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OUTIL D’EVALUATION COGNITIVE DES ENFANTS ET ADOLESCENTS ATTEINTS DE POLYHANDICAP : LE P2CJP LEROY A., Psychologue, doctorante, Laboratoire Psy-NCA EA 4700 GEORGE A., Etudiante, Master de psychologie SCELLES R., Professeur de psychopathologie, Université de Rouen, Laboratoire Psy-NCA EA 4700 (76) RESUME Le P2CJP (Profil de Compétences Cognitives du Jeune Polyhandicapé) est un outil d’évaluation créé pour répondre à une demande des professionnels qui accompagnent les enfants et adolescents atteints de polyhandicap au sein des établissements d’accueil. Cet outil est un support d’observation systématisée qui prend en compte les différents regards portés sur l’enfant, celui des professionnels, celui de ses parents. Il constitue ainsi un médiateur entre les familles et les membres de l’institution. Il met l’accent sur les compétences du sujet et permet de repérer les capacités sources de progrès envisageables, d’apprentissages, et d’engager un suivi longitudinal et individualisé pour chacun. Intégré à un bilan médico-psychologique, réalisé sous la responsabilité des psychologues, il relance le désir et la créativité de ceux qui les aident au quotidien. Cet article présente la méthodologie de construction et l’intérêt et les limites de cet outil. Il se termine en ouvrant sur une réflexion plus large sur l’évaluation cognitive des enfants polyhandicapés. L’évaluation cognitive des enfants et adolescents atteints de polyhandicap fait aujourd’hui l’objet de nombreuses demandes, à l’adresse, notamment, des psychologues exerçant dans les établissements de soins qui prennent en charge ces sujets. C’est pour répondre à cette demande forte que deux associations Handas et CESAP, œuvrant toutes deux dans le champ du polyhandicap, ont décidé de financer une action «formation-recherche» destinée à créer un outil qui permette de mieux repérer les compétences cognitives des enfants et adolescents concernés. Le P2CJP1 , fruit de ce travail qui s’est déroulé entre 2007 et 2009, sous la supervision de deux enseignantes chercheuses universitaires avec douze psychologues ayant une expertise dans le domaine2 3, vise à donner les moyens aux psychologues et plus largement aux professionnels, de mieux appréhender leur fonctionnement cognitif dans le cadre d’un bilan médico-psychologique complet. Il a été validé scientifiquement et publié fin 2009. Il a ensuite fait l’objet d’un travail critique par des universitaires, étudiants et professionnels de terrain, et sera révisé prochainement. Mots clés : enfant, polyhandicap, évaluation, compéLe présent article vise à présenter cet outil, sa tences cognitives, observation systématisée. conception, ses indications, les modalités de sa passation ainsi que ses intérêts, ses limites et ses perspectives. Préalablement, il revient brièvement sur l’importance de l’évaluation des compétences cognitives des enfants et des jeunes polyhandicapés. 1 P2CJP : Profil de Compétences Cognitives du Jeune Polyhandicapé 2 Maria Pereira Da Costa (Université Paris-Descartes) et Régine Scelles (Université de Rouen). 3 Pilotage : pour le CESAP : Christine Plivard (Directrice de CESAP Formation), Chantal Caillabet (ancienne directrice adjointe du CESAP), Eric Zola (Directeur adjoint du CESAP). Pour Handas : Michel Houllebrecque (Directeur de Handas), Annie Croquet (Adjointe à la direction générale de Handas). Avec la participation des psychologues exerçant au sein des institutions CESAP et Handas : Marie d’Alençon, Claire Dietrich-Pourchot, Elisabeth DonnetDescartes, Catherine Duchas, Amélie Ducroquet, Marie-Odile Duval, Geneviève Givernaud, Bibiana Ihnat, Maryse Palchine, Caroline Quintilla et Andrée-Anne Zazzera. Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 37 1. CARACTERISTIQUES DU POLYHANDICAP ET ENJEUX DE L’EVALUATION DES COMPETENCES COGNITIVES Les sujets atteints de polyhandicap sont le plus souvent sans langage articulé, leur autonomie psychique et motrice est extrêmement limitée et ils présentent une déficience intellectuelle sévère ou profonde. L’évaluation de cette déficience est impossible avec les tests habituellement utilisés par les psychologues pour réaliser des examens psychologiques. Ces enfants et adolescents ont ainsi des manifestations de plaisir/déplaisir, des expressions de leur souffrance ou encore de leurs besoins spécifiques, difficilement interprétables. Ils présentent également des déficits instrumentaux multiples (troubles du tonus, de la mobilité et de la coordination, troubles visuels, auditifs, sensoriels, neurologiques, etc.) et