les intérêts
publics et privés sont indissociables. Le nouveau président fait
partie de la caste des oligarques,
ce petit groupe de milliardaires
qui utilisent leurs relais politiques et médiatiques pour accroître leur puissance. Difficile, dès
lors, de l’imaginer en nettoyeur
des mœurs dissolues des élites et
de la corruption.
« Etre oligarque en Ukraine ne
signifie pas être impopulaire, souligne le politologue Volodymyr
Fessenko, du centre Penta. La plupart des gens votent sans problème pour eux. Cela reflète une
empreinte paternaliste. Si l’Etat ne
prend pas en charge la vie des
Ukrainiens, quelqu’un doit le faire,
pensent-ils.» Le candidat a joué
sur ce sentiment, en répétant que
le salaire moyen des employés de
sa compagnie Roshen était de
7 000 hryvnia (438 euros), deux
fois plus qu’au niveau national.
La vie de Petro Porochenko s’est
accélérée depuis la fin juillet2013.
C’est alors que débutent les pressions commerciales de la Russie
contre l’Ukraine, pour que Kiev ne
signe pas l’accord d’association
avec l’Union européenne. Première cible: Roshen, l’entreprise chocolatière. A cette époque, Petro Poro-
chenko réfléchit déjà à une stratégie pour les élections prévues en
2015. Maïdan va tout bouleverser.
Avant même l’établissement
des barricades, il apparaît aux
côtés des premiers manifestants,
début décembre 2013, mais se fait
malmener. Il se tiendra ensuite en
retrait, tout en apportant un soutien financier et médiatique au
mouvement. Après trois mois de
conflit sur la place centrale de
Kiev, et plus d’une centaine de
morts, le président Viktor
Ianoukovitch s’enfuit en Russie le
22 février. Un nouveau gouvernement transitoire est formé, une
élection présidentielle fixée au
25 mai.
Plutôt seul que dépendant
Pendant cette période révolutionnaire, les leaders de l’opposition n’ont pas réussi à s’imposer
devant une opinion publique
mue par un rejet généralisé des
élites. Petro Porochenko passe
entre les gouttes de cette colère.
« Les étoiles lui ont souri, remarque Oleh Ribatchouk, ancien chef
de l’administration présidentielle
sous Viktor Iouchtchenko. Il est
ressorti en contraste avec les
autres personnalités qui coulaient
à la tribune car elles s’étaient engagées dans des négociations avec
Ianoukovitch.»
Sa chaîne, 5e Canal, a assuré une
couverture favorable aux protestataires, comme lors de la « révolution orange», en 2004. Le soir de
la destitution de Viktor Ianoukovitch, Petro Porochenko était sur
scène, le journal officiel à la main,
célébrant la victoire de Maïdan.
Durant la campagne, il s’est engagé à vendre ses actifs en cas de victoire, à l’exception de la chaîne.
Outre le groupe chocolatier, fleuron de ses biens, Petro Porochenko possède Ukrprominvest, une
corporation contrôlant différentes sociétés automobiles (voitures, bus, tracteurs).
Petro Porochenko est né en
1965 à Bolgrad, dans la région
d’Odessa. Diplômé de l’université
Taras-Chevtchenko de Kiev en relations internationales, il a débuté
dans les affaires en important des
fèves de cacao. Il a ensuite racheté
des usines de chocolat, qui formeront le socle du groupe Roshen.
Il a commencé sa carrière politique en étant élu député en 1998.
Les années suivantes le verront
changer constamment d’alliances.
A cette période, on assiste à une
recomposition du paysage politique. L’entrepreneur rejoint
d’abord le Parti social-démocrate,
acquis au président Koutchma. En
2000, Petro Porochenko forme sa
propre structure, Solidarité, qui
intègre le Parti des régions en
2000.
Mais dès 2001 il entre dans les
rangs de Notre Ukraine, le bloc de
Viktor Iouchtchenko, futur leader
de la « révolution orange», qui
sera le parrain de ses filles. Président du conseil de la banque nationale, il est devenu ministre des
affaires étrangères en octobre2009 jusqu’à la présidentielle
début 2010. Il n’a pas hésité à
rejoindre par la suite un gouvernement composé par le Parti des
régions, du président Viktor
Ianoukovitch. Il devint ainsi, pour
quelques mois, son ministre du
développement économique.
La faiblesse et la force de Petro
Porochenko, c’est d’avoir toujours
préféré être seul que dépendant.
Le voilà élu président dans un
cadre contraignant, le retour à la
Constitution de 2004. Les élections législatives anticipées, qu’il a
appelées de ses vœux dès dimanche soir, doivent lui offrir la base
politique indispensable pour
peser sur le gouvernement.
«Son parti Solidarité n’est
même pas enregistré, souligne le
journaliste Serhyi Levtchenko,
d’Ukrainska Pravda. Ils n’ont pas
de site, d’adresse, d’organisation.
On ne peut même pas s’y inscrire.»
C’est la raison pour laquelle, au
cours de la campagne électorale, le
candidat s’est appuyé sur les structures régionales d’Oudar, la formation de son allié, Vitali Klitschko.
Recoudre le pays, le sauver de la
banqueroute, prévenir tout nouveau débordement révolutionnaire : les défis du nouveau président
sont à la hauteur de sa victoire. p
P. Sm.
0123
international
Mardi 27 mai 2014
15
Le voyage du pape
au Proche-Orient
signe le retour de la
diplomatie vaticane
François a multiplié les initiatives symboliques
lors de son pèlerinage en Terre sainte
Bethléem (territoires
palestiniens), Jérusalem
Envoyée spéciale
I
l y a d’abord eu l’image, dimanche 25 mai, peu avant la messe.
Une image d’une redoutable
efficacité. Le pape François, le
front appuyé contre le béton froid
du mur qui sépare Israël de la Cisjordaniedepuisla deuxièmeIntifada au début des années 2000, le
visage fermé, « priant en silence »,
semblant porter la détresse des
Palestiniens. Un geste spectaculaire, politique et perçu comme tel
par les parties en présence.
Le premier
mouvement de
François sur le terrain
géopolitique
fut la dénonciation
de l’éventuelle
intervention militaire
en Syrie
Quelques instants plus tard, à
l’issue d’une messe joyeuse célébréeàBethléem,lepapealancéaux
présidents israélien et palestinien
une invitation à venir « prier pour
la paix dans [sa] maison au Vatican ». Comme un ultime recours
face à une situation « toujours plus
inacceptable»,cetteinitiativeinédite, préparée depuis plusieurs
semaines en toute discrétion, a été
saluée par les deux hommes et
pourrait se tenir à Rome le 6juin.
Après des années de négociations avortées, de « feuilles de route » et de traités non respectés par
les deux parties, rien ne garantit
que cette rencontre débouche sur
d’éventuelles avancées politiques,
d’autant que Shimon Pérès, le président israélien achève son mandat en juillet. Mais elle signe le
retour de la diplomatie vaticane
dans les affaires du monde. La
nominationd’un diplomatede carrière à la secrétairerie d’Etat,
Mgr Pietro Parolin, par le pape,
n’est pas étrangère à cette nouvelle tonalité. Mais la personnalité de
François,enclinà l’activisme diplomatique, compte aussi beaucoup.
Contrairement à son prédécesseur, il rencontre régulièrement
les ambassadeurs auprès du SaintSiège et entretient des contacts
réguliers avec les nonces à travers
le monde. La rapidité avec laquelle
il s’est installé sur la scène internationale l’autorise aussi à formuler
des propositions de ce type. « Dans
les relations internationales ou sur
les questions d’environnement, il a
acquis en quelques mois une forme
de leadership », analyse le vaticaniste Ignazio Ingrao.
Mais au-delà de ces paroles, le
Vatican a-t-il les moyens de ses
ambitions diplomatiques ? « Le
pape sait qu’il n’a pas de pouvoir
politique, a précisé son porteparole à Bethléem, dimanche.
Mais il est une autorité morale qui,
à sa manière, par la prière, peut
inviter deux parties en conflit à se
rencontrer. »
L’histoire vaticane récente a
retenu la contribution de
Jean Paul II et de ses voyages répétés en Europe de l’Est à l’effondrement de l’empire soviétique. L’histoire plus ancienne évoque aussi
François d’Assise, qui, en 1219, se
rendit auprès du sultan Al-Kamil
pour tenter de mettre fin à la
guerre entre chrétiens et musulmans – et le convertir! Mais, dans
ces affaires, le pape est rarement
en première ligne. Des personnalités ou des groupes reconnus par
l’Eglisecatholique,commele mouvement Sant’Egidio,font généralement office de médiateurs.
François a visiblement choisi
une autre stratégie. Son premier
mouvementsur ce terraingéopoli-
Le pape François devant le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie, dimanche 25 mai, à Bethléem. « L’OSSERVATORE ROMANO »/AP
tique fut la dénonciation forte et
répétée de l’éventuelle intervention militaire en Syrie, portée par
les Français et les Américains, en
2013.S’iln’est pas allé jusqu’àinterpeller directement les parties
syriennes en présence, le pape
avait, en septembre, pris l’initiative de s’adresser aux responsables
du G20, réunis à Saint-Pétersbourg. Dans la missive, adressée
auprésidentrusse, VladimirPoutine, le pape François écrivait: « Aux
leaders présents, à chacun, je lance
un appel sincère pour permettre de
trouver des moyens de surmonter
ces conflits et de mettre de côté la
poursuitefutile d’une solutionmilitaire.» Il concluait en espérant que
« ces pensées puissent être une
contribution spirituelle valable à la
rencontre».
Son appel à la prière pour la
paix en Syrie début septembre
avait, de manière inédite, mobilisé
des dizaines de milliers de personnes à travers le monde. Le Vatican
s’était félicité du renoncement
aux frappes militaires, laissant
entendre que le message du pape
Le pape invite M. Pérès et M. Abbas à venir prier au Vatican
Répondant à l’invitation du pape
François, qui a convié, dimanche
25 mai, les dirigeants palestinien et israélien à prier avec lui
au Vatican pour la paix, le négociateur palestinien Saëb Erakat
a indiqué que Mahmoud Abbas,
le président de l’Autorité palestinienne, avait « accepté et le lui a
dit », précisant que la visite
aurait « lieu le 6 juin ».
Du côté israélien, le président
Shimon Pérès a « salué l’invitation du pape », a indiqué son porte-parole, sans confirmer qu’il
s’y rendrait. « Demain, le pape
rencontrera le président Pérès.
Ce sera l’occasion d’être plus précis. Je ne pense pas que nous disposions aujourd’hui de tous les
éléments », a déclaré le père
Federico Lombardi, porte-parole
du pape.
« C’est une invitation qui a été
lancée ce dimanche. Il est bon de
laisser au moins un ou deux jours
pour qu’il [le président Pérès]
prenne sa décision », a-t-il ajouté. Le père Lombardi n’a ni
confirmé ni démenti à ce stade
la date du 6 juin pour
cette rencontre au Vatican.
n’y était peut-être pas pour rien. A
chaqueoccasion,devantlesambassadeurs ou sur Twitter, François a
continué à appeler au dialogue et à
une solution pacifique. Une position qu’il a à nouveau défendue en
Jordanie,samedi,lorsde sa première journée en Terre sainte.
Car ce voyage annoncé « strictement religieux », selon les termes
mêmes du pape, s’est transformé
dès son arrivée en une succession
de gestes et de paroles éminemment politiques. Dès ses premiers
pas à Amman, le pape a renouvelé
son « appel le plus pressant pour la
paix » en Syrie, pays « ravagé par
une guerre qui a duré trop longtemps».«Lafin du conflit,a-t-ilrappelé,passe par le dialogueet la retenue, par la recherche d’une solution politique. » Sur le conflit
israélo-palestinien, le pape a insisté : « Il faut marcher résolument
vers la paix, même en renonçant
chacun à quelque chose.»
Sur un terrain plus nouveau, le
pape a aussi, devant les autorités
jordaniennes, exhorté la communautéinternationaleà « ne pas laisser le royaume hachémite seul »
face à « l’urgence humanitaire »
provoquée par l’afflux massif de
réfugiés syriens dans le pays. C’est
aussi de Jordanie que le pape a
dénoncé le « commerce illégal des
armes» entretenu par des « criminels » qui alimentent les conflits,
notamment en Syrie.
Toutes ces propositions de « faiseur de paix » lancées par le pape
ont éclipsé les rencontres religieuses. La prière du pape avec le
patriarche de Constantinople, Bar-
«Dans les relations
internationales
ou sur les questions
d’environnement,
il a acquis une forme
de leadership»
Ignazio Ingrao
vaticaniste
tolomée Ier, au Saint-Sépulcre,
entouré de représentants des Eglises chrétiennes,point d’orgue officiel du voyage, a débouché sur un
engagement à poursuivre « le chemin vers l’unité » entre chrétiens,
en dépit « des divisions tragiques»
qui les traversent. Un autre terrain
pourexercerdestalentsderéconciliateur. p
Stéphanie Le Bars
EnEgypte,l’électionprogramméedu maréchalSissisur fondde répression
La présidentielle, lundi26 et mardi 27mai, intervient alors que les aspirations démocratiques ont été érodées par les crises politiques et sociales
Le Caire
Correspondance
A
la veille d’un scrutin présidentiel sans suspense, qui
se déroule les lundi 26 et
mardi 27 mai, un scrutin confondant d’ennui tant on en connaît le
résultat par avance, Wiki Thawra,
banque de données en ligne alimentée par le Centre égyptien
pour les droits économiques et
sociaux (ECESR), a mis à jour ses
derniers chiffres. Terrifiants, ils
sont dignes des plus dures dictatures militaires qui soient.
Depuis le coup d’Etat de
juillet 2013, 41 163 personnes ont
été arrêtées – dont 926 mineurs et
4 768 étudiants – et transférées
devant la justice ; 89 % d’entre
elles ont été interpellées pour leur
participation à des manifestations
politiques. Seuls 4% sont liés à des
actions terroristes. Et cela, sans
compter les dizaines de prisonniers détenus dans des prisons
secrètes, sans charge retenue
contre eux, soumis aux pires sévices et de l’état de santé desquels on
ignore tout, selon un communiqué d’Amnesty International
publié jeudi 22 mai.
En guise de réponse, le ministre
de la justice, Nayyer Abdelmoneim Othmane, a annoncé en
conférence de presse qu’il n’y
avait aucun détenu politique dans
les prisons égyptiennes. Quant au
ministère de l’intérieur, il refuse
toujoursde communiquerles chiffres officiels, malgré les demandes
des journalistes.
Ces violations répétées des
droits de l’homme ne semblent
pourtant pas écorner la popularité
du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi,
toujours et encore présenté par les
médias égyptiens comme le « sauveur de la nation » face aux Frères
Le régime est plus
autoritaire
que sous Moubarak,
ne laissant aucune
place aux opinions
divergentes
musulmans. Les résultats des
votes des Egyptiens de l’étranger,
organisés avant le vote en Egypte
même, sont sans ambiguïté. Selon
la commission électorale, le maréchal a recueilli 94,5 % des voix,
avecuntauxde participationsupérieur à celui du premier tour de la
présidentielle de 2012. Sans grande surprise, Abdel Fattah Al-Sissi
devrait remporter haut la main le
scrutin. Mais bénéficiera-t-il d’une
participation électorale massive?
Ce sacre annoncé du maréchal
entérine-t-il la fin du cycle révolutionnaire qui secoue l’Egypte
depuis janvier2011? Le coup d’Etat
militaire pouvait le laisser penser.
Les répressions massives à l’œuvre
depuis dix mois, cautionnées par
les médias égyptiens et le silence,
voire l’approbation de la population, semblent le confirmer. Pis
encore qu’un retour en arrière,
beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que le régime est plus
autoritaireque sous HosniMoubarak, ne laissant aucune place aux
opinions divergentes, qu’elles proviennent de l’opposition libérale
ou des Frères musulmans.
« A la fin des années 2000, il y
avait une présence informelle de
l’opposition, sur la scène politique
comme dans les médias. Les Frères
étaient actifs dans les syndicats, les
universités.Aujourd’hui,ilssontsystématiquement réprimés, jetés en
prison, exclus de la vie publique »,
souligne Moustapha Kamel
Al-Sayyed, professeur de sciences
politiques à l’université du Caire.
Difficile de dire où se situe l’opinion publique, tant la liberté d’expression est mince aujourd’hui en
Egypte. Malgré les affiches, les teeshirts,les autocollantsà l’effigiedu
candidat qui abondent dans les
rues, les manifestations pro-Sissi
suscitent peu d’enthousiasme et
ne rassemblent qu’un faible nombre de participants.
Selon une enquête menée fin
avril par le Pew Research Center,
think tank indépendant basé aux
Etats-Unis, 72 % des Egyptiens se
disent mécontents des politiques
menés par leurs dirigeants. Fatigués après trois années d’instabilité politique et confrontés à des difficultés économiques grandissantes, 54 % des interrogés se prononcent en faveurd’un gouvernement
stable, au détriment d’un gouvernement démocratique (45 %).
C’est le cas d’Islam. Ce jeune
homme de 25 ans, habitant dans le
quartier populaire de Shubra
au Caire, était serveur dans un
hôtel de luxe à Hurghada. Le coup
d’Etatmilitaire, qui a affecté gravement le secteur du tourisme, lui a
fait perdre son travail. Il est depuis
chauffeur de taxi, un travail bien
plus pénible, assorti d’un salaire
bien moins avantageux. Pourtant,
il vote pour le maréchal Sissi.
« Avant, j’étais pour la révolution.
Maintenant, c’est le chaos. La liberté est dangereuse. Il nous faut quelqu’un de fort, d’expérimenté pour
tenir le pays. Sissi, ce n’est pas
l’idéal. Mais on n’a personne
d’autre! »
Les défis qui attendent le nouveau président d’Egypte sont
immenses. Le pays a besoin, en
urgence, d’une réforme en profondeur de son système économique.
Bien qu’affichant une forte croissance sous les dernières années
Moubarak, l’économieégyptienne
affiche de lourds déséquilibres,
causés par les privatisations à
Ansar Beit Al-Makdess dément la mort de son « chef »
Le groupe djihadiste Ansar Beit
Al-Makdess, un groupe né en
2011 dans le Sinaï et auteur d’attentats meurtriers en Egypte, a
démenti, dimanche 25 mai, la
mort d’un de leurs leaders dont
des responsables militaires
avaient annoncé, vendredi,
le décès dans le Sinaï.
Ces insurgés, qui disent s’inspirer d’Al-Qaida, ont également
démenti sur un forum djihadiste
sur Internet que cet homme, Shadi Al-Menei, était leur « chef ».
Ansar Beit Al-Makdess a revendiqué nombre d’attentats et attaques meurtriers perpétrés
contre les forces de sécurité, en
représailles, selon lui, à la très
sanglante répression dont sont
la cible les partisans du président islamiste Mohamed Morsi
destitué par l’armée
il y a onze mois.
outrance et la collusion entre politiques et milieux d’affaires.
Des empires privés se sont
constitués, sans souci de redistribution des richesses ou de lutte
contre les inégalités.
Pendant des décennies, les subventions alimentaires et énergétiques ont assuré un minimum de
protection sociale pour les plus
pauvres. Mais leur coût, représentant 22 % du budget de l’Etat, est
désormais ingérable pour un pays
de 90 millions d’habitants, avec
une économie sous perfusion des
pays du Golfe.
«“Du pain, de la liberté, de la justice sociale” : aucune des demandes
révolutionnairesde 2011 n’aété réalisée. Et, même avec la propagande
des médias, le charme d’Al-Sissi ne
durera pas toujours, prévient
Moustapha Kamel Al-Sayyed. Une
nouvelle vague de protestations
n’est donc pas à exclure, d’autant
que se pose toujours la question des
Frères musulmans. On ne parle pas
d’une centaine de dirigeants mais
des millions qui ont voté Morsi en
2012. Il est nécessaire de les réintégrer dans le processus politique. »
Et le chercheur de conclure: « Il n’y
aura pas de stabilité sans que les
problèmes sociaux soient résolus et
sans un minimum de garanties
démocratiques.» p
Marion Guénard
16
0123
international & europe
Mardi 27 mai 2014
La Belgique sous le choc après l’attaque
meurtrière au Musée juif de Bruxelles
Thaïlande: les militaires
renforcentleuremprise
aprèsle coupd’Etat
La police a diffusé les images de l’homme responsable de la mort de quatre personnes
Les manifestations contre les putschistes,
qui ont dissous le Sénat, demeurent limitées
Bruxelles
Correspondant
Bangkok
Correspondant
L
a justice belge a diffusé,
dimanche 25 mai, un appel à
témoins ainsi que des photos
et des vidéos de l’attaque meurtrière commise, la veille, contre le
Musée juif de la ville, afin de faciliter l’arrestation de son auteur. Cet
attentat dans le quartier du Sablon,
en plein cœur de la capitale belge a
fait quatre morts : deux touristes
israéliensetunefemmedenationalité française qui officiait comme
bénévole au Musée. Un jeune
employé de celui-ci, hospitalisé en
état de mort cérébrale, est décédé
dans la nuit de dimanche à lundi.
Sur les extraits mis en ligne par
la police à partir d’images captées
par des caméras de surveillance,
on distingue un homme vêtu
d’une casquette s’approchant,
samedi dans l’après-midi, de ce
lieu qui ne faisait l’objet d’aucune
mesure de sécurité particulière,
hormis des poteaux pour empêcher l’entrée d’une voiture-bélier.
Surles images, l’homme,apparemment de type européen, entre
dans le hall avec un sac duquel il
sort unearme à feu et tire, une douzaine defois, sur les personnesprésentes. Il ressort calmement,
moins de deux minutes plus tard.
La police croyait tenir une piste
sérieuse samedi, un témoin ayant
affirmé que le tireur s’était sauvé
dans une berline dont il avait noté
le numéro d’immatriculation. En
réalité, le tireur était parti à pied et
L
Capture d’écran de la vidéo de surveillance diffusée par la police belge, dimanche 25 mai. BELGA/AFP
les caméras ont perdu sa trace.
L’attaque, commise dans un
quartier de grande affluence, a suscité un émoi considérable. Le chef
de l’Etat, le roi Philippe, s’est dit
« indigné ». Le premier ministre,
Elio Di Rupo, arrivé sur place après
ses collègues des affaires étrangères et de l’intérieur, a évoqué « un
paysunietsolidairefaceàcetteattaque odieuse». François Hollande, le
pape, le Congrès juif mondial, l’ambassadeur des Etats-Unis ont aussi
exprimé leur émotion. En Israël, le
premier ministre Benyamin
Nétanyahoua estiméque la fusillade était « le résultat de l’incitation à
la haine contre les juifs et Israël».
