A la nuit tombée, ils retournèrent dans leur chambre respective et s
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A la nuit tombée, ils retournèrent dans leur chambre respective et s
A la nuit tombée, ils retournèrent dans leur chambre respective et s’accordèrent sur la marche à suivre une fois qu’ils se retrouveraient au Grisoire, plutôt que de perdre du temps à le faire là-bas. Arrivés sur place, Adam extirpa Zoé, bloquée sur le seuil de la porte. Après quoi ils se rendirent ensemble à la chambre de Kurt, comme ils en avaient convenu au téléphone juste avant de réciter la formule de protection des rêves en commun. Adam s’assit en vitesse au bureau de Kurt après avoir aidé Zoé à entrer et s’affaira aussitôt. Ben et Zoé s’occupèrent de fouiller la chambre en se la partageant en deux parties égales. Et enfin, Lucinda jeta son dévolu sur la grande armoire enchâssée dans le mur du fond, qui contenait la chaine hi-fi. Elle fit un travail digne de l’Asavaf : sa main passait sur chaque étagère essayant d’en déceler une anfractuosité qui cachait la clef du mystère ou un indice sur les intentions des Moli. Elle progressa vers les étagères supérieures en renversant à dessein quelques colifichets qui masquaient une tomaison rangée dans l’ordre. Elle épousseta du revers de sa manche le premier tome : «les aventures de Théo le Tirynien». Elle le laissa tomber au bas de l’étagère avec le reste et s’aperçut au bout d’un moment qu’elle avait complètement vidé l’armoire au pied de laquelle un monticule d’articles dépareillés atteignait une hauteur non négligeable. Elle s’immobilisa un instant et réfléchit. Finalement elle s’approcha de l’armoire et la fit tanguer, elle avec, afin d’accroître le balancement et BOUM !!! L’armoire s’écrasa sur le monticule dans un bruit assourdissant qui les fit sursauter. «Qu’est-ce que tu fais ?» «J’en étais sûre.» dit-elle en leur montrant une plaque amovible en acier détrempé au bas du mur. Elle la retira facilement, comme s’il s’était agi d’une simple feuille de papier. Dans la dépression, était apposée une caméra. Elle s’en empara et démarra l’unique vidéo qui était en mémoire, avec les trois autres près d’elle, tous certains d’y voir quelque chose qui justifierait sa place dans le mur. Un homme d’environ soixante ans au visage émacié était assis sur une chaise au milieu d’une pièce vide. Aucune expression sur son visage ; rien qui puisse présumer de son état d’esprit. Malgré son âge, il se maintenait droit sur sa chaise qui était à peine plus à l’aise qu’un tabouret d’enfant. On aurait dit qu’il n’avait pas de libre arbitre. «C’est le prophète !» remarqua Ben. Une information qu’il lâcha par surprise mais que les trois autres ignoraient. Très utile d’avoir un papivore dans ces moments-là. Un claquement de porte, un bruit de talons martelant le sol et enfin la cambrure d’une femme. Elle resta debout dos à la camera, mais ils n’eurent pas besoin d’un meilleur angle : ils savaient parfaitement qui c’était. Au fond il y avait un homme dans l’ombre dont on ne voyait que les chaussures dans l’encoignure. Ils le virent grâce à l’empeigne qui brillait. «Dites-moi ce que je dois faire pour absorber le vitos de Veguse.» demanda Madame Moli, comme si elle n’attendait aucune résistance de sa part. La mâchoire inférieure du prophète s’abaissa aussitôt comme celle d’un pantin et il dit : «Vous devez vous mettre devant le passage qui donne sur Veguse et réciter la formule de Dabu Montsi. Vous devrez aussi tenir en main un pur objet de Veguse qui servira de conducteur au vitos. Celle-ci ira d’abord dans ce réceptacle puis en vous.» Léonie prenait des notes sur son carnet. «J’ai une pierre qui vient de Veguse mais je lui ai déjà pris toute son énergie. Est-ce qu’elle fonctionnera ?» «Oui, c’est même la condition nécessaire.» «Qu’est-ce qui pourrait