de nombreux problèmes somatiques qui occasionnent fréquemment de la douleur et les contraignent à des hospitalisations répétées. Les conséquences de ces événements sur leur vie affective et sur leur développement cognitif sont, elles aussi, difficilement évaluables. Une évaluation de ces sujets ne peut se passer de la connaissance des proches du sujet et de leur compréhension de ce qu’il vit. Les outils existants proposent des items qui supposent souvent une autonomie que les enfants et les jeunes atteints de polyhandicap n’ont pas, et ces items s’avèrent insuffisamment fins et discriminants pour être pertinents et applicables à la population ici considérée. Créer un outil qui soit adapté à cette population spécifique nécessite donc que soit explorée la communication non verbale, et ce de manière extrêmement fine. L’observation rigoureuse, attentive, méthodique, apparaît alors comme le moyen le plus fiable pour se faire une idée au plus juste de ce que les sujets comprennent, de leurs réactions, de leurs intentions et de la façon dont ils sont affectés par une intervention ou une stimulation extérieure. Rictus, mouvements des yeux, du corps, tension des membres, etc., sont autant de signes qui aident à comprendre le sujet luimême. Il arrive que leur interprétation ne soit pas la même selon celui qui les observe, ce qui peut avoir des conséquences importantes dans les réponses apportées (verbales et comportementales) et sur la cohérence des soins. L’idée n’est pas apriori de déterminer qui serait dans le «vrai» mais d’obliger chacun à expliciter le fondement de son interprétation et de confronter son point de vue avec celui de l’autre. Il y a deux types de risques liés aux difficultés d’appréciation des compétences cognitives : • les surestimer, ce qui amènera à proposer au sujet des activités, desquelles il ne pourra tirer aucun bénéfice ; • les sous-estimer, ce qui conduit à entraver des progrès pourtant possibles. Dans les deux cas, l’enfant ne bénéficiera pas d’un accompagnement optimal et ses apprentissages seront freinés, voire rendus impossibles (Pereire Da Costa et Scelles, 2010 ; Leroy, Dietrich, Scelles et Pereira Da Costa, 2010). 2. CONCEPTION DU P2CJP Pour répondre aux attentes formulées par les professionnels, l’outil devait remplir les conditions suivantes : 1. Tenir compte des difficultés et des spécificités des sujets atteints de polyhandicap, et notamment permettre de systématiser l’observation, méthode inévitablement privilégiée dans ce cadre. 2. Permettre la prise en compte des appréciations des proches familiaux et des différents professionnels qui accompagnent le sujet, tous étant considérés comme des informateurs incontournables (Morris, Kurinczuk et Fitzpatrick, 2005). 3. Pouvoir être inscrit dans le cadre d’un bilan médico-psychologique complet et permettre une réévaluation régulière des compétences de l’enfant ou du jeune afin de repérer les évolutions possibles. 4. Rester sous la responsabilité du psychologue qui est le garant d’une synthèse qui tient compte des informations recueillies et du possible impact des affects sur les réponses données. Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 38 Pour apprécier les compétences cognitives indépendamment du support verbal souvent défaillant chez les sujets concernés et proposer un cadre normalisé et systématisé pour le suivi longitudinal de ces derniers, le P2CJP se compose d’une échelle de réactivité destinée à l’identification des modalités de communication et d’une échelle d’évaluation du profil cognitif qui rend possible la mesure des compétences à un temps ¨T¨ à l’aide d’indices quantitatifs et qualitatifs standardisés. 2.1 L’observation L’extrême hétérogénéité des tableaux cliniques que présentent les sujets atteints de polyhandicap et les spécificités de leur fonctionnement fait de l’observation une méthode absolument incontournable pour qui souhaite se faire une idée de la manière dont ils comprennent le monde qui les entoure et réagissent à des situations ou à des interventions extérieures. Selon Chahraoui et Benony (2003), l’observation clinique considère qualitativement et quantitativement les phénomènes comportementaux, idéatifs, langagiers, émotionnels et cognitifs significatifs. L’observateur leur donne alors un sens en les restituant dans la dynamique psychique du sujet, dans son histoire et dans le contexte de l’observation. Avec le temps, les personnes les plus proches des enfants et des adolescents concernés arrivent à décoder certains signes, à repérer des indices, à