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OUTIL D’EVALUATION COGNITIVE DES ENFANTS ET ADOLESCENTS
ATTEINTS DE POLYHANDICAP : LE P2CJP
LEROY A., Psychologue, doctorante, Laboratoire Psy-NCA EA 4700
GEORGE A., Etudiante, Master de psychologie
SCELLES R., Professeur de psychopathologie, Université de Rouen, Laboratoire Psy-NCA EA 4700 (76)
RESUME
Le P2CJP (Profil de Compétences Cognitives du Jeune
Polyhandicapé) est un outil d’évaluation créé pour
répondre à une demande des professionnels qui
accompagnent les enfants et adolescents atteints de
polyhandicap au sein des établissements d’accueil.
Cet outil est un support d’observation systématisée
qui prend en compte les différents regards portés sur
l’enfant, celui des professionnels, celui de ses parents.
Il constitue ainsi un médiateur entre les familles et
les membres de l’institution. Il met l’accent sur les
compétences du sujet et permet de repérer les capacités
sources de progrès envisageables, d’apprentissages, et
d’engager un suivi longitudinal et individualisé pour
chacun. Intégré à un bilan médico-psychologique,
réalisé sous la responsabilité des psychologues, il
relance le désir et la créativité de ceux qui les aident
au quotidien. Cet article présente la méthodologie
de construction et l’intérêt et les limites de cet outil.
Il se termine en ouvrant sur une réflexion plus large sur
l’évaluation cognitive des enfants polyhandicapés.
L’évaluation cognitive des enfants et adolescents
atteints de polyhandicap fait aujourd’hui l’objet de
nombreuses demandes, à l’adresse, notamment, des
psychologues exerçant dans les établissements de
soins qui prennent en charge ces sujets. C’est pour
répondre à cette demande forte que deux associations Handas et CESAP, œuvrant toutes deux dans le
champ du polyhandicap, ont décidé de financer une
action «formation-recherche» destinée à créer un
outil qui permette de mieux repérer les compétences
cognitives des enfants et adolescents concernés.
Le P2CJP1 , fruit de ce travail qui s’est déroulé entre
2007 et 2009, sous la supervision de deux enseignantes
chercheuses universitaires avec douze psychologues
ayant une expertise dans le domaine2 3, vise à donner
les moyens aux psychologues et plus largement aux
professionnels, de mieux appréhender leur fonctionnement
cognitif dans le cadre d’un bilan médico-psychologique
complet. Il a été validé scientifiquement et publié fin
2009. Il a ensuite fait l’objet d’un travail critique par des
universitaires, étudiants et professionnels de terrain, et
sera révisé prochainement.
Mots clés : enfant, polyhandicap, évaluation, compéLe présent article vise à présenter cet outil, sa
tences cognitives, observation systématisée.
conception, ses indications, les modalités de sa passation ainsi que ses intérêts, ses limites et ses perspectives. Préalablement, il revient brièvement sur
l’importance de l’évaluation des compétences cognitives des enfants et des jeunes polyhandicapés.
1 P2CJP : Profil de Compétences Cognitives du Jeune Polyhandicapé
2 Maria Pereira Da Costa (Université Paris-Descartes) et Régine Scelles (Université de Rouen).
3 Pilotage : pour le CESAP : Christine Plivard (Directrice de CESAP Formation), Chantal Caillabet (ancienne directrice adjointe du CESAP), Eric Zola (Directeur
adjoint du CESAP).
Pour Handas : Michel Houllebrecque (Directeur de Handas), Annie Croquet (Adjointe à la direction générale de Handas).
Avec la participation des psychologues exerçant au sein des institutions CESAP et Handas : Marie d’Alençon, Claire Dietrich-Pourchot, Elisabeth DonnetDescartes, Catherine Duchas, Amélie Ducroquet, Marie-Odile Duval, Geneviève Givernaud, Bibiana Ihnat, Maryse Palchine, Caroline Quintilla et Andrée-Anne
Zazzera.
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1. CARACTERISTIQUES DU POLYHANDICAP ET
ENJEUX DE L’EVALUATION DES COMPETENCES
COGNITIVES
Les sujets atteints de polyhandicap sont le plus souvent
sans langage articulé, leur autonomie psychique et
motrice est extrêmement limitée et ils présentent une
déficience intellectuelle sévère ou profonde.