« Absolue priorité »
Un argument repris par des
représentants de la communauté
juive de Belgique, qui compte quelque 40 000 membres. Pour Joël
Rubinfeld, le président de la Ligue
belge contre l’antisémitisme, il
s’agissaitd’unacteprévisiblecomptetenud’une«libérationdelaparo-
Deux frères juifs «roués de coups» à Créteil
DEUX FRÈRES âgés de 18 et 23 ans
ont été agressés, samedi 24 mai au
soir, à Créteil, alors qu’ils se rendaient à la synagogue. « On était en
train de marcher dans la rue avec
nos kippot [pluriel hébreu de
kippa], on était en costume de ville
normal. Il y a deux Maghrébins qui
sont arrivés et qui nous ont frappés. Ils ont commencé avec mon frère avec un poing américain. Ils lui
ont balafré tout le visage et après,
ils m’ont roué de coups moi et sont
repartis avec leurs vélos», a affirmé
le cadet sur BFM-TV et RTL. «Ils
disaient juste entre eux: “Frappe
plus fort !” Il n’y a pas eu de dialogue entre nous. On a réalisé que
c’était un acte antisémite. C’est (…)
parce qu’on est juif et qu’on a des
kippot», a-t-il ajouté.
Son frère aîné, frappé au niveau
de l’œil, a été hospitalisé. L’attaque
a eu lieu à 500 mètres du lieu de
culte. «L’agression est à caractère
antisémite, c’est indiscutable», a
assuré le maire PS de Créteil, Laurent Cathala. Le chef de l’Etat, François Hollande, a affirmé « la volonté de la France pour que tous les
juifs de France se sentent en parfaite sécurité et tranquillité».
L’agression a également été
condamnée « avec une très grande
sévérité» par le ministre de l’intérieur. Bernard Cazeneuve a assuré
les victimes « du plein engagement des services de police pour
identifier et interpeller dans les
meilleurs délais les auteurs de ces
actes intolérables».
A la préfecture de police, on
confirme que l’affaire est prise
«très au sérieux». Les policiers s’interrogent, toutefois, sur plusieurs
contradictions dans les déclarations des témoins, et dans celles
des deux jeunes hommes, qui ont
notamment affirmé aux enquêteurs, samedi soir, avoir été frappés par des agresseurs de type
«européen», avant de décrire des
«Maghrébins» dans les médias. p
Laurent Borredon
le antisémite». Il a notamment visé
les propos de Dieudonné, relayés
en Belgique par un député, Laurent
Louis, fondateur du mouvement
Debout les Belges!
Maurice Sosnowski, président
duCentredecoordinationdesorganisations juives, établissait, lui, un
parallèle avec l’affaire Merah.
Ronald Lauder, le président du
Congrès juif mondial, a invité les
autorités européennes à traiter la
question de la sécurité des juifs en
Europecomme«uneabsoluepriorité». Les responsables du Musée juif
refusaient des mesures de protection trop importantes, voulant faire de leur institution un lieu
ouvert.
Le royaume n’a pas connu d’actes antisémites violents depuis la
fin des années 1980. En 1989, un
dirigeant de la communauté juive
était abattu. Son assassin était lié
au courant islamiste radical. En
1980, un jeune Français était tué, à
Anvers,paruncommandoterroriste palestinien qui avait jeté deux
grenades vers un groupe d’enfants,
membres d’une association culturelle juive. En 1981, une voiture
explosait devant une synagogue
d’Anvers et tuait deux personnes.
Quelques mois plus tard, la grande
synagogue de Bruxelles était visée
et quatre fidèles blessés. p
Jean-Pierre Stroobants
Victoire des nationalistes flamands aux élections belges
La NVA, parti du séparatiste Bart De Wewer, est la première force du pays, mais reste isolé
Bruxelles
Correspondant
L
es élections législatives et
régionales,qui se déroulaient
en même temps que les européennes en Belgique, dimanche
25 mai, ont été marquées par une
forteprogressionduparti indépendantiste Alliance néoflamande
(NVA). Le parti de Bart De Wever a
séduit environ un tiers des électeurs flamands. Il décroche 43 sièges sur 124 au parlement régional
(+ 27 par rapportà 2009) et 34 (+7) à
la chambre fédérale des députés,
ce qui conforte son statut de première force du pays.
Cette victoire a été acquise en
grande partieau détrimentde l’extrême droite séparatiste et xénophobe. Le Vlaams Belang ne possède plus que 6 sièges (-15) au parlementrégionalde Flandre et 3 députés fédéraux (-9).
Du côté des partis de la majorité
fédérale sortante, on insistait dès
dimanche soir sur ce glissement,
qui pourraitentraîner uneradicalisation de la NVA, laquelle défend
déjà un programme institutionnel et socio-économique très dur.
Parailleurs, la sanctionpromise
par M. De Wever à ceux qui
s’étaient alliés à son ennemi privilégié, le premier ministre socialiste wallon Elio Di Rupo, n’est pas
intervenue. Globalement, les partis néerlandophones (chrétien
démocrate, libéral et socialiste)
qui ont gouverné avec celui-ci ont
maintenu leur position au niveau
fédéral et possèdent même une
majorité régionale (64 sièges sur
124) leur permettant, en théorie,
de gouverner sans la NVA.
L’éclatant succès
de la NVA ne serait-il
qu’un trompe-l’œil ?
M. De Wever n’était
pas assuré, lundi,
d’accéder au pouvoir
Le feront-ils, quitte peut-être à
s’allier aux écologistes de Groen !,
qui réalisent 9 % des voix ? Sont-ils
prêts, aussi, à reconduire la coalition fédérale sortante avec leurs
homologues francophones ? Ils
possèdent un nombre de sièges
suffisant mais doivent bien considérer que, dans un premier temps,
le parti de M. De Wever s’est rendu
incontournable. Et qu’il ne sera
pas facile de faire fi d’un parti pour
lequel a voté un Flamand sur trois.
C’estaussice que devraitconstater le chef de l’Etat, le roi Philippe,
qui n’intervient pas dans la constitution des majorités régionales,
mais organise les procédures au
niveau fédéral. Il doit procéder,
dès lundi 26 mai, à des consultations. Et il lui sera impossible de ne
pas confier une mission au chef de
la NVA. Celui-ci a hésité sur sa stratégie mais, aux dernières nouvelles, il serait prêt à « assumer ses responsabilités». C’est-à-dire devenir
le premier ministre d’un pays qu’il
croit voué à la disparition.
Les partis francophones ne
feront rien pour lui faciliter la
tâche,commeaprèslesélectionsde
2010, qui avaient entraîné une crisede cinqcentquarantejours.LePS
connaît une légère érosion due à la
pousséede lagaucheradicale(10 %)
en Wallonie et perd deux sièges de
députés (il en détient 24). Il demeuretoutefoisledeuxièmepartinational. Avec son homologue flamand,
le SpA, il forme la première
« famille politique » du royaume,
insistaient ses dirigeants, diman-
che.EtM.DiRupomise,dèslors,sur
sa possible reconduction.
Le Mouvement réformateur
(libéral), qui avait indiqué durant
la campagne qu’il refuserait une
alliance avec la NVA, a été conforté
par les électeurs. Il gagne deux sièges et possède désormais 20 députés. Le troisième parti de la coalition sortante, les centristes du
CDH, n’a perdu qu’un de ses 9 sièges. Ces résultats restaient toutefois provisoires: une pannedu systèmede voteélectroniquea perturbé le dépouillement à Bruxelles.
Au total, l’éclatante victoire de
laNVAne serait-ellequ’untrompel’œil ? M. De Wever n’était, en fait,
pas assuré d’accéder au pouvoir
lundi. Reste à savoir si ses rivaux
flamands et, surtout, son ancien
allié le parti chrétien-démocrate
CD & V oseront l’en exclure.
M. De Wever estime que sa formation a « écrit une page d’histoire, celle d’une Flandre voulant
déterminer son destin ». Et le chef
nationalistea indiqué qu’il ne voulait pas d’une crise de longue
durée, sans toutefois expliquer
comment il comptait s’y prendre
pour l’éviter. p
J.-P. S.
esputschistesthaïlandaisresponsables du coup d’Etat du
22 mai renforcent leur régime et durcissent le ton. Samedi
24 mai, ils ont dissous le Sénat,
concentrant désormais tous les
pouvoirs. Dimanche, ils ont prévenu qu’ils ne toléreraient plus
aucun défi après un troisième jour
de manifestations condamnant le
coup de force de l’armée. « S’ils
continuent à manifester, nous
prendrons des mesures contre
eux », a averti l’un des porte-parole
de la junte, le lieutenant général
Apirat Kongsompong.
Pour l’heure, la mobilisation
reste aussi modeste que pacifique,
mais elle prend de l’ampleur :
samedi soir et dimanche, un
millier d’opposants au coup d’Etat
se sont réunis dans le centre-ville
de Bangkok avant de converger
vers le Monument de la victoire,
l’un des grands carrefours de la
capitale.La présencede correspondants de la presse internationale
explique en partie la réaction
modérée de l’armée. Selon les termes de la loi martiale en vigueur,
tout rassemblement de plus de
cinq personnes pour « motifs politiques» est interdit.
Sur la passerelle du métro
aérien surplombant ce monument, les manifestants brandissaient des pancartes en thaï mais
aussi en anglais, aux slogans explicites : « Fuck the coup d’Etat ! »,
« We want to vote ! ». Certains d’entre eux s’étaient collé du sparadrap noir sur la bouche pour
dénoncerlaconfiscationde laparole depuis que le général Prayuth
Chan-ocha, le chef de l’armée, a
annoncé sa prise de pouvoir.
En fin d’après-midi, la foule a
grossi. « Je n’ai pas peur de l’armée,
je pense que le nombre de protestataires va augmenter dans les jours
qui viennent», espérait Visarut, un
homme de 30 ans qui se présente
comme un professeur de l’université de Chulalongkorn, située à
Bangkok.
L’ancienne première ministre
Yingluck Shinawatra, destituée le
7 mai, a été libérée dimanche,
après deux jours de détention.
Mais beaucoup de ses partisans et
de ses anciens ministres restent
détenus dans des casernes de l’armée. On est sans nouvelles de
certains, dont Pansak Vinyaratin,
l’un de ses conseillers. Professeurs
et intellectuels prodémocratesont
devenus la cible du nouveau
régime.
Pravit Rojanaphruk, du quotidien anglophone The Nation, a été
le premier journaliste à se voir
convoquer par la junte. Avant de
répondreà cette injonction dimanche, il s’est fait photographier la
bouche bâillonnée avec la légende
suivante : « Vous pouvez m’arrêter
maisvous ne pourrezjamaisemprisonner ma conscience! »
Dans la foule, Visarut remarquait aussi que « l’armée avait promis de ne pas faire de coup d’Etat.
Ils n’ont pas respecté leur parole. Et
même s’ils ont arrêté des gens des
deux camps opposés, des “jaunes”
comme des “rouges”, ce n’est qu’un
leurre. Ils sont pour les “jaunes” ».
Pour faire bonne mesure, les
militaires ont en effet arrêté
Suthep Thaugsuban, le chef de file
du mouvement d’opposition au
gouvernement, ainsi que l’un de
ses alliés, Abhisit Vejjajiva, prédécesseur et adversaire acharné de
Yingluck.
Les militants de ce mouvement
– qui défilent habillés en jaune, la
couleur de la monarchie – ont
manifesté durant des mois dans
Bangkok pour exiger la démission
du gouvernement de Yingluck.
Hostilesà l’organisationde nouvelles élections, ils exigeaient que
soit formé un « conseil du peuple »,
« neutre », chargé de « réformer »
les institutions. Le putsch a répondu à leurs attentes.
Dans leur viseur, il y avait surtout l’ancien premier ministre
Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, lui aussi renversé par les
militaires en 2006. Depuis son
exil de Dubaï, il continuait à piloter le gouvernement de sa sœur. Il
« S’ils continuent
à manifester,
nous prendrons des
mesures contre eux »
Apirat Kongsompong
porte-parole de la junte
personnifie tout ce que détestent
les élites traditionnelles proches
du Palais et de l’armée. Son passage aux affaires, entre 2001 et 2006,
avait vu l’émergence politique et
l’amélioration du niveau de vie
des Thaïlandais d’origine paysanne, de plus en plus critiques à
l’égard des élites traditionnelles,
vrais tenants du pouvoir.
« Il nous faut démontrer que la
démocratie est une priorité ainsi
que l’Etat de droit, affirmait Suda,
une manifestante se présentant
comme une femme au foyer. Je ne
suis pas partisane.Mais si être “rouge” signifie être démocrate, alors je
le suis ! »
Même si tous les Bangkokiens,
loin s’en faut, ne sont pas hostiles
aux putschistes après des mois de
troubles, les perspectives de
violence à l’égard du nombre
croissant d’opposants ne sont pas
à écarter. L’histoire de la Thaïlande
contemporaine a vu l’armée se
livrer à des massacres ou à de sanglantes répressions en 1973, 1976,
1992 et 2010.
« Ce coup d’Etat n’est pas un
coupde force,mais un actedésespéré, un lamentable chant du cygne
pour cette armée qui n’a jamais eu
d’autre rôle que de réprimer la
population et s’essayer à gouverner le pays, estime la doctorante
française en sciences politiques
EugénieMérieau. De graves violences sont aujourd’hui à redouter,car
les deux camps sont organisés et
entraînés à l’action collective.» p
Bruno Philip
Afghanistan Visite surprise de Barack Obama
KABOUL.Le président Barack Obama a promis de dire rapidement combien de soldats américains seraient appelés à rester en
Afghanistan après le départ de l’OTAN fin 2014, lors d’une visite
surprise, dimanche 25 mai, sur la base de Bagram. Barack Obama
n’a pas rencontré son homologue afghan, Hamid Karzaï. – (AFP.)
Colombie Duel à droite à la présidentielle
BOGOTA. Oscar Ivan Zuluaga (droite) est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle colombienne, dimanche 25 mai,
avec 29 % des voix, devançant le président sortant, Juan Manuel
Santos (centre-droit), qui a recueilli 25,7% des suffrages. – (AFP.)
Allemagne Berlin dit non aux promoteurs
BERLIN. Les Berlinois ont rejeté, dimanche 25 mai, le projet de la
mairie de construire des immeubles sur une partie de l’ancien
aéroport de Tempelhof. Ce terrain de plus de 300 hectares en centre-ville devrait donc rester inoccupé.
économie
0123
Mardi 27 mai 2014
17
M.Piketty juge « idéologique » la charge du «FT»
Le quotidien britannique des affaires épingle les «erreurs de calcul» du dernier ouvrage de l’économiste français
L
e choc est rude pour Thomas
Piketty. L’économiste français, devenu la coqueluche de
la gauche américaine avec son dernier livre Le Capital au XXIe siècle
(Seuil, 2013), a fait la « une » de l’édition du Financial Times (FT), des
samedi24 et dimanche 25 mai, non
pour l’encenser, mais pour contester la solidité de ses travaux. La
revue Science lui avait ouvert ses
colonnes, le 23 mai, ainsi qu’à
Emmanuel Saez, un économiste
français professeur à l’université
de Berkeley, avec lequel il a travaillé sur les inégalités.
Le journal britannique porte
une grave accusation contre
M. Piketty, directeur à l’Ecole des
hautes études en sciences sociales
et professeur à l’Ecole d’économie
de Paris: il l’accuse d’avoir fait «des
erreurs de calcul» qui « faussent les
résultats» de son travail.
Les journalistes du FT, Christian
Giles et Ferdinando Giugliano, font
état notamment « d’erreurs de
transcription, de calculs contestablesdemoyenne,denombreuxajustements inexpliqués de chiffres, de
données non sourcées, du recours
inexpliqué à des périodes temporellesdifférentes…».Deserreurs«suffisamment sérieuses », selon eux,
pour affaiblir la thèse principale de
M. Piketty, à savoir qu’une part
croissante de la richesse totale est
détenue par les plus riches (le chercheur propose d’instaurer un
impôt progressif sur le capital).
On l’aura compris : l’écho rencontré par les travaux de M.Piketty
sur l’accroissement par le haut des
inégalitésderevenusagacelequotidien, d’autant qu’ils ont été salués
par de nombreux économistes et
chercheurs. Parmi eux, les keynésiens, Prix Nobel d’économie, Paul
Krugman ou Joseph Stiglitz
– auteur du Prix de l’inégalité (LLL,
2012)–, dontlestravauxmettenten
évidence le même phénomène.
Dans sa réponse, publiée par le
FT,M.Pikettycommenceparse féliciterdevoirlesjournalistesduquotidien se servir des tableaux Excel
qu’il a lui-même mis en ligne. Il
reconnaît aussi qu’« il faut faire
aujourd’hui avec ce que l’on a, à
savoir un ensemble de sources très
diverseset hétérogènessur la richesse ». « Ainsi que je l’explique dans
mon livre, dans l’annexe en ligne et
dans les nombreux articles techniques que j’ai publiés, il faut faire un
certain nombre d’ajustements sur
les données brutes pour les rendre
plus homogènes dans le temps et
«Sile “FT” a
unclassement
defortunes indiquant
desconclusions
différentes,
qu’ille publie !»
Thomas Piketty
dans l’espace », ajoute-t-il. « Je ne
doute pas du fait que mes séries de
données historiques seront amélioréesà l’avenir,mais jeseraistrèssur-
pris que cela change en quoi que ce
soit mes principales conclusions sur
l’évolution à long terme de la distribution des richesses», précise-t-il.
Sur son blog du New York Times,
dans un post du 24 mai intitulé « Is
Piketty All Wrong ? », M. Krugman
vient au secours du Français. Il soutientsesconclusionssurladynamique des inégalités tout en relevant
que l’universitaire devra répondre
aux critiques qui lui sont faites.
Interrogé le 24 mai par Le Monde, l’économiste, que ses rivaux en
France voient dans leurs pires cauchemars succéder en 2015 à Esther
Duflo sur une des chaires annuelles du Collège de France, a qualifié
l’articledu FTd’« attaquepurement
idéologique ». « Tous les classements de fortunes du monde indi-
Aujourd’hui, le «FT» n’est plus rétif au journalisme d’investigation
journal daté des samedi24 et
dimanche 25mai d’un article épinglant un ouvrage qui, à lire la manchette, « exploite le zeitgeist
[l’esprit du temps] des inégalités».
Les calculs de Chris Giles ont été
vérifiés par trois autres journalistes en interne, notamment par le
spécialiste des statistiques, et par
un expert extérieur.
Le samedi est un jour spécial
pour le FT. L’édition du week-end
propose en plus d’un seul cahier
macro- et microéconomique,
deux suppléments, immobilier et
culturel, et un magazine qui
connaissent un grand succès. La
publication à la «une » des criti-
ques contre M.Piketty, phénomène d’édition dans le monde anglosaxon, était destinée à leur donner le plus large écho possible.
Manchettes accrocheuses
Depuis la crise de 2008, le FT
s’est lancé dans la course au scoop.
Jusque-là, le quotidien des affaires
évitait de se précipiter sur une
information sensible par peur de
ruiner sa réputation d’excellence
prudemment bâtie depuis sa fondation, en 1888. Mieux valait donc
tard ou jamais que faux. Proche
par essence de la City, le titre avait
tendance à éviter certains sujets,
comme l’évasion fiscale ou l’origi-
ne de la fortune. Aujourd’hui, le
FT n’est plus rétif au journalisme
d’investigation. La création d’une
cellule «enquêtes» témoigne de
cette volonté de ne plus laisser de
dossier en jachère. Le quotidien
vient de réaliser quelques beaux
«coups», à l’instar des directeurs
fantômes de compagnies boîtes
aux lettres aux îles Caïmans, de la
bombe à retardement de l’économie de l’ombre chinoise ou des
coulisses du sauvetage de l’euro.
Plusieurs facteurs expliquent
ce revirement. Le FT a le vent en
poupe, comme l’indique la progression de sa diffusion payante
de 11% sur un an (665000 exem-
plaires quotidiens – papier et
numérique – au premier trimestre). Un tiers des abonnés sont aux
Etats-Unis. Or l’édition américaine est confrontée à la rude concurrence du Wall Street Journal et du
New York Times, à la pointe des
révélations sur les dérives de la
finance. Par ailleurs, le numérique, qui constitue désormais
deux tiers de ses abonnés, encourage le recours aux manchettes
accrocheuses. « Sur Ft.com, l’impact des mots-clés est commercialement mesurable», indique Enders
Analysis, spécialiste des médias. p
Marc Roche
(Londres, correspondant)
Claire Guélaud
et Adrien de Tricornot
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MARSEILLE 04 91 17 44 00
NICE 04 92 29 42 80
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LYON 04 72 60 57 60
SAINT-ÉTIENNE 04 77 43 15 43
VALENCE 04 75 41 81 30
GRENOBLE 04 76 85 53 00
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GUADELOUPE 05 90 89 65 58
GUYANE 05 94 29 90 90
LA RÉUNION 02 62 90 00 66
MARTINIQUE 05 96 59 44 73
MAYOTTE 02 69 64 35 02
RCS 507 523 678
C
hris Giles, responsable de la
rubrique économique au
Financial Times (FT), est un
homme chanceux. A la suite à la
publication, le 15 mai, des chiffres
sur la richesse au Royaume-Uni
par l’Office britannique des statistiques, un responsable de l’édition
du quotidien lui demande d’accompagner son article d’une comparaison internationale.
L’«Economics Editor» consulte
alors Le Capital au XXIe siècle
(Seuil, 2013), le best-seller de l’économiste français Thomas Piketty.
Les présumées erreurs qu’il découvre sur le Royaume-Uni sont à
l’origine de la publication dans le
quent que les plus hauts patrimoines ont progressé beaucoup plus
vite que la moyenne des patrimoines.SileFTaunclassementdefortunes indiquant des conclusions différentes, qu’il le publie ! Pour finir,
c’est la façon la plus claire de poser
le débat: le top croît-il plus vite que
la moyenne, oui ou non ? D’après
Forbes, trois fois plus vite », rappelle-t-il, tout en faisant état de « nouveaux graphiqueséloquents» sur la
question d’Emmanuel Saez et de
Gabriel Zucman, professeur à la
London School of Economics.
En affirmant que les erreurs
qu’il a repérées sont «semblables à
celles qui ont mis à mal, en 2013, le
travail sur la dette publique et la
croissance des économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth
Rogoff », le FT va peut-être un peu
vite en besogne. La thèse en question, publiée en 2010, a longtemps
été invoquée pour justifier les politiques d’austérité. Mais des chercheurs de l’université Amherst qui
l’ontcorrigéede ses erreursfactuelles, refaite et recalculée, ont obtenu
des résultats radicalement inverses à ceux présentés par Mme Reinhart et M. Rogoff. Le travail minutieux des chercheurs d’Amherst a
étéconfirmé,depuis,par une étude
du Fonds monétaire international
de février2014 (« Dette et croissance : y a-t-il une limite magique ? »).
