Zoom sur la Safer - Confédération paysanne des Côtes

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Zoom sur la Safer - Confédération paysanne des Côtes
Zoom sur la Safer
Le 25 septembre dernier, l’association Agriculture paysanne
organisait une formation sur le foncier afin de comprendre
le rôle et le fonctionnement de la Safer, des commissions
consultatives des baux ruraux et des tribunaux paritaires
des baux ruraux. Synthèse dans ce numéro des mécanismes
d’interventions de la Safer, présentés par son juriste Thierry Couteller, dont l’intervention a été complétée par Michel
Houssin, paysan de la Manche responsable de la commission
« foncier » de la Confédération paysanne nationale, ainsi
qu’Erell Dagorne, juriste à l’UDSEA / Confédération
paysanne du Finistère.
Le marché du foncier agricole breton annuel représente 40 000 ha.
La moitié des surfaces sont achetées par des fermiers pour lesquelles ils disposent d’un bail de plus de trois ans et s’acquittent d’un fermage. La Safer ne peut intervenir sur ce type de transactions. Sur
l’autre moitié, la Safer peut potentiellement intervenir. En général
cela ce produit sur 25% de ces surfaces (soit environ 5 000 ha).
La Safer n’utilise son droit de préemption que dans 20% des
transactions qu’elle réalise. Les autres se font à l’amiable.
Amiable
La Safer est informée de
la vente d’un bien
(prospection du conseiller,
délégués structures, bouche
à oreille…)
Recueils d’éléments, estimation et négociation
Signature d’une
promesse de vente
La Safer peut préempter au motif d’un des objectifs suivants (sans ordre hiérarchique), sachant qu’il y a trois catégories d’exception pour lesquelles la Safer ne peut préempter : selon l’acheteur, le bien en question et la nature de
l’acte (lire encadré p.4) :
— L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ;
— L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire
des exploitations ;
— La préservation de l'équilibre des exploitations lorsqu'il est compromis par l'emprise de travaux d'intérêt public ;
— La sauvegarde du caractère familial de l'exploitation ;
— La lutte contre la spéculation foncière ;
— La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est
compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments
d'habitation ou d'exploitation ;
— La mise en valeur et la protection de la forêt ;
— La réalisation des projets de mise en valeur des paysages et de
protection de l'environnement ;
— Protection et mise en valeur des espaces agricoles et naturels
périurbains.
Certains droits de préemptions priment celui de la Safer,
c’est le cas de celui :
— des fermiers et métayers en place, de leur conjoint ou de leur
enfants à qui on cède les droits (si baux signés depuis plus de 3
ans et fermage acquitté)
— des cohéritiers bénéficiaires de l’attribution préférentielle : cas
de biens dans l’indivision exploités par un des héritiers. Il peut
demander à se faire attribuer de préférence ces terres.
— de l’Etat, des collectivités et des établissements publics
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Notification de la vente par
un notaire
Enquête locale
d’opportunité
Demande de préemption
soit d’un acheteur soit de la
part de la Safer directement
Instruction du dossier
Avis du Comité technique
Non intervention
Le droit de préemption
Afin de permettre aux Safer d'avoir une action cohérente dans le
cadre de leurs missions, la loi leur donne la possibilité de disposer
d’un droit de préemption. Elles sont systématiquement informées
des projets de vente par les notaires et peuvent acheter en priorité
de l’acquéreur initial dans un délai de 2 mois après notification. L’objectif est de revendre à un autre acquéreur dont le projet « répond
mieux aux enjeux d’aménagement locaux. »
Préemption
Accord du
Commissaire
du gouvernement
Préemption avec ou sans
révision de prix
Conseil d’administration
Décision
Préemption auprès du
notaire
La révision de
prix
Lors du processus de
préemption, si la Safer
juge le prix du bien nonconforme avec le « prix
normal » du marché, elle
peut faire une proposition de rachat en révision
de prix. A ce moment là,
le vendeur peut soit accepter le prix proposé
par la Safer, soit retirer
le bien de la vente, soit
demander une fixation
« judiciaire » du prix lors
d’une action estimative.
Acquisition et notification à
l’acquéreur évincé
Processus de rétrocession de
bien
Appel à candidature
publicité en mairie (pendant 15j)
et dans 2 journaux min (Paysan
breton et Terra)
Recueil des candidatures
Avis Commission locale
Avis du Comité technique
Accord du commissaire
du gouvernement
si le bien est issu d’une
préemption ou si sa valeur
> 75 000 € dans les cas
amiables.
Conseil d’Administration
Décision
Rétrocession du bien et
information (en mairies, candidat(s) non retenu(s) et acquéreur évincé dans le cas
d’une préemption)
Zoom sur la Safer
Dans quels cas la Safer ne peut préempter ?