L’évaluation de cette déficience est impossible avec
les tests habituellement utilisés par les psychologues
pour réaliser des examens psychologiques. Ces
enfants et adolescents ont ainsi des manifestations de
plaisir/déplaisir, des expressions de leur souffrance ou
encore de leurs besoins spécifiques, difficilement
interprétables.
Ils présentent également des déficits instrumentaux
multiples (troubles du tonus, de la mobilité et de la
coordination, troubles visuels, auditifs, sensoriels,
neurologiques, etc.) et de nombreux problèmes
somatiques qui occasionnent fréquemment de la douleur et les contraignent à des hospitalisations répétées.
Les conséquences de ces événements sur leur vie
affective et sur leur développement cognitif sont, elles
aussi, difficilement évaluables.
Une évaluation de ces sujets ne peut se passer de la
connaissance des proches du sujet et de leur compréhension de ce qu’il vit. Les outils existants proposent
des items qui supposent souvent une autonomie que
les enfants et les jeunes atteints de polyhandicap
n’ont pas, et ces items s’avèrent insuffisamment fins
et discriminants pour être pertinents et applicables à
la population ici considérée.
Créer un outil qui soit adapté à cette population spécifique nécessite donc que soit explorée la communication non verbale, et ce de manière extrêmement
fine. L’observation rigoureuse, attentive, méthodique,
apparaît alors comme le moyen le plus fiable pour se
faire une idée au plus juste de ce que les sujets comprennent, de leurs réactions, de leurs intentions et de
la façon dont ils sont affectés par une intervention ou
une stimulation extérieure. Rictus, mouvements des
yeux, du corps, tension des membres, etc., sont
autant de signes qui aident à comprendre le sujet luimême. Il arrive que leur interprétation ne soit pas la
même selon celui qui les observe, ce qui peut avoir
des conséquences importantes dans les réponses
apportées (verbales et comportementales) et sur la
cohérence des soins. L’idée n’est pas apriori de déterminer
qui serait dans le «vrai» mais d’obliger chacun à expliciter
le fondement de son interprétation et de confronter
son point de vue avec celui de l’autre.
Il y a deux types de risques liés aux difficultés d’appréciation des compétences cognitives :
• les surestimer, ce qui amènera à proposer au
sujet des activités, desquelles il ne pourra tirer
aucun bénéfice ;
• les sous-estimer, ce qui conduit à entraver des
progrès pourtant possibles.
Dans les deux cas, l’enfant ne bénéficiera pas d’un
accompagnement optimal et ses apprentissages
seront freinés, voire rendus impossibles (Pereire Da
Costa et Scelles, 2010 ; Leroy, Dietrich, Scelles et
Pereira Da Costa, 2010).
2. CONCEPTION DU P2CJP
Pour répondre aux attentes formulées par les professionnels, l’outil devait remplir les conditions suivantes :
1. Tenir compte des difficultés et des spécificités
des sujets atteints de polyhandicap, et notamment permettre de systématiser l’observation,
méthode inévitablement privilégiée dans ce
cadre.
2. Permettre la prise en compte des appréciations
des proches familiaux et des différents professionnels qui accompagnent le sujet, tous étant
considérés comme des informateurs incontournables (Morris, Kurinczuk et Fitzpatrick, 2005).
3. Pouvoir être inscrit dans le cadre d’un bilan
médico-psychologique complet et permettre
une réévaluation régulière des compétences
de l’enfant ou du jeune afin de repérer les évolutions
possibles.
4. Rester sous la responsabilité du psychologue qui
est le garant d’une synthèse qui tient compte
des informations recueillies et du possible
impact des affects sur les réponses données.
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Pour apprécier les compétences cognitives indépendamment du support verbal souvent défaillant chez
les sujets concernés et proposer un cadre normalisé et
systématisé pour le suivi longitudinal de ces derniers,
le P2CJP se compose d’une échelle de réactivité destinée à l’identification des modalités de communication
et d’une échelle d’évaluation du profil cognitif qui
rend possible la mesure des compétences à un
temps ¨T¨ à l’aide d’indices quantitatifs et qualitatifs
standardisés.
2.1 L’observation
L’extrême hétérogénéité des tableaux cliniques que
présentent les sujets atteints de polyhandicap et les
spécificités de leur fonctionnement fait de l’observation une méthode absolument incontournable pour
qui souhaite se faire une idée de la manière dont ils
comprennent le monde qui les entoure et réagissent à
des situations ou à des interventions extérieures.
