LES ÉCHOS DE LA MÉMOIRE

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LES ÉCHOS DE LA MÉMOIRE
LES ÉCHOS DE LA MÉMOIRE
Darren ALMOND - Horst HAACK - Johannes KAHRS
Fabrice LAUTERJUNG - Al MARTIN - Jean-Luc MYLAYNE
Œuvres de la collection du FRAC Auvergne
AU LYCÉE PIERRE-JOËL BONTÉ- RIOM. Dans le cadre de l’EROA
Du 3 décembre au 12 février 2016
LES ÉCHOS DE LA MÉMOIRE
Deux mois d’attente pour photographier un oiseau, 365 jours de travail pour réaliser une peinture, plusieurs
mois à arpenter et à photographier les plaines glacées de Sibérie ou plusieurs heures d’écoute pour recueillir
un témoignage du passé...Tous les artistes présents dans cette exposition développent dans leur pratique des
préoccupations liées au temps.
Pour certains artistes (Al Martin, Jean-Luc Mylayne, Horst Haack), ce rapport au temps devient une contrainte
de travail ou du moins un élément inhérent au processus de création de leurs œuvres. Celles-ci conservent
ainsi en elles la mémoire de tous les gestes qui ont permis leur achèvement mais aussi la mémoire de ces
moments d’attente, de travail, d’introspection.
Pour d’autres (Darren Almond, Johannes Kahrs, Fabrice Lauterjung), ce rapport au temps est envisagé du
point de vue de l’Histoire et permet ainsi d’interroger notre propre relation au passé. Ces œuvres rappellent
les périodes les plus sombres du XXème siècle (goulags staliniens, extermination des Tsiganes, édification du
Mur de Berlin) et viennent ensuite résonner, comme un écho, dans l’esprit du spectateur.
Darren ALMOND
Né en Grande-Bretagne en 1971 - Vit en Grande-Bretagne
Night+Fog(Monchegorsk)(10), 2007
Impression quadri sur vinyle
119 x 149 cm
Production FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Darren Almond pratique un art où sont
indifféremment
employées
la
vidéo,
la
photographie, la sculpture et l’installation, autour
de préoccupations essentiellement liées au
temps et à la mémoire historique.
Les œuvres qui constituent la série Night+Fog
montrent des forêts ravagées, des arbres
décharnés, des paysages de neige sans qualité,
plongés dans une grisaille étale. Aucune trace
de vie. Nous ne sommes pas loin de la mélancolie
des peintures romantiques exécutées par Caspard
David Friedrich au 19ème siècle. Pourtant, le
sujet de ces œuvres ne concerne aucunement la
contemplation poétique et affectée du paysage.
Ces forêts sont celles qui environnent la ville
sibérienne de Monchegorsk qui fut l’un des plus
grands goulags staliniens. Ici furent mis aux
travaux forcés plus de 300 000 hommes et femmes,
chargés d’extraire le nickel d’un des sites les plus
riches en minerai de la planète. Cette activité
d’extraction s’est poursuivie après la fermeture
du camp de travail et le rachat du territoire par la
Norilsk Nickel Company, l’une des plus importantes
compagnies minière du monde.
L’extraction de ce minerai, l’une des plus polluantes
qui soit en raison des tonnes de dioxyde de souffre
qu’elle rejette, fait de cette zone géographique
l’une des plus polluées du globe : sa flore est
littéralement brûlée et les 150 000 habitants de
Norilsk reçoivent
chaque année plus de pluies acides que celles
qui s’abattent sur l’ensemble des populations
d’Amérique du Nord. Les conditions climatiques
extrêmes et la pollution sont responsables d’une
espérance de vie de 10 ans inférieure à celle des
autres Russes.