Alors que la croissance des inégalités de répartition des revenus a
déjà fait l’objet de nombreuses
autres mesures et constats non
contestés ces dernières années. p
18
0123
économie
Mardi 27 mai 2014
Quatre géants
de la Silicon Valley
vont indemniser
des salariés lésés
Apple, Google, Intel et Adobe se sont entendus
pour ne pas débaucher leurs employés respectifs
New York
Correspondant
L
eurs noms sont célèbres dans
le monde entier. Apple, Google, Intel et Adobe Systems
ont accepté, samedi 24mai, de verser 324,5 millions de dollars
(238millions d’euros) pour régler à
l’amiable une affaire qui les opposait à d’anciens salariés. Ces derniers, environ 64 000, avaient
intenté une action en justice en
2011, car ils accusaient ces grands
noms de la Silicon Valley de s’être
entendus pour former pendant
des années une entente illégale
afindenepas débaucherleurs salariés respectifs.
S’estimant floués sur le plan de
leurrémunérationetde leur évolution de carrière, ils avaient lancé
une action collective pour obtenir
des dédommagements évalués
par leurs avocats à 3 milliards de
dollars. Apple, Google, Intel et Adobe,sans reconnaîtreleurs torts, ont
préféré transiger pour éviter un
procès.
De façon séparée, eBay a également trouvé un accord le 1er mai. Le
groupe de distribution est prêt à
faire un chèque de 3,75millions de
dollars, dont 250 000 dollars
d’amende et 3,5 millions destinés à
un fonds d’indemnisation pour
mettre fin aux poursuites.
Mais ce règlement à l’amiable
ne satisfait pas tous les plaignants.
Michael Devine n’a pas l’intention
de lâcher. Ce programmeur informatique de 46 ans, après avoir travaillé deux ans chez le fabricant de
logiciels Adobe à la fin des années
2000, est désormais travailleur
indépendant à Seattle (Washington). Il veut obtenir une « juste
réparation » de la part de ces
grands groupes de la high-tech
américaine.
De façon assez inédite, il a écrit
le 11 mai une lettre à la juge Lucy
Koh chargée de l’affaire, au sein du
tribunal du district nord de la Cali-
« Si vous recrutez
une seule
de ces personnes,
c’est la guerre», aurait
déclaré Steve Jobs
fornie, à San Jose, lui demandant
de rejeter l’accord trouvé par les
avocats de la class action. « Nous
voulons faire entendre notre voix
devant le tribunal », fait-il valoir,
en faisant remarquer que les sommes consenties par les multinationales ne représentent que 10 % de
ce que les plaignants réclamaient.
« Si un voleur était pris en train
de voler un iPad à 400 dollars dans
un Apple Store, est-ce que ce serait
une solution juste et équitable qu’il
paye à Apple 40 dollars, garde l’iPad, et reparte sans reconnaître ses
torts? », interroge-t-il par analogie.
Il est vrai que les entreprises ont
été effectivement prises la main
dans le sac. Depuis des mois, les
preuves s’accumulaient sur le
bureau de la juge au travers
d’échanges de courriels au plus
haut niveau de ces groupes. Le but
était d’éviter une guerre des
embauches, qui aurait été ruineuse sur le plan des salaires et contreproductive pour les entreprises en
accélérant le turnover des talents.
Sergey Brin, le fondateur de Google, relate ainsi, dans un courriel
Chez le concepteur de logiciels Adobe Systems, à San Francisco. DAVID PAUL MORRIS/BLOOMBERG/GETTY IMAGES
daté de 2005, des échanges avec
Steve Jobs, alors patron d’Apple, à
propos des démarches qu’il avait
entreprises pour débaucher des
membres de l’équipe qui travaillait sur Safari, le navigateur de
la firme à la pomme. « Si vous
embauchezuneseulede cespersonnes,c’estla guerre»,luiauraitdéclaré Steve Jobs, décédé depuis. Quelques semaines plus tard, un pacte
de « non-agression» était scellé.
De la même façon, en janvier 2013, l’ancien PDG de Palm,
Edward Colligan, avait déclaré
sous serment que Steve Jobs « suggérait que, si Palm n’acceptait pas
l’arrangement
[sur
les
embauches], Palm pourrait être
poursuivi en justice pour la violation de nombreux brevets d’Apple». EdwardColliganavait écriten
août 2007 : « Votre proposition de
nousmettred’accordpourqu’aucune de nos entreprises n’embauche
les salariés de l’autre (…) n’est pas
seulementmauvaise,elleest probablement illégale » et lui assura que
Palm n’était pas « intimidé» par les
menaces d’Apple. Mais pour un
refus de marcher dans la combine,
combien d’accords tacites?
S’appuyant sur plusieurs dizainesde casconcrets,la plaintedéposée en 2011 accusait les hauts dirigeants des entreprises concernées
« d’avoir élaboré un réseau interconnecté de pactes explicites pour
éliminer toute concurrence entre
eux sur les travailleurs qualifiés ».
La sophistication était telle que les
sociétés ayant adhéré à ces « pactes » devaient ne pas tenter de
recruter leurs employés respectifs,
se prévenir si jamais elles faisaient
une offre à un salarié d’un autre
groupe et ne pas faire de contreoffre si un employé négociait avec
l’une d’elles.
« L’effet espéré – et réel – de ces
La start-up californienne Uber
serait valorisée à plus de 12 milliards de dollars
U
ber affole les compteurs. La
société américaine de voitures de tourisme avec
chauffeur (VTC) serait, selon l’édition du Wall Street Journal du
samedi 24 mai, sur le point de
conclure une nouvelle levée de
fonds, d’un montant de 500 millions de dollars (370 millions d’euros). Cette somme s’ajouterait aux
307 millions de dollars déjà
recueillis depuis sa création en
mars 2009. Elle permettrait de
financer le développement de l’activité, notamment à l’étranger, et
de poursuivre le processus de
diversification.
Ce tour de table valoriserait
Uber à 12 milliards de dollars
(8,8 milliards d’euros). Un chiffre
qui s’est envolé en neuf mois : il a
été multiplié par plus de trois
depuis l’investissement réalisé en
août 2013 par Google Ventures, la
branche de capital-risque du célèbre moteur de recherche.
La jeune entreprise deviendrait
ainsi la start-up la mieux valorisée
dansle monde,devançantses compatriotes Dropbox (stockage de
fichiers en ligne) et Airbnb (location de logements entre particuliers),toutesdeux valoriséesà hauteur de 10 milliards de dollars.
Lancé en 2010 dans les rues de
San Francisco (Californie), Uber a
rapidement révolutionné un sec-
teur en manque d’innovation et
de concurrence. Avec son application mobile permettant de commander une voiture en quelques
secondes, la start-up a d’abord
séduit une clientèle jeune et branchée. Sa popularité est depuis allée
crescendo. En 2013, le service, qui
ne proposait jusque-là que des
chauffeurs professionnels, s’est
ouvert aux particuliers, transformant M. Tout-le-monde en taxi.
La start-up ne publie aucune
donnée financière. Mais des documents internes dévoilés fin 2013
par le site Valleywag permettent
de mesurer son succès. Entre la
mi-octobre et la fin novembre, le
service a généré 20,5 millions de
dollars de chiffre d’affaires par
semaine. En extrapolant, cela
représenteplusde 1milliardde dollars par an.
Ubernefaitofficequed’intermédiaire entre les clients et les chauffeurs, qui doivent prendre à leur
charge l’achat et l’entretien de leur
voiture. La start-up ne conserve
généralement que 20 % du prix
payé par les passagers. Ses revenus
nets s’élèveraient ainsi à environ
200 millions de dollars, sur une
base annuelle.
« Novembre est notre mois le
plus faible de l’année », avait tenu à
préciser Travis Kalanick, son PDG.
Autrement dit : ces estimations
sont certainement déjà dépassées,
d’autant plus que le dirigeant mettait en avant, fin novembre, une
croissance mensuelle à deux chiffres de son activité.
Uber est disponibledans plus de
100 villes dans le monde, dont plus
delamoitiéauxEtats-Unis.EnFrance, le service a été lancé à Paris,
Lyon et Cannes. La société est présentedans 36 pays. Et elle ne compte pas s’arrêter là.
Elle prévoit d’embaucher plus
de 200 000 chauffeurs en deux
ans pour accompagner son développement. Elle courtise notamment les chauffeurs de taxis. A San
Francisco, un tiers d’entre eux
auraient déjà abandonné leurs
licences au profit d’Uber et de ses
concurrents.
«En deux ans, le revenu moyen a
été divisé par deux », peste Trevor
Johnson, directeur de l’Association
des chauffeurs de taxi de San Francisco. Dans d’autres pays, la colère
monte aussi. Plusieurs fédérations
de taxis ont ainsi appeléà une journéede manifestationle 11 juindans
plusieurs capitales européennes.
Les achats en ligne
En France, la grogne s’est exprimée par des journées de grèves qui
se sont soldées par des dizaines de
kilomètres d’embouteillages. Pour
tenter de désamorcer la crise, le
gouvernement avait alors tenté
d’imposerundélaidequinzeminutes entre la réservation et la prise
en charge du client. Mais cette
mesure a été suspendue en février
par le Conseil d’Etat.
Le but était d’éviter
une surenchère sur les
embauches, ruineuse
sur le plan des salaires
et contre-productive
pour les entreprises
ment à de telles pratiques. « Indigné », il décide alors de se lancer
dans la bataille juridique. En octobre2013, la justice reconnaissait le
bien-fondé de l’action collective.
Face à l’embarras d’un grand
déballage de leurs pratiques au
cours d’un procès initialement
fixé le 27 mai, les géants de la hightech ont acceptéd’ouvrir leurs portefeuilles. La saignée n’est pas trop
importante: les bénéfices cumulés
d’Apple, Google, Intel et Adobe ont
dépassé les 60 milliards de dollars
en 2013.
De leur côté, les avocats des plaignants ont préféré tenir que courir
en privilégiant l’efficacité d’une
négociation, quitte à obtenir un
montant bien moins important
que les premières évaluations. Une
solution qui rend amer M. Devine,
qui demande au tribunal de « rejeter»unaccordqu’ilestime« inéquitable» et « injuste». Mais à la veille
de l’examen de sa requête, le programmeur semble bien isolé pour
que l’accord trouvé avec les multinationales puisse être remis en
question. p
Stéphane Lauer
INFORMATIQUE
Atoslanceune OPA sur Bull
L’entreprise de voitures de tourisme avec chauffeur veut lever 500 millions de dollars
San Francisco
Correspondance
accords a été de contrôler les salaires des employés et d’imposer des
limites illégales à leur mobilité »,
concluait la plainte.
Lorsque l’affaire éclate, M. Devine découvre dans la pressequ’Adobe, pour lequel il a travaillé
entre2006 et 2008, se livrait égale-
Dans plusieurs villes américaines, les taxis ont saisi la justice
pour obtenir l’interdiction de ces
services. Uber doit aussi faire face à
une concurrence de plus en plus
intense. A l’étranger, il doit parfois
lutter contre des acteurs locaux,
comme Chauffeurs-privés.com,
LeCab ou Allocab en France.
Aux Etats-Unis, la start-up est
engagée dans une véritable guerre
des prix avec Lyft. Depuis le début
de l’année, les deux rivaux ont
réduit leurs tarifs, au détriment de
leur marge. Et donc de leur rentabilité. Mais ils disposent d’une trésorerie suffisamment importante
pour se le permettre. A plus long
terme, M. Kalanick voit beaucoup
plus grand. Il ne veut pas se limiter
aux transports de personnes. Il
veut étendre son activité, avec « de
nouvelles idées de logistique urbaine » utilisant sa plate-forme technologique. Uber a multiplié les
expériences ces derniers mois.
Débutavril,elleaaussilancéun service de coursiers à New York.
Tout cela ne pourrait cependant
n’être qu’une étape vers un marché plus prometteur encore : la
livraison le même jour pour les
achats en ligne. Amazon, Google et
eBay ont déjà ouvert les hostilités.
Uber a également testé ce service,
findécembre2013àBoston(Massachusetts).C’estcepotentieldecroissance que paient aujourd’hui les
investisseurs. p
Jérôme Marin
Le groupe français de services informatiques Atos va lancer une
offre publique d’achat amicale sur le dernier constructeur informatique tricolore, Bull. Atos propose 4,90 euros par action Bull,
ce qui valorise l’ensemble de la société à 620 millions d’euros,
selon un communiqué commun publié lundi 26 mai par les
deux entreprises.
Ce prix est supérieur de 22 % au dernier cours coté du titre
(4,01 euros vendredi soir). Il traduit une prime de 30 % sur le
cours moyen de Bull durant les trois derniers mois.
Le rapprochement entre Bull et Atos, l’un des grands noms des
services informatiques, donnera naissance au numéro un du
« cloud » en Europe, ont fait valoir les deux entreprises.
Cette technologie, qui consiste à stocker des données sur des ordinateurs distants et à les gérer par le biais d’Internet, connaît un
développement spectaculaire mais nécessite des compétences
fortes en matière de protection des données. – (AFP.) p
Finance La réforme du Livret A pourrait
ne pas aller à son terme
Le gouvernement devrait renoncer à relever le plafond du
LivretA à 30 600 euros, comme l’avait promis François Hollande
lors de sa campagne présidentielle de 2012, a indiqué le Journal
du dimanche (JDD) du 25 mai. – (AFP.)
Luxe Des dirigeants de Kering et LVMH font de
fortes plus-values après la vente de stock-options
Les dirigeants des groupes de luxe français François Pinault
(Kering) et Antonio Belloni (LVMH) ont empoché d’importantes
plus-values après l’exercice de stock-options courant mai, selon
des déclarations boursières publiées dimanche 25 mai. – (AFP.)
Industrie Le directeur général de Ford juge
le secteur automobile européen en surcapacité
Alan Mulally, le directeur général de Ford, a estimé, dans un
entretien publié dimanche 25 mai par le Financial Times, que les
constructeurs automobiles européens étaient en surcapacité et
qu’ils devaient encore réduire leur production. – (AFP.)
Industrie Rosneft finalise son entrée dans Pirelli
Le groupe pétrolier public russe Rosneft a finalisé l’opération
d’entrée au capital du fabricant italien de pneus Pirelli avec un
investissement de 552,7millions d’euros, a annoncé Pirelli, samedi 24 mai, dans un communiqué.
Rosneft possédera 50 % de Camfin, la holding détentrice de
26,19% du capital de Pirelli. – (AFP.)
culture
0123
Mardi 27 mai 2014
BILLET
par Aureliano Tonet
The Grand Cannes Hotel
C
’est l’heure du check out et des
adieux sourcilleux du réceptionniste. Les festivaliers plient bagages, et
bientôt la Croisette sera aussi désemplie
que l’Hôtel Othello, qui offre son décor troglodytique à la Palme d’or, Winter Sleep.
Nous avions déjà relevé, au moment de
la transcription boursouflée de l’affaire du
Sofitel par Abel Ferrara, qu’un motif hôtelier traversait cette 67e édition. La tendance s’est confirmée, pour mieux monter en
gamme: de l’auberge providentielle de
Mr.Tuner à celles, funestes et adultérines,
d’Amour fou, Leviathan ou La Chambre
bleue, en passant par les chaînes de Bird
People, Foxcatcher ou Sils Maria, la « maison cinéma », ainsi que l’appelait le critique Serge Daney, a pris la forme d’un
hôtel. Au carrefour de l’intime et du politique, lieux de la réalisation de soi comme
de l’uniformisation la plus aliénante, les
établissements des diverses sections ont
accueilli toute la richesse et la misère du
monde, comme en témoignent les trois
19
heures, et autant d’étoiles, de Winter Sleep.
Tout juste s’étonnera-t-on qu’une cliente aussi premium que Sofia Coppola,
membre du jury, n’ait pas été sensible à
Saint Laurent. Reparti bredouille, le film
de Bertrand Bonello aura pourtant offert
au Festival la scène qui en résume le
mieux la teneur: « Vous êtes ici pour affaires ? », demande le concierge. « Non, pour
dormir », répond le couturier. Grâces
soient rendues au grand hôtelier Gilles
Jacob: nous avons fait de beaux rêves. p
Palmarès radical pour Festival un peu trop banal
L’audacedujury,quiacouronné«WinterSleep»,duTurcNuriBilgeCeylan,répondàlatimiditédessélectionneurs
P
dans Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis,
Anaïs Demoustier, dans Bird PeopledePascaleFerranouencoreCéline Sallette dans Geronimo de Tony
Gatlif…
Toutes ces comédiennes campent magnifiquement des personnages de femmes libres et courageuses, désireuses de prendre leur
destin en main. Le jury a décidé
d’aller piocher dans un autre registre,plus hollywoodien,plus névrosé aussi, en choisissant Julianne
Moore, impressionnante dans
Maps to the Stars.
eut-être, pour commencer,
faut-il rappeler ici les noms
de ceux qui eurent à juger les
films de cette cuvée 2014 du Festival de Cannes, clos dimanche
25mai: JaneCampionétaitla présidente du jury, entourée de Willem
Dafoe, Gael Garcia Bernal, Carole
Bouquet, Jeon Do-yeon, Nicolas
Winding Refn, Sofia Coppola, Leila
Hatami et Jia Zhang-ke. Cinq femmes et quatre hommes. On ne sait
si cette absence de parité – pour
une fois inversée – eut son importance, mais le résultat est là : avec
Winter Sleep (3 h 16), le cinéaste
turc Nuri Bilge Ceylan remporte la
Palme d’or.
On a dit ici tout le bien que l’on
pensaitdece film placésous ledoublesignedeCamusetdeShakespeare. M. Ceylan mérite au moins
autant la Palme pour ce film splendide que pour l’ensemble de son
œuvre, l’une des plus accomplies
L’édition 2014
a été marquée
par la transmission
Un vent de liberté
féminine a soufflé
cette année
sur la Croisette
du cinéma contemporain. Pour le
reste, que dire de ce palmarès,
sinon qu’il oscille entre radicalité
– il fallait oser décerner le Prix spécial du jury à Le Meraviglie d’Alice
Rohrwacher ! – et sens politique
« cannois».
Thierry Frémaux et Pierre Lescure, celui-ci prochain président
du Festival, peuvent être rassurés,
les Anglo-Américains ne repartent
pas bredouilles: prix de la mise en
scène pour Bennett Miller, le réalisateur de Foxcatcher ; meilleure
interprétation féminine pour
Julianne Moore dans Maps to the
Stars de David Cronenberg ; et,
enfin, meilleure interprétation
masculine pour Timothy Spall
dans Mr. Turner de Mike Leigh. Si
d’aventure Foxcatcher réussissait
une bonne carrière commerciale
ensalles, il se pourraitque les Américains reviennenten force en 2015
sur la Croisette.
On a bien sûr quelques regrets.
Timbuktu d’Abderrahmane Sissako et Still the Water de Naomi
Kawase méritaient largement de
figurer au palmarès. Le film de cette dernière est si beau qu’on se
demandesi JaneCampion n’enten-
Le Turc Nuri Bilge Ceylan reçoit la Palme d’or pour « Winter Sleep », à Cannes, samedi 24 mai. ANTONIN THUILLIER/AFP
dait pas profiter encore un peu de
sonincroyablestatutde seuleréalisatrice au monde à avoir remporté
une Palme d’or.
S’agissant de Timbuktu, l’interrogation est moins badine : la présence dans le jury de l’actrice iranienne Leila Hatami, en délicatesse avec les autorités de la République islamique depuis qu’elle a fait,
publiquement, une bise à Gilles
Jacob, a-t-elle pu jouer en défaveur
du cinéaste mauritanien et de son
magnifique réquisitoire contre
l’intégrisme musulman?
Dans l’ensemble, cette sélection 2014 fut un bon cru même si
l’on eût aimé, de la part du sélectionneur, davantage de prises de
risque. « On fait avec ce qu’on a »,
aime à dire Thierry Frémaux,
manière de dire qu’on ne déniche
pas des chefs-d’œuvre tous les
jours au coin d’une rue. S’agissant
en particulier des films français,
on pouvait à l’évidence trouver de
quoi pimenter la sélection. Un
film comme Bande de filles de CélineSciamma, présentéà la Quinzaine des réalisateurs, aurait avantageusement pu remplacer le lourdingue The Search de Michel Hazanavicius. Ce constat pourrait inciterà modifierle processusde sélection, spécifique, des films français
à Cannes, permettant ainsi au
sélectionneur d’échapper à certaines pesanteurs inhérentes à ce
genre d’exercice très politique.
Sinon, 2014 fut à l’évidence l’année des femmes. Quel n’aurait pas
été notre embarras s’il nous avait
été donné, ce qu’à Dieu ne plaise, le
soin de décerner le prix de la
meilleure actrice !
Commentchoisir,en effet,entre
Toulou Kiki (Timbuktu), Melisa
Sözen (Winter Sleep), Marion
Cotillard (Deux jours, une nuit de
Jean-Pierre et Luc Dardenne), Anne
Dorval (Mommy), Elena Lyadova
(Leviathan) et Kristen Stewart (Sils
Maria d’OlivierAssayas)? Sans parler de quelques autres actrices
applaudies dans des sélections
parallèles: AngéliqueLitzenburger
Le palmarès de la 67e édition du Festival de Cannes
Palme d’or
Winter Sleep,
du Turc Nuri Bilge Ceylan.
Grand Prix
Le Meraviglie (Les Merveilles),
de l’Italienne Alice Rohrwacher.
Prix d’interprétation féminine
L’Américaine Julianne Moore,
pour son rôle dans
Maps to the Stars, du Canadien
David Cronenberg.
Prix d’interprétation masculine
Le Britannique Timothy Spall,
pour son rôle dans Mr. Turner,
de Mike Leigh.
Prix du jury, ex-aequo
Mommy, du Canadien
Xavier Dolan, et Adieu au langage,
de Jean-Luc Godard
Prix de la mise en scène
L’Américain Bennett Miller
pour Foxcatcher.
Caméra d’or
Party Girl, des Français Marie
Amachoukeli, Claire Burger
et Samuel Theis.
Prix du scénario
Les Russes Andreï Zviaguintsev
et Oleg Negin
pour Leviathan.
Palme d’or du court-métrage
Leidi, du Colombien
Simon Mesa Soto.
Mais une actrice comme Toulou Kiki aurait sans doute été plus
emblématique de ce vent de liberté féminine qui a soufflé cette
année sur la Croisette.