Selon Chahraoui et Benony (2003), l’observation clinique
considère qualitativement et quantitativement les
phénomènes comportementaux, idéatifs, langagiers,
émotionnels et cognitifs significatifs. L’observateur
leur donne alors un sens en les restituant dans la
dynamique psychique du sujet, dans son histoire et
dans le contexte de l’observation.
Avec le temps, les personnes les plus proches des
enfants et des adolescents concernés arrivent à décoder
certains signes, à repérer des indices, à différencier ce
qui est de l’ordre d’une communication intentionnelle,
ce qui manifeste une sensation ou encore ce qui n’est
que réflexe, peu ou mal contrôlé. C’est précisément la
confrontation entre les différents regards portés sur le
sujet qui peut être source d’une compréhension meilleure
de ce qu’il essaie d’exprimer.
L’observation systématisée n’a pas pour finalité de
passer outre les processus subjectifs et intersubjectifs
à l’œuvre entre le répondant évaluateur et le sujet,
mais au contraire d’essayer de les cerner et d’en comprendre le sens et les enjeux. Pour de nombreux spécialistes, l’observation clinique, bien que controversée
depuis toujours, reste un outil incontournable dans
des situations pathologiques impliquant une impossibilité
de mise en parole. De fait, l’observation sur laquelle
s’appuie le P2CJP s’apparente à celle réalisée auprès
de jeunes enfants. Elle considère la problématique
archaïque de la construction de l’image du corps, du
schéma corporel, ou les deux, qui mène à l’exploration
de l’espace et des objets, et prend aussi en compte les
compétences socio-émotionnelles des sujets (Mellier,
2005 ; Ciconne et al, 2001).
Enfin, l’évaluation proposée peut s’appuyer sur des
observations dites directes, c’est-à-dire l’observation
de l’enfant ou du jeune en situation, ou sur des observations dites indirectes, donc sur des informations ou
des observations rapportées d’après la connaissance
que les répondants ont de l’enfant, en dehors de la
présence de celui-ci.
2.2 Les précautions à prendre
L’évaluation rendue possible par le P2CJP est relativement simple dans sa forme et dans le traitement
des données. Il convient néanmoins d’être vigilant
quant à son utilisation à plusieurs niveaux :
• le P2CJP n’est pas un outil diagnostic,
• il est une source d’informations parmi d’autres et doit être intégré à un bilan médico-psychologique complet,
• il est possible que les proches de l’enfant évalué n’aient pas été informés du diagnostic de
polyhandicap. Une attention particulière doit
être portée à cette donnée, l’outil faisant clairement apparaître le terme «polyhandicapé»,
• si les échelles sont remplies par des professionnels et des parents, le psychologue reste le
garant de la synthèse qui sera rédigée et de la
qualité et de la conformité du protocole suivi.
• il est difficile d’imposer à l’enfant ou à
l’adolescent d’être présent au moment de
remplir les échelles et/ou de le solliciter à
outrance pour observer de manière directe
ses réactions, d’où l’intérêt d’avoir recours à
l’observation indirecte de façon privilégiée.
• il est utile d’avoir réalisé en amont, auprès du
sujet, un temps d’observation clinique du
remplissage de la grille ou bien d’avoir une
certaine connaissance de celui-ci car certains
items suggèrant des réponses pointilleuses au
sujet de l’enfant ou de l’adolescent («reconnaît des lieux qui évoquent des souvenirs
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agréables»… «reconnaît des lieux qui évoquent
des souvenirs désagréables»/ items 14 et 15).
vent tout à fait être conservées dans le dossier médical de l’enfant, nécessairement, les profils obtenus
doivent être accompagnés d’une lecture interpréta2.3 La question de l’âge
tive. Cette interprétation doit tenir compte des différentes observations, il ne s’agit pas de faire une
Il s’agit là d’une variable qui a fait l’objet de moyenne ou une synthèse des différentes grilles,
nombreuses discussions. Les enfants polyhandicapés mais de les mettre en perspective et de tirer profit
présentent une évolution spécifique sur les plans de leurs différences et de leurs convergences.
cognitif, moteur et affectif, qui rend particulièrement
complexe la référence à l’âge réel, pourtant nécessaire.