Darren Almond a passé des mois à arpenter ces
forêts carbonisées pour photographier ces
contrées apocalyptiques. Le titre, Night+Fog, est
une référence au décret Nacht und Nebel pris par le
gouvernement nazi en 1941 contre les ennemis du
Reich, et au documentaire Nuit et Brouillard, réalisé
par Alain Resnais en 1955 sur Auschwitz. En effet,
si à Norilsk on produisait du nickel, à Auschwitz on
extrayait du sel pour la production de caoutchouc
nécessaire à l’effort de guerre allemand.
Horst HAACK
Né en Allemagne en 1940 - Vit en Allemagne
Sans titre, 1984
Crayon et aquarelle sur papier
210 x 75 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Cette œuvre n’est qu’un élément d’une création
monumentale débutée en 1979 sous le titre de
Chronographie terrestre (work in progress). Comme
ce dernier l’indique, il s’agit d’une œuvre en évolution
permanente, dont la réalisation s’étale sur une
durée longue et qui consiste en une chronographie,
une «écriture du temps», un journal.
L’œuvre exposée regroupe 50 feuillets de ce journal
qui dresse un portrait de l’artiste, faisant état de
pensées, de citations littéraires, de notes écrites
en allemand, français ou anglais, accompagnées
d’aquarelles particulièrement soignées dans leur
réalisation. Ces feuillets n’étaient au début que de
simples cahiers de dessins destinés à fixer pêlemêle des idées spontanées, des souvenirs, des
impressions, sans rien y modifier ni projeter car
Horst Haack n’avait pas envisagé d’en faire une
oeuvre à part entière.
Chronographie terrestre se distingue par une parfaite
osmose de l’image et du texte, même si l’écriture
n’est pas toujours en rapport avec les images. Cette
oeuvre offre à l’artiste la possibilité de réaliser un
vaste autoportrait fait de multiples facettes aux
agencements subtiles et complexes, la possibilité
d’une médiation visuelle et verbale où le réel,
l’imaginaire, l’angoisse, les désirs et les obsessions
peuvent être exprimés.
Johannes KAHRS
Né en Allemagne en 1975 - Vit en Allemagne
Fists, 2004
Fusain, pastel sur papier
87 x 59 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
La recherche plastique de Johannes Kahrs se
développe tout autant par la peinture, le dessin,
la photographie ou la vidéo. Ses dessins, exécutés
au fusain et au pastel sur papier, prennent
essentiellement leurs sources dans les images
médiatiques.
Fists est la représentation recadrée d’un
torse de boxeur avançant ses gants en signe de
protection. Le cadrage très appuyé confère au
dessin une valeur d’abstraction forte et il n’est
pas rare de constater qu’un certain laps de temps
soit nécessaire au spectateur de cette oeuvre
pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’une œuvre
abstraite mais bien d’un dessin figuratif.
La source de cette œuvre est un document
photographique datant des années 30
montrant un célèbre boxeur de l’époque,
JohannTrollmann. Il est l’un des meilleurs boxeurs
de sa catégorie au début des années 30, réputé pour
un style de boxe inhabituel. L’arrivée des nazis au
pouvoir et la mise en exergue des origines tziganes
du boxeur mettront fin à la carrière de Trollmann et
le conduiront finalement vers une déportation en
camp de concentration dont il ne reviendra jamais.
Pendant des années, son nom est oublié, jusqu’à
disparaître des registres de son club de boxe de
Hanovre.
L’utilisation faite par Johannes Kahrs de cette
photographie et du fait historique qui s’y rattache
est tout à fait symptomatique de la manière
de travailler de l’artiste : une photographie, un
événement sans importance majeure, mais
portant en lui l’expression d’un contexte
complet, pour réaliser une œuvre tout autant
liée à l’image-source elle-même qu’à la puissance
d’abstraction que porte l’image.
Fabrice LAUTERJUNG
Né en France en 1978 - Vit en France
Berlin :Traversée, 2005
Film super 8 sur DVD
9 min 45
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
«Un paysage défile, filmé en Super-huit, en couleur ;
puis des immeubles, des rues. Berlin défile, est le décor.