Constatons, enfin, que 2014 fut
uneannéedetransmission.Symboliquement, le Prix du jury fut attribué conjointement à Xavier Dolan
(Mommy) et à Jean-Luc Godard
(Adieu au langage). Cinquantehuit ans d’écart séparent les deux
réalisateurs. Et un premier prix
pour « JLG » à Cannes, il n’était que
temps!
Quant à la Caméra d’or, attribuée à trois anciens élèves de la
Fémis (Ecole nationale supérieure
des métiers de l’image et du son)
pour Party Girl, elle fut l’occasion,
lors de l’annonce du palmarès,
d’un instant très émouvant.
Gilles Jacob, dont c’était la dernière apparition publique en tant
que président, avait tenu à remettre ce prix qu’il avait lui-même
créé en 1978. Accompagnéde Nicole Garcia, il reçut de la part des
1 800 spectateurs du Grand Théâtre Lumière une chaleureuse standing ovation. Jane Campion se
leva et, tendrement, alla lui prendre la main.
D’un mot, le président Jacob
résuma alors ce que fut son
action: « Célébrer le cinéma,préparer son futur.» Présent dans la salle, Pierre Lescure reçut le message
cinq sur cinq. A lui maintenant, en
bonne entente avec Thierry Frémaux, de s’en inspirer. p
Franck Nouchi
Dix jours, 120films et une constante: le refus de la norme
Analyse
Que reste-t-il de Cannes 2014 ?
Après dix jours de Festival, clos
dimanche 25 mai, 35 films vus sur
près de 120 qui y furent révélés,
en première mondiale, toutes sections confondues, on quitte la
Croisette avec le sentiment
d’avoir découvert beaucoup de
belles choses, et quelques navets.
Pas de film choc qui aurait
concentré tous les débats, comme
l’ont fait Un Prophète (2009),
Oncle Boonmee (2010), The Tree of
Life (2011), Holy Motors (2012) ou
La Vie d’Adèle (2013)… Mais un
choc médiatique orchestré par
Wild Bunch autour de Welcome to
New York, le film d’Abel Ferrara
sur l’affaire DSK.
Et une déflagration plus secrè-
te, parce qu’enroulée dans une forme documentaire et cantonné
Hors compétition, qui n’a laissé
aucun de ses spectateurs indemne. Il s’agit d’Eaux argentées, Syrie
autoportrait, essai terrassant sur
le long martyre de la révolution
syrienne réalisé par Ossama
Mohammed et Wiam Simav Bedirxan, qui ne s’étaient jamais rencontrés avant d’arriver à Cannes.
Conçue comme un dialogue entre
un exilé involontaire et une résistante héroïque, leur mise en scène traduit un fier refus de la norme, qui caractérisait nombre de
films de la sélection 2014.
La programmation en compétition d’Adieu au Langage, de JeanLuc Godard, film essai tourné avec
pas moins de six caméras dont
une Flip Flop, une GoPro et des
téléphones portables, quatre ans
après que Film Socialisme se soit
retrouvé à Un certain regard, est
le signe le plus éclatant de cette
tendance, qui déborde la seule
question de la mise en scène.
« La Maman et la Putain »
Elle s’illustre par la présence
d’objets non reconnus officiellement comme relevant du « cinéma » (la série télé « P’tit Quinquin » de Bruno Dumont, Welcome to New York, sorti en vidéo à
la demande sans passer par la salle, sans compter la lettre filmée de
Godard à Thierry Frémaux et
Gilles Jacob, considérée par certains comme un film cannois à
part entière). Et elle résonne dans
les sujets des films.
Refuser la norme, c’est refuser
l’assignation à son sexe, le vieux
choix entre La Maman et la
Putain. C’est l’enjeu de Bande de
Filles et de Party Girl, les films qui
ont ouvert en fanfare la Quinzaine des réalisateurs et la section
Un certain regard.
Dans Les Combattants, elle est
déjà réglée. Le personnage joué
par Adèle Haenel, qui se prépare
pour la fin du monde, est une soldate de l’armée américaine, comme l’est l’adolescent incontrôlable de Mommy, le film torche de
Xavier Dolan, en guerre contre
une société qui s’acharne à
asphyxier son aspiration à ne ressembler à personne d’autre qu’à
lui-même.
Autre personnage hors norme,
dont l’aura a flotté sur le festival,
Yves Saint Laurent, génie solitaire
rongé par sa passion pour la drogue, son attirance pour le sexe le
plus rugueux. Il n’en fallait pas
moins pour vaincre les réticences
de l’esthète Bertrand Bonello à
l’égard du genre biopic.
La norme, c’est aussi l’ordre
social imposé par le capitalisme
mondialisé, avec lequel rompent
les personnages de Bird People de
Pascale Ferran.
C’est l’idéologie nationaliste
israélienne à laquelle l’institutrice, dans le film de Nadav Lapid,
tente de soustraire un enfant poète qu’elle voit comme un sauveur.
C’est la loi mortifère des djihadistes, face à laquelle Abderrahmane
Sissako réaffirme, dans Timbuktu,
les puissances de l’art.
Les films n’ont pas manqué cette année qui s’inscrivait dans des
communautés autonomes, où
s’inventent des modes de vie alternatifs.
Les apiculteurs polyglottes des
Le Meraviglie d’Alice Rohwacher,
les Yéniches voyageurs de Mange
tes morts, les Roms de Geronimo,
les chamans de l’île japonaise d’Amami où Naomi Kawase a tourné
Still the Water, sont autant de
groupes humains qui tournent le
dos à l’ordre dominant.
La question est aussi au cœur
de Maps to the Stars, satire d’Hollywood, machine à produire de la
norme que David Cronenberg
dépeint comme une société maudite, croupissant dans l’inceste.
En condamnant ses enfants à
s’auto-immoler, le cinéaste canadien opte, lui, pour la table rase. p
Isabelle Régnier
20
0123
culture
Mardi 27 mai 2014
Une journée
particulière, dans
l’ombre de M.Jacob
Quelques heures avec le président du Festival,
qui s’apprête à passer la main à Pierre Lescure
Récit
S
e glisser, une journée durant,
dans l’ombre du président
du Festival de Cannes, Gilles
Jacob: c’est à ce destin aventureux
qu’on s’est voué, le vendredi
23 mai, durant les dernières heures du maître de céans. Car c’est
dit, c’est fait, Gilles Jacob s’en va,
dès la fin de cette édition, qui s’est
terminéedimanche25 mai. Il cédera sa place, le 2 juillet très exactement, à Pierre Lescure.
A 84 printemps le 22 juin prochain, après trente-huit années
passées aux commandes d’un festival qui lui doit son excellence, il
aura pris le temps de la réflexion
avant de raccrocher l’habit. A l’entretien d’adieu gravé dans le marbre, on a préféré cette chronique
intime, avec l’idée que les actes
exprimeraient,plus sûrementque
la parole, la vérité de ce moment.
Voici donc le livre d’heures d’une
étrange liturgie cannoise.
8 h 45 Petit déjeuner au Carlton,
où Gilles Jacob a ses quartiers. On
pourrait se croire dans un hôtel, si
les réalisateurs John Boorman,
Ken Loach et Luc Dardenne n’y
beurraient en même temps leurs
tartines. Gilles Jacob, quant à lui,
confirme d’emblée notre intuition. D’un côté, une réponse en forme de parade à la question sensible : « Non, aucune tristesse de ce
départ, plutôt du soulagement.
D’ailleurs, mes fonctions ne m’en
laissent pas le temps. C’est plutôt le
regard des autres qui me rappelle
que c’est ma dernière année.»
De l’autre côté, le corps qui
parle : Gilles Jacob souffre depuis
sept mois d’une cruralgie, une sorte de sciatique extrêmement douloureuse, qui l’oblige à se déplacer
avec une canne. Et le fait enrager :
dene plus marchercommeil affectionne et de paraître, l’année
même de sa sortie, plus affaibli par
l’âge qu’il ne l’est.
Osonsl’hypothèse: cette cruralgie est la manière dont Gilles Jacob
vit son départ. Comme un arrachement, une douleur, une séparation cruelle d’avec un enfant qu’il
aura porté au sommet. Comme
l’homme est d’un modèle ancien
et rare, tout esprit et toute élégance, de cela aussi il est aussi capable
de sourire : « La cruralgie me fait
trop mal, elle me sauve de la nostalgie. Et fait de moi un cas : non seulement je suis un président qui s’en
va,mais quis’en vaen plus handicapé. »
Quant à son bilan personnel, il a
le mérite de la clarté. Ce dont il est
le plus fier, c’est « d’avoir travaillé
avec les plus grands auteurs et
d’avoir conquis l’indépendance
artistique et économique du Festival de Cannes, d’en avoir fait une
PME qui se transforme un mois par
an en multinationale».
Ce qu’il a le moins apprécié,
c’est la période de trois ans durant
laquelle il a partagé avec son successeur au poste de délégué général, Thierry Frémaux, la responsabilité de la sélection artistique
avant de lui abandonner les rênes.
Ce n’est un mystère pour personne que la relation entre les deux
hommes s’est alors rapidement
– et durablement – dégradée.
9 h 30 Sortie du Carlton. Il est pro-
bable que Gilles Jacob souffre d’un
amour passionnel, exclusif, fiévreux, pour le Festival de Cannes.
Sa femme, qu’il évoque avec tendresse, en fut la première victime.
Les Cannois, comme les employés
du Festival, eux, sont pleins de
reconnaissance pour cet homme
qui, enfant caché à Nice durant la
seconde guerre mondiale, fait
pleuvoir la manne sur leur ville
depuis quarante ans. Tandis qu’il
sort de l’hôtel, le « président » est
TV5MONDE est heureuse d’avoir
soutenu la production de
Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, vendredi 23 mai. ARNOLD JEROCKI POUR « LE MONDE »
happé par un homme dans le hall,
la larme à l’œil, qui le « remercie de
ce qu’il a fait pour Cannes».
Ce genre de scène se reproduira
toute la sainte journée sans qu’on
puisse formellement prouver que
ces hommes et ces femmes éperdus soient des figurants payés
pour le maîtredes cérémoniescannois. L’idée d’être dans un film
nous effleurera néanmoins l’espritaucours de cevendredisi particulier.
En demandant à son chauffeur
de suivre la promenade matinale
et quotidienne qu’il fait à pied
durant plus de trente ans, Gilles
Jacob en dirige d’ailleurs la grande
scène sentimentale, se remémorant « le calme et la beauté » de cette balade secrète. Palm Beach et
retour, le temps d’une rêverie
proustienne.
10 heures Arrivée au Palais par
l’entrée des artistes. Accueil stylé
et chaleureux. « Bonjour, Président », « Bienvenue M. Jacob »,
« Comment allez-vous Président ? ». Lui salue tout le monde.
Arrivée à son bureau du troisième
étage, belle vue sur la mer turquoise. Un ballet soutenu de visites
commence, attendues – les rapportsadministratifs– et impromptues – les amis qui passent.
André-Paul Ricci, un attaché de
presse ému, vient lui remettre en
main propre une touchante lettre
d’au revoir. Me Gabrielle Odinot,
l’avocatedufestival,le tientau courant du suivi des « affaires » : marché noir des billets (3 000 euros la
place), usurpation de la signature
de Gilles Jacobsur un ordre de virement, hôtel qui tapisse partout,
sans autorisation, le logo du Festival sur sa décoration intérieure.
Paulette Blondin (quarantequatre ans de maison), responsable de l’hébergement, relaie une
plainte des hôteliers concernant
l’absence des Américains. « Le problème est préoccupant, les studios
désertent Cannes, il devrait être la
priorité de mon successeur », estime le président.
Martine Offroy, grande prêtresse du protocole, entre avec le sacrosaint plan de table du dîner offert,
comme chaque soir, par le président à une centaine d’invités. Du
sérieux. Crayon à la main, on suppute et on soupèse la place de chacun à la table d’honneur. L’équipe
de Ken Loach sera là, ainsi que des
éditeurs parisiens. « Les susceptibilités sont énormes», confie d’un air
gourmand Gilles Jacob. «Mettez-la
àcôté de [l’éditeurBernard]Fixot »,
conseille-t-il à Martine Offroy, qui
s’inquiète de savoir quoi faire
d’une « très belle actrice».
12 heures Pierre Lescure, successeur au poste, passe la tête, puis
entre. Des projets pour Cannes ?
« Pas pour l’instant. D’abord, je vais
essayerde garderla fonction.Ensuite, me mettre à l’écoute, et, enfin,
tenter de rester à la hauteur. »
L’homme, visé en effet par une
enquête préliminaire pour évasion fiscale, ne manque ni d’humour, ni de finesse.
13 heures Déjeuner au Café des
Palmes. Espace orientalisant dédié
par Rosalie Varda, la fille d’Agnès,
au confort des cinéastes et des
jurys, l’endroit abrite un restaurant où Gilles Jacob aime à recevoir en toute intimité.
Ce midi,ce sont le cinéastemauritanien Abderrahmane Sissako,
découvert par Gilles Jacob, et
auteur d’un des plus beaux films
de la compétition avec Timbuktu,
et Scott Foundas, rédacteur en
chef francophone et francophile
du magazine corporatif Variety.
En deux heures de conversation d’une totale liberté, le Festival
de Cannes vient d’être réformé. En
partant,M. Sissako,que rien n’oblige,nousglisseà l’oreille: «Cethomme-là a changé ma vie. »
15 h 30 Retour au bureau. Arrivée
de la directrice de la communication, Marie-Pierre Hauville, flanquée de Renaud Le Van Kim, réalisateur du « Grand Journal » de
Canal+ et grand ordonnateur de la
cérémonie de clôture.
Les difficultés de déplacement
de Gilles Jacob, qui veut faire ses
adieux sans la canne, sont au centre des débats. Il est horripilé par le
cliquetis qui le précède, et le fait
penser« au boxeur aveuglede L’Assassin habite au 21 ». M. le Van Kim
le rassure : « On va dire à Jane
[Campion, la présidente du jury]
de vous soutenir au besoin. Elle est
solide, on peut compter sur elle,
c’est une All Black. »
16 heures Passages éclair d’amis
en visite de courtoisie, dont celui
du puissant avocat d’affaires JeanMichel Darrois. Manières douces,
penséetranchante.Entredeuxvisites, Gilles Jacob lit ses mails ou
tweete. Converti à 100 % au réseau
gazouilleur, il en fait un usage
pédagogique, poétique, photographique et stratégique (@jajacobbi,
17 858 abonnés).
Dans la dernière ligne droite
d’une journée qui commence à
peser, Gilles Jacob gère les passions féminines.
19 heures Posté en haut du tapis
rouge lors de la projection officielle du film d’Olivier Assayas, Sils
Maria, Uma Thurman lui saisit la
tête à pleines mains et l’embrasse
fougueusement.
21 heures Dans le studio de France
Inter où Pascale Clark le cuisine à
petitfeu, Juliette Binochelui déclare, tout-à-trac: « Je vous aime.»
Là-dessus, départ en voiture au
Carlton, pour le dîner officiel, où il
présidera sans ciller la table d’honneur. Rompu de fatigue, on perd
ici sa trace, en admirant l’énergie
et la tenue de cet homme dévoué
corpset âme à la défenseetà la promotion du Festival de Cannes.
Pour ne rien dire de sa pudeur, lui
qui aura systématiquement coupé court à toutes les propositions
d’attendrissement offertes à lui en
ce jour. Il est vrai que Gilles Jacob
demeurera président d’honneur
du conseil d’administration de la
manifestation, et président de la
Cinéfondation, l’atelier de formationdesjeunes cinéastes.Il estvraisemblable qu’il ne se résolve
jamais à quitter le Festival. p
Jacques Mandelbaum
Une vie consacrée au cinéma
1930 Naissance à Paris, le 22 juin.
Un film d’Abderrahmane Sissako
Production Les films du Worso / Dune Vision
Coproducteurs : Arches Films - ARTE France Cinéma / Orange Studio.
Avec la participation de Canal+, Ciné +, ARTE France, Le Pacte, TV5MONDE et
le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée. En association avec INDÉFILMS 2.
Avec le soutien de Doha Film Institute.
La chaîne de tous les cinémas francophones
www.tv5monde.com
De 1964 à 1971 Critique
pour la revue Cinémas, puis
pour Les Nouvelles littéraires.
1972 Entre à L’Express.
1976 Présente et coproduit sur
FR3 « Le masque et la plume ».
1977 Elu délégué général
du Festival de Cannes.
1978 Crée le Prix de la caméra
d’or et la section Un certain
regard.
1982 Ouverture du Palais
des Festivals.
GRAND PRIX DU SYNDICAT DE LA CRITIQUE 2012-2013
1986 Négocie la diffusion
des cérémonies avec Canal+.
1991 Il crée les « Leçons de
cinéma », puis la Cinéfondation,
en 1998.
2001 Elu président du Festival.
2004 Thierry Frémaux lui succède
comme délégué artistique.
2014 Cède la place à Pierre
Lescure après le Festival.
MA RI VA UX
MI SE E N S C ÈN E
CHRI STOPHE RAUCK | DU 4 AU 15 JUIN 2014
www.theatregerardphilipe.com
0123
culture
Mardi 27 mai 2014
L’Ecosse touchée au cœur par l’incendie
dévastateur de l’école d’art de Glasgow
Le bâtiment de la fin du XIX siècle était le symbole de la renaissance de la ville par la culture
e
Londres
Correspondant
R
avagée par un incendie survenu le 23 mai, la Glasgow
School of Art symbolisait la
renaissance par la culture de Glasgow, une ville ouvrière naguère
insalubre et violente. « La destruction de ce pavillon emblématique
et du travail des élèves est horrible
à voir. » Comme l’a déclaré le premier ministre écossais, Alex Salmond, l’incendie qui a dévasté
l’édifice construit à la fin du
XIXe siècle par l’architecte Charles
Rennie Mackintosh (1868-1928), a
provoqué un émoi à la hauteur du
prestige de l’institution de Renfrew Street.
Selonlespompiers,90 %dubâtiment Art nouveau a été sauvé et
70 % de son contenu préservé du
feu provoqué par l’explosion d’un
projecteur en sous-sol. Reste que
les travaux de fin d’études des étudiants ont été détruits. Or, l’exposition des œuvres des diplômés de
l’une des plus célèbres Art School
du royaume est un événement
artistique de premier plan qui
accueille la crème des professionnels,londonienscomme étrangers,
à la recherche de nouveaux talents.
A Glasgow, les drapeaux sont en
berne. Depuis la faillite des Glasgow Rangers, le célèbre club de
l’équivalent de la première ligue
écossaise, jamais la cité de la Clyde
n’avait connu pareille déprime. Le
chef-d’œuvre mondial à la façade
majestueuse et austère inspirée
des constructionsmédiévalesfigure en première place sur le parcours fléché du touriste. En 2013,
20 000 personnes ont visité le
musée aux bois teintés noirs et les
salles en blanc laqué aux meubles
à angle droit. La chaise-échelle
posée contre la courbure d’un long
mur blanc en est l’attraction star.
Cette œuvre magistrale témoigne de l’ancienne prospérité d’un
port qui, au début du XIXe siècle,
était le premier centre de construction navale de la fière Albion impé-
Au lendemain de l’incendie qui a ravagé la Glasgow School of Art, vendredi 23 mai. ANDY BUCHANAN/AFP
riale. La merveille de Mackintosh
rappelle le passé industriel fabuleux de cette pompe aspirante
d’une richesse fondée sur le capitalisme industriel et le colonialisme.
A l’instar de ses rivaux, la Burrell
Collection ou du Hunterian
Museum and Art Gallery, la GlasgowSchoolofArtavaitétéconstruite grâce aux mécènes du tabac, du
textile, de l’ingénierie. Une prospéritéquiavaitsonverso,lespirestaudis du royaume, l’exploitation des
immigrants irlandais et les méfaits
de l’alcoolisme et du tabagisme.
Retombées politiques
Saignée à blanc par la désindustrialisation des années 1960-1970
et par la purge thatchérienne qui
s’ensuivit,Glasgow a retrouvéprogressivement le sourire grâce à
sonformidabledynamismeartistique. Le statut de ville européenne
de la culture, en 1990, a été le tremplin de cette renaissance.
Lesinistreadesretombéespoliti-
ques. Le 18 septembre, les Ecossais
sont appelés à voter sur l’indépendance. Pour les nationalistes écossais au pouvoir à Edimbourg qui
rêvent de couper le cordon ombilical avec le reste du pays, Mackintosh incarne, corps et âme, le pays
des poètes Walter Scott (1771-1832)
et Robert Burns (1759-1796).
En revanche, pour les Anglais,
cetteconstructionfait d’abordpartie du patrimoine national, comme l’indique le quotidien conservateur londonien, Daily Telegraph, « La Glasgow School of Art est
avant tout un monument d’avantgarde en hommage à la créativité
britannique qui s’exporte dans le
monde entier. »
L’échodece dramesouligneaussi la place importante des Schools
of Arts dans le paysage culturel du
Royaume-Uni. D’origine victorienne, les écoles d’art sont le berceau
de toute créativité artistique outreManche. Des générations d’artistes
ont été formées dans ces établisse-
mentshorsnorme.L’élitedecesinstitutions est à Londres, en raison de
la proximité des musées nationaux et des galeries d’art, du siège
du gouvernementet de la présence
de la City. La réputation du Royal
College, de Slade, Goldsmiths ou
Camberwell n’est plus à faire. Mais
avec ses consœurs de Liverpool et
de Manchester, la Glasgow School
of Art permettait à la province de
toiser la capitale avec fierté. p
Marc Roche
SÉLECTION CD
R.E.M.
Unplugged 1991-2001
The Complete Sessions
Le 10 avril 1991, auréolé du récent
succès de son album Out of Time,
le groupe R.E.M. enregistre au
Chelsea Studios, à New York, une
émission pour la série « MTV
Unplugged», les concerts acoustiques de la chaîne musicale.
Le 21 mai 2001, cette fois au MTV
Studios, toujours à New York, le
chanteur Michael Stipe, le guitariste Peter Buck et le bassiste et claviériste Mike Mills remettent ça.
R.E.M. a conquis la planète rock,
rempli des stades, et son batteur,
Bill Berry, épuisé, a pris une retraite anticipée en 1997.
Ces deux concerts filmés pour
MTV ont été diffusés partiellement à l’époque. Leur bande-son
a été publiée sur des enregistrements pirates, y compris les chansons non diffusées. Elle bénéficie
dorénavant en deux CD d’une
parution officielle sous une
pochette assez laide, avec un
livret anémique.