La donnée «âge» n’a donc que peu de sens pour 3. PROCESSUS DE CONSTRUCTION ET CONTENU DU
caractériser cette population. Il a été néanmoins
P2CJP
convenu, à des fins pratiques, que le P2CJP pouvait
être utilisé pour évaluer les compétences d’enfants à Une première version de l’outil a été réalisée à partir
partir de trois ans. Il faut tout de même rester prudent d’une revue de la littérature existante et d’une analyse
pour une utilisation avec des enfants très jeunes et des différents outils d’évaluation des compétences
des adultes, l’outil ayant été testé et validé avec une cognitives classiquement utilisés. Des items correspopulation constituée d’enfants et de jeunes âgés de pondant à des dimensions de l’intelligence non évaluées
4 à 17 ans.
dans les tests classiques ont été ajoutés. C’est le cas
notamment de ceux mesurant les compétences socio2.4 Durée d’administration des échelles
émotionnelles.
Le temps moyen de passation de l’ensemble du Pour apprécier la pertinence et la cohérence des items
P2CJP a été estimé à une heure par enfant et par de cette première version, elle a été expérimentée
répondant. Il peut néanmoins varier selon le nombre auprès de quatorze sujets atteints de polyhandicap,
de personnes sollicitées, selon les caractéristiques du par les psychologues membres du groupe auprès de
sujet et selon le niveau de familiarisation du psychologue leurs collègues et des parents. Cette expérimentation
avec l’outil. Les passations peuvent aussi donner lieu a permis de procéder à une analyse qualitative du
à des échanges extrêmement riches, notamment processus d’administration de l’outil (pertinence des
entre professionnels, ce qui en augmente parfois items, compréhension des consignes, durée de passation,
considérablement la durée.
intérêts et limites de l’outil). Par suite, une seconde
version du P2CJP a été élaborée et mise à l’épreuve,
Il est, par ailleurs, tout à fait envisageable de remplir avec pour objectif de vérifier le bienfondé des modifiles grilles en plusieurs fois, ce qui rend possible, par cations apportées. C’est à ce moment, par exemple,
exemple, de proposer dans les moments interstitiels que la grille de réactivité a été introduite.
aux enfants évalués des situations qui permettent
d’observer des réactions ou des comportements auxquels A la suite de quoi, une seconde version a été
une attention particulière n’avait pas été portée construite et a été testée pour en vérifier les qualités
psychométriques, ceci auprès de 104 sujets (55 filles et
jusqu’alors.
49 garçons) âgés de 4 à 17 ans. Enfin, l’échelle définitive
a été construite en tenant compte de la qualité psychomé2.5 Restitution des résultats
trique de l’ensemble des deux grilles.
Une restitution doit être faite aux différentes
personnes qui ont participé à l’évaluation (parents
et équipes de professionnels), à l’occasion d’une synthèse par exemple. Il convient de mettre l’accent sur
les compétences plutôt que sur les «points faibles»
de l’enfant ou du jeune. Les données recueillies peu-
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3.1 Contenu des échelles
c) Antécédents médicaux
3.1.1 La grille de réactivité (GR)
Il est nécessaire d’avoir quelques informations sur les
troubles dont est atteint le sujet (troubles sensoriels,
moteurs, troubles du tonus, épilepsie stabilisée ou
non, TED, troubles de la relation et/ou psychopathologiques). Un rapprochement avec le médecin ou les
soignants (infirmiers ou aides médico-psychologiques) de la structure qui s’occupent de l’enfant
peut s’avérer utile.
Il s’agit d’une grille d’observation complémentaire de
l’échelle d’évaluation des compétences cognitives
qui permet de repérer les compétences et limites
communicationnelles de l’enfant.
Cette première échelle sensibilise les répondants à
l’outil, elle comprend des items qui invitent les professionnels à systématiser certaines observations, ce
possiblement en lien avec les proches du sujet évalué.
Aucune cotation globale quantitative n’est prévue
pour ce premier support, puisque l’objectif n’est pas
de savoir si l’enfant ou le jeune a un «haut» ou un
«faible» niveau de réactivité, mais d’avoir son profil
(point fort et point faible), ceci afin de pouvoir
s’appuyer sur ses points forts pour l’aider. Les
informations ainsi recueillies sont qualitatives et
permettent de mieux connaître ce qui est le plus
facilement mobilisable chez l’enfant. Ceci devant,
par la suite, aider à l’interprétation des résultats
issus de la seconde échelle, destinée, elle, à évaluer
de manière quantitative les compétences cognitives.