C’est une errance. Une progression apparemment sans
but, sans itinéraire préétabli, d’un pas saccadé. Arrive
un texte, inscrit en caractères blancs, défilant de bas
en haut : une histoire, celle d’une narratrice qui vécut
à l’ouest et communiqua par gestes avec un homme
habitant juste en face, mais à l’est, juste de l’autre côté
du mur…
Contrepoint formel à la logorrhée Super-huit qu’il
contrarie en lui faisant obstacle : le texte défile, agit un
peu comme un mu, le texte se donne à imaginer.»
Fabrice Lauterjung, 2005
Deux moments de l’Histoire se rencontrent et se
superposent dans ce film. Celui qui présente Berlin
aujourd’hui, ville «apaisée», centre névralgique
européen, et celui de la ville blessée, fracturée
par le mur érigé en 1961 en réponse aux
nombreuses tensions internationales qui animaient
les suites du partage du monde entre l’Est et l’Ouest.
Un «mur de la honte» qui séparera violemment
de nombreuses familles et qui sera le lieu de
nombreuses tragédies jusqu’en 1989 (date de sa
démolition).
Et l’histoire d’amour racontée à travers ce
texte, inscrit en caractères blancs, défilant de bas en
haut sur l’écran : une histoire, celle d’une narratrice
qui vécut à l’ouest et communiqua par gestes avec
un homme habitant juste en face, mais à l’est, juste
de l’autre côté du mur…. les mots venant comme
traverser cette muraille.
Al MARTIN
Né en Argentine en 1963 - Vit aux États-Unis
Eidétique paressante, 2009-2010
365 couches d’acrylique poncées sur toile
42 x 35 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Depuis les années 1970, chaque série réalisée par
Al Martin est l’occasion, dans un protocole souvent
strict, parfois humoristique, de magnifier ce que
seule la peinture sait faire : produire des surfaces
spécifiques qui sont en même temps des images.
L’œuvre que possède le FRAC Auvergne a pour
titre Eidétique paressante. Elle date de 2009-2010 et
est constituée de 365 couches d’acrylique poncées
sur toile. L’explicitation du processus est simple :
chaque jour, Al Martin ajoute une couche
de peinture à la surface du tableau. Chaque
couche est constituée d’une couleur différente.
Après une année et, donc, 365 couches différentes,
la phase préparatoire est achevée et Al Martin peut
procéder à la phase inverse. Il s’agira de creuser
à l’aide d’une gouge la surface picturale
couche par couche. Ainsi, une première couche
est enlevée, puis une couche encore plus grande
à partir de la première, puis une couche encore
plus grande, etc. Le tableau est achevé quand 365
couches ont été enlevées – il va de soi que ce n’est
pas la totalité de la couche qui est enlevée mais
uniquement un fragment. Enfin, précisons que la
surface est unifiée par un ponçage manuel au papier
de verre et à l’eau afin d’obtenir une «pente» douce
sans décrochages. Le résultat est une «peinture
inversée» – titre sous lequel Al Martin regroupe
ces peintures qu’il effectue depuis maintenant plus
d’une quinzaine d’années
Il est donc question, d’abord, de dépôt et la peinture
est, fondamentalement et matériellement, cette
opération de dépôt, ce recouvrement d’une couche
par une autre – par glacis ou empâtement. Si cette
opération est respectée dans un premier temps, elle
est contredite dans un deuxième puisqu’il y a dépôt
puis excavation, mise en œuvre d’une archéologie de
la peinture, carottage dans ses sédiments ou voyage
temporel comme, dans cette œuvre, la couche
la plus ancienne est aussi visible que la couche
la plus récente et comme l’œuvre est achevée
quand la couche la plus ancienne émerge enfin. Il
est, donc, question de temps, d’accumulation
de temps – 365 dépôts et 365 creusements – et
de rendre visible ce temps physiquement. Il est à
noter également que ce qui apparaît comme étant
le «fond» est en fait la dernière couche et que ce
qui apparaît comme la forme est en quelque sorte
le fond. On notera également les «barbes» sur le
bord de la peinture produite par la lourdeur de
l’accumulation picturale pouvant évoquer, par
analogie, des stalactites. La peinture d’Al Martin
est, ainsi, une double mémoire ; non seulement
la mémoire de toutes les couches qui ont amené à
sa dernière surface, mais aussi mémoire de toutes
les opérations visibles qui ont permis l’achèvement
de la peinture. Il y a, en plus d’un temps révélé
et démontré comme un agenda ou un journal
intime, un journal de peinture.