différencier ce qui est de l’ordre d’une communication intentionnelle, ce qui manifeste une sensation ou encore ce qui n’est que réflexe, peu ou mal contrôlé. C’est précisément la confrontation entre les différents regards portés sur le sujet qui peut être source d’une compréhension meilleure de ce qu’il essaie d’exprimer. L’observation systématisée n’a pas pour finalité de passer outre les processus subjectifs et intersubjectifs à l’œuvre entre le répondant évaluateur et le sujet, mais au contraire d’essayer de les cerner et d’en comprendre le sens et les enjeux. Pour de nombreux spécialistes, l’observation clinique, bien que controversée depuis toujours, reste un outil incontournable dans des situations pathologiques impliquant une impossibilité de mise en parole. De fait, l’observation sur laquelle s’appuie le P2CJP s’apparente à celle réalisée auprès de jeunes enfants. Elle considère la problématique archaïque de la construction de l’image du corps, du schéma corporel, ou les deux, qui mène à l’exploration de l’espace et des objets, et prend aussi en compte les compétences socio-émotionnelles des sujets (Mellier, 2005 ; Ciconne et al, 2001). Enfin, l’évaluation proposée peut s’appuyer sur des observations dites directes, c’est-à-dire l’observation de l’enfant ou du jeune en situation, ou sur des observations dites indirectes, donc sur des informations ou des observations rapportées d’après la connaissance que les répondants ont de l’enfant, en dehors de la présence de celui-ci. 2.2 Les précautions à prendre L’évaluation rendue possible par le P2CJP est relativement simple dans sa forme et dans le traitement des données. Il convient néanmoins d’être vigilant quant à son utilisation à plusieurs niveaux : • le P2CJP n’est pas un outil diagnostic, • il est une source d’informations parmi d’autres et doit être intégré à un bilan médico-psychologique complet, • il est possible que les proches de l’enfant évalué n’aient pas été informés du diagnostic de polyhandicap. Une attention particulière doit être portée à cette donnée, l’outil faisant clairement apparaître le terme «polyhandicapé», • si les échelles sont remplies par des professionnels et des parents, le psychologue reste le garant de la synthèse qui sera rédigée et de la qualité et de la conformité du protocole suivi. • il est difficile d’imposer à l’enfant ou à l’adolescent d’être présent au moment de remplir les échelles et/ou de le solliciter à outrance pour observer de manière directe ses réactions, d’où l’intérêt d’avoir recours à l’observation indirecte de façon privilégiée. • il est utile d’avoir réalisé en amont, auprès du sujet, un temps d’observation clinique du remplissage de la grille ou bien d’avoir une certaine connaissance de celui-ci car certains items suggèrant des réponses pointilleuses au sujet de l’enfant ou de l’adolescent («reconnaît des lieux qui évoquent des souvenirs Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 39 agréables»… «reconnaît des lieux qui évoquent des souvenirs désagréables»/ items 14 et 15). vent tout à fait être conservées dans le dossier médical de l’enfant, nécessairement, les profils obtenus doivent être accompagnés d’une lecture interpréta2.3 La question de l’âge tive. Cette interprétation doit tenir compte des différentes observations, il ne s’agit pas de faire une Il s’agit là d’une variable qui a fait l’objet de moyenne ou une synthèse des différentes grilles, nombreuses discussions. Les enfants polyhandicapés mais de les mettre en perspective et de tirer profit présentent une évolution spécifique sur les plans de leurs différences et de leurs convergences. cognitif, moteur et affectif, qui rend particulièrement complexe la référence à l’âge réel, pourtant nécessaire. La donnée «âge» n’a donc que peu de sens pour 3. PROCESSUS DE CONSTRUCTION ET CONTENU DU caractériser cette population. Il a été néanmoins P2CJP convenu, à des fins pratiques, que le P2CJP pouvait être utilisé pour évaluer les compétences d’enfants à Une première version de l’outil a été réalisée à partir partir de trois ans. Il faut tout de même rester prudent d’une revue de la littérature existante et d’une analyse pour une utilisation avec des enfants très jeunes et des différents outils d’évaluation des compétences des adultes, l’outil ayant été testé et validé avec une cognitives classiquement utilisés. Des items correspopulation constituée d’enfants et de jeunes âgés de pondant à des dimensions de l’intelligence non évaluées 4 à 17 ans. dans les tests classiques ont été ajoutés. C’est le cas notamment