TEXTES de commentaire niveau 1e année 2011 2012

Transcription

TEXTES de commentaire niveau 1e année 2011 2012
TEXTES en vue de préparer l’épreuve de commentaire littéraire,
année 2011/2012, classes de mme Blanc : niveau PREMIERE
dans l’ordre des séquences et des devoirs
Séquence ARGUMENTATION
Raphael Confiant, Chimères d’en ville (1985)
NOIRCEUR : Noir. J'écris ce mot partout. Je le griffonne sur ma table du cours d'adultes. Je l'inscris
avec une pointe de charbon de bois sur le premier mur rencontré. Hier, Rigobert s'est moqué de
moi : « A ce qu'il paraît, notre chère Adelise est en train de faire un dictionnaire ! Ha, ha, ha ! Je suis
sûr qu'elle n'osera jamais y mettre « noir ». Le bougre se trompait. Il n'y a rien de plus noble que la
noirceur quand on cesse de se regarder avec les yeux des Blancs. Ceux-ci nous ont appris à la haïr et
parfois, nous avons envie d'enlever cette peau que Dieu nous a baillée comme s'il s'agissait d'un
vêtement affreux. J'ai beaucoup lutté contre ce sentiment. Je l'ai dompté petit à petit et aujourd'hui,
quand Homère, Rigobert ou Carmélise se mettent à dénigrer leur race, je me tais et me tiens très à
distance d'eux. Je ferme à moitié les yeux et je vois la mer noire, le ciel noir, les astres noirs, le soleil
noir. Le monde en son entier se drape de noirceur et alors je sens comme une vague d'apaisement
descendre en moi et m'envelopper l'âme. Même Monsieur Jean, à qui j'ai tenté d'expliquer cette
sensation-là, s'est montré sceptique. Il croit que le nègre a encore beaucoup de chemin à parcourir
avant que le Blanc ne lui baille honneur et respect. Il parle tout le temps du Savoir. « Le Savoir avec
un grand S, s'exclame-t-il, celui dont trois siècles d'esclavage nous ont privés. » Lui aussi se gausse de
mon dictionnaire créole. Décidément, il n'y a personne autour de moi pour mesurer notre pesant de
noirceur et pourtant il vaut plus que de l'or.
1
SEQUENCE THEATRE ET REPRESENTATION
Eugène Ionesco, la leçon (1951)
Le professeur: - (…) Nous avons le nombre quatre et le nombre trois, avec chacun un nombre
toujours égal d'unités; quel nombre sera le plus grand, le nombre plus petit ou le nombre plus grand?
L'élève: - Excusez-moi, Monsieur... Qu'entendez-vous par le nombre le plus grand? Est-ce celui qui est
le moins petit que l'autre?
Le professeur: - C'est ça, Mademoiselle, parfait. Vous m'avez très bien compris.
L'élève: - Alors, c'est quatre.
Le professeur: - Qu'est-ce qu'il est, le quatre? Plus grand ou plus petit que trois?
L'élève: - Plus petit... non, plus grand.
Le professeur: - Excellente réponse. Combien d'unités avez-vous de trois à quatre?... ou de quatre à
trois, si vous préférez?
L'élève: - Il n'y a pas d'unités, Monsieur, entre trois et quatre. Quatre vient tout de suite après trois ;
il n'y a rien du tout entre trois et quatre.
Le professeur: - Je me suis mal fait comprendre. C'est sans doute ma faute. Je n'ai pas été assez clair.
L'élève: - Non, Monsieur, la faute est la mienne.
Le professeur: - Tenez. Voici trois allumettes. En voici encore une, ça fait quatre. Regardez bien, vous
en avez quatre, j'en retire une, combien vous en reste-t-il?
L'élève: - Cinq. Si trois et un font quatre, quatre et un font cinq.
Le professeur: - Ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça du tout. Vous avez toujours tendance à additionner.
Mais il faut aussi soustraire. Il ne faut pas uniquement intégrer. Il faut aussi désintégrer. C'est ça la
vie. C'est ça la philosophie. C'est ça la science. C'est ça le progrès, la civilisation.