Composition
a) Renseignements généraux
Il s’agit de savoir qui évalue quel enfant et quel lien
existe entre les deux (depuis quand l’évaluateur
connaît-il l’enfant et quelle est la fréquence des rencontres entre eux).
b) Consigne (il peut être nécessaire de l’expliciter
davantage)
«Cette grille a pour objectif d’aider à identifier les
modes de communication de l’enfant polyhandicapé
que vous suivez/de votre enfant. Merci de cocher les
items que vous avez repérés comme étant des indices
de réactivité pour cet enfant-là/pour lui. Il s’agit de
réactivité lorsque l’enfant est stimulé ou lorsqu’il souhaite communiquer. Dans cette grille de réactivité, il
s’agit de voir si l’enfant réagit à «quelque chose» et
par quel moyen d’expression. Merci d’utiliser l’échelle
en 5 points présentée en page suivante.»
d) Echelle d’évaluation
Les réponses se présentent sous la forme d’une
échelle en 5 points :
1. réaction jamais observée.
2. réaction rarement observée.
3. réaction parfois observée.
4. réaction souvent observée.
5. réaction sytématique.
e) Items
Les items sont regroupés en 4 dimensions :
• manifestations oropharyngées (sphère orale) –
4 items
Ex : «Emissions sonores, cris, vocalises, toux,
gémissements, autres…».
• Mobilités faciales – 3 items
Ex : «Tics, rictus, grincements de dents, etc.»
• Manifestations de mobilité ou immobilité corporelle – 9 items
Ex : «Mouvements de la tête (tourne la tête,
la relève, la baisse, etc.)»
• Manifestations tonico-émotionnelles – 10 items
Ex : «Sursauts»
3.1.2 Le profil de compétences cognitives (PCC)
Cet outil ne s’appuie pas sur une théorie classique du
développement de l’intelligence (Huteau et Lautrey,
1999). Les sous-échelles proposées (grandes dimensions cognitives) correspondent néanmoins à des
sphères classiques présentées dans les tests d’intelligence générale. Elles désignent des aptitudes ou des
domaines d’expression des compétences :
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•
•
•
•
•
•
•
•
Les capacités sensorielles
Les capacités attentionnelles
La mémoire
Les capacités verbales et communicatives
Les capacités d’apprentissage
Les capacités spatiales
Le raisonnement
Les compétences socio-émotionnelles (originalité de l’échelle par rapport aux dimensions
classiquement inscrites dans les tests d’intelligence générale).
Ce document peut être rempli par différentes personnes pour un même sujet, en situation d’observation directe et/ou indirecte, en une ou plusieurs fois,
mais toujours sous la supervision du psychologue.
c) Echelle de réponses
Echelle en 6 points :
0. comportement impossible compte tenu de
l’état médical de l’enfant ou du jeune
1. comportement jamais observé
2. comportement rarement observé
3. comportement parfois observé
4. comportement souvent observé
5. comportement sytématiquement observé
Le PCC est destiné à l’évaluation des compétences de
base. Son objectif n’est aucunement d’établir un
score global comparable à un «âge mental» ou à un
QI, il est de recueillir des informations objectives
pour ne pas passer à côté des compétences du sujet
et ne pas surestimer ou sous-estimer ses possibilités.
La grille se prête particulièrement à l’observation
indirecte. Elle permet d’évaluer l’enfant à un
moment ¨T¨ et n’a surtout pas pour objectif de figer
une représentation des compétences en omettant
les évolutions possibles (progrès ou régressions).
Une cotation supplémentaire est prévue en cas d’impossibilité de répondre à l’item : NSP (ne sais pas).
Cette cotation peut poser problème lors de
l’établissement et de l’interprétation du profil. Elle
fera partie des éléments retravaillés par l’équipe de
chercheurs à l’initiative de l’outil.
a) Renseignements généraux
d) Items
Renseignements concernant le sujet et l’évaluateur :
identité de l’enfant ou de l’adolescent, de l’évaluateur, durée de la passation.
La grille du PCC comporte 69 items regroupés en
8 sous-échelles correspondant aux grandes fonctions cognitives (capacités sensorielles, capacités
attentionnelles, mémoire, capacités verbales et
communicatives, raisonnement, capacités spatiales,
apprentissage, compétences socio-émotionnelles).
Ces sous-échelles ont été choisies pour couvrir le
champ d’expression possible des compétences en
tenant compte des caractéristiques médicales et
psychologiques des jeunes atteints de polyhandicap. Ce sont des dimensions courantes dans les tests
d’intelligence classiques. Une originalité est néanmoins
apportée par la présence de la sous-échelle
«compétences socio-émotionnelles». Ce registre
d’expression de l’intelligence/cognition semble
particulièrement adapté pour la population ici
concernée, souvent en difficulté dans les dimensions
plus classiques qui supposent des moyens d’expression
dont les sujets ne disposent pas.
b) Consigne
«Nous nous intéressons ici aux capacités cognitives
de l’enfant/de votre enfant. La grille est construite à
partir de questions permettant de décrire différents
axes de fonctionnement cognitif. Chaque question
correspond à une capacité cognitive particulière.
