éloge de la folie - Opéra national de Lorraine

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éloge de la folie - Opéra national de Lorraine
POLY
Date : JUIN 16
Page de l'article : p.66
Journaliste : Hervé Lévy
Pays : France
Périodicité : Mensuel
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MAISONS D'OPERA
éloge de
la folie
Opéra de la passion absolue menant
à la démence et à la mort, Lucia
di Lammermoor de Donizetti est
aussi une variation sur l'étouffement
de l'éternel féminin par le masculin
transitoire pour le metteur en scène
Jean-Louis Martinelli.
Pai Herve Lévy
Esquisse de costume (£) Patrick
Dutertre
À l'Opéra national de Lorraine
(Nancy), du 22 au 30 juin
www.opera-national-lorraine.fr
Tous droits réservés à l'éditeur
n amour impossible entre un homme
et une femme appartenant à deux
clans écossais rivaux au XVIe siècle
entraînant la folie et la mort : tel pourrait être
le résumé lapidaire de Lucie di Lammermoor.
Dans sa mise en scène, Jean-Louis Martinelli
souhaite néanmoins dépouiller l'opéra adapté
d'un roman de Walter Scott de ses oripeaux
gothiques et romantiques, considérant avant
tout l'œuvre de Donizetti comme une « réflexion sur la violence faite aux femmes dans
une sociêté mâle où l'héroïne, écrasée, n'est
in fine qu'un objet de troc. Le sort de Lucia
importe peu à Edgardo, elle est un simple
enjeu de pouvoir. Il n'a pas un amour absolu
pour elle, mais un violent désir de possession », explique l'ancien directeur du Théâtre
national de Strasbourg (1993-2000). Et de
rajouter : « La passion amoureuse est dictée
par la volonté de revanche sur le clan d'en
face ». Le corsaire consiste en un questionnement « très actuel : pourquoi la femme
dérange-t-elle cet espace de virilité où elle
apparaît comme un danger ? » Avec des costumes intemporels d'une simplicité revend!-
quée aux vagues résonances sorties et dans
un décor où les parois coulissent (métamorphosant la scène successivement en entrepôt, en palais, en cathédrale ou en mausolée), se déploie la tentative de fuite de Lucia.
Elle tente d'échapper « à un univers fermé et
étouffant », "femme fluide" face à une société
solide et figée, dont l'imaginaire se manifeste
à la scène grâce à la vidéo, un « espace onirique, une porte d'entrée sur un monde intérieur ». Son échappatoire sera la folie (puis
la mort) avec le célèbre air II dolce suono où
l'héroïne fantasme son union future avec Edgardo. Véritable acmé de l'opéra, Jean-Louis
Martinelli a souhaité « sur-dramatiser cet
instant en l'installant dans un théâtre dans
le théâtre ». Violence des sentiments et des
actes. Impétuosité de la musique. Lucia di
Lammermoor est une œuvre sous tension
permanente dans laquelle l'héroïne - unique
femme, avec sa "suivante ombre" dans un
monde d'hommes - est le seul être « au cœur
pur » et, peut-être « le seul personnage raisonnable », contrairement à l'idée qu'on s'en
fait en général. •
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