Le Périgord noir au fil de la Vézère Le Périgord noir au fil de la

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Le Périgord noir au fil de la Vézère Le Périgord noir au fil de la
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LES DÉPARTEMENTALES DU BONHEUR DE TERRASSON À TRÉMOLAT
Le Périgord noir
au fil de la Vézère
Au cœur de ce pays où l’Histoire a tracé un sacré sillon, il faut prendre
le temps de goûter la France dans sa belle respiration feuillue : des panoramas onctueux comme une cuillère tournant dans un entremets.
PAR FRANÇOIS SIMON (TEXTE) ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS )
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Un point de vue insolite
sur la vallée de la Vézère
depuis la côte de Jord.
Limeuil, le village qui
domine le confluant de la
Dordogne et de la Vézère.
S
’il est vrai qu’on
peut attendre d’un
paysage qu’il soit
vigoureux, vertueux, sportif et parfois iodé,
personne ne sera opposé à des
contrées paisibles, belles et sereines. Des lieux gagnés par une
quasi-immobilité. Celle des photos de mariés où le photographe
s’écrie : « Ne bougeons plus ! »
C’est un peu comme cela, la vallée de la Vézère. Il ne faudrait
plus bouger. D’ailleurs, pas mal
de gens le font. Ils sont comme
frappés. « C’est incurable », témoigne pensivement Bernard
Giraudel, paisible propriétaire
du Vieux Logis à Trémolat. Avec
son regard plein de malice, plissé
à la Charles Vanel, il tient à pré-
ciser : « On n’en guérit jamais.
Lorsqu’on tombe ici, c’est impossible
de se relever. » Cet homme sage
est bien placé pour le savoir :
dans ses vingt-six chambres, il a
vu passer des milliers de malades qui sont ressortis le pas
chancelant. L’un d’entre eux
s’appelait Henry Miller. Le célèbre romancier américain devait
passer une nuit dans cette hôtellerie à l’ancienne. Il arriva torse
nu et short court. Il y resta un
mois. Envoya des lettres à la
terre entière et n’eut de cesse par
la suite de ronronner de nostalgie en pensant à son Périgord.
Sur ses vieux jours, passant de
villa en villa californienne, chaque fois, il modulait son plaisir
avec la même antienne : « C’est •••
Bars. A Montignac, bifurquez vers
la droite pour rejoindre par
d’adorables petites routes (piquenique possible sur la côte de Jord,
panorama épatant) le petit village
de Bars. Dans l’ancienne école,
Olivier et Emmanuelle ont ouvert un
restaurant très plaisant
(05.53.35.31.52). Ils proposent, sur
la terrasse ou en salle, une cuisine
bistrotière joliment enlevée :
parmentier de canard, raviolis farcis
aux truffes blanches... le tout arrosé
par un pécharmant amical (22 ¤) ;
comptez par personne entre
25 et 35 ¤ (attention ! pas de carte
bancaire). A noter également,
pour les dingos du genre, un petit
musée de l’harmonium.
Montignac. Si vous devez
faire vos achats de boucheriecharcuterie, c’est l’adresse
(1, rue de la Liberté ;
05.53.50.38.08). Dominique
Pergola excelle dans sa
spécialité exclusive : les
chipolatas aux noix et au miel
(10,90 ¤ le kilo), ou encore les foies gras de canard (le bocal de 135 g : 17,70 ¤).
Le truc des connaisseurs : passer le vendredi dès l’ouverture (8 h 30),
c’est le meilleur moment de la semaine, toute la canonnade est en place
pour le week-end (8 h 30-13 h ; 15 h-19 h ; fermé le lundi). Unique.
C’est ici que l’on peut visiter une réplique des grottes de Lascaux
avec une pensée émue pour le petit chien Robot qui, accompagné
de quatre bambins, en 1940, découvrit les fameuses cavernes baptisées
par Georges Bataille la « chapelle Sixtine de la préhistoire ».