Vous devez répondre à chaque question en cochant
la case correspondant à l’échelon que vous estimez
correspondre au comportement de la personne évaluée/de votre enfant.»
Comme pour la grille de réactivité, il peut être nécessaire, notamment avec les proches familiaux, d’expliciter davantage la consigne pour s’assurer qu’elle soit
bien comprise et ainsi d’établir un climat favorable à
la passation.
Numéro spécial info CREAI-ORS LR n° 248 - 42
e) Exemples illustrant les items du PCC
Pour favoriser une compréhension univoque des
items, des exemples de situations ou de comportements sont proposés au sein du guide pour la plupart
des 69 questions posées. Ils ont été fournis par les
psychologues du groupe de travail à l’initiative de la
création de l’outil.
Exemples d’items pour chaque sous-échelle
• Capacités sensorielles (4 items)
Ex : «Réagit à un son (quand on lui parle, à de
la musique, au chant des oiseaux, etc.)»
• Capacités attentionnelles (6 items)
Ex : «Est capable de se concentrer sur une perception corporelle (vibration, mouvement,
etc.)»
• Mémoire (14 items)
Ex : «Reconnaît les personnes de son entourage familier»
• Capacités verbales et communicatives (8 items)
Ex : «Comprend des mots»
• Raisonnement (8 items)
Ex : «Peut repérer des catégories concrètes
(couleurs, animaux, aliments, etc.)»
• Capacités spatiales (12 items)
Ex : «Sait reconstituer une figure ou un objet
(puzzle, lego, etc.)»
• Apprentissage (8 items)
Ex : «Peut imiter un geste, une mimique, une
action, etc. en présence d’un modèle»
• Compétences socio-émotionnelles (9 items)
Ex : «Perçoit les émotions des autres»
Dans le cas de cet outil, on parle de décilages parce
que les scores bruts recueillis (somme des chiffres
correspondant aux réponses données) pour les huit
dimensions évaluées sont rapportés à des scores
normés allant de 1 à 10. Cela permet de différencier
les sujets (évaluation individualisée) et de mieux suivre l’évolution d’un même enfant ou d’un même
adolescent.
La sous-échelle «capacités sensorielles» pose problème
pour la construction de «normes», car elle ne comporte
que quatre items. Elle manque de ce fait de sensibilité selon les critères psychométriques adoptés en
consensus pour valider un outil (manque de finesse,
faible pouvoir discriminant). Il est donc recommandé
de traiter cette dimension à part des autres souséchelles, en complément du profil établi à partir des
sept autres.
Il suffit, pour finir, de reporter les scores normés établis
pour chaque sous-échelle dans le graphique proposé
en dernière page de l’outil, et le profil apparaît de
manière plus lisible.
4. VALIDITE PSYCHOMETRIQUE
Il s’agit des critères évalués pour la validation scientifique de l’outil. L’échantillon utilisé pour les analyses
statistiques était constitué de 104 enfants et jeunes
atteints de polyhandicap (55 filles et 49 garçons). L’âge
moyen est de 11 ans et 5 mois, avec une étendue des
âges de 4 à 21 ans.
4.1 Fidélité inter-juges
Pour chaque item, un espace est prévu pour permettre
de noter les commentaires éventuels qui complètent Différentes personnes ont été sollicitées pour évaluer
la réponse de l’évaluateur (comportement réel un même sujet et le pourcentage d’accord/désaccord
observé, exemple de situations vécues).
entre les évaluations fournies est observé. Il s’agit de voir
si les items sont suffisamment fins et discriminants pour
la population qui nous intéresse.
f) Etalonnages et décilages
Pour la grille de réactivité, le pourcentage moyen
Pour donner sens à l’évaluation, il est nécessaire de d’accord inter-juges a été de 86,91 %. On considère
rapporter les scores recueillis pour chaque sous- un désaccord à partir de deux échelons d’écart pour
échelle à des scores dits «normés», c’est-à-dire à des un même item. Selon les items, les pourcentages de
scores qui permettent de situer le sujet évalué au désaccord varient de 0 à 43 %, les items les plus
sein de la population à laquelle il appartient. C’est ce contrastés étant les items 10 («mouvements corporels
processus que l’on appelle communément étalonnage. répétés») et 17 («sursauts»).