L’élève : - Oui, monsieur.
Le professeur : - Revenons à nos allumettes. J’en ai donc quatre. Vous voyez, elles sont bien quatre.
J’en retire une, il n’en reste plus que...
L’élève : - Je ne sais pas, Monsieur.
Le professeur : - Voyons, réfléchissez. Ce n’est pas facile, je l’admets. Pourtant vous êtes assez
cultivée pour faire l’effort intellectuel demandé pour parvenir à comprendre. Alors ?
L’élève : - Je n’y arrive pas, Monsieur. Je ne sais pas, Monsieur.
2
SEQUENCE LE HEROS DE ROMAN
Raymond QUENEAU, le chiendent (1933, incipit)
La silhouette d’un homme se profila ; simultanément, des milliers. Il y en avait bien des milliers. Il
venait d’ouvrir les yeux et les rues accablées s’agitaient, s’agitaient les hommes qui tout le jour
travaillèrent. La silhouette indiquée se dégagea du mur d’une bâtisse immense et insupportable, un
édifice qui paraissait un étouffement et qui était une banque. Détachée du mur, la silhouette oscilla
bousculée par d’autres formes, sans comportement individuel visible, travaillée en sens divers, moins
par ses inquiétudes propres que par l’ensemble des inquiétudes de ses milliers de voisins. Mais cette
oscillation n’était qu’une apparence ; en réalité, le plus court chemin d’un labeur à un sommeil,
d’une plaie à un ennui, d’une souffrance à une mort.
L’autre referma les yeux pendant quelques instants et, lorsqu’il les ouvrit de nouveau, la
silhouette disparut empochée par le métro. Il y eut une vague de silence, puis de nouveau L’Intran et
ses confrères du soir recommencèrent à gueuler sur le boulevard.
Depuis des années, ce même instant se répétait identique, chaque jour, samedi, dimanche et
jours de fête exceptés. Lui n’avait rien à voir avec tout ça. Il ne travaillait pas, mais il avait accoutumé
de venir là entre 5 et 8 heures, immobile. Parfois, il étendait la main et saisissait quelque chose ; ainsi
ce jour-là, une silhouette.
La silhouette, elle, arrivait à Obonne. La femme avait préparé le bouffer ; elle aussi travaillait
dans un bureau. Le sous-chef la bloquait tout le temps dans les petits coins et le chef faisait de
même. À peine sortie de leurs mains, elle passait à celles du métro. À peine le travail fini là-bas, ici
elle recommençait. L’enfant somnolait sous la lampe, attendant le bouffer. La silhouette aussi
attendait le bouffer, sentant gonfler ses pieds, un bras pendant entre les jambes, la main agrippée au
barreau de la chaise, crainte qu’elle ne s’échappe. Il lisait Le Journal. C’est-à-dire qu’il ne lisait pas le
journal. Il fixait la lettre n du mot Ministère. Il la fixerait ainsi jusqu’à la soupe. Et après le bout de
fromage avec beaucoup de pain, il hypnotiserait la lettre i. Le gosse n’attendait pas le fromage pour
s’évader, et, parfaitement abruti, s’en allait vivre des pollutions nombreuses dans son dodo enfantin.
La femme lava la vaisselle et s’occupa de divers travaux ménagers. Et lorsque 10 heures vinrent, le
trio pionçait.
3
SEQUENCE LA POESIE
Alain Bosquet, Sonnets pour une fin de siècle (1980) : « le poète comme meuble »
Le poète appartient aux objets ménagers ;
on le trouve parmi les sécateurs, les pneus,
les robinets, les clous : troisième étage à gauche,
dans les grands magasins, où il est disponible
à des prix modérés. Tous les chefs de rayon
en connaissent l'emploi. Une brochure bleue
vante ses qualités. Il lui faut peu de place ;
un mètre cube, au maximum, dans la cuisine.
Le modèle courant consomme du pain dur
avec un quart de vin. Par un jour de souffrance
ou de malheur, il peut rendre de grands services
car sa spécialité, c'est un air de printemps
irrésistible et doux, qu'il répand sur les murs,
la machine à laver, le réchaud, la poubelle.
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