Jean-Luc MYLAYNE
Né en France en 1946 - Vit dans le monde
N°367 - Février - mars 2006, 2006
Photographie
125 x 155 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Depuis la première photographie datée de juillet
1978, cela fait maintenant près de 35 ans que JeanLuc Mylayne photographie exclusivement
des oiseaux, des oiseaux partout dans le monde,
dans tous les paysages possibles, urbains ou ruraux,
par tous les temps, toutes les saisons et toutes les
lumières… Si le catalogue de ses œuvres compte
plus de 500 créations, c’est finalement assez peu
en regard de ces 35 années de travail – à peine
une quinzaine de photographies par an – car JeanLuc Mylayne peut prendre un temps infini avant
d’appuyer sur le déclencheur. Il faut d’abord que
l’artiste ait vu quelque chose – appelons cela
une scène – et qu’ensuite celle-ci se reproduise
à l’identique – ou quasi – pour qu’il puisse la
photographier. La lumière doit donc être similaire
à la scène primitive et l’oiseau – ou les oiseaux –
doivent passer ou se placer à un endroit précis.
Alors la photographie peut être prise. Le premier
travail de Jean-Luc Mylayne est donc l’affût,
l’attente d’une situation optimale qui peut durer
plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs
années. Cette attente du bon moment, de la bonne
prise est à la fois consubstantielle à la photographie
– puisqu’il s’agit de saisir un fragment de temps – en
même temps qu’elle est assez étrangère à l’art du
photographe puisqu’en général les photographes
multiplient les prises pour faire une sélection après
coup comme si la prise photographique était un
aveuglement – ce qu’elle est avec un reflex puisque
le miroir se relève au moment du déclenchement et
obture la vue de celui qui vise.
Dans le cas de Jean-Luc Mylayne, la décision du
déclenchement d’une seule prise, de la prise de
l’image juste, de la saisie parfaite de l’instant
est métaphorisée par l’oiseau, par sa vélocité ou
le caractère impromptu de son apparition ou de
sa disparition. Si Jean-Luc Mylayne s’intéresse aux
oiseaux, aux plus communs comme aux plus rares, il
n’est pas un artiste ornithologue, l’oiseau est le sens
de sa photographie, du temps passé à attendre, du
temps du déclenchement, et de cet après qui voit
s’évanouir ce qui a été à peine saisi.
Mais l’oiseau est aussi une présence discrète dans
le paysage. Dans le fouillis des buissons et taillis
ou dans l’ombre des granges ou des branchages, il
faut être attentif pour le saisir, scruter le paysage,
focaliser et défocaliser constamment. C’est ce que
la photographie de Jean-Luc Mylayne saisit grâce à
une optique permettant d’obtenir, dans la même
photographie, une alternance et une succession
de plans flous et nets, de découper des séries de
plans dans la totalité de l’espace, d’opérer des
jonctions entre des points pourtant éloignés et
sa photographie renvoie le spectateur à cet acuité
dans la vision. Il faut parfois que celui-ci cherche
pour voir l’oiseau, non dans le simple jeu d’une
énigme cachée dans l’image, mais dans l’exercice
plus captivant qui consiste à balayer la surface du
monde pour saisir des rapports entre les choses, à
apprendre à regarder au lieu de voir.