Terrasson
C’est ici que débute le petit périple sur la
vallée de la Vézère. On y trouve une adorable
petite adresse située à l’entrée des jardins
de l’Imaginaire (13 jardins thématiques
contemporains sur 6 ha, créés par
la paysagiste Kathryn Gustafson :
iris, rhododendrons, jardin d’eau, bois sacré,
tunnel végétal...). Le restaurant-terrasse
Aux Saveurs des Jardins, animé par
Stéphanie Andrieux, déroule une cuisine
thématique sur le thème des fleurs.
On retrouve ainsi des produits de terroir
agrémentés de fleurs de jardin : capucines,
centaurées, pensées, roses trémières...
Formules de 14 à 29 ¤ avec, entre autres,
le faux-filet de limousine avec un beurre
de fleur aillée, ou encore le tagine de lotte
à la violette (5, route de la Baretie ;
05.53.50.30.91). Ouvert tous les jours, sauf
le mardi en août. Rejoindre ensuite la D704
sur la gauche en direction de Condat.
Un superbe paysage
que l’on peut voir
en descendant
la Vézère en canoë.
Sergeac
L’Auberge du Peyrol, au lieu-dit
Les Sols, à 9 km de Lascaux, à
Sergeac (05.53.50.72.91). Dans
une vieille bâtisse périgourdine
restaurée, Jeanine vous attend
de pied ferme avec l’artillerie
régionale : omelette forestière,
foie gras, confit d’oie et de
canard. Noisetiers dans le jardin
pour la sieste de ceux qui auront
eu du mal à tout « assimiler ».
Comptez 30 ¤.
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Valojoulx
Si vous cherchez des
chambres d’hôtes, notez bien
cette adresse : La Licorne, à
Valojoulx (05.53.50.77.77).
Cinq chambres très
confortables (entre 65 et 72 ¤),
dont une très belle et toute
nouvelle, dans un bâtiment du
XIIIe siècle. Marc et Claire
Bosse organisent également
des stages de découverte
des plantes et de leurs petites
et grandes vertus. Ils
organisent, sous la tonnelle, des
repas de cuisine « soignée ».
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CARTE : OLIVIER CAILLEAU
Des lieux gagnés par l’immortalité
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Saint-Léon-sur-Vézère
C’est ici que se tient le restaurant Le Petit Léon,
tenu par l’affable Jean-Bernard Lavaud
(05.53.51.18.04). Comptez entre 25 et 35 ¤
pour une cuisine inspirée, réalisée cet été
par un jeune chef australien, Nick Honeyman,
passé – excusez du peu – par les cuisines
de L’Arpège et de L’Astrance, à Paris : caille
aux magrets à la lavande, filet de bœuf
et compotée d’oignons à l’indienne... Joli jardin
ombragé, c’est l’adresse du coin.
A Saint-Léon, on peut manger plus simplement
au Déjeuner sur l’Herbe (casse-croûte, tartines
chaudes, salades composées), parfait pour un
tête-à-tête avec la Vézère. Prendre du pain pour
le pique-nique à la boulangerie Christian Delmas
(05.53.50.83.87), non loin d’ici, à Peyrignac
ou encore à Condat-sur-Vézère, chez Hilario
Sampaio (05.53.51.22.29).
C’est également ici que l’on peut envisager un
périple superbe : descendre la Vézère en canoë
avec Aventure Plein Air (05.53.50.67.71 ;
de 12 à 70 ¤). On se fait déposer vers 9 h 30,
par beau temps, en amont du château de Losse.
Le courant fait le reste et vous porte jusqu’à
La Roque Saint-Christophe. Autre plan décoiffant,
les balades-baignades à cheval (une partie
du parcours se fait dans la rivière) avec
les Cavaliers de la Vézère (06.75.24.25.03).
Une balade-baignade
à cheval avec les
Cavaliers de la Vézère .
Perdez-vous,
ce n’est pas compliqué
Meyrals. En direction du Bugue,
bifurquez à gauche, vers Meyrals.
C’est ici que l’on peut dénicher les
fameuses tourtes. Sur la place de
l’Eglise, voici la boulangerie Lavesque
(05.53.29.24.08): chaque matin,
dès l’ouverture (8 h 30, sauf
le lundi), les fournées sont prêtes
(3,80 ¤ la tourte de 1,5 kg).
