Printemps 2007 - Les bibliothèques de Blois

Transcription

Printemps 2007 - Les bibliothèques de Blois
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
l
’
Courants d air
>>> printemps 2007
Rappel
BAG : Bibliothèque Abbé-Grégoire
BMG : Bibliothèque Maurice-Genevoix
Bibliothèque Abbé-Grégoire
4/6 place Jean-Jaurès
41 000 Blois
02.54.56.27.58
Bibliothèque Maurice-Genevoix
Rue Vasco De Gama
41 000 Blois
02.54.43.31.13
Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs.
Réalisation graphique : service de documentation de la ville de Blois
Impression : atelier administratif de la ville de Blois
Agglopolys - Ville de Blois -Mai 2007
Courants d’air
Courants d’air vous propose une sélection établie au gré des bonheurs et des
humeurs de l’équipe. Ce qui réunit ces œuvres c’est la liberté que s’accordent
leurs auteurs. Ni «tendance», ni soumis au soit-disant goût du public. Une
proposition de plaisir visuel et sonore original et singulier.
Dans le flot des sorties hebdomadaires des films, seuls ceux bénéficiant d’une
surexposition médiatique tirent leur épingle du jeu. Des œuvres nous échappent
ainsi. Pourtant ces films nous offrent des moments uniques et la joie de
retrouver le plaisir du dialogue avec le monde, avec nous même.
S’il est difficile de trouver un itinéraire personnel dans le cinéma, la planète
musicale n’est pas plus aisée de circulation, une fois sorti des autoroutes…Elle
a explosé faisant éclore des milliers de comètes autonomes, aux noms le plus
souvent mystérieux et parfois barbares ! Devant une production pléthorique,
il est difficile de reconnaître les nouveautés aux allures de classiques ou les
incunables incontournables. En soi, des musiques «libres», différentes, ouvertes
sur le monde et qui s’adressent autant aux pieds qu’à la tête !
Heureusement il y a des séances de rattrapage ! Nous vous invitons à en
partager quelques-unes avec nous.
Arrêts sur cd
Spencer Dickinson
«The Man Who Lives
for Love»
(Yep Roc)
2 SPE
BAG
Spencer Dickinson, c’est tout naturellement
la rencontre de Jon Spencer, meneur du
Blues Explosion, et des frères Dickinson,
fondateurs du North Mississippi All-Stars.
Leur motivation première : porter le
rock’n’roll jusqu’à son paroxysme afin qu’il
soit brûlant, torride, écorché, primitif,
moite comme à ses premiers jours ! Pas
de détours ici, rien que des instruments
qui grondent et des amplis qui ronflent
desquels jaillissent des riffs musclés et
des ryhtmes concassés. Au final, il s’agit
d’un assemblage de disgressions et de
variations rock’n’roll nourries des musiques
populaires le plus souvent d’origine afroaméricaine (blues, soul, funk…) : une œuvre
habitée et pénétrante.
Jérôme Vermeille
2
Jérôme Vermeille
Cut Chemist
«The Audience’s
Listening»
(Warner Bros)
289 CUT
BAG
Arrêts sur cd
Cut Chemist, dj hors-pair officiant au
sein du collectif hip-hop Jurassic Five,
aussi alter-ego de Dj Shadow, manipule
les disques comme d’autres grattent leurs
cordes de guitare ou soufflent dans leurs
embouchures de trompette. Au moyen
de ses platines, il jongle avec les sons,
provoque des collisions improbables,
s’amuse avec des citations et saupoudre
le tout d’effets extra-terrestres ! Son
premier album est un régal auditif, ludique
et inventif, qui (ré)introduit la platinedisque au rang d’instrument de musique.
3
Arrêts sur cd
Cecile CORBEL
«Songbook.1»
Keltia Music 2006
089 COR
BMG
4
Voici une petite sélection de deux
chanteuses confidentielles qui évoluent
loin des canons actuels de la mode.
A commencer par une jeune harpiste
Bretonne, Cécile Corbel qui nous livre le
premier cahier de son livre de chansons. Et
c’est un enchantement, à l’image de tout
l’univers fantastique traversé ici : «Où l’on
croisera beaucoup d’oiseaux des corbeaux
doués de paroles, des arbres, des filles
un peu sorcières et émancipées, des
héroïnes celtiques qui attendent l’amour,
des amants séparés, une forêt magique et
pleine de secrets, un sanglier sauvage et
dévoreur d’enfants, un clerc amoureux, un
chevalier blessé, une biche blanche… ».
Influencée par Loreena McKennitt, Cécile à
la voix de rossignol a su teinter la musique
traditionnelle celtique d’ambiances plus
pop, et même proposer des incursions vers
Lionel Bordes
Arrêts sur cd
le monde méditerranéen. D’ailleurs elle se plaît à considérer son
oeuvre comme de la musique celtique éclectique. Elle commence juste
à prendre son envol et outre de nombreux festivals celtiques et fêtes
médiévales en France, a eu déjà l’occasion de se produire aux EtatsUnis lors d’une tournée en Louisiane. Aujourd’hui, elle enseigne aussi la
harpe en cours particuliers.