Cela vaut surtout pour le concert
de 1991. R.E.M. est tout en acoustique, avec apport discret d’un
orgue, percussions à la place de la
batterie, harmonies vocales dans
la lignée de son mélange aérien de
folk et rock. En 2001, les orchestrations sont plus enveloppantes, il y
a un effet de redite. Surtout, le
répertoire des nouvelles chansons d’alors est moins déterminant. p Sylvain Siclier
1 double CD Rhino-Warner Music.
Brian Blade
& The Fellowship Band
Landmarks
Batteur régulier des saxophonistes Joshua Redman et Wayne Shorter, Brian Blade est aussi compositeur et meneur de sa propre for-
mation, The Fellowship Band, fondée en 1997. La stabilité du personnel (Jon Cowherd aux claviers, les
saxophonistes Melvin Butler au
ténor et au soprano et Myron Walden à l’alto et la clarinette basse,
Chris Thomas à la basse, Jeff Parker à la guitare), le raffinement de
l’écriture, en particulier dans l’accord des
deux
vents, sont
les points
forts du
groupe.
Ce dont
témoigne
parfaitement Landmarks, recueil
de compositions subtiles, avec
une notion d’espace, de respiration musicale. Simplement
beau. p S.Si.
1 CD Mid City Records-Blue
Note/Universal Music.
Forabandit
Port
En rapprochant occitan et turc,
mandole, baglama (luth à long
manche) et percussions perses,
Sam Karpienia, Ulas Ozdemir et
Bijan Chemirani, qui forment le
trio Forabandit, inventent dans ce
second album une identité musicale palpitante d’intensité. Tressé
d’un lyrisme évitant l’emphase,
leur vocabulaire musical est le
vaisseau flamboyant d’une poésie
de l’errance qui porte en elle la
mémoire des troubadours occitans et des bardes (asiks) turcs
d’autrefois. Sur le savant tressage
percussif de Bijan Chemirani, les
voix s’élèvent. Incantatoire et
rêche pour Sam Karpiena, ronde
et plus intérieure pour Ulas Ozdemir. Elles parlent de cœurs brûlés
et d’éternité, d’étoiles, de ports et
d’exils. p Patrick Labesse
1 CD Buda musique/Socadisc.
GOOD LAP PRODUCTION et PYRAMIDE présentent
XIMENA
LISA
SONIA
WENDY
ANDREA
AYALA OWEN FRANCÓ GUILLÉN BAEZA
Le BrésilienCandidoPortinari
en long,en largeet en travers
ALEJANDRO
RAMÍREZ-MUÑOZ
UN FILM DE CLAUDIA SAINTE-LUCE
Le Grand Palais expose «Guerre et Paix», son diptyque monumental
L
’Organisation des Nations
unies(ONU)abritehabituellement en ses murs new-yorkais Guerre et Paix, l’œuvre majeure de celui qui est considéré comme le plus grand peintre brésilien
de la première moitié du XXe siècle, Candido Portinari (1903-1962).
Le bâtiment des Nations unies
étant en travaux, elle a été exceptionnellement démontée, et les
Parisiens peuvent découvrir au
Grand Palais les deux tableaux
gigantesques (14 × 10 mètres chacun) jusqu’au 9 juin.
Ils doivent mesurer leur chance : Portinari lui-même a failli ne
jamais voir son monument en
entier. Le hangar où Portinari les
peignit – au mitan des années
1950, et en neuf mois – avec deux
assistants, Enrico Bianco et Rosalina Leao, ne permettait pas de
déployer complètement les panneaux de contreplaqué dont ils
sontcomposés.EtPortinarine pouvait pas participer à leur installation et à l’inauguration de son travail à l’ONU en 1957. L’époque était
au maccarthysme, et les autorités
américaines refusaient d’accorder
un visa à l’artiste, communiste.
Si des artistes et des intellectuels n’avaient pas protesté pour
que Guerre et Paix soit montré au
Brésil avant son départ pour les
Etats-Unis, Portinari n’aurait donc
jamais apprécié complètement ce
qu’il estimait être « le meilleur travail qu’[il ait] jamais fait », et qu’il
destinait, tout simplement, « à
l’humanité». L’affaire prit une telleproportionque l’expositiontemporaire, qui se tint au Théâtre
municipal de Rio de Janeiro, fut
inauguréele 27février 1956par Juscelino Kubitschek, le président de
la République en personne.
Musique grandiloquente
Dans le salon d’honneur du
Grand Palais, le diptyque souffre
d’une présentation grand-guignolesque, avec musique grandiloquente et coups de projecteurs.
Passé l’agacement, on remarquera
l’avantage – le seul – du procédé: il
permet, grâce à un système de
vidéo, d’agrandir au mur les
détails soulignés par le projecteur
(la vidéo est sur le site du Grand
Palais). Pas inutile pour l’explorationdes œuvres,tant les personnages foisonnent, mais bien agaçant
pourquivoudrait,commePortinari, contempler l’œuvre dans son
ensemble. Cela n’est possible que
durant les quelques minutes où le
système se désactive. On s’en
consolera en examinant les 37 études préparatoires qui accompagnent le monument.
Une petite partie sans doute de
celles qu’il réalisa durant les quatre années nécessaires à son élaboration, mais une partie essentielle.
Elle révèle, mieux que ne le font
les deux panneaux, un peintre
célèbre en son pays, mais aujourd’hui méconnu en France. Ce ne
fut pas toujours le cas : les quelques expositions ou séjours parisiens qu’effectua Portinari furent
généralement très bien reçus par
la critique – en 1929, où le choc
culturel de l’Europe renforce son
attachement à son terroir natal ;
en 1946, pour une exposition à la
galerie Charpentier, à Paris, une
des plus importantes d’alors ; en
1957, où il expose à la Maison de la
pensée française, à Paris toujours ;
et, enfin, en 1961, où son engagementcommunistelui vaut des difficultés à obtenir un visa.
Il avait le soutien de Germain
Bazin (1901-1990), conservateur
au Louvre, et de Jean Cassou
(1897-1986), qui fut directeur du
Musée national d’art moderne de
Paris et écrivait de l’exposition de
1946 qu’elle était un « voyage, non
pas tant dans un pays étranger que
dans l’âme de ce pays », le Brésil,
dont mieux que quiconque il sut
peindre l’identité. p
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Arts
21
AU CINÉMA LE 28 MAI
22 sport
0123
Mardi 27 mai 2014
Les Français font profil bas sur terre battue
Les performances récentes des Bleus n’autorisent pas de fol espoir au tournoi de Roland-Garros
Tennis
Federer réussit son entrée
T
ousles ans,c’est lamême rengaine : Roland-Garros n’en
finit plus d’attendre un successeur à Yannick Noah, dernier
Français à s’être imposé porte
d’Auteuil. L’espoir a été bruyamment ranimé en 2013 avec la célébration du trentième anniversaire
de cet exploit et l’accession de
Jo-Wilfried Tsonga aux demi-finales. Il est retombé plutôt bas pour
l’édition suivante, qui a débuté
dimanche 25 mai : les performances globales récentes n’autorisent
pas un fol optimisme et l’avènement de l’héritier a été repoussé
aux calendes grecques.
Roger Federer n’a pas traîné pour
son entrée en lice porte d’Auteuil.
Le no 4 mondial s’est défait facilement (6-2, 6-4, 6-2) du Slovaque
Lukas Lacko, classé 88e. Le Suisse égale ainsi le record de victoires à Roland-Garros (59), propriété de Rafael Nadal. Mais le no 1
mondial aura l’occasion de le lui
reprendre dès son premier match
du tournoi, lundi 26 mai. « Tout a
été sous contrôle », a confié Federer, en manque de repères sur terre battue pour avoir peu joué ces
derniers temps en raison de la
naissance de ses jumeaux.
Jo-Wilfried Tsonga
a passé l’écueil
du premier tour
sans rassurer
sur ses capacités
du moment
Tsonga lui-même a passé
l’écueil du premier tour en faisant,
hélas, le malheur d’un de ses compatriotes,Edouard Roger-Vasselin,
battu en trois manches
(7-6/7-5/6-2), sans que le Manceau
ne rassure sur ses capacités du
moment. Les deux autres Français
engagés ce jour ont connu des fortunes diverses : Jérémy Chardy n’a
pas failli devant l’Espagnol Daniel
Gimeno-Traver (7-5/6-2/6-2) et, le
jeune Strasbourgeois PierreHugues Herbert non plus pour sa
première participation en tant
que titulaire d’une wild card. Cela
n’a pourtant pas suffi à ébranler le
géant américain John Isner
(6-7/6-7/5-7).
La question d’une héritière à
Mary Pierce, victorieuse en 2000,
n’a elle jamais été posée depuis la
retraite d’Amélie Mauresmo. L’état
actuel du tennis féminin tricolore
ne risque pas de changer la donne.
La seule à sembler pouvoir faire
bonne figure est Alizé Cornet, tête
desérien˚20,quientreenpistelun-
Jo-Wilfried Tsonga s’est défait péniblement d’Edouard Roger-Vasselin (7-6/7-5/6-2), dimanche 25 mai, à Roland-Garros. DARKO VOJINOVIC/AP
di, opposée à l’Australienne Ashleigh Barty. On n’attendait aucun
miracle de la part d’Alizé Lim (138e),
autre bénéficiaire d’une wild card,
depuis que le tirage au sort l’avait
dépêchée sur le Central afin d’affronter sa grande amie Serena
Williams, qui se trouve surtout
être la patronne du circuit.
Cette opposition devait être un
crève-cœur pour les deux copines
qui ont multiplié les selfies, jeudi,
lors de la soirée des joueurs. « Il y a
cinq minutes de ça, j’étais dans le
vestiaire en train de parler avec
Serena, a témoigné Alizé Lim sur
soncompteTwitter.Jeluiai demandé : “C’est vrai que tu étais au tirage
au sort, tu sais contre qui tu joues ?”
Elle m’a répondu: “Non, je ne regarde jamais le tableau.” » Ce n’était
effectivementpasnécessaire, puisque l’affaire fut expédiée (6-2/6-1).
Quelques inconscients avaient
auparavant rappelé l’exploit en
2012 de Virginie Razzano, qui avait
Untrophéede plus,etquelquesfrayeurs,
pourl’Espagneà vingtjours du Mondial
Le sacre du Real en Ligue des champions complique le travail de la Roja
Football
A
ssis dans les tribunes du stade de la Luz à Lisbonne,
Vicente del Bosque n’a guère dû apprécier le scénario de la
finale de Ligue des champions,
samedi 24 mai, qui opposait le Real
Madrid et l’Atlético Madrid, son
rival historique, lors d’un derby
inédit à ce stade de l’épreuve.
Supervisant la rencontre aux
côtés de son adjoint Toni Grande,
le sélectionneur espagnol aurait
sans doute préféré que la partie ne
s’étire pas jusqu’à la 120e minute
de jeu. A vingt jours du coup d’envoi de la Coupe du monde, du
12 juin au 13 juillet au Brésil, le
patrondelaRojaa assistéà lavictoire (4-1) après prolongations des
Merengue – qu’il a jadis entraînés
(1999-2003) – face à des Colchoneros perclus de crampes et déroutés
par l’égalisation (1-1) arrachée dans
les arrêts de jeu par Sergio Ramos,
infatigable défenseur du Real et
taulier de la sélection ibérique.
Douze ans après leur dernier
sacre européen, les Galactiques
ont enfin fait main basse sur la
« decima », leur dixième titre en
Ligue des champions. Alors qu’il
était à moins de deux minutes de
la consécration, l’Atlético a vécu
une soiréecauchemardesque,quaranteans aprèsavoiréchoué à remporter l’épreuve (1-1, 4-0) face aux
Allemands du Bayern Munich.
Sept joueurs présents sur la
pelouse lisboète figurent dans la
pré-liste des trente éléments retenus, le 13 mai, par Vicente del Bosque dans l’optique du tournoi planétaire. « Nous sommes préoccupésparles blessures»,s’étaitinquiété, avant la finale, le vainqueur du
Mondial 2010 et de l’Euro 2012.
« Pas de joueurs diminués »
Le technicien a dû s’alarmer en
voyant Diego Costa, l’attaquant de
l’Atlético et de la Roja, quitter l’aire
dejeudèsla9e minute.En délicatesse avec sa cuisse depuis le 17 mai,
jour où sa formation a remporté le
titre en Liga, le buteur avait été alignéd’entréeaprèsavoirsuivi, àBelgrade, un traitement à base de placentade jument.A l’originedu premier but de la rencontre, la sortie
hasardeuse d’Iker Casillas, le gardien merengue, a dû faire tousser
Vicente del Bosque. Ce dernier n’a
pas dû être rassuré par la condition physique précaire des Rojiblancos David Villa et Juan Fran,
incapables de courir dans les prolongations.
Le sexagénaire devait annoncer, dimanche 25 mai, sa liste des
23joueurs convoquéspour le Mondial. Mais il a prudemment choisi
d’attendre le match amical contre
la Bolivie, vendredi 30 mai, pour la
rendre officielle. Le patron de la
Roja a préféré ne pas incorporer
dans sa liste provisoire de
19 joueurs les « Madrilènes » qui
ont disputé la finale de Ligue des
champions. « Hier, certains ont ressenti des problèmes physiques et
nous devons nous assurer qu’ils
sont en parfaite condition pour le
Mondial, a expliqué le sélectionneur. Nous ne pouvons pas emmener des joueurs diminués.»
Basés à Curitiba, les Espagnols
espèrentréaliserunquadrupléhistorique après les victoires lors des
Euro 2008 et 2012 et du Mondial
2010. La sélection ibérique débutera la compétition, le 13 juin, contre
les Pays-Bas lors du choc de la poule B.Elle affrontera ensuite le Chili,
le18 juin,puis l’Australie,le 23 juin.
Si des interrogations planent sur
l’état de fraîcheur de plusieurs
acteurs de la Roja après cette saison harassante, l’Espagne semble
pourtant en position de force.
Solidement installée à la première place à l’indice UEFA, elle a
hissé cette saison deux clubs en
finale de la plus prestigieuse des
compétitions continentales et un
de ses représentants,le FC Séville, a
remporté (0-0) aux tirs au but la
LigueEuropa,le14mai,faceau Benfica Lisbonne. Ce retour au premier plan du football ibérique
contraste avec l’échec de ses plus
illustres ambassadeurs, le Real
Madrid et le FC Barcelone, lors des
demi-finalesde l’éditionprécédente de la Ligue des champions. p
Rémi Dupré
sorti Serena Williams dès le premier tour. Dans l’immédiat, Razzano aura fort à faire, lundi 26 mai,
face à la Slovaque Dominika
Cibulkova.
Amandine Hesse n’ayant pas
été plus chanceuse face à l’Autrichienne Yvonne Meusburger
(6-3/3-6/4-6), la seule à avoir donné satisfaction dimanche est Claire Feuerstein, 124e mondiale, de
surcroît face à une supérieure hiérarchique classée 25 rangs au des-
susd’elle. Surle courtn˚2,la Grenobloise a pu compter sur le soutien
inconditionnel d’un spectateur,
vite repéré par la joueuse, et d’un
arbitre rigolard pour scander son
prénom à chaque temps mort.
« Claire ! Claire ! Tous ensemble
avec Claire », répétait ce chauffeur
de salle, installé derrière la chaise
de Feuerstein et au bas de survêtement orange, assorti à la tenue de
la joueuse. Par chance, l’adversaire, la Biélorusse Olga Govortsova
rappelle par sa silhouette et ses
râles Maria Sharapova, mais la
comparaison s’arrête là.
Ce quidam flanquéd’une moustache, d’une casquette et d’un teeshirtvintageavec les logosdu tournoi dans les années 1980 est-il le
président d’un fan-club ? Non, il
s’agit de « Vincent, de Lozère »,
connu des habitués. « Il est comme
ça à chaque match, explique l’un
d’eux. Il prend un joueur et il l’encourage bruyamment. Au match
précédent,c’étaitYouzhny.» L’intéressé n’ignore pas son statut de
micro-célébrité. « Tennis Magazine a parlé de moi », s’enorgueillitil. Son critère de choix est le suivant : « J’encourage d’abord les
Français. S’il n’y en a pas, je prends
le plus connu. Mais s’il y a un trop
grand écart, je choisis le plus faible. » Il se devait donc d’accompagner Claire Feuerstein, qui l’a
emporté en deux manches
(6-1/7-5) et a atteint, à 28 ans, pour
la deuxième fois de sa carrière, le
deuxième tour à Roland-Garros.
Lundi, les regards devraient se
tourner vers Nicolas Mahut. S’il se
débarrasse du Kazakh Mikhaïl
Kukushkin, des retrouvailles
émouvantes l’attendent avec son
vieil ami John Isner, qui partage
avec lui le record de la plus longue
partie de l’histoire du tennis. p
Bruno Lesprit
Toulonveut transformerl’essai
Vainqueur de la H Cup, le club varois vise aussi le bouclier de Brennus
Rugby
A
u moment du « breafkfast»,
dès8heuresdumatin,leprésident Mourad Boudjellal a
retrouvé en face de lui «une bonne
vingtaine» de ses joueurs. Et «avec
le teint plutôt frais, en plus », apprécie-t-il. La veille, samedi 24 mai, les
stars du Rugby club toulonnais
(RCT) auraient pourtant pu festoyer jusqu’à des heures indues
dans les rues de la capitale du Pays
de Galles. Intraitables face aux Londoniens des Saracens (23-6), les
Varoisontremportépourladeuxième année consécutive la finale de
la Coupe d’Europe, dans un Millennium de Cardiff au toit fermé, comme il est d’usage pour les grandes
occasions.
En 2013, après leur premier sacre
européen, la victoire obtenue à
Dublin face à Clermont avait donné lieu à des festivités plus intenses. Ce que l’on appelle communément la troisième mi-temps s’était,
pourcertains,étiréeenunequatrième, voire une cinquième période :
« Il y avait des joueurs qu’on avait
perdus jusqu’au surlendemain.
D’ailleurs, certains ne se souviennent même plus où ils étaient précisément », confie le dirigeant au
Monde. En 2014, rien de tout cela,
même si le RCT a pourtant réussi à
imiter Leicester (2001-2002) et le
Leinster (2011-2012), seules formations à avoir également conservé
leur bien d’une année sur l’autre.
Car en réalité, pour les Toulonnais, la bataille la plus importante
de la saison reste encore à livrer,
samedi 31 mai, avec la finale du
championnat de France de rugby, à
Saint-Denis,faceà Castres.L’anpassé,latêteencoreà leurpremiertitre
continental,les Toulonnaisavaient
chuté en finale du Top 14 face aux
mêmes Castrais (19-14).
Pour M. Boudjellal, aux commandesdu RCTdepuis 2006, l’heureestdoncàlamobilisation:«Encore plus que la Coupe d’Europe, le
championnat reste notre objectif
principal. Ce n’est qu’avec un titre
enTop14queleclubrenaîtraitréellement.Dansnotreimaginaire,àTou-
«Ce n’est qu’avec
un titre en Top 14
que le club renaîtrait
réellement»
Mourad Boudjellal
président du RCT
lon,on a tousgrandiavecle bouclier
deBrennus.Onatousenviederajeunir et de revivre les moments forts
de1987 et 1992 », ajoute l’entrepreneur de 53 ans. Peut-être les plus
anciens se souviennent-ils aussi de
l’édition 1931, au terme de laquelle
le RCT conquit le premier de ses
trois sacres nationaux.
Vieux de plus d’un siècle, le
championnat de France est une
madeleine que l’on déguste de
génération en génération. Rien à
voir avec la Coupe d’Europe de rugby, née en 1995, dans le sillage d’un
rugby professionnel encore à ses
balbutiements.Nomméjusqu’àcette année H Cup – en référence à un
brasseur sponsor de la compétition–, le trophée européenexistera
la saison prochaine dans une nouvelle formule et sous une nouvelle
appellation, l’European Rugby
Champions Cup.
Pour l’heure, seul un club français a réussi à empocher la H Cup et
le Top 14 la même année : en 1996,
leStadetoulousainavaitreçulapremière de ses quatre couronnes
continentales,record en la matière.
«Cette année, estime M.Boudjellal,
un doublé Top 14-HCup représenterait l’accomplissement du travail
entrepris depuis quelque temps à
Toulon.»
Avec 30millions d’euros de budget annuel – environ le double des
Saracens –, le RCT compte dans ses
rangs nombre de stars. Comme
l’Australien Matt Giteau, auteur du
premier essai en finale contre les
Londoniens, auquel s’est ajouté
celuideJuan Smith,ce Sud-Africain
quel’ondisaitpourtantperdupour
le ballon ovale à cause d’un tendon
d’Achille défaillant.
Côté toulonnais, tout le reste des
points – transformations, drops et
pénalités–futl’œuvredeJonnyWilkinson. Monument du rugby, le
demid’ouvertureprendrasaretraite samedi 31 mai contre Castres. Et
ce à l’âge de 35 ans, qu’il vient de
fêter dimanche 25 mai, le plus
sobrement qui soit, au lendemain
du sacre en H Cup face à ses compatriotes des Saracens. p
Adrien Pécout
disparitions 23
0123
Mardi 27 mai 2014
Ancien président polonais
Wojciech Jaruzelski
A
gé de 90 ans, le général Wojciech Jaruzelski est mort,
dimanche 25 mai, à l’hôpital
militairede Varsovie.Hospitalisé à la mi-décembre2012
pour une hémorragie dans
les voies respiratoires, il connaissait des
ennuis de santé depuis plusieurs années.
Un homme se résume-t-il à un acte, si
politique,si dramatiquesoit-il, accompliil
y a trente-deux ans ? La réponse est oui,
dans le cas du général Jaruzelski. Le
13 décembre 1981 est la date emblématique de sa vie, celle par laquelle il est entré
dans l’Histoire, celle qui l’a hanté, aussi,
jusqu’au seuil de sa mort. Ce 13 décembre,
à la tête du Conseil militairede salut national (WRON), le général a proclamé l’« état
de guerre » en Pologne, qui ne sera suspendu qu’en juillet 1983.
6 juillet 1923 Naissance à Kurow
(Pologne)
1981-1985 Premier ministre
13 décembre 1981 Proclame
l’« état de guerre » en Pologne
1985-1989 Président du Conseil d’Etat
1989-1990 Président de la République
25 mai 2014 Mort à Varsovie
« Notre terre natale est au bord du gouffre », dit-il alors dans son adresse célèbre
aux Polonais, lors d’une allocution à la
radio et à la télévision. « Chaos », « désespoir », « démoralisation», « terreur», « vendetta morale » figuraient parmi ses mots
choisis, destinés à accuser le syndicat Solidarnosc, qui montait en puissance depuis
près de deux ans, de tous les maux du
pays. « Combien de temps la main tendue
doit-elle rencontrer le poing serré ? »,
demandait-il d’une voix terne, caché derrière ses lunettes épaisses, pour justifier la
loi martiale.