REPÈRES
RÉFÉRENCES
Les échos de la mémoire
ART
1818 : Caspar David Friedrich, Le voyageur contemplant une mer de nuages
1890-1891 : Claude Monet, Cathédrale de Rouen
1965 : Roman Opalka, Detail n°1
1971-1995 : Emballement du Reichstag par Christo et Jeanne-Claude
1986 : Anselm Kiefer, Chemins de fer
1996 : Darren Almond, A Real Time Piece
LITTÉRATURE
1909 : Marcel Proust, A la recherche du temps perdu
1942 : Albert Camus, L’étranger
1956 : Primo Levi, Si c’est un homme
1978 : Georges Pérec, Je me souviens
CINÉMA
1955 : Alain Resnais, Nuit et Brouillard
1993 : Steven Spielberg, La Liste de Schindler
2002 : Wolfgang Becker, Good bye Lenin !
POUR ALLER PLUS LOIN
Le temps et la mémoire dans la collection du FRAC Auvergne
Andreas ERIKSSON
Car passes at 19:42 27/12, 2010
Acrylique sur dibond, 100 x 85 cm
Michel AUBRY
Boucliers de guetteurs, 1950
Acier, feuille d’or, cire colorée, 7 anches, 7x(61x45)
C’est à l’occasion de la 54ème Biennale de Venise en
2011 que ces œuvres ont été créées, pour le Pavillon
Nordique confié à Andreas Eriksson. Les peintures
titrées Car passes, presque des monochromes,
appartiennent à la série des Shadow Paintings dont
Andreas Eriksson explique qu’elles sont des
peintures exécutées d’après les ombres projetées la
nuit par la fenêtre, dans sa maison, lors du passage de
voitures sur la route. Réalisées au pistolet à peinture,
les ombres se dissolvent, fantomatiques, jouent d’une
persistance rétinienne, témoignent d’instants fugaces
fixés dans le temps par les titres donnés à chacune
des œuvres : l’ombre portée de l’encadrement de
la fenêtre est vue le 27 décembre 2010 à 19h42...
Tout se joue dans le lisse de la peinture réalisée sur
dibond, matériau utilisé pour le contrecollage de
photographies. L’image obtenue est absolument plane,
ne laisse apparaître aucun geste, se constitue comme
un artefact d’image photographique. Mais l’écart
entre la photographie et la peinture ne s’effectue pas
tant dans une tentative virtuose à reproduire avec
exactitude l’instantané photographique que dans un
rapport particulier au temps.
Si les phares de la voiture qui passe éclairent, comme
un flash, la façade de la maison par l’ouverture de
la fenêtre et projettent une image furtive sur un
mur (reconstituant ainsi la mécanique d’une camera
obscura), la peinture devra être méticuleusement
et longuement travaillée pour rendre compte de
l’événement.
Entre ethnologie, musicologie, et politique, Michel
Aubry s’est inventé depuis une quinzaine d’années
une place singulière dans la création artistique
contemporaine en constituant une œuvre dont la
démarche cultive tout autant tradition et modernité,
musique et arts plastiques.
Les Boucliers de guetteurs est une œuvre réalisée à partir
de boucliers de protections utilisés par les soldats
dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale.
Michel Aubry les a récupérés clandestinement sur
la colline du Hartmannswillerkopf en Alsace, sur
un ancien champ de bataille où ont été décimés
quelques 50000 soldats français et allemands.
Ces boucliers étaient l’unique protection contre
les balles et les éclats d’obus dont disposaient les
soldats dans les tranchées. Ils portent en eux les
stigmates des combats d’une extrême violence et
sont, de fait, porteurs de la mémoire des combats
et des morts. Michel Aubry a volontairement limité
son intervention plastique afin de préserver au
mieux l’identité de son matériau : dorure à la feuille
délimitant un cercle bordé de cire rouge sang, anche
sonore (une note par bouclier, recomposant ainsi
les 7 notes fondamentales) donnent dès lors aux
boucliers le statut d’ex-voto délicats et font de cette
œuvre un témoignage particulièrement émouvant.