de ceux mesurant les compétences socio2.4 Durée d’administration des échelles émotionnelles. Le temps moyen de passation de l’ensemble du Pour apprécier la pertinence et la cohérence des items P2CJP a été estimé à une heure par enfant et par de cette première version, elle a été expérimentée répondant. Il peut néanmoins varier selon le nombre auprès de quatorze sujets atteints de polyhandicap, de personnes sollicitées, selon les caractéristiques du par les psychologues membres du groupe auprès de sujet et selon le niveau de familiarisation du psychologue leurs collègues et des parents. Cette expérimentation avec l’outil. Les passations peuvent aussi donner lieu a permis de procéder à une analyse qualitative du à des échanges extrêmement riches, notamment processus d’administration de l’outil (pertinence des entre professionnels, ce qui en augmente parfois items, compréhension des consignes, durée de passation, considérablement la durée. intérêts et limites de l’outil). Par suite, une seconde version du P2CJP a été élaborée et mise à l’épreuve, Il est, par ailleurs, tout à fait envisageable de remplir avec pour objectif de vérifier le bienfondé des modifiles grilles en plusieurs fois, ce qui rend possible, par cations apportées. C’est à ce moment, par exemple, exemple, de proposer dans les moments interstitiels que la grille de réactivité a été introduite. aux enfants évalués des situations qui permettent d’observer des réactions ou des comportements auxquels A la suite de quoi, une seconde version a été une attention particulière n’avait pas été portée construite et a été testée pour en vérifier les qualités psychométriques, ceci auprès de 104 sujets (55 filles et jusqu’alors. 49 garçons) âgés de 4 à 17 ans. Enfin, l’échelle définitive a été construite en tenant compte de la qualité psychomé2.5 Restitution des résultats trique de l’ensemble des deux grilles. Une restitution doit être faite aux différentes personnes qui ont participé à l’évaluation (parents et équipes de professionnels), à l’occasion d’une synthèse par exemple. Il convient de mettre l’accent sur les compétences plutôt que sur les «points faibles» de l’enfant ou du jeune. Les données recueillies peu- Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 40 3.1 Contenu des échelles c) Antécédents médicaux 3.1.1 La grille de réactivité (GR) Il est nécessaire d’avoir quelques informations sur les troubles dont est atteint le sujet (troubles sensoriels, moteurs, troubles du tonus, épilepsie stabilisée ou non, TED, troubles de la relation et/ou psychopathologiques). Un rapprochement avec le médecin ou les soignants (infirmiers ou aides médico-psychologiques) de la structure qui s’occupent de l’enfant peut s’avérer utile. Il s’agit d’une grille d’observation complémentaire de l’échelle d’évaluation des compétences cognitives qui permet de repérer les compétences et limites communicationnelles de l’enfant. Cette première échelle sensibilise les répondants à l’outil, elle comprend des items qui invitent les professionnels à systématiser certaines observations, ce possiblement en lien avec les proches du sujet évalué. Aucune cotation globale quantitative n’est prévue pour ce premier support, puisque l’objectif n’est pas de savoir si l’enfant ou le jeune a un «haut» ou un «faible» niveau de réactivité, mais d’avoir son profil (point fort et point faible), ceci afin de pouvoir s’appuyer sur ses points forts pour l’aider. Les informations ainsi recueillies sont qualitatives et permettent de mieux connaître ce qui est le plus facilement mobilisable chez l’enfant. Ceci devant, par la suite, aider à l’interprétation des résultats issus de la seconde échelle, destinée, elle, à évaluer de manière quantitative les compétences cognitives. Composition a) Renseignements généraux Il s’agit de savoir qui évalue quel enfant et quel lien existe entre les deux (depuis quand l’évaluateur connaît-il l’enfant et quelle est la fréquence des rencontres entre eux). b) Consigne (il peut être nécessaire de l’expliciter davantage) «Cette grille a pour objectif d’aider à identifier les modes de communication de l’enfant polyhandicapé que vous suivez/de votre enfant. Merci de cocher les items que vous avez repérés comme étant des indices de réactivité pour cet enfant-là/pour lui. Il s’agit de réactivité lorsque l’enfant est stimulé ou lorsqu’il souhaite communiquer. Dans cette grille de réactivité, il s’agit de voir si l’enfant réagit à «quelque chose» et par quel moyen d’expression. Merci d’utiliser l’échelle en 5 points présentée en page suivante.» d) Echelle d’évaluation Les réponses se présentent sous la forme d’une échelle en 5 points : 1. réaction jamais observée. 