Une procédure pénale sommaire est
miseen place. Leslibertés de réunion, d’association, de manifestation sont suspendues. Les liaisons téléphoniques sont coupées, les frontières fermées. La police a les
pleins pouvoirs. Des milliers d’opposants,
parmi les ouvriers, les sympathisants de
Solidarnosc et les intellectuels engagés,
sont alors incarcérés.
Le général Jaruzelski a prétendu pendant plus de trente ans que le 13 décembre
avait été un « mal nécessaire ». Il assurait
que les troupes soviétiques seraient
entrées en Pologne s’il n’avait pas adopté
unemesureaussiradicale,face à uneopposition devenue, selon lui, déraisonnable.
Malgré les avertissements réels et les rappels à l’ordre formulés à l’époque par Moscou à l’égard de Varsovie, cette analyse a
toujours été très contestée, que ce soit par
les historiens ou les dirigeants de Solidarnosc.
Wojciech Jaruzelski est né le 6 juillet
1923 à Kurow, près de Lublin, dans l’est de
la Pologne, au sein d’une famille d’origine
aristocratique, catholique et très antirusse. L’adolescent fait ses études chez les
jésuites. Avec ses parents, il est déporté en
Sibériependantla secondeguerremondia-
Le 10 mars 1981, avec Lech Walesa. WITOLD ROZMYSLOWICZ/EPA
le.Il doitcouperduboisdans laneige épaisse, sous une lumière aveuglante, qui abîma ses yeux et le poussa par la suite à porter ses fameuses lunettes fumées. Malgré
ces épreuves, il va servir la main qui l’a
éreinté. « A l’époque, je détestais la Russie.
Mais lorsque j’ai découvert le simple Russe,
le Sibérien, qui partageaitavec nousun quignonde pain, lorsqueje l’ai vusouffrircomme nous, combattant au front jusqu’au
sacrifice, j’ai révisé mon attitude à leur
égard», expliquale général dansune interview fleuve, accordée au quotidien Gazeta
Wyborcza en 2004.
En 1942, Wojciech Jaruzelski s’engage
aux côtés de l’Armée rouge, contre les
nazis. La carrière militaire de ce serviteur
zélé de la cause communiste va s’accélérer
après la guerre. Apparatchik en uniforme,
il s’élève à chaque crise majeure subie par
le régime, démontrant une loyauté sans
faille. Il devient le plus jeune général du
pays à 33 ans, en 1956, alors que des dizaines de manifestants sont tués à Poznan.
En 1967 et 1968, il participe à l’offensive
antisémite du pouvoir, menée en raison
de l’hostilité du bloc soviétique à la guerre
de Six-Jours. Des purges dans l’armée lais-
L’indulgencedes anciens adversaires du général
« UN HOMME très intelligent» que Dieu
seul va juger, a déclaré le dirigeant historique du syndicat Solidarnosc, Lech Walesa,
après l’annonce de la mort, dimanche
25mai, du général Jaruzelski. « Sa génération devait faire des choix difficiles. Certains adhéraient à la trahison communiste, d’autres tentaient de s’y opposer de l’intérieur», a-t-il ajouté. «Il connaissait probablement très bien la mentalité soviétique,
avait connaissance de leur arsenal de missiles. Il était en droit de penser, comme beaucoup dans le monde, qu’on n’avait aucune
chance de s’en sortir», a ajouté l’ex-président polonais et Prix Nobel de la paix.
Selon M.Walesa, qui fut l’adversaire le
plus coriace qu’ait eu à affronter le général
Jaruzelski, celui-ci était, en privé, «un homme très intelligent, plein d’humour». «J’ai
perdu quelques batailles contre lui, mais
j’ai gagné la guerre pour une Pologne libre.
J’ignore tout de ses motivations, je laisse
donc le jugement à Dieu», a-t-il conclu.
Un autre adversaire de M.Jaruzelski, le
dissident Adam Michnik, a estimé, diman-
che, que M.Jaruzelski avait choisi, face à la
menace d’une intervention russe, «le
moindre mal». «Son rôle a été positif, pendant et après la table ronde», a jugé
M.Michnik.
Un homme « exceptionnel »
L’ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a salué la mémoire d’un homme
«exceptionnel », qui a «beaucoup fait pour
la Pologne». «C’était un soldat, il avait combattu le fascisme avec nous et était resté jusqu’au bout fidèle à son choix du socialisme», a ajouté le père de la perestroïka, qui
fut à la tête de l’Union soviétique de 1985
jusqu’à son éclatement en 1991.
Face à la contestation dans son pays, « il
n’a pas permis que l’on en arrive à des extrémités », a souligné M.Gorbatchev. « Nous
étions amis, pour avoir partagé des idées et
participé à des événements importants.
Nous nous sommes souvent rencontrés
quand il était président, et quand je
l’étais », a-t-il encore déclaré.
En 1981, quand le général Jaruzelski a
imposé la loi martiale en Pologne face à la
montée de la contestation – selon lui pour
éviter une invasion soviétique –, Mikhaïl
Gorbatchev était membre du Politburo du
Comité central du Parti communiste, l’organe dirigeant de l’URSS dont le numéro
un était alors Leonid Brejnev.
Selon l’ancien président polonais Aleksander Kwasniewski (1995-2005), un
ex-communiste et un proche de M.Jaruzelski, celui-ci fut «l’une des figures les plus
importantes de l’histoire polonaise des dernières décennies».
Le parti social-démocrate SLD a annoncé dimanche avoir adressé une demande
au président Bronislaw Komorowski de
proclamer un deuil national. Mais une proche collaboratrice du président, Joanna
Trzaska-Wieczorek, a laissé entendre que
cette demande ne serait pas acceptée. « Un
deuil national, comme son nom l’indique,
doit toucher le pays tout entier. Il faut donc
éviter des initiatives qui risquent d’approfondir les divisions », a-t-elle déclaré.
– (avec Agences) p
sent des dizaines d’officiers de haut rang
sur le carreau. Le général Jaruzelski exprimera plus tard ses regrets, évoquant son
devoir d’obéissance envers Wladyslaw
Gomulka, le premier secrétaire. En 1970, la
répression contre les grévistes à Gdansk et
Szczecin fait 45 morts et un millier de blessés, alors qu’il est ministre de la défense.
Premier militaire de carrière à prendre
la tête du Parti communiste de son pays,
en 1981, le général Jaruzelski est alors une
figure peu connue des Polonais, même s’il
était déjà membre du bureau politique
depuis1971. L’instaurationde la loi martiale va le ranger aux yeux des Polonais et
dans l’opinion internationale dans la catégoriedesdictateurs.Il sera souventcomparé à Pinochet, un parallèle qui l’irritera au
plus haut point par la suite.
Patriotisme en bandoulière
Figure paradoxale, Wojciech Jaruzelski
a été à la fois l’incarnation du régime communiste– premiercomptablede son appareil répressif et des violations des droits de
l’homme – et l’un des principaux acteurs
de la démocratisation pacifique de la Pologne. Dans le miracle historique que fut la
« table ronde », lancée au printemps 1989
entre le pouvoir et l’opposition, autour du
syndicat Solidarnosc, le général ne fit pas
obstacle. Au contraire, il initia le mouvement, dialoguant et trouvant un compromisavec ceux-làmêmesqu’ilavait auparavant pourchassés et emprisonnés.
Preuve que rien n’est simple : l’un des
principaux avocats du général Jaruzelski a
été par la suite l’ancien dissident Adam
Michnik, patron du quotidien Gazeta
Wyborcza, scandalisé par les poursuites
judiciaires lancées contre lui.
Le général Jaruzelski n’a pas été invité à
la cérémonie d’investiture de son successeur,Lech Walesa, en décembre1990.Mais
cette sortie par la petite porte n’était
qu’un préambule. Comme dans tous les
pays postcommunistes en transition, la
question de la responsabilité morale et
pénale des piliers de l’ancien régime s’est
posée. Avec plus ou moins de vigueur, en
fonction des majorités au pouvoir.
Une première enquête parlementaire,
conduite entre1991 et 1995, n’a pas abouti.
En1996, lamajorité de gauche,ex-communiste, a refusé de passer à la phase pénale,
invoquant la « haute nécessité » dans
laquelles’était trouvéle généralen décembre1981. Mais en 2006, les frères Kaczynski sont au pouvoir. Ils lancent une « lustration » sévère contre les anciens collaborateursde la police communisteet lescadres
de l’ancien régime. C’est alors que l’Institut de la mémoire nationale, organisme
très politisé qui gère toutes les archives et
les dossiers individuels, accuse le général
Jaruzelski d’avoir dirigé une association
criminelle, responsable de la loi martiale.
Une humiliation juridique et politique
insupportable,pourcet homme ayanttoujours porté son patriotisme en bandoulière. Les fronts judiciaires se sont ensuite
multipliés contre le général Jaruzelski,
l’obligeant à répéter ses excuses, ses
regrets, sa vision de l’Histoire, au fil de ses
livres et de mille entretiens à la presse
internationale. Pour raisons médicales, il
a été exempté du procès sur la loi martiale.
Nous l’avions rencontré pour la dernière fois en octobre 2011, dans une chambre
de l’hôpital militaire de Varsovie. Malgré
sa grandefaiblesse générale,il poursuivait
sans relâche la plaidoirie de sa vie, pour
sonhonneur.Les Polonais,eux, en particulier les nouvelles générations, ne savent
plus ou si peu de quelles peinesle communisme fut le nom. L’indifférence est une
forme douce de condamnation. p
Piotr Smolar
24
0123
carnet
Mardi 27 mai 2014
Vescemont.
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AU CARNET DU «MONDE»
Décès
Mme Hugues Lawton,
née Micheline Banzet,
Mme Gisèle Peugeot,
leurs mères,
Philippine Cruse et Alexia Cruse,
leurs filles,
M. et Mme Jean-Pierre Banzet,
M. et Mme Frédéric Banzet,
Julie Banzet, Claire Cruse,
Jean-Paul Cruse,
M. et Mme Pierre Lawton
et leurs enfants,
leurs frères, belle-sœur, sœurs,
neveux et nièces,
ont la grande tristesse de faire part
des décès de
Mme Marie-Noëlle BANZET
et de son mari,
M. Didier CRUSE,
survenus le 15 mai 2014.
La cérémonie religieuse aura lieu
le mardi 27 mai, à 10 h 30, au Temple
protestant, 19, rue Cortambert, Paris 16e,
suivie de l’inhumation, dans l’intimité,
au cimetière d’Avernes.
Versailles.
M Françoise Ricalens-Dardier,
son épouse,
Philippe et Laure, Jean-Marc
et Estelle, Anne,
ses enfants,
Guillaume, Elise Zoé, Celia, Anthéa,
Maxime, Diane, Thomas, Emmannuelle
et Camille,
ses petits-enfants,
Les familles Ricalens, Butzbach,
Marchand, Leonard, Pourchot, Zucker,
McDonald, Crellin,
me
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
John Edward DARDIER,
Wing Commander (RCAF), OMM,
survenu a Vescemont, le 22 mai 2014.
Réunion au Temple Saint-Jean.
Nous invitons les amis et les proches de
la famille à se joindre à nous pour le culte
d’action de grâce, le mardi 27 mai,
à 14 h 30, au Temple protestant, faubourg
des Ancêtres, à Belfort, suivi de
l’inhumation au cimetière de Giromagny.
Une corbeille sera déposée à l’église,
dont le profit sera reversé à l’Institut
Curie.
Le présent avis tient lieu de faire-part
et de remerciements.
ont la tristesse de faire part du décès de
M. Bernard DUPUTEL,
survenu le 20 mai 2014.
18 bis, rue Champ Lagarde,
78000 Versailles.
ont la tristesse de faire part du décès
de leur jeune collègue,
Nicolas FERRARI,
chef de bureau
à la direction générale du Trésor,
survenu le 21 mai 2014,
à l’âge de trente-cinq ans.
Ils s’associent au deuil de sa famille
et de ses proches.
Une cérémonie religieuse a eu lieu
ce lundi 26 mai, à 15 h 45, en l’église
Sainte-Thérèse de Rueil-Malmaison.
15, quartier du Mont-Jean,
90200 Vescemont.
Audrey-Charlotte Maillochaud,
sa compagne
et leur fille, Hortense,
Denise Debon,
sa mère,
Catherine, Marie-Ange, Valérie,
ses sœurs,
Ses beaux-frères et belles-sœurs, neveux
et nièces,
Ses beaux-parents,
ont la douleur de faire part du décès de
Une célébration d’adieu aura lieu
le 27 mai, à 10 h 30, en l’église Saint-Françoisde-Sales, rue Brémontier, Paris 17e.
Mme Nicole Florescu, née Michel,
son épouse,
Nick, John, Radu et Alexandra,
ses enfants,
Elle, Alexander, Isabella, Nicholas,
Ava, Peter, Théodore, Radu Jr., Matthew,
Victor, Wiliam Jr., Ileana et Sophia,
ses petits-enfants,
Yvonne, sœur bénédictine
« sister John the baptist »,
sa sœur,
M. Radu FLORESCU,
académie de Roumanie
(Diploma Honoris),
professeur Emeritus, Boston college,
USA.
La cérémonie religieuse a été célébrée
ce lundi 26 mai 2014, à 14 h 30,
en l’église Sainte-Philomène du Cannet,
suivie de l’inhumation au cimetière
Notre-Dame-des-Anges.
Souvenir
A l’occasion du second anniversaire de
la disparition de
Jocelyne BEHREND,
architecte D.P.L.G,
en vente
actuellement
K En kiosque
Hervé, Lucile et Hadrien Chneiweiss, vous
invitent à une pensée émue à son
souvenir.
Sa lumière et son œuvre nous
accompagnent.
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Communications diverses
née ROUKHOMOVSKY,
Hors-série
Les familles Gires, Galeazzi,
Brouchon,
Parents et alliés,
survenu le 23 mai 2014,
dans sa centième année
font part du décès de
et rappellent le souvenir de son mari,
Françoise GIRES,
Jean SAKAROVITCH,
(1907-1979)
écrivain,
agrégée de Lettres classiques.
La cérémonie a eu lieu le samedi
24 mai 2014, à 15 heures, au cimetière
paysagé Notre-Dame du Bourg, à Dignesles-Bains.
de son frère,
Anne Sophie, Alexis
et Grégoire Korganow
ainsi que leurs enfants,
et de son petit-fils,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Françoise Marie
GUINOISEAU,
Sous l’égide de la Fondation
pour la recherche médicale,
Vaincre ensemble
les maladies mentales
Benjamin TALMON,
(1913-2013),
Mathias SAKAROVITCH,
(1980-1994).
La Fondation pour la recherche
en psychiatrie et en santé mentale,
reconnue d’utilité publique,
lance un 4e appel à projets 2013-2015
L’inhumation aura lieu au cimetière
parisien de Bagneux, le mardi 27 mai,
à 10 h 45.
professeur de Lettres,
survenu le 19 mai 2014,
dans sa soixante-dix-neuvième année.
La cérémonie religieuse a eu lieu
samedi 24 mai, à 9 heures, en l’église
de Puyricard (Bouches-du-Rhône).
Jacques,
son époux,
Sophie et Nicolas,
ses enfants,
François et Chantal,
son beau-frère et sa belle-sœur,
Pauline et Vincent,
leurs enfants,
Thèmes de recherche
• Émergence des troubles mentaux
et leur dépistage,
• Insertion professionnelle
et santé mentale,
• Violence et santé mentale,
• Handicap psychique.
Irmine, Richard et Marina,
ses enfants,
David, Jonathan, Ilan, Mickaël
et Abel,
ses petits-fils et arrière-petit-fils,
Sa famille
Et ses amis,
Principes généraux
L’objectif de la Fondation
est de promouvoir les recherches
fondamentales, épidémiologiques
et cliniques, sur la santé mentale.
ont la douleur d’annoncer que
Hélène WILF
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
Claude ROBNARD,
Henri-Jean DEBON,
survenu le 22 mai 2014,
à l’âge de quarante-cinq ans.
Michel, Jacques et Joël (†),
ses fils,
Geneviève, Michèle et Régine,
ses belles-filles,
Brigitte Hauser,
sa belle-sœur,
Laurent, Julien, Charlotte, Cassia,
Judith, Barbara et Benjamin,
ses petits-enfants,
Diane, Axelle, Aurélien, Léo, Adrien,
Mila, Fanny et Gabriel,
ses arrière-petits-enfants,
Daniel, Miri, Claire et Marc,
ses neveux et nièces
Et toute la famille,
Elisabeth SAKAROVITCH,
Avignon. Digne-les-Bains.
Ni fleurs ni plaques.
ont la tristesse de faire part du décès de
Ses enfants,
Ses petits-enfants,
Sa famille,
Ses amis et camarades,
Ramon Fernandez,
directeur général du Trésor,
Et l’ensemble des agents
de la direction générale,
nous a quittés, pour rejoindre son mari,
Max.
La cérémonie se déroulera le mardi
27 mai 2014, à 11 heures, au cimetière
de Bagneux (Hauts-de-Seine).
née THIRION,
survenu le 22 mai 2014, à Paris,
dans sa quatre-vingtième année.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 28 mai, à 10 h 30, en l’église
Saint-Martin de Meudon (Hauts-de-Seine),
suivie de l’incinération.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Paris.
Un juif parmis les hommes.
Un soldat volontaire dans les Forces
françaises libres.
Mme Loubia Simon,
son épouse,
Francine, Patricia, David et Raphaël,
ses enfants,
Jacqueline Moncorge,
sa sœur,
François Mouton,
son frère,
font part du décès de
survenu le 22 mai 2014,
à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Il ne sera pas envoyé de faire-part,
cet avis en tenant lieu.
Les dossiers et les dons
sont à adresser à :
Zoé Logak,
secrétaire général,
Fondation pour la recherche
en psychiatrie et en santé mentale,
CH Sainte-Anne,
1, rue Cabanis,
75674 Paris Cedex 14.
ont la douleur de faire part du décès de
Collections
---------------------------------------------------------
Dès mercredi 28 mai, le volume n° 5
COMME UN CRABE, DE CÔTÉ
de M. Ledun, illustré par C. Berberian
0123
Vladimir ZILBERFARB,
Date limite de dépôt des dossiers
prolongée jusqu’au 14 juillet 2014
survenu le 23 mai 2014.
Un hommage lui sera rendu le mercredi
28 mai, à 16 h 45, au cimetière
de Villebon-sur-Yvette (Essonne), rue
de la Plesse.
Anniversaire de décès
Les obsèques auront lieu le 28 mai,
à 15 h 30, au cimetière parisien de
Bagneux, 45, avenue Marx Dormoy,
Bagneux (Hauts-de-Seine).
7 matières pour
réussir votre bac
Appel aux dons
Pour financer les projets sélectionnés,
la Fondation a besoin de recueillir
des dons et des legs des particuliers,
des associations et des entreprises
partenaires,
Danielle,
son épouse,
Sacha et Lise, Jérémie et Iman,
ses fils et leurs compagnes,
Anna, Rachel et Nahla,
ses petites-filles,
Sa famille,
Ses amis,
14, rue Leperdriel,
91140 Villebon-sur-Yvette.
M. André Victor SIMON,
Hors-série
Il y a vingt ans, disparaissait
le docteur
Claude FRANCFORT.
Nous n’oublions pas.
Informations et contact
www.psy-fondation.fr
ISF :
Déduisez 75 % du montant de votre don
à la Fondation du patrimoine juif
de France,
pour préserver, construire et entretenir
le patrimoine des communautés juives
de France (synagogues, Mikvé, ...).
Tél. : 01 49 70 88 02,
[email protected]
Sous l’égide
de la Fondation du judaïsme français.
Dès mercredi 28 mai,
le volume n° 19 LES ROYAUMES
CHRÉTIENS ET LES CROISADES
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le CD-livret n° 21
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K Le Carnet du Monde
Tél. : 01-57-28-28-28
Professionnels
K Service des ventes
Tél. : 0-805-05-01-47
0123
météo & jeux
Mardi 27 mai 2014
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
Lille
5
102
13 16
50 km/h
12 15
30 km/h
11 18
PARIS
10 16
Rennes
1005
12 19
12 17
Dijon
Poitiers
D
9 18
7 17
0
12
101 19
A
11 18
9 19
Nice
Marseille
12 23
15 21
14 24
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Augustin
Coeff. de marée 82
Aujourd’hui
Un temps instable et souvent dominé par les
nuages l'emportera sur un bon quart Nord-Est
avec quelques averses éparses, pouvant
localement prendre un caractère orageux
l'après-midi. Ces averses seront plus rares en
allant vers la la moitié Ouest où de belles
éclaircies reviendront par le littoral en journée.
Enfin, le soleil brillera plus facilement autour
de la Méditerranée avec du vent fort sur les
côtes, jusqu'à 70 km/h. Températures oscillant
de 15 à 25 degrés de la Manche au Gard.