Trémolat. La belle étape de ce périple c’est, bien entendu, l’institution
périgourdine le Vieux Logis, une propriété agricole après avoir été un
prieuré aux XVIe et XVIIe siècles (05.53.22.80.06 ; www.vieux-logis.com),
pour ces 26 chambres (à partir de 172 ¤), richement décorées et
bénéficiant de magnifiques jardins dessinés par Laure Quoniam.
Dans ce village bucolique, le Vieux Logis, sous l’œil expérimenté
de Bernard Giraudel, offre deux tables : une gastronomique, tenue avec
application par un meilleur ouvrier de France, autour de menus à partir de
36 ¤ pour le déjeuner, 39 ¤ pour le dîner ; menu enfant à 8,50 ¤.
Juste à côté de l’hôtel, le Bistrot d’en Face (05.53.22.80.69) travaille
le terroir dans le sens du poil avec des formules établies à partir de
13,50 ¤ et une carte solide avec magret de canard, pièce de bœuf,
véritable andouillette... C’est ici que fut tourné le film Le Vieux Fusil,
avec Philippe Noiret.
Le Bugue
Chai Monique, rue de Paris (05.53.07.29.84),
constitue une bonne étape pour choisir des vins
tout en grignotant des assiettes de charcuterie.
Autre caviste réputé, propriétaire-récoltant,
Julien de Savignac, toujours dans la même
commune (avenue de La Libération ;
05.53.07.10.31 ), propose des bergeracs maison
(rouges et rosés) s’en sortant bien dans les
dégustations professionnelles. Pour nos lecteurs,
pour tout achat, et sur présentation du journal,
un tire-bouchon sommelier offert : bergerac
rouge Julien de Savignac 2006 à 5,95 ¤ et
bergerac pécharmant, château de Tiregand
(famille Saint-Exupéry) à 9,90 ¤.
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••• pas mal, mais ce n’est pas aussi
bien que dans le Périgord. »
Vous l’avez compris, on y plante
la pointe de son compas. Ensuite,
on voit passer la vie. Doucement, pleinement. Sans doute
parce que l’Histoire y a creusé un
sacré sillon, jusqu’aux tréfonds de
la mémoire. Dans la vallée de la
Vézère, tout au long de la D706,
vous serez vite gagné par cette
langueur de vivre. Pendant que
les autres régions bourdonnent
sous le knout des agglutinés, ici
on respire. Pas de charge à la hussarde, rien ne presse. « Le
deuxième jour, confie le docteur
Giraudel, mes patients oublient
leur montre dans leur chambre ; le
troisième, ce sont les médicaments. »
Autre injonction consignée sur
l’ordonnance : perdez-vous. Ce
n’est pas compliqué. On peut
prendre des chemins de traverse. N’importe lesquels. Vous
verrez, il n’y a plus un chat.
Juste la voûte des arbres, le ciel
bleu colorié. Vous voici du côté de
Bars. La route file son chemin,
grimpe une côte, celle de Jord, en
contrebas, la Vézère, apposée
comme le plat d’une épée dans le
Périgord noir. Noir, non point
qu’on y produise de la truffe, mais
la raison vient de la densité des
croix sur les cartes d’état-major.
Elles indiquaient la présence de
forêts et de bosquets. Périgord
vert, pour un peu plus de respiration ; Périgord blanc pour des
campagnes plus ajourées. Campagne, c’est même le nom d’un
village. Comme si ici, dans la vallée de la Vézère, on arrivait au
terme des mots. Comme s’il y
avait une redondance. C’est la
France dans sa belle respiration
feuillue : des panoramas rassurants, onctueux, tournant comme
une cuillère autour d’un entremets. La table ici est
décidée, fonce dans le
buffet, sauce et plastronne. C’est exactement celle d’une France
presque désuète. Donc
furieusement à la mode
dans quelques années.
En attendant cette mauvaise nouvelle, foncez, le
ciel et les routes sont dégagés.
■ FRANÇOIS SIMON
Au cœur du Périgord, le village des
Eyzies-de-Tayac-Sireuil : la France
dans sa respiration feuillue.
Retrouvez-nous la semaine
prochaine dans le pays d’Auge
de Gacé à Orbec.
Traversée de la
vallée. On approche
du village des Eyziesde-Tayac-Sireuil.
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