Analyse du film - Ciné
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Analyse du film - Ciné
% & - ' . ( / ) % 0 * 1 + 2 3 , 4 5 6 7 Mardi 2 juin 1998 ! " # $ $ Film italien en noir et blanc. 1958. 95 min. Titre original Scénario Photographie Musique Production I Soliti ignoti. Age, Scarpelli, Cecchi d’Amico.. G. di Venanzo. P. Umiliani. Franco Cristaldi. Interprétation Vittorio Gassman, Toto, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Carla Gravina, Claudia Cardinale. Un boxeur raté se met à la tête d'une bande de truands sans envergure dont il a évincé le chef après l'avoir fait parler du "gros coup" qu'il préparait : un audacieux cambriolage... Ce résumé pourrait passer pour l'intrigue d'un film noir, avec hold-up et sanglants règlements de comptes entre truands. Il n'en est rien. Le Pigeon est une comédie et une date dans l'histoire du genre. Il marque en effet les débuts de ce que l'on appelle La "Comédie Italienne", constituée comme genre à part entière des années 50 aux années 70, immortalisée par des réalisateurs comme Dino Risi ou Pietro Germi, et plus encore peut-être par d'immenses acteurs comme Marcello Mastroianni et Vittorio Gassman, réunis ici devant la caméra de Mario Monicelli, l'un des maîtres du genre. Les débuts de la comédie italienne L'après-guerre italien avait été marqué par l'avènement du néoréalisme (avec en 1945 le choc devant la projection du Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini), sa peinture de la misère, du petit peuple italien, et son pessimisme devant la situation sociale laissée par le fascisme. En réaction à une école qui s'essouffle dès le début des années 50, se constitue un véritable néoréalisme rose, reprenant les mêmes éléments, ancrage social, personnages humbles, décors naturels, mais sous l'angle de la farce et du grotesque. Toto est la star incontestée des années 50, dans de nombreux films où il impose un personnage d'Italien modeste pris dans d'extravagantes aventures mais pour lequel tout se termine toujours au mieux. La présence de Toto dans le (second) rôle du vieux gangsterprofesseur confirme Le Pigeon dans son statut de charnière entre deux époques de la comédie italienne. Le Pigeon : triomphe du dérisoire A sa sortie en France, le film de Monicelli laisse perplexe le critique des Cahiers du Cinéma, Jean Wagner : "Je ne crois pas que le Pigeon soit un très bon film...je suis persuadé que plusieurs visions le rendraient insupportable...Pourtant, il faut bien l'avouer, j'ai pris un très grand plaisir à ce film" (1959, n°101, p.57). Le film est d'une légèreté évidente, truffé de gags et peuplé de personnages traditionnels : le bandit fanfaron, le Sicilien, sa soeur, le jeune premier orphelin, la bonne libertine et le vieillard comique. Rien de bien neuf dans tout cela apparemment. Tout le charme et la force de ce film proviennent d'un scénario d'une grande finesse, fondé sur la thématique de l'échec, et qui atteint son apogée dans un dénouement extraordinaire qui a fait à lui seul la renommée du film. Celui-ci se distingue ainsi de la production antérieure par son aptitude à traiter de sujets dramatiques sur le ton de la bonne humeur mais sans jamais les adoucir réellement. Ainsi la situation des personnages, ratés congénitaux presque toujours en prison, provoque le rire, et non la compassion ou la pitié, tant elle leur paraît normale. La description sociale n'étant jamais appuyée, les détails prennent une saveur comique et non dramatique. Le film ouvre ainsi la voie au ton si particulier de la comédie italienne, où derrière une satire sociale hilarante et souvent féroce pointe une critique de plus en plus aiguë et amère. Le Pigeon en reste, lui, au stade du dérisoire et non de la dérision : on rit des personnages, mais ils n'en sont pas pour autant ridicules. Ce regard singulier, à mi-chemin entre la compassion et l'ironie, est aussi l'une des grandes réussites de Monicelli, servi en cela par des acteurs remarquables. Jeudi prochain 4 juin Grande première au Ciné-Club. pour célébrer à notre façon le cinquantenaire du COF, nous avons organisé une séance en plein air, à condition bien sûr que les conditions météorologiques le permettent. Dans le pire des cas, la séance aura lieu à la même heure en salle Dussane. Au programme, Le Roi et l’oiseau, magnifique film d’animation de Grimault sur un scénario et des dialogues de Prévert . Forcément magique... Mardi prochain Le Festin de Babette, film danois en couleurs de Gabriel Axel. 1987. 100 min. Il y aura sans doute une dernière séance, un film espagnol, le mardi suivant (16 juin), gratuite de surcroît, grâce à la recette de la semaine du cinéma espagnol. Les personnages : "un art du cabotinage" Il faut encore une fois saluer les qualités remarquable du scénario, qui fait proliférer autour de l'axe central (le cambriolage) une multitude d'intrigues, ou plutôt d'ébauches d'intrigues : les histoires d'amour entre Pepe et la bonne d'une part, Mario et la soeur du Sicilien d'autre part, Mario à l'orphelinat, Marcello et son bébé, le vieux voleur professeur, et enfin les tentatives répétées et toujours vaines de Cosimo pour se venger de Pepe (dont le comique "cartoonesque" rappelle les malheurs du coyote de la Warner Bros face à l'insaisissable Bip-Bip), gags pas si gratuits qui rappellent périodiquement la thématique de l'échec. Les scénaristes (dont les fameux Age et Scarpelli, légendes de la comédie italienne) offrent ainsi des cadres où peuvent s'ébattre des acteurs déchaînés, dans un "cabotinage collectif et organisé", pour reprendre l'expression de Jean Wagner. Vittorio Gassman règne sur la distribution, dans son numéro déjà très au point de fanfaron plein de projets ronflants et qui ne cesse de brasser de l'air, tandis que le jeune Mastroianni et le vieux Toto sont savoureux dans leurs seconds rôles respectifs. A noter aussi l'une des premières apparitions de Claudia Cardinale. L'attachement aux personnages est l'un des éléments principaux du plaisir que l'on prend en voyant ce film. Cosimo en donne la preuve, lui, le personnage le plus ridicule, incarnation vivante de l'échec, devient l'espace d'un instant le plus touchant. Monicelli nous offre une peinture tendre et chaleureuse du petit peuple italien. Peut-être son film n'a-t-il pas la profondeur qui fait les chefs d'oeuvres immortels, mais le ton person- nel qu'il lui imprime est indéniablement la marque d'un auteur, et non d'un simple faiseur de divertissement. Renaud Pasquier.