Jours suivants
Jeudi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
12 21
Lever 05h17
Coucher 20h18
Lever 05h54
Coucher 21h40
A
Anticyclone
D
Front froid
Occlusion
Thalweg
1005
Bucarest
Istanbul
Athènes
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
Le Caire
Mercredi
11 18
9 16
10 19
9 19
11 20
8 18
9 19
9 20
9 19
10 21
pluiemodérée
14
bienensoleillé
21
assezensoleillé
16
soleil,oragepossible 18
aversesorageuses 14
averseséparses
12
averseséparses
13
pluiesorageuses
17
soleil,oragepossible 17
bienensoleillé
13
assezensoleillé
7
averseséparses
11
enpartieensoleillé 7
bienensoleillé
18
soleil,oragepossible 17
18
beautemps
12
assezensoleillé
soleil,oragepossible 13
9
pluiemodérée
11
averseséparses
enpartieensoleillé 11
soleil,oragepossible 16
23
bienensoleillé
8
bienensoleillé
pluiesorageuses 14
8
averseséparses
16
26
21
25
21
17
17
25
29
17
15
14
11
22
31
19
20
22
12
18
24
26
29
17
20
10
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
assezensoleillé
beautemps
pluiesorageuses
bienensoleillé
enpartieensoleillé
bienensoleillé
soleil,oragepossible
soleil,oragepossible
averseséparses
soleil,oragepossible
8
16
13
7
7
18
17
15
13
13
13
21
26
11
9
25
28
25
24
23
Alger
assezensoleillé
Amman
beautemps
Bangkok
soleil,oragepossible
Beyrouth
bienensoleillé
Brasilia
pluiesorageuses
Buenos Aires bienensoleillé
Dakar
bienensoleillé
Djakarta
soleil,oragepossible
Dubai
beautemps
Hongkong soleil,oragepossible
Jérusalem beautemps
Kinshasa
beautemps
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
pluiesorageuses
Montréal
averseséparses
Nairobi
pluiesorageuses
12
17
30
24
17
7
23
28
32
27
18
22
25
16
14
15
23
31
37
29
26
17
23
31
39
29
30
34
41
25
17
24
Dans le monde
Jérusalem
New Delhi beautemps
pluiesorageuses
New York
beautemps
Pékin
beautemps
Pretoria
bienensoleillé
Rabat
Rio de Janeiro assezensoleillé
beautemps
Séoul
Singapour soleil,oragepossible
assezensoleillé
Sydney
bienensoleillé
Téhéran
averseséparses
Tokyo
assezensoleillé
Tunis
Washington pluiesorageuses
Wellington bienensoleillé
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
pluiesorageuses
pluiesorageuses
assezensoleillé
soleil,oragepossible
pluiesorageuses
bienensoleillé
30 43
18 24
22 33
8 21
15 22
22 24
12 25
27 33
16 24
20 31
19 25
18 24
19 29
9 13
25
27
18
26
26
21
31
28
26
27
28
25
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Vendredi Samedi
11
21
9
19
12
20
12
21
12
21
12
19
11
20
11
22
11
20
12
21
10
20
“Connaître les religions
pour comprendre le monde”
14
26
15
26
15
26
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
Motscroisés n˚14-124
3
Odessa
Ankara
Dépression
9
20
2
D
Sofia
101
5
Tunis
Tunis
Alger
Front chaud
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
Rome
Rabat
En Europe
Ajaccio
60 km/h
Budapest
Zagreb
Belgrade
Kiev
UKRAINE FORTES CHALEURS SUR LE PAYS : 31 DEGRÉS À KIEV
Perpignan
12 22
Munich Vienne
Madrid
1030
10 17
9 19
Montpellier
A
J
Minsk
Milan
Séville
Grenoble
Toulouse
Moscou
Lisbonne
Lisbonne
Bordeaux
Biarritz
Berne
Barcelone
Barcelone
1025
Riga
Bruxelles
Paris
1020
6 12
Lyon
D
St-Pétersbourg
Amsterdam Berlin
Varsovie
0
101Prague
Londres
5
101
Chamonix
T
Clermont-Ferrand
Helsinki
1015
Dublin
11 18
9 18
1030
1020
Copenhague
Edimbourg
Strasbourg
5
101 20
13
1010
Besançon
8 18
4
5
6
7
z
Découvre
notre
nouvelle
formule
9
Solution du n˚14-123
TF 1
10 1 1 12
Série. Episodes 3 et 4 (S1, ép. 3 et 4/6, inédit) U.
23.00 New York unité spéciale.
Série. Sans identité (saison 14, 24/24, inédit) V ;
Au secours d’Olivia (saison 15, 1/24, inédit) V ;
Indélébile (saison 8, 7/22). Avec Danny Pino V.
1.30 Au Field de la nuit.
Avec Jean-Pierre Guéno, André Loez... (70 min).
II
III
FRANCE 2
IV
20.47 Rizzoli & Isles.
V
Série. La Mort au petit déjeuner (saison 3, 11/15,
inédit) ; Alerte enlèvement (saison 2, 4/15) U ;
Rancœur de consœur (saison 3, 2/15) U.
23.00 Mots croisés. Débat.
0.30 Bouge pas, meurs, ressuscite p
Film Vitali Kanevsky. Avec Dinara Drukarova,
Pavel Nazarov (Russie, 1989, N., 100 min).
VI
VII
VIII
FRANCE 3
IX
Solution du n° 14 - 123
Horizontalement
I. Introduction. II. Mérite. Régna.
III. Puisatier. An. IV. Ove.
Sagement. V. Rang. RN. En.
VI. Tinettes. VII. Anar. Réarma.
VIII. Belote. Liège. IX. Emeutières.
X. Enserrassent.
20.45 Histoire immédiate.
Les Français du Jour J. Documentaire (2014).
22.15 Météo, Grand Soir 3.
23.20 La Case de l’oncle Doc.
La Corse libérée. L’Epopée du « Casabianca ».
1942 - 1943. Documentaire (Fr., 2014, 55 min).
Loto
X
Horizontalement
Lundi 26mai
20.55 Résistance.
I
I. Vont certainement remporter le
marché. II. Développés pour faire
preuve. Accord de la France d’en
bas. III. Vous attend pour faire
des tours en voiture. Protection
rapprochée. IV. Mises en vente.
Instrument à corde. V. En Valachie.
A passer au premier frisson.
VI. Ferme la maison. Région de
l’Asie Mineure. VII. En Virginie ou
en Egypte. VIII. Patrie de
Constantin le Grand. Permet une
bonne assise. Assure la réunion.
IX. Bases de départs. Comme un
vers où riment les hémistiches.
X. La confiance ne règne pas chez
elles.
e n’ai vu aucun des films récompensés à Cannes, mais, à constater l’atmosphère atone de la
cérémonie de clôture du Festival,
au cours de laquelle le palmarès
était livré, samedi 24 mai à 18h 55
sur Canal+, j’ai eu l’impression que
le compte n’y était pas. La salle,
comme à l’ouverture de la manifestation, le 14mai, était un peu
endormie et, à part la longue ovation saluant le président sortant
Gilles Jacob (après trente-huit ans
passés aux commandes du Festival de Cannes, comme délégué
général de 1977 à 2001 et, depuis, à
sa présidence), elle ne fut guère
habitée par la passion. Lointaines
sont ces éditions controversées où
l’on entendait des protestations
ou des insultes dans le public et où
l’on voyait un Maurice Pialat adresser un bras d’honneur à ceux qui le
contestaient dans les rangs…
Lambert Wilson, maître de cérémonie, a réendossé ce rôle de British stylé et pincé qui lui colle à la
peau et que ce genre d’exercice
rend plus caricatural encore. Mais
il faut reconnaître que, dans le
genre, il est parfait et sait passer
les plats comme le meilleur des
hôtes. Il aura prononcé les noms
avec l’accent idoine, donné le bras
à une Sophia Loren comme momifiée et feint de ne pas remarquer
l’absence de Julianne Moore, qui
n’a pas jugé bon de monter dans
un jet privé pour retraverser l’Atlantique et recevoir en main propre le Prix d’interprétation féminine. Ça manquait d’ailleurs de
vedettes au premier rang, cette
cérémonie de clôture à l’atmosphère funèbre…
Comparé à l’affectation de Wil-
Les soirées télé
Sudoku n˚14-124
8
«Mommy»
et momies
Reykjavik
0
102
Metz
p a r R ena ud Ma cha r t
A
D
1025
12 17
Nantes
30 km/h
27.05.2014 12h TU
20
10
Verticalement
1. Auront du mal à lire Le Monde.
2. Balcon clos. Colin à l’étal. 3. Met
la France à l’échelle. Doivent être
soutenues et défendues.
4. Lourdement chargés. Ouverture
sportive. 5. Brefs échanges
d’aujourd’hui. Fis l’innocent.
6. Article. Arrose Soissons. 7. En
région Centre. Surréaliste. 8. Dans
les décors. Dans la Mayenne.
9. Enzyme. Anglais après le
mariage d’Aliénor et d’Henri.
10. La chevelue était libre. Points.
11. Donné pour être suivi. Mesure.
Compagnie en réduction.
12. Fixerons solidement.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Importable. 2. Neuvaine.
3. Triennales. 4. Ris. Géromé.
5. Otas. Ter. 6. Détartreur. 7. Ignée.
Ta. 8. Crée. Salis. 9. Terme. Ries.
10. Ig. Enumère. 11. Onan. Agen.
12. Nantie. Est.
Résultats du tirage du samedi 24 mai.
17, 18, 24, 39, 40 ; numéro chance : 1.
CANAL +
Rapports :
5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;
5 bons numéros : 103 501,40 ¤ ;
4 bons numéros : 1 492,40 ¤ ;
3 bons numéros : 12,20 ¤ ;
2 bons numéros : 5,50 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
20.55 Vikings.
Série. Les Liens du sang. L’Impossible Pardon
(S2, 5 et 6/10, inédit) V. Avec Travis Fimmel.
22.30 Spécial investigation.
Manif pour tous : l’assaut du pouvoir. Magazine.
23.25 L’Œil de Links. Magazine (25 min).
FRANCE 5
Joker : 2 220 763.
20.35 Chateaubriand.
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00
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Médiateur: [email protected]
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Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
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des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
Imprimerie du « Monde »
12, rue Maurice-Gunsbourg,
94852 Ivry cedex
Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
80, bd Auguste-Blanqui,
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Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
25
C’EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
1035
Oslo
Stockholm
Orléans
9 18
35 à 40°
www.meteonews.fr
14 18
Limoges
30 à 35°
Châlonsen-champagne
12 16
50 km/h
25 à 30°
11 17
Caen
8 17
20 à 25°
Amiens
Rouen
Brest
15 à 20°
En Europe
Mardi 27 mai
Persistance de l’instabilité
Cherbourg
10 à 15°
1010
< -5°
écrans
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
Téléfilm. Pierre Aknine. Avec Frédéric Diefenthal,
Armelle Deutsch, Aurélia Petit (France, 2009).
22.35 C dans l’air. Magazine.
23.55 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Le Pigeon pp
Film Mario Monicelli. Avec Vittorio Gassman,
Claudia Cardinale, Carla Gravina (It., 1958, N.).
22.35 Divorce à l’italienne p
Film Pietro Germi. Avec Marcello Mastroianni,
Daniela Rocca (Italie, 1962, N., v.o.).
0.15 La Lucarne - Le Ciel d’Andrea.
Documentaire. Natacha Nisic (France, 60 min).
M6
20.50 L’amour est dans le pré :
que sont-ils devenus ? Télé-réalité.
0.50 Nouveau look pour
une nouvelle vie. Virginie et Simon (70 min).
son, le naturel de la présidente du
jury, la réalisatrice néo-zélandaise
Jane Campion, en robe-sac et sandales, n’en paraissait que plus décalé et rafraîchissant: elle se trompait dans les noms ou leur prononciation, oubliait son micro sur sa
chaise et manifestait un manque
d’aisance sympathique et touchant.
Après que Xavier Dolan eut
reçu, ex aequo avec Jean-Luc
Godard, le Prix du jury (prix de
consolation ou prix de la chèvre et
du chou) pour son film Mommy et
qu’il eut dit à Jane Campion que sa
Leçon de piano (Palme d’or 1993)
avait été l’élément déclencheur de
sa carrière de cinéaste, la présiden-
Ça manquait
de vedettes
au premier rang
te s’est sans façon dirigée vers lui
pour l’étreindre. (Lors de la conférence de presse au cours de laquelle le jury explicitait ses choix, Campion dit ensuite qu’elle trouvait du
génie à ce très jeune cinéaste canadien.)
Après la cérémonie, Dolan a
annoncé vouloir faire une pause:
trop de travail, trop de pression, et
l’envie d’«être avec des gens de
[son] âge…». Une manière de dire,
à travers l’amertume perceptible
de ses propos, que tout ce monde
du cinéma était régi par des
« vieux» ? Cette petite phrase de
Marie-Laure de Noailles le consolera peut-être: « La jeunesse, c’est ce
qui sera toujours là quand nous
serons morts.» p
Mardi 27mai
TF 1
20.50 Football.
Match de préparation à la Coupe du monde 2014 :
France - Norvège. En direct du Stade de France,
à La Plaine Saint-Denis.
23.05 Unforgettable.
Série. Retour de flammes. Les Traces du passé
(saison 1, 4 et 7/22) U ; Jeu de mémoire.
En toute diplomatie (S2, 4 et 6/13) U (190 min).
FRANCE 2
20.47 Qui sera le prochain
grand pâtissier ? Episode 2. Télé-réalité (S2).
23.15 Infrarouge.
Ils ont débarqué en Normandie. 0.15 25 août
1944, Maillé : un crime sans assassin (80 min).
FRANCE 3
20.45 La Danse de l’albatros.
Téléfilm. Nathan Miller. Avec Pierre Arditi,
Stéphanie Crayencour (France, 2012).
22.10 Météo, Grand Soir 3.
23.15 Les Carnets de Julie.
L’Ile de Noirmoutier, en Vendée. Magazine.
0.10 Libre court. Spécial Georges Méliès,
le premier magicien du cinéma (30 min).
CANAL +
20.55 Quartet p
Film Dustin Hoffman. Avec Maggie Smith, Tom
Courtenay, Billy Connolly (GB, 2012, audio.).
22.30 The Square p
Film Jehane Noujaim (Eg., 2013, v.o.) V.
0.15 David et Madame Hansen p
Film Alexandre Astier (France, 2012, 90 min).
FRANCE 5
20.35 Le Monde en face.
Quand les entreprises jouent à cache cash.
21.30 Débat. 21.45 La Guerre des graines.
22.35 C dans l’air. Magazine.
23.50 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Tous allergiques ?
Documentaire. Patrizia Marani (Coprod., 2014).
22.10 Spécial élections
européennes. En direct de Bruxelles. Débat.
23.05 Oui mais non !
Le Compromis à la Belge. Documentaire.
0.05 Les Enquêtes du commissaire
Winter. Série (saison 1, 1 et 2/8, 120 min).
M6
20.50 Cauchemar en cuisine.
Télé-réalité. Chalèze. Chilly-Mazarin. Fontvieille.
1.35 Damages. Série. Paix sur la terre.
L’Effet d’une bombe (S4, 4 et 5/10, 95 min) U.
26 dossier
0123
Mardi 27 mai 2014
Augustin Landier, professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse, a été distingué par «Le Monde»
et le Cercle des économistes, en partenariat avec le Sénat. Ses travaux sur l’entreprise,
comme ceux des autres économistes nominés, renvoient aux débats français actuels
Prix du meilleur jeune économiste 2014
Augustin Landier,
lauréat de l’édition 2014.
FRANCK FERVILLE/AGENCE VU
POUR « LE MONDE »
L
e Prix du meilleur jeune économiste, décerné par le Cercle des
économistes et Le Monde, en
partenariat avec le Sénat, vise à
distinguerl’excellenceacadémique, la capacité d’innovation et
la participation au débat public. Concrètement,seslauréatsont,chaqueannée,bénéficié d’un élargissement immédiatement
sensible de leur notoriété auprès des
médias et des autorités publiques. Leurs
analyses novatrices ont vu leur diffusion
s’élargir et des occasions nouvelles d’influence s’ouvrir.
En cette année 2014, marquée par le succès intellectuel international du livre Le
Capital au XXIe siècle (éd. Seuil, 2013) de
Thomas Piketty (lauréat en 2002), le jury,
présidé par Jean-Michel Charpin, a reçu
trente-quatre candidatures émanant de
collègues de moins de 40 ans exerçant
dans les meilleurs centres de recherche,
tant en France qu’à l’étranger. Il a organisé
la sélection sur la base de deux rapports
parcandidat,rédigéspartous lesmembres
du Cercle des économistes.
Le lauréat du prix 2014, Augustin Landier, professeur à l’Ecole d’économie de
Toulouse, concentre ses recherches sur les
contrats financiers des entreprises, avec
un accent sur leurs propriétés incitatives.
Il a enseigné auparavant à Princeton, à
l’université de New York (NYU) et à Chicago. Le Cercle des économistes et Le Monde
l’avaient déjà distingué par une nomination il y a deux ans. La qualité de sa produc-
POUR LA
PREMIÈRE FOIS
DEPUIS
DIX ANS, TOUS
LES ÉCONOMISTES
DISTINGUÉS
EXERCENT
LEUR ACTIVITÉ
EN FRANCE
tion académique le place à un haut niveau
international. Il occupe par ailleurs une
place majeure dans le débat économique
français, par ses articles, chroniques et
ouvrages, souvent écrits avec David Thesmar (lauréat en 2007). Ses travaux sont
souvent dérangeants, voire controversés:
au sein même du Cercle des économistes,
leursconclusionssont loinde fairel’unanimité, mais elles sont toujours documentées et rigoureuses.
Attachés à la diversité des approches, le
CercledeséconomistesetLe Mondeontdistingué par trois nominations des économistes plus éloignés de l’analyse théorique que le lauréat, mais en revanche proches de la vie économique.
AntoineBozio dirige l’Institutdes politiques publiques de l’Ecole d’économie de
Paris. C’est un spécialiste de l’évaluation
des politiques publiques, qu’il a pratiquée
enFrance et auRoyaume-Uni,notamment
sur des sujets sociaux. Il est un expert
reconnu et très actif dans le débat public
sur la question des retraites.
Matthieu Bussière travaille à la Banque
de France, après avoir passé huit ans comme économiste à la Banque centrale européenne. Ses recherches portent sur les crises financières et le rôle des taux de change.
Elise Huillery enseigne à Sciences Po et
appartient au Abdul Latif Jameel Poverty
Action Lab (J-PAL) du Massachusetts Institute of Technology, fondé et dirigé par
Esther Duflo (lauréate en 2005). Ses tra-
vauxportentsurl’économiedudéveloppement. Ses recherches sur les conséquences
à long terme de la colonisation en Afrique
del’Ouestfont référence,et elle a mené des
évaluations empiriques dans plusieurs
pays africains (Cameroun, Congo, Niger…).
Pour la première fois depuis dix ans,
tous les économistes distingués exercent
actuellement leur activité en France. Pourtant,rarementlepalmarèsaurarécompensé des économistes aux trajectoires aussi
internationales. C’est une preuve supplémentaire de la reconnaissance internationale des jeunes économistes français et de
la richesse des relations entre la recherche
françaiseenéconomieetlesmeilleuresinstitutions étrangères. p
Le Cercle des économistes
Un prix créé par « Le Monde »
et le Cercle des économistes
Le Prix du meilleur jeune économiste, créé en 2000, est destiné à
valoriser les travaux – thèse ou
article publié – d’un(e) chercheur
(euse) âgé(e) de moins de 40 ans.
Les économistes représentant le
monde universitaire et les grandes écoles peuvent concourir à ce
prix, destiné à couronner des travaux portant sur l’économie appliquée en prise avec le réel et participant aux débats d’actualité.
Chaque membre du Cercle sélec-
tionne cinq candidats, sur dossier
comprenant une liste de travaux
et deux textes représentatifs. Dix
d’entre eux sont retenus, parmi
lesquels sont choisis les finalistes.
Enfin, un jury composé de membres du Cercle et de la rédaction
du « Monde Eco & entreprise»
désigne le lauréat et les nominés.
Le lauréat 2013 était Emmanuel
Farhi. Le Cercle des économistes,
créé en 1992, est présidé par JeanHervé Lorenzi.
0123
dossier
Mardi 27 mai 2014
27
AugustinLandier:«Ouvrirlaboîtenoiredel’entreprise»
Pour le lauréat 2014, «le rôle d’un économiste n’est pas de prendre parti pour telle ou telle thèse»,
mais de s’appuyer sur l’étude des données, «même si c’est très éloigné de ce que l’on dit dans le débat public»
Entretien
A
graphiquement éloigné du siège social
est…parfaitement exacte! Le rôle d’un économisten’estpasdeprendrepartipourtelle ou telle thèse, mais de révéler ce que les
données indiquent, même si c’est très éloigné de ce que l’on dit dans le débat public.
ugustin Landier, 39 ans, est
professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse.
Vous avez fait de l’entreprise le principal objet de vos
recherches. Pourquoi ?
Je cherche à comprendre comment sont
prises les décisions, pourquoi tel projet
d’investissement est choisi plutôt qu’un
autre, comment les financements sont
obtenus… Je fais ce que l’on appelle de la
« financed’entreprise». De plusenplus, on
a accès à de grandes quantités de données
sur le comportement des entreprises, grâceà lanumérisationdes documentscomptables et grâce aux réglementations mettant à la disposition des investisseurs des
informations détaillées, et non plus seulement consolidées. Travailler sur ces données permet d’ouvrir la « boîte noire» des
entreprises et de dépasser les représentations qui prévalent dans ces domaines.
Par exemple ?
La rémunération des dirigeants d’entreprise est, dans l’opinion publique, réputée
obéir aux seules lois de la cupidité ou du
copinage. Nous avons pu constater, à partir des données disponibles, que leur hausse et leur dispersion s’expliquent bien par
la taille de l’entreprise. L’augmentation de
cettedernièreexpliquelahaussedesrémunérations: les enjeux financierssont beaucoup plus importants qu’autrefois, les
investisseurs sont donc prêts à payer plus
pour avoir un dirigeant qu’ils jugent plus
« compétent». Il y a donc bien des forces de
marché qui s’expriment dans la fixation
du salaire des patrons.
Mais n’y a-t-il pas aussi des facteurs
sociaux, psychologiques… ?
Bien entendu, mais ce n’est pas contradictoire. L’ensemble de ces phénomènes
participe à la fixation d’un « prix d’équilibre» sur le marché des dirigeants. On peut
aussi tirer d’autres leçons de l’étude des
donnéesd’entreprise,notammentsurl’impact de la gouvernance. Par exemple, nous
avons pu vérifier, en étudiant les trajectoires professionnelles des managers, que la
performance des entreprises est meilleure
quand un dirigeant nouvellement nommé, au lieu de s’entourer des personnes
qu’ila puconnaîtredanssesfonctionsantérieures, accepte l’existence de contre-pouvoirs détenus par des personnes extérieures à son « cercle » personnel. Nous avons
aussi montré que l’idée, communément
admise dans les entreprises, que l’on a
d’autant plus de chances d’être victime
d’unplandelicenciementsquel’onestgéo-
Vous aviez aussi écrit, avec
David Thesmar, en juillet 2007,
un article resté célèbre, car il était titré
« Le mégakrach n’aura pas lieu »,
un an avant le krach de 2008…
LARÉMUNÉRATION DES
DIRIGEANTS
D’ENTREPRISE
EST, DANS
L’OPINION
PUBLIQUE,
RÉPUTÉE
OBÉIR AUX
SEULES
LOIS DE LA
CUPIDITÉ OU
DU COPINAGE
J’assumetotalementcet article, mêmesi
le titre est mal choisi. Nous y décrivions la
mécanique d’une spirale baissière due aux
subprimes et jugions peu probable que les
banques soient fortement déstabilisées.