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Pour le PCC, le pourcentage d’accord inter-juges
moyen est de 83,31 %. Il est là-aussi satisfaisant,
mais on observe une grande disparité en fonction
des sous-échelles :
• CS : 79 %
• CA : 67 %
• M : 92,44 %
• CV : 90 %
• R : 81 %
• CSp : 90 %
• Ap : 94 %
• CSE : 73 %
là-même, subjective et demande donc une lecture et
une analyse clinique. Cette subjectivité est mise en
regard et en tension avec la subjectivité de l’autre, ce
qui permet des évaluations croisées riches d’enseignements et relativisant la portée de chacune des
évaluations en y incluant, au niveau de l’analyse,
celles des autres évaluateurs. Le poids de chacun
dans cette évaluation étant le même, les différences
observées n’étant pas envisagées comme témoin
d’une «vérité» plus ou moins importante mais de la
complexité de ce que l’enfant montre de ses compétences selon les lieux et les personnes.
Les sous-échelles «capacités attentionnelles» et
«compétences socio-émotionnelles» sont donc
celles où les évaluations inter-juges sont les plus
contrastées. La fidélité est très satisfaisante pour les
autres dimensions et l’ensemble du test est scientifiquement fiable du point de vue de ce premier critère
de validation.
Par ailleurs, il est imaginable qu’un parent ou un professionnel raconte et se raconte ce qu’il voudrait que
soit la réalité plutôt que ce qu’elle est. L’expérience
aujourd’hui acquise avec l’outil amène à constater
que les évaluations des parents vont dans le sens
d’une minimisation du handicap. Parmi les professionnels, ceux qui côtoient l’enfant ou l’adolescent
de façon journalière comme les éducateurs, les aides
médico-psychologiques, construisent un profil de
l’enfant souvent plus élevé que celui des professionnels
qui reçoivent l’enfant de manière ponctuelle. Face à
cela, personne ne peut vraiment dire s’il s’agit :
d’une surévaluation ; du fait que l’enfant montre
davantage de choses chez lui que face aux professionnels ; au quotidien que dans des situations
moins familières ou encore si la connaissance de
l’enfant permet aux proches de percevoir des choses
que d’autres ne voient pas. C’est pourquoi, il est
essentiel que l’évaluation soit intégrée à un travail
d’inter-pensée pour chaque sujet.
4.2 Consistance interne des sous-échelles
Il s’agit de juger ici de l’homogénéité des items, de
voir s’ils permettent bien d’évaluer ce qu’ils sont
censés évaluer au sein de chaque sous-échelle
(Lavault et Grégoire, 2002).
Seule la sous-échelle «capacités sensorielles», du fait
qu’elle ne comporte que quatre items, ne répond pas
au critère standard en termes d’analyse statistique
(alpha > à .70). Les autres dimensions étudiées présentent
une bonne homogénéité. La consistance interne de
l’outil est donc satisfaisante et les items sont cohérents
au regard des caractéristiques qu’ils se proposent
d’évaluer (alpha global = .961883).
Cette partie n’est pas au cœur du présent article.
L’important est de savoir que le P2CJP a fait l’objet d’une
validation scientifique et qu’il est donc un outil fiable
pour aider les psychologues et les professionnels à avancer
dans leur compréhension du fonctionnement cognitif
des enfants et des jeunes atteints de polyhandicap.
5. DISCUSSION
L’évaluation et la fréquence des aspects explorés des
compétences reposent sur l’observation et reste, par
Le P2CJP est donc un outil d’aide à l’observation systématisée qui donne les bases précieuses d’une
réflexion clinique et laisse une large place aux éléments subjectifs. Il apprend de l’enfant ou de l’adolescent, mais aussi du désir de ceux qui s’engagent
dans l’évaluation proposée.