2. réaction rarement observée. 3. réaction parfois observée. 4. réaction souvent observée. 5. réaction sytématique. e) Items Les items sont regroupés en 4 dimensions : • manifestations oropharyngées (sphère orale) – 4 items Ex : «Emissions sonores, cris, vocalises, toux, gémissements, autres…». • Mobilités faciales – 3 items Ex : «Tics, rictus, grincements de dents, etc.» • Manifestations de mobilité ou immobilité corporelle – 9 items Ex : «Mouvements de la tête (tourne la tête, la relève, la baisse, etc.)» • Manifestations tonico-émotionnelles – 10 items Ex : «Sursauts» 3.1.2 Le profil de compétences cognitives (PCC) Cet outil ne s’appuie pas sur une théorie classique du développement de l’intelligence (Huteau et Lautrey, 1999). Les sous-échelles proposées (grandes dimensions cognitives) correspondent néanmoins à des sphères classiques présentées dans les tests d’intelligence générale. Elles désignent des aptitudes ou des domaines d’expression des compétences : Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 41 • • • • • • • • Les capacités sensorielles Les capacités attentionnelles La mémoire Les capacités verbales et communicatives Les capacités d’apprentissage Les capacités spatiales Le raisonnement Les compétences socio-émotionnelles (originalité de l’échelle par rapport aux dimensions classiquement inscrites dans les tests d’intelligence générale). Ce document peut être rempli par différentes personnes pour un même sujet, en situation d’observation directe et/ou indirecte, en une ou plusieurs fois, mais toujours sous la supervision du psychologue. c) Echelle de réponses Echelle en 6 points : 0. comportement impossible compte tenu de l’état médical de l’enfant ou du jeune 1. comportement jamais observé 2. comportement rarement observé 3. comportement parfois observé 4. comportement souvent observé 5. comportement sytématiquement observé Le PCC est destiné à l’évaluation des compétences de base. Son objectif n’est aucunement d’établir un score global comparable à un «âge mental» ou à un QI, il est de recueillir des informations objectives pour ne pas passer à côté des compétences du sujet et ne pas surestimer ou sous-estimer ses possibilités. La grille se prête particulièrement à l’observation indirecte. Elle permet d’évaluer l’enfant à un moment ¨T¨ et n’a surtout pas pour objectif de figer une représentation des compétences en omettant les évolutions possibles (progrès ou régressions). Une cotation supplémentaire est prévue en cas d’impossibilité de répondre à l’item : NSP (ne sais pas). Cette cotation peut poser problème lors de l’établissement et de l’interprétation du profil. Elle fera partie des éléments retravaillés par l’équipe de chercheurs à l’initiative de l’outil. a) Renseignements généraux d) Items Renseignements concernant le sujet et l’évaluateur : identité de l’enfant ou de l’adolescent, de l’évaluateur, durée de la passation. La grille du PCC comporte 69 items regroupés en 8 sous-échelles correspondant aux grandes fonctions cognitives (capacités sensorielles, capacités attentionnelles, mémoire, capacités verbales et communicatives, raisonnement, capacités spatiales, apprentissage, compétences socio-émotionnelles). Ces sous-échelles ont été choisies pour couvrir le champ d’expression possible des compétences en tenant compte des caractéristiques médicales et psychologiques des jeunes atteints de polyhandicap. Ce sont des dimensions courantes dans les tests d’intelligence classiques. Une originalité est néanmoins apportée par la présence de la sous-échelle «compétences socio-émotionnelles». Ce registre d’expression de l’intelligence/cognition semble particulièrement adapté pour la population ici concernée, souvent en difficulté dans les dimensions plus classiques qui supposent des moyens d’expression dont les sujets ne disposent pas. b) Consigne «Nous nous intéressons ici aux capacités cognitives de l’enfant/de votre enfant. La grille est construite à partir de questions permettant de décrire différents axes de fonctionnement cognitif. Chaque question correspond à une capacité cognitive particulière. Vous devez répondre à chaque question en cochant la case correspondant à l’échelon que vous estimez correspondre au comportement de la personne évaluée/de votre enfant.» Comme pour la grille de réactivité, il peut être nécessaire, notamment avec les proches familiaux, d’expliciter davantage la consigne pour s’assurer qu’elle soit bien comprise et ainsi d’établir un climat favorable à la passation. Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 42 e) Exemples illustrant les items du PCC Pour favoriser une compréhension univoque des items, des exemples de situations ou de comportements sont proposés au sein du guide pour la plupart des 69 questions posées. Ils ont été fournis par les psychologues du groupe de travail à l’initiative de la création de l’outil. Exemples d’items pour chaque sous-échelle • Capacités sensorielles (4 items) Ex : «Réagit à un son (quand on lui parle, à de la musique, au chant des oiseaux, etc.)» • Capacités attentionnelles (6 items) Ex : «Est capable de se concentrer sur une perception corporelle (vibration, mouvement, etc.)» • Mémoire (14 items) Ex : «Reconnaît les personnes de son entourage familier» • Capacités verbales et communicatives (8 items) Ex : «Comprend des mots» • Raisonnement (8 items) Ex : «Peut repérer des catégories concrètes (couleurs, animaux, aliments, etc.)» • Capacités spatiales (12 items) Ex : «Sait reconstituer une figure ou un objet (puzzle, lego, etc.)» • Apprentissage (8 items) Ex : «Peut imiter un geste, une mimique, une action, etc. en présence d’un modèle» • Compétences socio-émotionnelles (9 items) Ex : «Perçoit les émotions des autres» Dans le cas de cet outil, on parle de décilages parce que les scores bruts recueillis (somme des chiffres correspondant aux réponses données) pour les huit dimensions évaluées sont rapportés à des scores normés allant de 1 à 10. Cela permet de différencier les sujets (évaluation individualisée) et de mieux suivre l’évolution d’un même enfant ou d’un même adolescent. La sous-échelle «capacités sensorielles» pose problème pour la construction de «normes», car elle ne comporte que quatre items. Elle manque de ce fait de sensibilité selon les critères psychométriques adoptés en consensus pour valider un outil (manque de finesse, faible pouvoir discriminant). Il est donc recommandé de traiter cette dimension à part des autres souséchelles, en complément du profil établi à partir des sept autres. Il suffit, pour finir, de reporter les scores normés établis pour chaque sous-échelle dans le graphique proposé en dernière page de l’outil, et le profil apparaît de manière plus lisible. 4. VALIDITE PSYCHOMETRIQUE Il s’agit des critères évalués pour la validation scientifique de l’outil. L’échantillon utilisé pour les analyses statistiques était constitué de 104 enfants et jeunes atteints de polyhandicap (55 filles et 49 garçons). L’âge moyen est de 11 ans et 5 mois, avec une étendue des âges de 4 à 21 ans. 4.1 Fidélité inter-juges Pour chaque item, un espace est prévu pour permettre de noter les commentaires éventuels qui complètent Différentes personnes ont été sollicitées pour évaluer la réponse de l’évaluateur (comportement réel un même sujet et le pourcentage d’accord/désaccord observé, exemple de situations vécues). entre les évaluations fournies est observé. Il s’agit de voir si les items sont suffisamment fins et discriminants pour la population qui nous intéresse. f) Etalonnages et décilages Pour la grille de réactivité, le pourcentage moyen Pour donner sens à l’évaluation, il est nécessaire de d’accord inter-juges a été de 86,91 %. On considère rapporter les scores recueillis pour chaque sous- un désaccord à partir de deux échelons d’écart pour échelle à des scores dits «normés», c’est-à-dire à des un même item. Selon les items, les pourcentages de scores qui permettent de situer le sujet évalué au désaccord varient de 0 à 43 %, les items les plus sein de la population à laquelle il appartient. C’est ce contrastés étant les items 10 («mouvements corporels processus que l’on appelle communément étalonnage. répétés») et 17 («sursauts»). Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 43 Pour le PCC, le pourcentage d’accord inter-juges moyen est de 83,31 %. Il est là-aussi satisfaisant, mais on observe une grande disparité en fonction des sous-échelles : • CS : 79 % • CA : 67 % • M : 92,44 % • CV : 90 % • R : 81 % • CSp : 90 % • Ap : 94 % • CSE : 73 % là-même, subjective et demande donc une lecture et une analyse clinique. Cette subjectivité est mise en regard et en tension avec la subjectivité de l’autre, ce qui permet des évaluations croisées riches d’enseignements et relativisant la portée de chacune des évaluations en y incluant, au niveau de l’analyse, celles des autres évaluateurs. Le poids de chacun dans cette évaluation étant le même, les différences observées n’étant pas envisagées comme témoin d’une «vérité» plus ou moins importante