Fernand Cabaret, ancien membre du Comité Technique Safer
Selon la qualité de l’acquéreur :
— des parents ou alliés (jusqu’au 4ème degré inclus), des cohéritiers ou co-indivisaires
— des salariés agricoles, aides familiaux, associés
d’exploitations majeurs (sous certaines conditions)
— des fermiers ou métayers évincés et des agriculteurs à titre principal expropriés (sous certaines conditions)
« Nous avons aussi notre rôle à
jouer au Comité Technique Safer »
Selon la nature du bien :
— Les terrains d’une surface inférieure à la surface de préemption (dès le 1er m² en Bretagne)
— Les terrains destinés à la construction, aux
aménagements industriels,
— Les terrains destinés à l’extraction de substances minérales,
— Les terrains destinés à la constitution de jardins familiaux
— Les surfaces boisées (< 2,5ha)
— Les petites parcelles (< 10ares en l’absence de
PLU ou de POS)
Selon la nature de l’acte :
— Cessions de parts ou d’actions de société
— Expropriation
— Les échanges d’immeubles ruraux conformes à
l’article L 124-1 CR
— Aliénations moyennant rente viagère versée
pour l’essentiel sous forme de services personnels
— Cession de la nue-propriété ou de l’usufruit
— Mutations à titre gratuit
— Plan de cession en cas de redressement judiciaire
« Au début des années 1980, nous n’étions que les témoins des transactions de foncier en location par notre présence en CDOA structures.
Mais, depuis plusieurs années déjà, les syndicats agricoles minoritaires représentatifs siègent aux comités techniques Safer. Notre représentant
peut ainsi donner son avis sur les dossiers de préemption et surtout sur
les rétrocessions.
Le pluralisme syndical dans cette instance décisionnelle permet d’éviter les
dérives de « petit copinage » qui peuvent rapidement arriver.
En ce qui concerne les attributions (ou rétrocessions) du foncier acquis
par la Safer, le comité technique n’a qu’un avis consultatif. En effet pour
qu’une attribution soit effective au bénéfice d’un agriculteur (installation,
agrandissement…) la décision revient au Conseil d’administration qui doit
valider l’avis du Comité technique. Cette validation se produit dans la majorité des cas.
C’est là la limite de notre participation car nous ne siégeons pas au conseil
d’administration. L’obstacle est d’ordre juridique. En effet, la Confédération paysanne n’est pas actionnaire de la Safer.
Nous voudrions bien souvent que les hectares qui se libèrent soient attribués à ceux qui ont besoin de consolider leurs exploitations. Mais ces derniers sont acquis par les plus aisés. Pour bénéficier d’une attribution Safer,
il faut être solvable et justifier de garanties bancaires. C’est là la deuxième
limite de note action.
Malgré tout je reste persuadé que nos questions pertinentes lors des débats ont souvent éviter des abus. Seule notre présence parfois suffit car
nous sommes témoins. Cela nous permet d’éviter les démantèlements
d’exploitations abusifs ou des attributions à des agriculteurs dont les
moyens de production sont déjà très conséquents.
Nous devons continuer de siéger là où se prennent les décisions qui modèlent les exploitations et les territoires. »
Rôle et origine des Safer
Les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural, Safer, ont été créées par la loi d’orientation agricole du
5/08/1960.
Ce sont des sociétés de droit privé, constituées sous la forme de sociétés anonymes, ayant une mission de service public sans
but lucratif, c’est à dire sans distribution de bénéfices. Elles sont placées sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances et relèvent des tribunaux judiciaires (tribunaux de grandes instances, cours d'appel et Cour de cassation).
Leurs missions sont :
— d’améliorer la structure foncière (installation et/ou maintien d’exploitations, accroissement de la superficie de certaines
exploitations agricole, mise en valeur des sols, aménagement et remaniement parcellaire)
— concourir à la diversité des paysages et la protection des ressources naturelles
— maintien de la diversité biologique
— Assurance de la transparence du marché du foncier.
Elles achètent des biens agricoles et ruraux puis les revendent à des agriculteurs ou des collectivités, établissements publics (Conservatoire du littoral, parcs, agences, etc...), personnes privées… dont les projets répondent
à l’objectif de ses missions.
Elles peuvent stocker des terrains et les louer temporairement à des agriculteurs.
Elles peuvent aussi réaliser des travaux d’aménagement pour améliorer les conditions d’exploitation, pour entretenir les paysages…
Ces sociétés ont une action à l’échelle régionale. Elles doivent être agréées par les pouvoirs publics. Leur agrément et leur zone
d'action sont fixés par arrêté interministériel pour une période de 5 ans, sachant que le projet est soumis en session Chambre
ainsi qu’en CDOA. Elles sont dirigées par leur conseil d’administration*, comme n’importe quelle société. Celui-ci décide, après
avis des commissions locales, des comités techniques* avant d’en aviser le Commissaire du gouvernement qui représente le Ministère de l'Agriculture et le Ministère des Finances qui garantit la légalité des opérations par un contrôle des décisions mais il ne
vérifie pas de l’opportunité de tel ou tel choix.
* lire la partie « Comment se prennent les décisions à la Safer ? », p.6
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Zoom sur la Safer
Comment se prennent les décisions à la Safer ?
Deux nouveaux
représentants au Comité Trois instances interviennent dans le processus décisionnel, en partant du niveau local,
jusqu’au niveau régional.
technique
Au niveau local :
En Bretagne, se réunissent les Commissions cantonales, organisées par le syndicat majoritaire. Elles donnent un premier avis sur les transactions et les éventuels candidats.
