Christophe Larcher, entomologiste amateur et dessinateur

Transcription

Christophe Larcher, entomologiste amateur et dessinateur
Reportage - Evènement
Christophe Larcher, entomologiste
amateur et dessinateur
par Véronique Bizé
Insectes n°76
Christophe Larcher a su unir, pour notre plus grand plaisir, ses deux passions, le dessin et les insectes. En
ouvrant son atelier à notre journal, il nous devoile ses techniques, sa façon de travailler... et nous fait part
de son souci permanent de protection de la Nature. Tout juste agé de 25 ans, ce dessinateur fait déjà preuve
d'un talent très prometteur.
Depuis quand vous intéressez-vous
aux insectes et au dessin ?
Au cours de vacances en Loire-Atlantique,
alors que je n'avais que 7 ans, je découvris
dans un lavoir, un gros Lucane mâle noyé.
L'animal splendide gisait, mort. Ma frustration fut grande de n'avoir pu l'observer
vivant. De cette découverte naquit chez
moi l'amour des Coléoptères et des insectes
en général.
Enfant toujours, j'élevais des fourmis ;
leurs constructions me fascinaient et je
restais de longues heures à les observer.
Parallèlement, ma passion pour le dessin se
développait sans rejoindre celle des insectes.
Plus tard, j'entrepris de réunir une documentation sur les Coléoptères de France et
je commençais une collection en vue d' études ultérieures.
Où vous procurez-vous les insectes?
Mes captures ont toutes été faites au cours
de recherches dans divers biotopes: lisières
de forêts, prés, coupes de bois, mares, ...
Dans un souci de protection, je limite ces
captures à un individu par espèce, voire
deux si un dimorphisme sexuelle justifie.
De même, j'ai toujours évité d'utiliser des
pièges attractifs qui, malgré tout, m'ont été
nécessaires pour la capture de certaines
espèces nécrophages à activité nocturne.
En dix ans de recherches,j' ai accumulé une
centaine d'espèces de coléoptères originaires de la forêt d'Eu en Seine-Maritime,
mais aussi des insectes provenant de divers
départements et de l'étranger.
et élégant, et dont le thorax laisse apparaître
un relief très tourmenté, fut pour moi
comme un défi; j'entrepris de le dessiner.
A vez- vous des critères particuliers pour
le choix des espèces que vous dessinez?
Je m'aperçus très vite qu'un dessin d'insecte attire l'attention des gens biendavantage qu'un animal mort et épinglé, ou
même qu'une macrophotographie que je
pratique pourtant régulièrement. Sans
doute est-ce là la rançon inattendue d'une
société qui se bâtit sur des images de plus en
plus nombreuses et précises.
Les nostalgiques des dessins scientifiques
du passé sont encore nombreux et trouvent
dans ces gravures une façon concrète et
originale de découvrir des animaux qui
jusqu'alors échappaient à leur attention.
C'est certainement un excellent moyen de
faire découvrir ou redécouvrir nos espèces
européennes qui n'ont souvent rien à envier
aux insectes exotiques.
Mon plaisir de dessiner se combina à ma
passion pour les coléoptères lorsqu'une
amie me rapporta de Gironde un splendide
Cerambyx cerdo L, qui est sans doute le
plus impressionnant des longicornes français,puisqu'il peut mesurer jusqu'à 55 mm.
La forme parfaite du corps à la fois puissant
Clerùs apiarius (Clajron des abeilles) : dessin réalisé
par Ch. Larcher
Chaque insecte pose des défis particuliers
au dessinateur qui trouve ici une excellente
école. A chaque espèce son charme, et mes
critères de choix se portent surtout sur les
animaux qui me donnent le plus de difficultés dans leur représentation.
De quel matériel disposez-vous et
quelles sont les techniques utilisées
pour représenter ces animaux?
Le matériel utilisé est très simple. C'est la
façon de s'en servir et l'expérience qui
donnent sa qualité au résultat final.
Je travaille sur feuilles de papier Canson,
format A4 pour les animaux de taille infé-
7
rieure à 10 mm, et format A3 pour les insectes plus grands. Il s'agit là d'une habitude
qui ne conditionne en rien le résultat final.
Mais, c'est bien connu, la patience favorise
toutes les audaces ...
La première opération consiste à choisir
une échelle qui me permette de centrer l'insecte dans la feuille pour que les formes
soient harmonieuses. Après avoir mis en
place les différents tracés de construction
qui m'aident à faire la mise en page, le
travail peut commencer.
Combien de temps vous f aut-il pour
réaliser un dessin?
L'animal est placé sous une loupe de grossissement différent selon sa taille ou le
détail à réaliser. Je commence alors à dessiner la moitié gauche du corps sur toute sa
longueur, puis je reproduis la partie droite
par décalquage sachant qu'un coléoptère
est généralement symétrique. J'apporte les
dernières corrections au tracé et précise les
détails avant encrage, puis je gomme les
traits de construction.
la cuirasse irisée de reflets somptueux d'un
coléoptère, le temps n'a plus beaucoup
d'importance.
L'auteur
Tout dépend du sujet à dessiner et de l'effet
recherché. En moyenne pour un dessin relativement facile, il faut compter entre 7 et
8 heures, et pour une reproduction plus
élaborée, de 10 à 12 heures, voire davantage, ceci étant des estimations, car en vérité, quand vous entrez dans l'intimité de la
structure d'un élytre ou que vous observez
Christophe Larcher, 25 ans, fraiseur, est à
ses heures perdues (pas vraiment perdues
en fait !) naturaliste, entomologiste, aquariophile, astronome, dessinateur, ornithologue, plongeur, photographe, randonneur,
jardinier. Qui dit mieux?
H adrocarabus problematicus (Carabe embrouillé) : dessin
réalisé par Ch . Larc~r
Monochamus su/or (M onochame cordonnier) : dessin réalisé
par Ch. Larcher
Ensuite, au "Rotring", je repasse tous mes
tracés et commence dessiner les détails à
l'intérieur de la figure. En même temps, je
colorie avec de simples crayons de couleurs. Le dessin de l'insecte terminé, je
parfais les détails et corrige les imperfections.
Il s'agit là de la technique utilisée pour faire
un dessin d'identification, c'est-à-dire hors
milieu naturel et dans l'attitude de l'insecte
mort et épinglé.
Pour dessiner un insecte dans son milieu
naturel, occupé par exemple à une tâche
pour laquelle il est spécialisé, la technique
est toute différente, car elle fait appel à un
dessin souvent en perspective que seul un
dessinateur très expérimenté peut réaliser.