«Avant de monter sur scène, j’ai envie de m’enfuir en courant. Mais une
fois dessus je me sens heureuse.» C’est la marque des grands !
5
Arrêts sur cd
La Bergère
«Fi de l’eau»
Le roseau / Harmonia Mundi
2006
099 BER
BMG
6
Derrière ce nom un peu énigmatique,
les amoureux des voix magiques vont
découvrir Sylvie Berger, accompagnée
de ses deux musiciens, le guitariste /
bouzoukiste Julien Biget et l’accordéoniste
diatonique Emmanuel Pariselle. Née en
1961 dans l’Allier, elle commence à dix
ans à chanter dans un groupe d’arts
et traditions populaires, «la jimbr’tée
bourbonnaise». Puis elle rejoint le
quintette vocal «Roulez Fillettes»* et
participe à des projets mêlant jazz, danse
et musique contemporaine. Elle chante
aussi sur plusieurs volumes de l’Anthologie
de la chanson traditionnelle avec Marc
Robine. Sa rencontre avec l’ex Malicorne
Gabriel Yacoub est déterminante et celui-ci
signe la moitié des textes du «fi de l’eau».
L’appellation «attention chef d’œuvre»
n’est pas ici usurpée. Ce deuxième CD nous
Lionel Bordes
* Roulez Fillettes / «Depuis des lunes» / 099 ROU / BMG
Arrêts sur cd
transporte dans un univers poétique, un peu autobiographique, ou
la «limonade coule à flots» (une reprise de Dick Annegarn) pour la
fillette rêveuse, jusqu’au nostalgique «saison des fruits rouges» de
la femme mûre. Une dizaine d’invités viennent enrichir le trio avec
cornemuses, autoharpe et vielle à roue, pour un résultat éblouissant,
revigorant. Et, joli clin d’œil, si vous écoutez bien les dernières
paroles de la chanson «Saint-Jean», vous devinerez « Une branche de
chasse-diable et La Bergère à l’Elysée» !
Autre CD disponible à la biliothèque
«Ouvarosa» (2002) / L’Autre Distribution / 099 BER / BMG
7
Arrêts sur cd
8
Allan Pettersson
«Symphonie n° 8»
4 PET
BAG
Allan Pettersson est né à Stockholm en
1911 dans une famille pauvre. Résolu à
faire de la musique, il réussit à acheter son
premier violon à douze ans en vendant des
cartes postales (mais sans les crayons).
Au terme de son existence, il aura composé
17 symphonies, des concertos et une
quantité de pièces de chambre. Altiste
«sans envergure» dans l’Orchestre de
Stockholm dans les années 50, il est
déterminé à composer. Il suit donc les
cours de composition de René Leibowitz
et d’Arthur Honegger à Paris.
Le groupe central de ses symphonies (no 6 à 9)
se caractérisent par un profond lyrisme. Un
langage orchestral complexe faisant appel
à la virtuosité de chaque instrumentiste
produit une musique anguleuse, âpre
sans concession à la sentimentalité, sans
posture dans les procédés employés.
Emmanuel Schmitt
Arrêts sur cd
Honnêteté, sincérité, complexité du matériau orchestral ne peuvent
laisser indifférent.
L’œuvre d’Allan Pettersson est couramment jouée dans les pays du Nord
de l’Europe et Anglo-saxons mais reste trop rare ailleurs. Et la valeur
du témoignage laissé par l’auteur est inversement proportionnelle à sa
diffusion.
Pour conclure, je reprendrai à mon compte cette phrase d’Igor
Stravinsky à propos d’un célèbre compositeur viennois pour l’appliquer
à Pettersson : «Le solitaire qui, ignoré par son entourage, taille ses
diamants, bravement et courageusement».
Le prix de l’insoumission ?
Autre CD disponibles dans les biliothèques
Allan Pettersson.
«Symphonie n° 13» - 4 PET - BAG
«Concertos pour orchestre n° 1-3» - 4 PET - BAG
9
Arrêts sur cd
10
Kayhan Kalhor
«The Wind»
028 KAL
BAG
L’improvisateur Kayhan Kalhor est un
maître incontesté de la «kamancha»
(«petit arc» en persan). Il s’agit d’un
petit violon sur pique se pratiquant
verticalement avec un archet et dont
les inflexions s’apparentent à celles du
violoncelle.
Né à Téhéran en 1963, Kayhan Kalhor
est initié très jeune aux mystères de
la musique persane. Ses collaborations,
lors de concerts mémorables, avec le
violoncelliste Yo Yo Ma, le Kronos Quartet,
le sitariste indien Shujaat Husain Khan ou
ici avec Erdal Erzincan (luth-Turquie) sont
un enchantement pour tous.
Grâce à une profonde connaissance des
cultures musicales (Turque, Kurde, Indienne
et Iranienne), Kayhan Kalhor touche au
cœur par le chant de sa «kemenché».