empêcher que je réussisse ?» «La prophétie parle d’une jeune fille, l’élue qui sauvera le monde or vous êtes celle qui le détruirez.» «Je ne vais pas le détruire. Je m’apprête à le sauver du désastre que produirait ce vitos s’il se déversait un jour sur notre monde !» «Vous ne réussirez pas à contenir cette quantité de vitos. Il vous transformera pour faire de vous un hôte plus compatible avec sa puissance illimité.» L’homme de l’ombre restait éminemment silencieux. «Qui est cette élue, où est-elle ?» «Elle vient de Terre, elle atterrira au ZFH (bien que le Centre fait tout pour qu’elle atterrisse chez eux), la prophétie ne dit pas quand.» A ce moment-là, l’homme de l’ombre s’avança et parcourut la pièce en diagonal d’un pas tranquille. «Ne vous inquiétez pas.» dit-il d’une douceur exagérée. «Mon fils s’en occupera : il appartient au ZFH.» Adam ouvrit grand les yeux. C’était son père ! La ressemblance était frappante. «Lequel ?» s’enquit Léonie. «Adam.» «Et s’il ne la trouve pas ?» «On lui fera faire une autre prophétie... » il désigna le prophète d’un mouvement du menton, «... dans laquelle l’élue est la destructrice, et celui qui la verra l’éliminera à notre place. Mais Adam la trouvera il est fort.» «Et comment il la tuera elle a forcément des pouvoirs puisque c’est l’élue.» «J’imagine qu’il lui faudra d’abord gagner sa confiance. Croyez-moi, il saura y faire. Adam a toujours plu aux filles.» La vidéo s’arrêta et le rêve en commun aussi. Le temps semblait s’être ligué à eux cette fois ci. Lucinda et Zoé se levèrent de leur lit, Ben entra dans leur chambre et ils attendirent Adam en silence. Ils ne savaient pas quoi dire à Adam si ce n’est : «Ton père va exterminer le monde». Bien sûr, Lucinda le lui avait souvent dit mais pour d’obscures raisons, elle le trouvait plus à plaindre à présent. Lorsqu’il ouvrit la porte il semblait hésitant. Il les jaugea du regard conscient que cette pièce lui serait désormais défendue. Jamais il n’avait eu l’intention de faire ce que son père disait sur la vidéo. Mais comment le leur faire comprendre ? Il était la première personne qu’elle avait vue en atterrissant à Gluonia : une coïncidence joliment incriminante. Luimême ne supportait pas ceux qui avaient l’audace de se justifier quand pourtant toutes les preuves citées à l’appui disaient le contraire. Et durant ses années au ZFH, il y avait eu foule. Il ne comptait même plus le nombre de commissions rogatoires qu’il avait enclenché. Se retirer maintenant était sans nul doute la meilleure chose à faire. «Si vous voulez que je ne m’en mêle plus, je ne dirais rien ni à Monsieur Antok ni à personne d’autres. Je ne vous ferais aucun problème.» «Non.» firent-ils d’une même voix. Il resta inerte, incrédule. «On sait très bien que tu ne ferais jamais ça.» Lucinda évita de dire «me tuer» pour éviter d’accroître l’embarras. Adam sentit un élan d’admiration le prendre à la gorge, rendant grâce intérieurement à leur lucidité, leur confiance et beaucoup d’autres choses. Lui qui avait passé ses dernières années à révéler les malfrats et les vicissitudes de gens droits parfois ! «Tu ne nous avais pas dit que tu as des frères.» dit Zoé. «J’en ai qu’un il s’appelle Alexandre.» «Je crois que tu perds de vue l’essentiel.» fit Ben à Zoé. «On aurait dû garder la pierre noire.» «Et vous avez vu comme il répondait à ses questions ? Je croyais qu’un prophète gardait enterré ce genre de secrets.» «Elle l’a soumis au sort du Marionnettiste c’est certain !» «Mais Madame Scaphe a dit que ça exigeait un très haut niveau !» «Elle l’aura sûrement atteint avec le vitos de la pierre noire.» Ils passèrent en revue ce qu’il leur restait à savoir pour arrêter Léonie, c’est-à-dire : le lieu où se trouvait le passage sur Veguse, le moyen de lui extraire l’énergie et enfin connaitre le rôle de Kurt dans tout ça.