Alain SICARD
2.70.100.11.KL, 2011
Huile sur Klöckner, 70 x 100 cm
SARKIS
Leidschatz, 1992
Fonte, 55 x 40 x 40 cm
Alain Sicard a peint depuis 1996, plus de 1300
peintures qui constituent un journal pictural de tous
les gestes, de toutes les surfaces, de tous les accords
colorés possibles. Il peint, dorénavant, sur un papier
Klöckner qui lui permet de peindre assez longuement
dans le frais et même d’effacer la peinture pour la
recommencer. Chaque peinture est faite en une
séance pendant laquelle il peint sur une feuille, efface,
recommence, jusqu’à trouver la solution ou jusqu’à
épuiser cette surface. Soit la peinture est acceptée
par l’artiste, soit elle est refusée, mais elle n’est
jamais reprise. Il y a une grande rapidité dans le geste
et peu de temps d’arrêt. Il s’agit pour lui de peindre
d’un geste autoritaire jusqu’à ce qu’il trouve quelque
chose.
Alain Sicard peint à partir de souvenirs de peinture,des
souvenirs de peintures vues en vrai ou des souvenirs
de peintures vues en reproduction ou, pour être
plus précis, Alain Sicard peint et, parfois, il rencontre
au cours de sa séance picturale, des souvenirs, des
échos et des réminiscences de peinture. La peinture
trouve sa solution lorsque l’écho, la réminiscence
évoquent un possible pictural encore inusité ou
lorsque un élément active une mémoire involontaire
qui provoque le reste de la peinture – bien que cela
ne soit pas forcément un gage de réussite.
Sarkis développe depuis des années une œuvre très
personnelle fondée sur un langage et des codes
de lectures très particuliers. Ainsi, la présence des
mots Leidschatz (trésor de souffrance) et Kriegschatz
(trésor de guerre) est-elle quasiment systématique
dans toutes ses œuvres. Ces deux mots contiennent
à eux seuls toute l’œuvre de Sarkis qui, depuis
plusieurs décennies, s’agence autour du thème de
la mémoire et de la nécessité de préserver celle-ci
coûte que coûte, qu’elle qu’en soit le prix (Leidschatz)
; afin de constituer un véritable trésor de guerre
(Kriegschatz) pour les générations futures.
L’œuvre intitulée Leidschatz se manifeste par une
grande économie de moyen, par la grande simplicité
de sa réalisation. Quelques anneaux de fonte empilés
constituent un brasero au fond duquel on imagine les
cendres d’un feu refroidi. L’œuvre évoque alors tout
autant la convivialité du brasero, autour duquel on
se réunit pour se chauffer, que la pauvreté des sans
logis. Elle évoque aussi, et surtout, le feu dévorateur
de mémoire, les autodafés pratiqués par les régimes
fascistes pour brûler et faire disparaître les écrits
les plus compromettants pour leurs idéologies
déviantes. Elle évoque également, de manière plus
générale et plus terrible encore, l’atrocité des camps
de concentration où plusieurs millions de corps ont
disparu. Nous sommes au cœur du travail de Sarkis :
peu de choses pour dire beaucoup.
Les Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC), créés au début des années 80, sont des institutions
dotées de trois missions essentielles.
La première consiste à constituer des collections d’œuvres d’art représentatives de la création contemporaine
de ces 50 dernières années. La seconde est une mission de diffusion de ces collections sous forme d’expositions,
tant dans les régions d’implantation des FRAC respectifs qu’ailleurs en France et à l’étranger. Enfin, la troisième
raison d’être de ces institutions est d’œuvrer pour une meilleure sensibilisation des publics à l’art de notre
époque.
Le FRAC Auvergne a choisi dès le départ d’orienter sa collection vers le domaine pictural, se dotant ainsi
d’une identité tout à fait spécifique dans le paysage culturel français.
Aujourd’hui composée de plus de 700 œuvres, cette collection circule chaque année en région Auvergne et
ailleurs, à raison de 20 expositions annuelles.