Ces commissions n’auraient pas d’existence légale.
Les techniciens de la Safer y apportent les éléments d'information pour éclairer les débats et les prises de position. Lorsque les avis sont approuvés à une large majorité, ils
sont entérinés par les instances siégeant par la suite (Comité Technique et Conseil d'Administration).
A noter que dans certains secteurs, des adhérents de la Conf’ peuvent être conviés à
ces commissions cantonales.
Depuis septembre, la Confédération
paysanne a renouvelé ses représentants au Comité technique Safer.
C’est désormais Bruno Le Floch
(Pommerit Le Vicomte) et
Serge Choupeaux (La Prénessaye) qui y siègent.
Si vous avez connaissance du passage
d’un dossier au Comité, il est important de nous en faire part pour défendre au mieux le dossier. Rappelons qu’aucune information quant à
l’ordre du jour nous parvient avant le
Comité. Le représentant qui y siège
découvre ainsi les dossiers lors de la
réunion.
Et il est toujours plus facile de défendre un dossier lors de son passage
que lorsqu’il faut « rattraper le
coup » par la suite !
Au niveau départemental :
Le Comité Technique Départemental, sous la conduite du Président de la Safer ou de son
représentant (vice-président et président du comité technique départemental) donne
son avis sur les projets d'attribution, les projets et sur toutes questions qui lui sont
soumises. Il est composé de :
Organisations agricoles : Chambre d’agriculture, banques et assurances mutuelles agricoles, syndicats agricoles représentatifs (Confédération paysanne, Coordination Rurale,
FDSEA, JA)
Propriétaires fonciers et forestiers, MSA et notaires.
Collectivités territoriales : Conseil régional, Conseil général, communes, communautés
de communes et association de maires,
État : le directeur départemental de l’agriculture et le directeur des services fiscaux.
En bref…
Au niveau régional :
Le Conseil d'Administration détermine les orientations de la société et constitue par ailleurs une instance de recours pour les décisions foncières. En pratique, le Directeur
Général entérine par délégation du conseil d’administration les avis des comités techniques départementaux, dès lors qu’ils sont suffisamment clairs et consensuels.
Il se compose de deux types de membres, ceux ayant un droit de vote (Chambre d’agriculture, FDSEA, Banques, Conseil Régional et Conseils Généraux) et de censeurs
(JA, Draaf, et Trésorier Payeur Général). La Confédération paysanne n’en n’est pas
membre car elle ne dispose pas de part dans la société.
4 conseillers Safer se répartissent le
territoire costarmoricain. Michel Divanac’h (Nord Ouest jusqu’à la limite
Plouha, Lanvollon et Belle-Isle en
Terre) : 02.96.94.26.14, Serge Le Gall
(COB + Bourbriac, Guingamp et Callac) : 02.96.94.26.13, Philippe Gachiniard
(Centre Bretagne jusque Chatelaudren) : 02.96.94.05.55 et Franck Faramus (Dinan + alentours de St Brieuc,
jusque Etables sur mer) : 02.96.94.57.61.
Pour joindre la Safer : 02.96.94.05.56.
Fax : 02.96.78.95.07
INITIATIVE…
Il n’y a pas que les agriculteurs qui
peuvent se porter candidat ! Un propriétaire peut aussi se porter acquéreur.
En Bretagne, la Safer comptabilise, en
moyenne, 4 candidats pour 1 ha libéré
contre 2,8 candidats à l’échelle nationale.
Évolution du prix des terres et prés libres non
bâtis
4500
4000
Ille et Vilaine
Finistère
3500
Bretagne
3000
Côtes d‘Armor
Morbihan
2500
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
2000
Source : Terres d’Europe-Scafr d’après Safer Bretagne
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Pourquoi pas un GFA ?
Une parcelle d’environ 5 ha est à vendre. Ses actuels locataires ne sont
pas intéressés par l’achat… et ne souhaitent pas qu’elles « partent à
l’agrandissement » d’autres fermes. « Nous préfèrerions que celles-ci
puissent permettre l’installation d’une personne qui a un projet en agriculture biologique. » L’idée d’un achat collectif, par un GFA
(groupement foncier agricole), fait son chemin.
Un GFA a pour but d’acquérir du foncier pour le louer à un agriculteur de son choix via un bail rural.
Un GFA peut ainsi permettre d’ôter des terres du système actuel de
spéculation, de garder des fermes à taille humaine, de relocaliser la production agricole, favoriser la vente directe, préserver l’environnement
en maintenant des surface en bio….C’est un moyen de militer pour
l’agriculture que l’on souhaite, tout comme consommer bio et d’inciter
les citoyens à devenir acteurs dans le paysages des propriétaires fonciers.
Si vous êtes intéressé(e)s par cette démarche, Claire et Yann Yobé
vous convient à une première rencontre
vendredi 6 novembre
à 20H30
La grande Goublaie à SAINT ALBAN
(sur la route entre le rond point de La croix des Landes et La Bouillie)
Tél : 02.96.32.93.69 ou 02.96.93.82.17

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