mais de la complexité de ce que l’enfant montre de ses compétences selon les lieux et les personnes. Les sous-échelles «capacités attentionnelles» et «compétences socio-émotionnelles» sont donc celles où les évaluations inter-juges sont les plus contrastées. La fidélité est très satisfaisante pour les autres dimensions et l’ensemble du test est scientifiquement fiable du point de vue de ce premier critère de validation. Par ailleurs, il est imaginable qu’un parent ou un professionnel raconte et se raconte ce qu’il voudrait que soit la réalité plutôt que ce qu’elle est. L’expérience aujourd’hui acquise avec l’outil amène à constater que les évaluations des parents vont dans le sens d’une minimisation du handicap. Parmi les professionnels, ceux qui côtoient l’enfant ou l’adolescent de façon journalière comme les éducateurs, les aides médico-psychologiques, construisent un profil de l’enfant souvent plus élevé que celui des professionnels qui reçoivent l’enfant de manière ponctuelle. Face à cela, personne ne peut vraiment dire s’il s’agit : d’une surévaluation ; du fait que l’enfant montre davantage de choses chez lui que face aux professionnels ; au quotidien que dans des situations moins familières ou encore si la connaissance de l’enfant permet aux proches de percevoir des choses que d’autres ne voient pas. C’est pourquoi, il est essentiel que l’évaluation soit intégrée à un travail d’inter-pensée pour chaque sujet. 4.2 Consistance interne des sous-échelles Il s’agit de juger ici de l’homogénéité des items, de voir s’ils permettent bien d’évaluer ce qu’ils sont censés évaluer au sein de chaque sous-échelle (Lavault et Grégoire, 2002). Seule la sous-échelle «capacités sensorielles», du fait qu’elle ne comporte que quatre items, ne répond pas au critère standard en termes d’analyse statistique (alpha > à .70). Les autres dimensions étudiées présentent une bonne homogénéité. La consistance interne de l’outil est donc satisfaisante et les items sont cohérents au regard des caractéristiques qu’ils se proposent d’évaluer (alpha global = .961883). Cette partie n’est pas au cœur du présent article. L’important est de savoir que le P2CJP a fait l’objet d’une validation scientifique et qu’il est donc un outil fiable pour aider les psychologues et les professionnels à avancer dans leur compréhension du fonctionnement cognitif des enfants et des jeunes atteints de polyhandicap. 5. DISCUSSION L’évaluation et la fréquence des aspects explorés des compétences reposent sur l’observation et reste, par Le P2CJP est donc un outil d’aide à l’observation systématisée qui donne les bases précieuses d’une réflexion clinique et laisse une large place aux éléments subjectifs. Il apprend de l’enfant ou de l’adolescent, mais aussi du désir de ceux qui s’engagent dans l’évaluation proposée. Du côté des professionnels qui ont testé le P2CJP comme des parents, c’est avant tout le fait de pouvoir prendre du recul par rapport à l’urgence quotidienne, de s’accorder un temps de réflexion sur les compétences des enfants qui est relevé comme étant d’un grand intérêt. Il soulève des interrogations et permet parfois de relancer des débats sur Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 44 des différences de points de vue, par exemple à propos de difficultés visuelles supposées chez un enfant. Chaque professionnel pourra apporter preuve à l’appui, à travers le support du profil, sa perception personnelle, en s’étayant notamment sur certains items de la grille «Capable de fixer son attention sur un objet ou une situation attirante», «Réagit à un changement d’expression faciale». La spécificité de la formation de certains professionnels, comme la psychomotricienne par exemple, aidera à objectiver les avis sur la question. L’utilisation de la grille doit donc pouvoir se réaliser de manière pluridisciplinaire pour extraire les compétences de chacun et ainsi optimiser une analyse globale de l’enfant ou de l’adolescent. peuvent attendre de ceux qui les accompagnent au quotidien, qu’ils mettent du sens sur leurs comportements, qu’ils n’imaginent plus que chacune de leurs réactions est nécessairement une manifestation symptomatique, qu’ils pensent en termes de capacités, de compétences, et pas seulement en termes de déficits et autres troubles et difficultés. Il en est de même pour les familles qui, quoiqu’elles maîtrisent parfois parfaitement le jargon médical et les procédures administratives, ne sont jamais sensibilisées à une approche plus ordinaire de leur enfant, moins procédurière et formalisée. Les enfants atteints