Le FRAC Auvergne bénéficie du soutien du Conseil Régional d’Auvergne et du Ministère de la Culture –
Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Auvergne.
Il est également soutenu, pour l’Art dans les Lycées, par le Rectorat.
Programmation du FRAC
FRAC AUVERGNE
6 rue du Terrail - 63000 Clermont-Ferrand
Gilles Aillaud
Du 10 octobre 2015 au 17 janvier 2016
A quoi tient la beauté des étreintes
(Exposition des œuvres de la collection du FRAC Auvergne)
Du 30 janvier au 27 mars 2016
Pius Fox
Du 9 avril au 19 juin 2016
AUTRES EXPOSITIONS PÉDAGOGIQUES
Anatomies
Aziz+Cucher, Frédéric Castaldi, Philippe Cognée, Gérard Fromanger, Pierre Gonnord, Fabian Marcaccio
> Lycée Louis Pasteur - Lempdes. Du 5 janvier au 5 février 2016
> Lycée agricole de Rochefort-Montagne. Du 1er mars au 1er avril 2016
Les échos de la mémoire
Darren Almond, Horst Haack, Johannes Kahrs, Fabrice Lauterjung, Al Martin, Jean-Luc Mylayne
> Lycée agricole de St-Gervais. Du 8 mars au 8 avril 2016
Le dessin à dessein
Marc Bauer, Patrick Condouret, Rémy Jacquier, Claude Lévêque, Judit Reigl, Georges Rousse
> Lycée Ste-Marie - Riom. Du 7 janvier au 5 février 2016
> Lycée Le Sacré Cœur,Yssingeaux. Du 15 mars au 12 avril 2016
Expositions des œuvres de la collection du FRAC Auvergne
Dans le cadre des EROA (Espaces de Rencontre avec l’Oeuvre d’Art)
> Lycée Jean Monnet - Yzeure. Du 1er décembre 2015 au 25 mars 2016
> Lycée Blaise Pascal - Ambert. Du 3 mars au 29 avril 2015
Dans le cadre des jumelages
> Lycée René Descartes - Cournon. Du 29 février au 2 mai 2016
PROJET FÉDÉRATEUR WORKSHOP EN LYCÉES PROFESSIONNELS
> CFA Haute-Loire - Bains
Section menuiserie et charpente
> Lycée Godefroy de Bouillon - Clermont-Ferrand
Section graphisme et décor
> Lycée Charles et Adrien Dupuy - Le Puy
Section usinage
> Lycée François Rabelais - Brassac-les-Mines
Section chocolat
> Lycée Pierre-Joël Bonté - Riom
Section énergie
> Lycée Saint-Géraud - Aurillac
Section communication graphique
> Lycée Lafayette - Clermont-Ferrand
Section électrotechnique
> EPL Saint-Flour.
Filière environnement nature
FRAC Administration
FRAC Salle d’exposition
6 rue du Terrail
63000 Clermont-Ferrand
Tél. : 04 73.90.5000
Ouverture :
- de 14 h à 18 h du mardi au samedi
- de 15 h à 18 h le dimanche
- fermeture les jours fériés
Entrée libre
Contact pour les scolaires
Laure Forlay, chargée des publics au FRAC Auvergne
04.73.74.66.20 ou par mail à : [email protected]
Patrice Leray, Professeur correspondant culturel
[email protected]
Ce document est disponible en téléchargement sur le site du FRAC Auvergne :
www.fracauvergne.com
et sur le site du rectorat de l’académie à l’adresse suivante :
http://www3.ac-clermont.fr/pedago/arts/ressources.htm
En couverture : Al Martin, Eidétique paressante, 2009-2010, 365 couches d’acrylique poncées sur toile, 42 x 35 cm
1 rue Barbançon
63000 Clermont-Ferrand
Tél. : 04.73.90.5000
[email protected]
Site internet : www.fracauvergne.com

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