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Cher journal Une famille emménagea à Joinville-le pont, avenue du centenaire, au numéro 77, dans une maison délabrée aux charmes désuets. Euphorie générale, les enfants courraient dans tous les sens, se ruant dans l’escalier, direction leurs chambres. Une vraie bataille de polochons s’engagea. Les munitions devinrent plus féroces et c’était à présent les chaussures qui voltigeaient, manquant presque à tous les coups leur cible, si bien qu’une percuta le plafond et resta plantée dans une latte. A la courte échelle, les petits soldats essayèrent tant bien que mal de la récupérer. Mais celle-ci profondément ancrée refusait de se détacher. Le porteur à bout de force s’effondra laissant son cadet suspendu à la chaussure. Aussitôt, le plafond céda libérant le soulier et son acrobate dans un horrible fracas. La latte et un vieux livre poussiéreux tombèrent. Inquiétés par ce bruit sourd, les parents accoururent. La mère se rua vers ses enfants tandis que le père découvrit les dégâts et le mystérieux livre. Cher journal, Suis-je fou ? Les évènements de ces dernier jours me mènent à douter de moi-même. L’autre soir, alors que je me regardais dans le miroir, il m’a semblé apercevoir un reflet inquiétant doté néanmoins de mes traits. Cette présence inhabituelle me renvoyait cruellement à la solitude de mon quotidien : depuis la mort de mes parents, ma vie perd peu à peu de son intérêt. La seule trace qui me reste d’eux est cette grande maison vide. Cher journal, Mes soupçons se précisent de plus en plus. En rentrant des cours, j’abandonnais/ ai abandonné / quand j’ai abandonné mon sac au pied de mon miroir( , /la. Mais ) la chute de ce dernier s’est fait entendre deux fois. Quand Je me retourne pour voir ce phénomène intrigant ( / J’) et aperçois derechef mon troublant reflet qui me fixe avec un sourire machiavélique. J’ai pris peur puis dans un élan d’angoisse j’ai brisé tous les miroirs à l’exception de la psyché qui avait appartenu à ma mère que j’ai recouverte d’un drap. Est-ce votre mère que vous recouvrez ? Cher confident, Cette nuit a été cauchemardesque. J’ai entendu des voix m’appeler. La tête me tournait, mon esprit chavirait vers un état de transe. Le visage du double s’imprégnait sur mes murs et riait, riait, riait. Je me sentis attiré par une force invisible, incontrôlable et insaisissable. Ma main s’élança vers la bougie et la jeta sur le voile du miroir. Au réveil, un cercle parfait de cendres entourait la psyché qui était restée intacte. Cher journal, Ces derniers temps, je ne ressens plus la nécessité de t’écrire. J’ai de plus en plus le sentiment qu’il ne s’agissait que d’un cauchemar qui semble si lointain maintenant. Peut-être était-ce l’effet de ma solitude ? En tout cas, je ne suis plus seul à présent. Comment l’ai-je rencontrée ? Très simplement finalement. J’étais sorti de chez moi, pour effacer de mon esprit toutes mes sombres pensées. Je l’ai aperçue alors, toute tremblante et trempée jusqu’aux os qui fixait mon parapluie d’un regard envieux. Je lui ai alors proposé de l’héberger sous ce dernier. Elle ne cessa de me raconter ses histoires ennemi juré, de parapluie emporté par le vent, de présentateur météo qui était désormais son elle dérivant je ne sais comment sur son père qui possédait un local de kayaks et de bateaux à moteurs qu’il louait. Sans m’en rendre compte mon cœur s’allégea de la peur accumulée les jours précédents pour se gorger d’amour. Ses simples sourires éclips aient le reste du monde et le temps s’arrête lorsque je suis à ses côtés. Simplement prononcer son nom me fais/t frissonner : O-za-lee. Je crois que cela veut dire « soleil levant » en indien ... Elle est l’astre qui chasse les ténèbres et apporte la lumière. Je crois que je l’aime. Cher journal, J’avais tort, les ténèbres n’ont pas disparu, pas du tout. Elles attendaient juste le moment propice pour revenir en masse envahir mes pensées. Je n’en peux plus ! Je le vois partout, ce double maléfique qui m’observe en permanence et se moque de moi avec son rire, ce rire qui me noue l’estomac si fort que j’ai mal, si mal ... Mes seuls moments de répit se passent avec Ozalee. Mais nous pouvons nous voir si rarement ! Et lorsque je suis seul, ma maison se referme sur moi tel un tombeau. Mon unique source de lumière vient des bougies, mais leurs flammes se transforment en esprits qui me jouent des tours dès que j’ai le dos tourné ! J’entends leur rire fantomatique me poursuivre partout ! Chaque objet conspire avec son voisin comme les casseroles qui se jettent contre les poêles. Je suis sûr que