Cela s’est révélé inexact, mais reflétait les
données dont nous disposions alors. Comme beaucoup, nous avions cru que la titrisation avait limité l’exposition des banques au risque immobilier. Depuis, on a
beaucoupplusde donnéessur cessujets, et
nos recherches ont d’ailleurs porté sur les
vulnérabilités du système bancaire. Plus
que de faire des prophéties, notre rôle est
d’attirer l’attention sur certains mécanismesetd’analyseraumieuxles donnéesdisponibles, donc plus souvent sur le passé
que sur le présent. Sans doute avons-nous
aussi surestimé la rationalité des gestionnaires du risque au sein des banques…
Sans doute mon engagement européen, puisque j’ai effectué une grande
partie de mon parcours universitaire et
professionnel à l’étranger. Par ailleurs, je
suis très attaché au service public, pour
lequel la coopération internationale est
devenue cruciale. J’ai donc toujours eu à
cœur de lier mes activités de recherche
aux questions de politique économique
au sein d’institutions publiques.
Comment vous êtes-vous intéressé
à la recherche économique ?
C’est un mélange de circonstances, de
rencontres et de choix personnels. Lorsque j’étais à Sciences Po, en 1993, la crise
du Système monétaire européen s’est
ouverte et semblait mystérieuse. Souhaitant voyager et me spécialiser en économie, je suis parti à Cambridge faire un
master d’économie. J’ai prolongé cette
expérience passionnante par un séjour
en Allemagne, à Heidelberg, puis par un
stage au Fonds monétaire international, à
Washington, à l’issue duquel on m’a proposé de rester un an. Et là, j’ai travaillé sur
la crise asiatique, qui venait d’éclater. Je
me suis rendu compte que la recherche
était indispensable pour répondre aux crises, en s’intéressant à leurs causes profondes et en aidant à la prise de décision…
Cela m’a amené à passer un doctorat
(PhD) à l’Institut universitaire européen
de Florence. Par la suite, j’ai rejoint la Banque centrale européenne, de 2002 à
Vous n’avez pas été tenté par le privé ?
Après avoir enseigné à l’université de
Chicago, puis à la New York University, j’ai
fait un peu de gestion d’actifs à New York,
en pleine crise financière : je ne me suis
guèreenrichi, mais j’ai appris beaucoup de
choses sur les « anomalies de marché».
Et vous êtes revenu en France…
Oui, ce retour était naturel : je me sens
plus concerné par le débat public français
et ses névroses que par le débat américain.
Les failles de rationalité sont nos sujets
préférés. Par exemple, à partir de données
de l’Insee sur les prévisions d’embauche
des créateurs d’entreprise, nous avons pu
montrer que l’optimisme excessif des
entrepreneurs influe sur leur choix d’un
modedefinancement.De même,alors que
la rationalité économique exigerait
qu’une entreprise applique un taux d’actualisation différent selon chaque projet
d’investissement, elles appliquent souvent un et un seul taux, ce qui crée inévitablement des distorsions de choix.
Pourquoi avez-vous choisi la recherche
en économie ?
Jeune matheux à l’Ecole normale supérieure, je voulais faire quelque chose de
plus proche de la réalité économique: aller
en entrepriseou dans la haute administration ? Les cours de Daniel Cohen ont été
décisifs, tant il sait réconcilier les maths et
l’histoire, la science et la réalité sociale. En
1993-1994, il y avait des débats intenses
entre étudiants sur le chômage, les 35 heures… Ça me passionnait. J’ai donc choisi
l’économie. Puis je suis parti au Massachusetts Institute of Technology. J’y ai vu que
l’économie était une discipline très ouver-
2009, avant de revenir à Paris travailler à
la Banque de France.
On ne peut pas anticiper le choc qui va
déclencher une crise: personne ne peut,
par exemple, donner la date précise du
jour où la confiance va s’évanouir. Mais
on peut repérer les fissures, les fragilités.
Dans le domaine de la macroéconomie
internationale, un déficit de la balance
des paiements courants peut être parfaitement justifié – par exemple si un pays
est en phase d’investissement. Encore
faut-il savoir de quel type d’investissement il s’agit et comment il est financé :
s’agit-il d’investissements directs à long
terme, ou bien de capitaux flottants qui
peuvent repartir au moindre accident?
Quel type de diagnostic a pu apporter
votre recherche ?
En 2009, le commerce international
s’est effondré de façon inexpliquée, bien
davantage que la production mondiale.
Beaucoup se sont inquiétés: était-ce l’effet d’une montée du protectionnisme, ou
d’un assèchement du préfinancement
des exportations? En fait, cette chute s’explique principalement par le gel des investissements privés provoqué par la crise
financière: les biens et services investis
par les entreprises contiennent beaucoup
d’importations, la chute de l’investissement entraîne celle du commerce. p
Propos recueillis par
Adrien de Tricornot
¶
Nominé
40 ans
Directeur adjoint
à la direction
des études
et des relations
internationales
et européennes
de la Banque
de France
« JE N’AI
JAMAIS ÉTÉ
TENTÉ
DE VERSER
DANS LA PURE
ABSTRACTION
MATHÉMATIQUE »
Paradoxalement, là où un prof américain peut se comporter en fonctionnaire
une fois sa « tenure » [poste permanent]
obtenue, il faut, pour être chercheur en
France, une mentalité d’entrepreneur.
L’autonomie des universités, les bourses
de l’European Research Council (ERC) et les
partenariats avec le privé permettent le
développement d’institutions comme
l’écoled’économiede Toulouse. La gamme
des partenariats possibles s’est élargie,
même si le monde académique et le « business » se mélangent moins ici que sur les
campus américains. p
Propos recueillis par Philippe Escande
et Antoine Reverchon
Spécialiste de l’évaluation des politiques publiques, vous analysez les réformes des retraites depuis celle de Balladur, mise en place en 1993. Que démontrent vos travaux ?
¶
Nominé
36 ans
Directeur
de l’Institut
des politiques
publiques
de l’Ecole
d’économie
de Paris
Ils ont mis en évidence les changements de comportement des salariés, provoqués par les modifications de la législation. L’augmentation progressive de la
durée d’assurance introduite par la loi, en
1993, a incité les salariés à reporter effectivement leur départ en retraite. Cette
réforme n’avait touché qu’une minorité
de salariés, mais ceux qui l’ont été ont réagi de façon significative, en restant en
emploi tant qu’ils n’avaient pas atteint
l’âge du taux plein. La décote était alors
très forte, 10 % par trimestre manquant,
contre 5 % avec la réforme de 2003.
Les réformes de 2010 et de 2013, qui
avaient pour objet d’équilibrer les comptes, ont aussi reculé l’âge de départ en
retraite. Ces réformes sont-elles à
même de pérenniser le système par
répartition ?
Oui et non. Oui, car retarder l’âge effectif de départ est une bonne stratégie pour
équilibrer les comptes des régimes de
retraite. L’impact du report d’âge légal de
la retraite, avec la réforme de 2010, a eu
un effet immédiat pour tous les salariés
qui auraient sinon pu partir dès l’âge de
60 ans, mais n’a pas touché les salariés
qui auraient dû attendre 62 ans pour obtenir le taux plein. La réforme de 2013, qui a
augmenté la durée d’assurance, va prolon-
ger modestement ces effets.
En revanche, le système est toujours
d’une complexité incroyable, qui cache
parfois des absurdités: par exemple,
même avec la surcote, une partie non
négligeable des salariés voit son montant
de pension baisser en repoussant son
départ en retraite ! Ni les salariés ni les responsables politiques n’arrivent à y voir
clair sur l’impact précis d’un changement
de paramètre. Ce n’est pas seulement un
enjeu démocratique, c’est aussi le symptôme d’un manque de pilotage du système.
Par quoi passe la pérennité du système
par répartition ?
Par une plus grande clarté sur les
droits acquis, afin de garantir à chaque
salarié que chaque euro cotisé donne
bien droit à pension. Cela passe aussi par
un système dont l’équilibre financier est
moins dépendant d’une forte croissance
économique et par des règles plus homogènes entre les régimes.
Avec Thomas Piketty, nous avions proposé, en 2008, une réforme profonde, un
système plus transparent, établi en comptes notionnels ou en points, qui exprime
les droits à pension de tous les salariés
dans la même unité de compte. L’objectif
est que les salariés prennent conscience
que les importantes cotisations qu’ils
paient leur donnent des droits qui pourront être honorés, pourvu qu’ils soient
définis en cohérence avec l’augmentation de l’espérance de vie. p
Propos recueillis par Anne Rodier
Elise Huillery: «La France a été le fardeau
de l’homme noir, et non l’inverse»
Qu’est-ce qui vous a guidée
dans vos choix d’études ?
Quelles leçons tirez-vous de vos travaux
sur les crises ?
Vous n’avez pas été dissuadé par la
« grande misère » de nos universités ?
Antoine Bozio : « Les réformes des retraites
n’ont pas réduit la complexité du système»
Mais n’est-ce pas ce type d’irrationalité
dont la théorie économique ne sait pas
rendre compte ?
Matthieu Bussière: «Nul ne peut prévoir
la date du jour où la confiance s’évanouit»
Quel est le fil conducteur de votre
parcours ?
te : on pouvait choisir ses outils, être à la
foisdescriptifet théorique;toutesles questions étaient l’objet de confrontations. Je
n’ai jamais été tenté de verser dans la pure
abstraction mathématique: les maths, ce
n’est qu’un langage, une grammaire, qui
permet de discipliner son discours.
J’ai grandi en province dans une famille
engagée et préoccupée par les inégalités
sociales. Lycéenne, j’ai participé à des projets humanitaires. Après un voyage au
Cameroun, j’avais trouvé mon métier: travailler pour le développement. La question des inégalités, sur laquelle j’effectue
des recherches dans plusieurs pays, est
principale en Afrique, le continent à la fois
le plus pauvre et le plus inégalitaire. Mon
idée était d’agir au sein des institutions
internationales, de concevoir et gérer des
projets de développement. C’est pourquoi
je me suis d’abord orientée vers HEC.
Comment en êtes-vous
venue à la recherche ?
Pour intégrer les institutions internationales, il fallait un doctorat en économie.
En commençant ma thèse, j’ai découvert
que la recherche pouvait être ancrée dans
la réalité. La rencontre avec des chercheurs tels que Thomas Piketty et Esther
Duflo, dont le travail veut être socialement utile et éclairer les décisions publiques, a été déterminante.
Quel a été le sujet de votre thèse ?
Vouée au bilan économique de la colonisation française en Afrique de l’Ouest,
elle bat en brèche la thèse de Jacques Marseille, publiée en 1984, selon laquelle la
colonisation a été un sacrifice pour la France. Car l’examen des budgets coloniaux et
métropolitains montre le contraire. Seulement 0,29 % des recettes fiscales de la
métropole ont été affectées à ces colonies,
dont les quatre cinquièmes sont en réalité
le coût de la conquête militaire. L’investissement dans des biens publics ne représente qu’un coût équivalant à 0,05% des
dépenses fiscales métropolitaines et n’a
couvert que 2% du coût des investissements publics locaux: les chemins de fer,
les routes, les écoles ou les hôpitaux ont
été financés à 98% par les taxes locales…
De plus, celles-ci ont entretenu, jusqu’à la
réforme du système en 1956, les hauts
cadres coloniaux: les 8 gouverneurs et 120
administrateurs de cercle [circonscription
coloniale] absorbaient à eux seuls 13% des
budgets locaux! La France a été le fardeau
de l’homme noir, et non l’inverse.
Sur quoi travaillez-vous aujourd’hui ?
Avec ma collègue Nina Guyon, j’ai terminé une étude, auprès de 6000 jeunes
de 3e des académies d’Ile-de-France, sur l’influence du milieu social dans leurs choix
d’orientation. A performances scolaires
égales, un élève de zone d’éducation prioritaire (ZEP), dont aucun parent n’est bachelier, a une probabilité de 29% plus faible
de préférer la voie générale et technologique qu’un élève hors ZEP dont au moins
un parent est bachelier. Nous montrons
que ces inégalités sont liées à la pression
du groupe, à une familiarité différente
avec les diverses options, mais aussi à la
dévalorisation des individus: leur « estime de soi scolaire» est moins affirmée. p
Propos recueillis par
A. de T.
¶
Nominée
36 ans
Professeur
à Sciences Po
et chercheuse
affiliée au Abdul
Latif Jameel
Poverty Action
Lab, le Laboratoire
d’action contre
la pauvreté,
créé en 2003
au département
d’économie
du Massachusetts
Institute
of Technology
28
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Mardi 27 mai 2014
L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE
par Sylvie Kauffmann
Le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest
POUR
LE NOUVEAU
PRÉSIDENT
UKRAINIEN, LE
RÉSULTAT DE
L’ÉLECTION
AU
PARLEMENT
EUROPÉEN
EST UNE
MAUVAISE
NOUVELLE
E
n démocratie, il est des scrutins qui déstabilisent et des élections qui consolident.
L’Europe, dimanche 25 mai, a connu les
deux: un tsunami politique qui, venu de France, de Grande-Bretagne, du Danemark, d’Autriche, déferle sur Bruxelles, et le même jour, à
l’est, en Ukraine, un premier signe de stabilité
avec l’élection d’un président dès le premier
tour, après six mois d’insurrections et de chaos.
Soudain, alors qu’à l’ouest les nuages s’accumulaient, une éclaircie est apparue sur Kiev.
Un Européen, au moins, avait le sourire,
dimanche soir, et celui-là se trouvait en Ukraine : Jan Tombinski, l’ambassadeur de l’UE à
Kiev, un diplomate polonais qui a été aux premières loges de la révolution pro-européenne
de Maïdan. Jan Tombinski a aussi été aux premières loges des bévues, des hésitations, des
initiatives courageuses, parfois, des cafouillages, aussi, des innombrables responsables
européens qui se sont succédé à Kiev, le plus
souvent en ordre dispersé. Dimanche soir, le
diplomate avait le sourire parce que, pour lui,
cette élection présidentielle avait été un « succès ». Pas tant par son résultat que par le simple fait qu’elle ait pu avoir lieu.
Parce que, malgré les combats qui se dérou-
laient encore dans l’est du pays, malgré les
bureaux de vote fermés sous la contrainte et
les rues désertes à Donetsk, les quatre cinquièmes des électeurs ukrainiens ont pu exercer
leur droit de vote et que, au bout du compte, la
masse critique était là, incontestable. Parce
que, aussi, même sans la participation de près
de 5 millions d’électeurs (sur 36), l’un des thèmes favoris de la propagande russe a été mis à
bas par les urnes: les fameux « fascistes » et
« néonazis» supposés tenir l’Ukraine depuis le
soulèvement de Maïdan, en novembre, n’ont
guère réuni plus de 2,2 % des voix dimanche.
Dix fois moins que l’extrême droite dans certains pays de l’Union…
Les Ukrainiens et les Européens s’étaient arcboutés sur ce scrutin du 25 mai. Ils avaient
compris que la stratégie de la Russie visait à
rendre cette élection nulle et non avenue, afin
de nier toute légitimité au pouvoir issu de la
révolution de Maïdan. Ils ont tenu bon et
voient leur ténacité aujourd’hui récompensée.
Il y a deux semaines, le président Vladimir
Poutine avait commencé à tourner casaque,
promettant de « respecter» le résultat d’une
élection dont, il y a un mois, il ne voulait pas
entendre parler.
LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1,
« LE MONDE », I-TÉLÉ
Il est évident que si la paix progressait entre Palestiniens et Israéliens, ce serait une contribution
notable à l’apaisement de la
région. Mais ce serait une illusion
de croire, comme le disent un certain nombre de gens, que tous les
problèmes de guerre dans le
Moyen-Orient sont liés au conflit
israélo-palestinien. Il y a aujourd’hui des foyers de violence au
Moyen-Orient qui ne viennent pas
du conflit israélo-palestinien.
D’où viennent-ils ?
Ils sont aussi le reflet des
conflits entre les groupes de différentes tendances musulmanes, et
en particulier une traduction locale et microgéographique des
conflits entre les grandes puissances musulmanes que sont l’Arabie
saoudite,l’Iran, etc. Dire qu’il suffit
de faire la paix entre Israël et la
Palestinepour que l’Arabie saoudite et l’Iran se réconcilient, ce serait
un peu facile.
Le pape se rend sur la tombe de
Herzl, le fondateur du sionisme.
Est-ce une manière de reconnaître l’Etat juif d’Israël ?
L’Etat juif d’Israël a été reconnu
il y a longtemps.
N’y a-t-il pas une discrétion du
voyage du pape qui est peut-être
un peu excessive ?
C’est une discrétion délibérée
pourmarquerladimensionspécifiquement religieuse de son voyage.
L’événement important, ce n’est
pas qu’il aille sur la tombe d’Herzl,
c’est qu’il aille sur l’esplanade du
Temple rencontrer le grand mufti,
c’est qu’il rencontre le patriarche
Bartholomée, et c’est qu’il rencontre les grands rabbins d’Israël.
DE NURI BILGE CEYLAN
GRAND PRIX
LE MERAVIGLIE
DE ALICE ROHRWACHER
PRIX UN CERTAIN REGARD
FEHÉR ISTEN
DE KORNÉL MUNDRUCZÓ
C’est pour ça que le pape y va.
C’est pour montrer qu’il peut y
avoir une coexistence entre les
trois religions. S’il n’allait se
recueillir que dans des lieux catholiquesfermés au public,il aurait pu
aller célébrer à l’église SainteAnne, qui appartient à la Républiquefrançaise.Mais ce n’estpas l’objectifdu voyage. L’objectifdu voyage, c’est de montrer que les hommes de foi sont capables d’entrer
en dialogue sur les points mêmes
où ils sont en litige. p
PRIX DU JURY UN CERTAIN REGARD
TURIST
DE RUBEN ÖSTLUND
PRIX DU JURY OECUMÉNIQUE
ET PRIX FRANÇOIS-CHALAIS
TIMBUKTU
Propos recueillis par
Jean-Pierre Elkabbach
et Arnaud Leparmentier
DE ABDERRAHMANE SISSAKO
PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE
Mgr André Vingt-Trois est cardinal,
archevêque de Paris.
Le Grand Rendez-Vous,
avec « Le Monde », est diffusé chaque
dimanche de 10 heures à 11 heures
sur Europe 1 et i-Télé.
(PRIX FIPRESCI)
JAUJA
DE LISANDRO ALONSO
FESTIVAL
Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directeur du « Monde», membre du directoire, directeur des rédactions Gilles van Kote
Directeur délégué des rédactions Vincent Giret
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(Economie), Auréliano Tonet (Culture)
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Photographie Nicolas Jimenez
Infographie Eric Béziat
Médiateur Pascal Galinier
Secrétaire générale du groupe Catherine Joly
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
Conseil de surveillance Pierre Bergé, président.
358 473 exemplaires.
PALME D’OR
WINTER SLEEP
Des extrémistes juifs ont protesté du fait que le pape allait au
Cénacle, là où le Christ est censé
avoir pris son dernier repas, et
qui est aussi le tombeau de
David. Faut-il aller dans ces lieux
où il y a les trois religions, puisqu’il y a aussi une tradition
musulmane sur ce lieu ?
pTirage du Monde daté dimanche 25-lundi 26 mai 2014 :
Un équilibre entre Bruxelles et Moscou
Le milliardaire n’a pas évoqué de voyage à
Moscou, mais il a reconnu que les relations de
Kiev avec la Russie étaient « les pires de ces
deux cents dernières années » : il faudra bien y
remédier. Le Kremlin n’avait pas réagi, dimanche soir, à l’élection en Ukraine, contrairement
au président Obama, qui y a vu un pas « important» vers l’unité du pays, et au chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier,
pour lequel le vote du 25mai montre « clairement que la grande majorité des Ukrainiens
veulent l’unité, la liberté et la démocratie».
C’est pourtant bien entre Bruxelles et Moscou que le futur président Porochenko va
devoir trouver un équilibre, et pour cela aussi
il aura besoin de l’UE. D’une certaine manière,
BRAVO !
MgrVingt-Trois: «Les
trois religions peuvent
coexister à Jérusalem»
Beaucoup estiment que si la paix
revenait entre Israéliens et
Palestiniens, les difficultés, les
tragédies de la région et peutêtre du monde disparaîtraient.
Qu’en pensez-vous ?
Il reste maintenant à transformer l’essai. Et
c’est là que, pour le président élu Petro Porochenko, le résultat de l’autre élection, celle du
Parlement européen dans les 28 Etats de
l’Union, est une mauvaise nouvelle. Car il va
avoir besoin de l’Europe, maintenant plus que
jamais. Et il doit sérieusement se demander si
l’Europe, de nouveau empêtrée dans ses doutes et ses divisions, sera au rendez-vous.
Revendiquant la victoire dimanche soir,
avec près de 56 % des voix, M. Porochenko s’est
fixé deux priorités: « mettre fin à la guerre»,
ramener la paix dans le Donbass et mettre son
pays sur le chemin de l’Europe. Ses deux premiers déplacements illustreront d’ailleurs ces
priorités: à l’intérieur, il se rendra dans le Donbass et, à l’extérieur, ce devrait être la Pologne,
pays voisin et celui des Etats de l’UE qui s’est le
plus engagé aux côtés des Ukrainiens.
2
CANNES
2014
NOTRE AMOUR DU CINÉMA
EST SANS FRONTIÈRES
ses défauts sont aussi ses qualités dans cette
situation: industriel de la confiserie à la tête
d’une fortune de plus de 1 milliard de dollars,
plusieurs fois ministre, originaire d’Odessa et
non pas de l’Ouest, plus nationaliste, M. Porochenko appartient à cette classe très spécifique du postcommunisme régional, celle des
oligarques.
Un oligarque qui a certes, sans ambiguïté,
épousé la cause des révolutionnaires de
Maïdan, mais oligarque quand même. Un
homme d’affaires qui avait des usines en Russie avant que les autorités russes ne les lui bloquent. Un homme, donc, susceptible de trouver, comme il dit, des « formats » pour négocier avec Moscou. Et d’y être entendu.
L’Ukraine de 2014, cependant, n’est pas celle
de 2005 qui, au lendemain de la « révolution
orange», était gentiment rentrée chez elle,
pensant que le changement était amorcé. Plus
long, plus profond, plus sanglant, le soulèvement de 2014 n’est pas clos.
Une nouvelle page s’ouvre, pour Kiev et
pour Moscou, mais cette fois Petro Porochenko reste sous la surveillance des militants de
Maïdan, prêts à y retourner à tout moment.
Qu’il retombe, comme ses prédécesseurs, dans
les vieux travers des oligarques, qu’il cède aux
manœuvres de Moscou, et ce sera, de nouveau, le chaos aux portes de l’UE.
Tsunami politique ou pas, l’Europe n’échappera pas à un rapprochement institutionnel
avec l’Ukraine et, surtout à l’élaboration,
enfin, d’une vraie politique à l’égard de la Russie. p
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