Contribution à la journée de Jean-Yves

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Contribution à la journée de Jean-Yves
Contribution à la journée dédiée à Jean-­‐Yves Rémy Porquier A Paris 8 à Vincennes, au milieu des années 1970, je fais la connaissance de
Jean-Yves Dommergues, qui vient d’achever une thèse sur les erreurs de
francophones en anglais, alors que je termine la mienne sur les erreurs
d’anglophones en français. Nous nous retrouvons bientôt au sein de l’ORLA
(Organisme de Recherche en Linguistique Appliquée) qui deviendra ensuite le
GRAL, et collaborons à son organisation à Paris 8 des deux premiers colloques
de Linguistique appliquée de 1979 et 1980. Nous partageons aussi, entre autres,
quelque temps la collaboration de recherche et d’écriture d’Uli Frauenfelder (le
« pinball wizard »), il y a de cela environ un tiers de siécle. Après, nos chemins,
sans vraiment diverger, ont différé, Jean-Yves ayant labouré et fertilisé les
champs du bilinguisme et de la psycholinguistique et fait moissonner là nombre
de thésards.
Le petit texte qui suit, non académique, mais qui touche à deux langues, espère,
au-delà des compliments de circonstance en ce début de Juillet 2013, susciter
chez Jean-Yves un sourire que ses amis connaissent bien.
Rémy Porquier
60 un aimant / a magnet
— Tell me, Thomas, do you know something about magnets ? 1
Thomas leva le nez de son journal : — About magnets ? Vous me parlez des aimants en métal, qui attirent ?
Les deux hommes venaient d'achever leur thé de cinq heures. Walter avait sur les
genoux un livre entrouvert.
— Oui, les aimants en fer, qui attirent le métal, l'attraction magnétique. Vous avez
bien fait des études de physique dans votre jeune temps ?
— Oui, c'est-à-dire il y a longtemps. Mais, mon cher Walter, quelle est au juste
votre question ?
— Oh, c'est très simple, je crois. Regardez cet aimant, il appartient à ma vieille
tante Lucy,
Walter a sorti de sa poche un petit aimant, en forme de fer à cheval, qui tient
juste à l'intérieur de sa main ouverte. Couleur métal, sauf une partie, dans la
courbe, de teinte rouge vif.
—Et voici ma question : est-il possible d'adapter sur cet aimant un signal
sonore ?
— Un signal sonore ? Pour quoi faire ?
— Oh, c'est bien simple. Cette chère vieille tante Lucy a été couturière toute sa
vie. Elle l'est encore. Sa vue a décliné. Elle a l'habitude de ramasser à l'aide d'un
aimant, celui-ci, pendu à une ficelle, les aiguilles et les épingles éparses ou
tombées à terre. Mais comme elle ne les voit pas ou mal, elle ne peut savoir si
1
« Dites donc, Thomas, vous vous y connaissez en aimants ? »
Désormais, les répliques sont traduites directement en français, pour éviter aux lecteurs et lectrices
connaissant peu ou mal l'anglais de devoir redescendre constamment au bas de la page.
61 l'aimant a aimanté quelque chose ou non. D'où mon idée de greffer un système de
signal sonore sur l'aimant. Une petite surprise à lui faire, et de quoi l'amuser. J'aime
beaucoup ma tante Lucy.
Thomas, qui a hoché la tête de haut en bas et inversement tout au long émet un
grand sourire :
—Je comprends, oui. Oui, c'est certainement possible. Vous me direz à quel genre de
signal sonore vous pensez : sonnerie, carillon, clochettes, notes de musique, cris
d'oiseaux ? A cela près, je peux essayer de vous trouver cela d'ici après-demain. Et
puisque vous aimez beaucoup votre tante Lucy, sachez qu'en français magnet se
dit aimant, qui en anglais veut dire aussi loving.
Thomas et Walter rient là tous les deux. Walter s'est levé.
—Et allons, puisque vous avez réveillé mes connaissances antérieures, je vous
dirai que le mot français aimant, pour désigner un magnet, vient du grec
adamas, qui signifie « diamant » (diamond), et qu'il s'agit d'oxyde de fer,
qui attire différents métaux, y compris le cobalt et le nickel. Et que
l'électromagnétisme/
— /pardon, cher Thomas, confus d'interrompre mais je dois partir. Merci de
voir ce que vous pouvez faire. A vendredi, alors ?
— C'est cela, à vendredi, Walter. J'emporte l'aimant, si vous permettez. J'en
prendrai grand soin.
Vendredi, le surlendemain, vers 17h45
Walter est plongé dans son livre, le même que l'avant-veille. Il a déjà pris son
thé de cinq heures. Arrive en trombe Thomas, une boîte en carton sous le
bras :
— Et voici la surprise du vendredi. Good evening, Walter.
62 Il s'assied à côté de Walter, qui a refermé son livre. On lit, sur la couverture,
en lettres dorées, le nom d'Arthur Conan Doyle.
— Bonsoir, Thomas. Alors ?
— Alors ? Voyons… Walter, auriez-vous dans vos poches quelque chose
de métallique ?
— Mmm ... Let’s see. Un petit couteau suisse, une lime à ongles, ...
— Ça ira. Prenez le couteau, inutile de l'ouvrir. Maintenant, approchez-le
lentement de la boîte, lentement.
— La boîte, vous ne l'ouvrez pas ?
— Inutile, l’aimant-magnet est dedans. Approchez le couteau, encore, encore, à
toucher la boîte, encore, voilà, that’s it.
Et voici que de la boîte en carton sort puis s'égrène, lente et cristalline, la
musique du carillon de Westminster, qu’accompagne la voix de Thomas :
— Well, this magnet is ringing for you, my dear Walter2.
RP, juin 2013
2
« Eh, l’aimant te sonne, mon cher Walter ».
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