c’est un code secret pour mieux parler aux assiettes ! En parler à d’autres personnes ne servirait à rien, elles me prendraient pour un fou. J’ai si peur, peur d’eux, de ce qu’ils peuvent me faire. Mais que va-t-il m’arriver ? Cher confident, Hier soir, je voulais inviter Ozalee « Chez Gégène », un restaurant renommé de Joinville mais tout s’est passé autrement. Nous étions encore chez moi. Tandis qu’elle était dans ma chambre occupée à retoucher son maquillage, j’étais en bas au téléphone avec Mme Anna, ma tutrice, lui expliquant que je serai absent ce soir. Tout à coup, j’entendis des murmures familiers. Au milieu de ce brouhaha incompréhensible, des cris perçant et un choc parvinrent tel un écho à mes oreilles. Je montai/s rapidement à l’étage pour m’assurer qu’Ozalee allait bien. Elle gisait là, étendue par terre avec un teint cadavérique, à moitié sonnée. Maintenant je n’ai plus seulement peur pour moi mais également pour elle. Cher journal, Pour me faire pardonner après cet épisode désastreux, j’ai retenté ma chance auprès d’Ozalee en l’amenant « Chez Gégène » dans la perspective d’un rendez-vous réussi. A peine arrivé/s, j’aperçus le Méphistophélique dans la glace de l’entrée. Paniqué, je pris Ozalee par la manche de son manteau et lui soumis d’une voix sortie d’outre-tombe de quitter les lieux. La première idée qui me vint à l’esprit fut de lui proposer une ballade au bord de la Marne. Nous nous rendîmes donc près de la rive, tirâmes une barque jusqu’au bord de l’eau et pagayâmes en direction de l’île Fanac. Une fois près de la berge, nous prîmes une photo pour immortaliser cet instant magique. Nous avons regardé ce cliché curieusement. En effet, un reflet flou dans l’eau spéculaire nous interpella dans un premier temps, puis à bien y regarder fit croître en nous une sensation d’angoisse. C’était le reflet de ma peur constante, cet autre moi, LUI. Ozalee avait enfin compris, elle ne me l’avoua pas mais la frayeur sur son doux visage parlait à présent pour elle. Je regardai partout autour de moi, je savais qu’il lui voulait du mal et qu’il ne se priverait pas de lui en faire. Mais avais-je le temps de changer le cours des choses ? Une maison abandonnée attirait Ozalee. J’essayais de l’empêcher d’y entrer, sentant bien le danger proche. Cependant, comment arrêter l’être qui la possédait ? Cela était au-dessus de mes forces. Des inscriptions gravées sur la porte me tétanisèrent : « C’est ma complice ... c’est elle qui sera la cause de ton malheur ... elle te pousse à commettre l’irréparable ... tue-la et je disparaîtrai ... » Et si elles révélaient la vérité, c’est une évidence ! C’est cette femme qui me confronte à cet créature, c’est elle qui me renvoie à lui. Je suis quelqu’un de fragile et si seul surtout. Ainsi, elle m’aurait manipulé. Sa lumière n’est rien d’autre que le crépuscule de mes jours. Tout devient plus clair maintenant. Elle m’attendait, oui c’est ça elle m’attendait. Le destin, le hasard ... ah cela me fait bien rire ! Elle avait tout prévu la garce ! Tout s’éclaircit, tout ! Maintenant que j’y pense, elle communiquait même avec lui. La psyché lui servait de passage vers cet autre monde. Le « grâce à nous » résonne clairement dans ma tête et semble enfin révéler son sens. Ils forment un NOUS qui m’aspire et me hante. Il fallait en finir, le plus vite possible. Ces introspections cessèrent aussi vite qu’elles étaient arrivées et dans un élan de fureur, je me levai et commençait à serrer son cou. Ozalee hurlait. Mes yeux pleuraient. Mes mains agissaient et ma tête ne réfléchissait plus. Elle me regardait avec un air de pitié et enfin son souffle s’arrêta. Je la lâchai. Je restai interdit, pétrifié. Un large sourire était figé sur mon visage. J’étais libre d’une liberté sans nom. Je me trouvais au bord du très profond précipice de la liberté. Je ne possédais plus rien, si ce n’est ma liberté. Dorénavant personne ne me retenait. L’histoire finit, le père dut s’assoir pour ne pas tomber à la renverse suite à la lecture de cette histoire bouleversante. A la fin du récit se trouvait, glissée entre deux pages, la fameuse photo immortalisant à jamais Ozalee, Samuël et le reflet indistinct de cet autre qu’il remarquai à son tour sans pouvoir réprimer un soubresaut d’horreur et de dégoût. Puis, il décida d’aller prendre l’air, ne cessant pour autant de serrer fort l’objet de son trouble. Il ouvrit le portail de la maison, marcha jusqu’au square le plus proche l’esprit songeur, et s’assit sur un banc. En face de lui, était assis un jeune homme qui ressemblait étrangement à la photo qu’il tenait fébrilement dans ses mains.