Du côté des professionnels qui ont testé le P2CJP
comme des parents, c’est avant tout le fait de pouvoir prendre du recul par rapport à l’urgence quotidienne, de s’accorder un temps de réflexion sur les
compétences des enfants qui est relevé comme
étant d’un grand intérêt. Il soulève des interrogations et permet parfois de relancer des débats sur
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des différences de points de vue, par exemple à propos de difficultés visuelles supposées chez un
enfant. Chaque professionnel pourra apporter
preuve à l’appui, à travers le support du profil, sa
perception personnelle, en s’étayant notamment sur
certains items de la grille «Capable de fixer son
attention sur un objet ou une situation attirante»,
«Réagit à un changement d’expression faciale». La
spécificité de la formation de certains professionnels, comme la psychomotricienne par exemple,
aidera à objectiver les avis sur la question. L’utilisation
de la grille doit donc pouvoir se réaliser de manière
pluridisciplinaire pour extraire les compétences de
chacun et ainsi optimiser une analyse globale de
l’enfant ou de l’adolescent.
peuvent attendre de ceux qui les accompagnent au
quotidien, qu’ils mettent du sens sur leurs comportements, qu’ils n’imaginent plus que chacune de leurs
réactions est nécessairement une manifestation
symptomatique, qu’ils pensent en termes de capacités,
de compétences, et pas seulement en termes de déficits
et autres troubles et difficultés. Il en est de même
pour les familles qui, quoiqu’elles maîtrisent parfois
parfaitement le jargon médical et les procédures
administratives, ne sont jamais sensibilisées à une
approche plus ordinaire de leur enfant, moins procédurière et formalisée. Les enfants atteints de polyhandicap sont avant tout des enfants...
L’outil peut également se montrer révélateur de
situations plus délicates, difficilement détectables
quand l’enfant n’a pas la parole, telles que des problématiques de négligence ou de maltraitance
qu’elle soit au sein de l’institution ou de la famille. A
travers une observation indirecte, il oblige ceux qui
l’utilisent à porter une attention particulière sur l’état
physique et psychique de l’enfant dans son quotidien.
Bien plus qu’un outil d’évaluation cognitive, c’est donc
un véritable support à l’observation clinique.
CONCLUSION
Les professionnels rapportent qu’ils ont l’habitude de
s’intéresser aux soins à apporter : propreté, capacité
à s’alimenter ou à être alimenté, qualité du sommeil…
Ils ont apprécié que via ces échelles, leur attention et
leur intérêt se portent sur les compétences des sujets
en adoptant une démarche d’objectivation incluant
leur subjectivité. Ils en sont finalement valorisés car
reconnus dans la diversité des dimensions de leurs
actions éducatives et rééducatives. Identifier les capacités mnésiques, sociales et émotionnelles, les possibilités d’apprentissage, de réflexivité,… sont autant de
préoccupations nouvelles qui mobilisent l’intérêt et le
plaisir à découvrir et à penser des professionnels
comme des parents. C’est ainsi que l’outil relance la
créativité, le désir de connaître les sujets, de les
observer avec un regard nouveau, et permet de s’éloigner du «handicap» pour orienter l’attention
conjointe non plus vers les difficultés et les déficiences, mais vers les capacités à l’origine de progressions possibles. C’est précisément ce que les sujets
Le P2CJP est relativement simple d’emploi et il soutient une dynamique collective, il décloisonne les différents groupes de personnes qui interviennent
auprès des enfants et des jeunes polyhandicapés de
manière indépendante pour les rassembler autour
d’eux et initier un travail «ensemble». La pertinence
de ses résultats suppose qu’ils soient inclus dans un
bilan complet, qui tienne compte à la fois de l’histoire
du sujet, de ses caractéristiques comportementales et
affectives. Si les grilles peuvent être remplies par différents protagonistes, l’évaluation réalisée doit rester
sous la responsabilité d’une personne qui connaît le
matériel, maîtrise le sens des concepts qui y sont inscrits et a conscience des enjeux d’une telle évaluation.
Ainsi utilisé, les informations recueillies mettent en
évidence les canaux cognitifs, moteurs et sensoriels
les plus mobilisables chez chaque sujet. Il aide à repérer sa dynamique développementale puisqu’il permet
de faire une réévaluation régulière des compétences.
Le P2CJP ouvre sur un ensemble de questions pertinentes et novatrices dont certaines ne seraient probablement pas posées en dehors de ce cadre objectivant. Il est un support de travail, un médiateur très
riche pour les professionnels, et entre professionnels
et les familles, validé scientifiquement. Il invite à une
véritable collaboration avec les familles.
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Le P2CJP permet de mettre le focus sur les compétences qui constituent des leviers pour favoriser
l’apprentissage et la mise en place de moyens
adaptés aux enfants et aux adolescents atteints de
polyhandicap. Il a des limites. Certains items devront
être retravaillés ainsi que les modalités de cotation
proposées. Des perspectives seraient également à
envisager, notamment par rapport à l’évaluation des
compétences cognitives des adultes polyhandicapés.
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