de polyhandicap sont avant tout des enfants... L’outil peut également se montrer révélateur de situations plus délicates, difficilement détectables quand l’enfant n’a pas la parole, telles que des problématiques de négligence ou de maltraitance qu’elle soit au sein de l’institution ou de la famille. A travers une observation indirecte, il oblige ceux qui l’utilisent à porter une attention particulière sur l’état physique et psychique de l’enfant dans son quotidien. Bien plus qu’un outil d’évaluation cognitive, c’est donc un véritable support à l’observation clinique. CONCLUSION Les professionnels rapportent qu’ils ont l’habitude de s’intéresser aux soins à apporter : propreté, capacité à s’alimenter ou à être alimenté, qualité du sommeil… Ils ont apprécié que via ces échelles, leur attention et leur intérêt se portent sur les compétences des sujets en adoptant une démarche d’objectivation incluant leur subjectivité. Ils en sont finalement valorisés car reconnus dans la diversité des dimensions de leurs actions éducatives et rééducatives. Identifier les capacités mnésiques, sociales et émotionnelles, les possibilités d’apprentissage, de réflexivité,… sont autant de préoccupations nouvelles qui mobilisent l’intérêt et le plaisir à découvrir et à penser des professionnels comme des parents. C’est ainsi que l’outil relance la créativité, le désir de connaître les sujets, de les observer avec un regard nouveau, et permet de s’éloigner du «handicap» pour orienter l’attention conjointe non plus vers les difficultés et les déficiences, mais vers les capacités à l’origine de progressions possibles. C’est précisément ce que les sujets Le P2CJP est relativement simple d’emploi et il soutient une dynamique collective, il décloisonne les différents groupes de personnes qui interviennent auprès des enfants et des jeunes polyhandicapés de manière indépendante pour les rassembler autour d’eux et initier un travail «ensemble». La pertinence de ses résultats suppose qu’ils soient inclus dans un bilan complet, qui tienne compte à la fois de l’histoire du sujet, de ses caractéristiques comportementales et affectives. Si les grilles peuvent être remplies par différents protagonistes, l’évaluation réalisée doit rester sous la responsabilité d’une personne qui connaît le matériel, maîtrise le sens des concepts qui y sont inscrits et a conscience des enjeux d’une telle évaluation. Ainsi utilisé, les informations recueillies mettent en évidence les canaux cognitifs, moteurs et sensoriels les plus mobilisables chez chaque sujet. Il aide à repérer sa dynamique développementale puisqu’il permet de faire une réévaluation régulière des compétences. Le P2CJP ouvre sur un ensemble de questions pertinentes et novatrices dont certaines ne seraient probablement pas posées en dehors de ce cadre objectivant. Il est un support de travail, un médiateur très riche pour les professionnels, et entre professionnels et les familles, validé scientifiquement. Il invite à une véritable collaboration avec les familles. Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 45 Le P2CJP permet de mettre le focus sur les compétences qui constituent des leviers pour favoriser l’apprentissage et la mise en place de moyens adaptés aux enfants et aux adolescents atteints de polyhandicap. Il a des limites. Certains items devront être retravaillés ainsi que les modalités de cotation proposées. Des perspectives seraient également à envisager, notamment par rapport à l’évaluation des compétences cognitives des adultes polyhandicapés. BIBLIOGRAPHIE Chahraoui, K., Bénony, H. (2003). Méthodes, évaluation et recherches en psychologie clinique. Paris : Dunod. Ciccone, A. ; Lhôpital, A., (2001). Naissance à la vie psychique. Dunod, Paris. Huteau, M. et Lautrey, J. (1999). Evaluer l’intelligence. Paris : PUF. Lavault, D. et Grégoire, J. (2002). Introduction aux théories des tests en psychologie et en sciences de l’éducation (2ème édition). Bruxelles : De Boeck. Mellier, D. et al. (2002) La vie émotionnelle et souffrance du bébé. Dunod. Morris, C., Kurinczuk, J.-J., Fitzpatrick, R. (2005). Child or family assessed measures of activity performance and participation for children with cerebral palsy : a structured review. Child : Care, Health and Development, 31(4). Pereira Da Costa, M.-F. et Scelles, R. (2010). Le P2CJP : Guide à l’usage des psychologues. Paris : Editions CESAP-Formation. Scelles, R. et Petitpierre, G. (dir.) (2013). Polyhandicap : Processus d’évaluation cognitive. Paris : Dunod. Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 46