Il nous fait partager sa conception de
Emmanuel Schmitt
A écouter et à voir
Kayhan Kalhor - «Ghazal» - 028 KAL - BMG
Kayhan Kalhor - «Scattering Stars like Dust» - 028 KAL - BMG
Whithout you - «Masters of Persian Music» - O28 ANT - BMGS
Arrêts sur cd
l’harmonie universelle et l’espace d’une seconde, elle est là, on y croit
et c’est bon…
«Anthologie de la poésie Persane» - Z. Safâ - 891.5 SAF - BAG
11
Arrêts sur images
12
C’est sans doute à l’image du plus profond
de son organisation cellulaire que l’homme
façonne le décor de sa cité et de la vie
sociale qui s’y déroule. Car l’agencement
de nos cellules intimes est à l’image de
l’organisation de nos villes, de nos rues et
le grouillement en apparence désordonné
du flot urbain n’est que le reflet du
grouillement cellulaire, c’est-à-dire des
communications, des développements
et des conflits qui s’y déroulent. Quel
est donc ce théâtre intime et quel en
est son répertoire ? Le chercheur Peter
Peter Friedman et Friedman et le cinéaste Jean-François
Jean-François Brunet Brunet tente de répondre en produisant
un film divertissant et surprenant. C’est un
«Une mort programmée» curieux collage métaphorique d’extraits
DVD
de films (comédies hollywoodiennes, films
570 FRI
fantastiques…) et de films scientifiques
BAG
(coupes et cultures cellulaires…). Et la
Philippe Leclert
Arrêts sur images
surprise est grande : c’est la même chose, le même déroulement.
Les cellules/acteurs naissent, communiquent, travaillent, se battent,
meurent. Car pour avoir du vivant, il faut de la mort, pour avoir
des processus de transformation, il faut de la disparition ; il
faut des cellules qui se suicident parce qu’elles ne reçoivent plus
de la part de leurs semblables l’ordre de vivre et leurs morts
serviront à une organisation nouvelle, une orientation nouvelle.
Par l’intermédiaire de ce film documentaire, sorte de grand rêve
scientifique et cinématographique, nous passons du microcosme au
macrocosme avec une aisance déconcertante, et nous découvrons à
quels processus incroyables de transformation nos cellules et donc
nous-mêmes sommes livrés.
13
Arrêts sur images
Yves Saint Laurent : «Le Style»
14
David Teboul
«Yves Saint-Laurent»
381 SAI
BAG
La haute couture, celle qui rend la femme…
femme et qui peut prétendre à être
reconnue comme un art : au plus large de
l’appellation, reste un privilège de rareté
symbole de mille richesses.
Yves Saint Laurent est un magicien, un
artiste de nature instinctive et exacerbée,
il a le pouvoir de créer, mais dit «être
resté proche du monde de l’ enfance et de
l’ adolescence».
Sa création est douloureuse, car vécue
de l’intérieur, il ne part jamais avec une
idée fixe, il dessine dans l’instant, c’est
une création sans vision : à l’état pur, qui
jaillit comme un miracle perpétuel !
Grand admirateur de la femme, il fait donc
hommage au corps de la femme en priorité,
il pense la femme et ne travaille que sur
Arrêts sur images
des mannequins «vivants» à peau noire en général.
Son travail est basé sur l’ aisance et l’ attitude de ses mannequins.
C’est un homme qui porte la nostalgie en lui et qui avoue «ne pas aimer
la haute couture d’ aujourd’hui».
Ses modèles sont un hymne à la jeunesse et la beauté.
Ce grand maître de la haute couture qui a officié pendant plus de
quarante ans, a longtemps privilégié le style «androgyne» par sa
vision du tailleur.
Yves Saint Laurent a beaucoup travaillé sur les contrastes de deux
couleurs : le noir et le blanc pendant de longues années, puis la
couleur lui est apparue l’ hors d’un voyage au Maroc, à Marrakech plus
particulièrement.
Il s’est donc inspiré de la couleur et de la lumière particulière à ce
pays pour coloriser ses créations
Il cite cette phrase «Pour parvenir à la lumière il faut passer par
l’ombre» , en réussissant à dompter le noir et le blanc il fit jaillir la
couleur !
Faisant partie des grands créateurs qui trônent au sommet de
leur art et qui ont derrière eux des années de collections tels :
Christian Dior, Chanel, Nina Ricci, Pierre Balmain, Hubert de Givenchy,8
15
Arrêts sur images
16
8Edward Molyneux, Christian Lacroix, Pierre Cardin, Jean Louis
Scherrer, Cristobal Balanciaga...
La couture est un apprentissage qui prend sa source à l’origine d’une
véritable vocation, ses ouvrières sont vouées à leur métier et leur
créateur.
Lors des présentations de leurs modèles au cours de prestigieux défilés
de mode, les podiums de ces talentueux créateurs brillent aussi grâce
aux accessoires et broderies rares (savoir faire d’artisans en voie de
perdition) : le summum entre belles matières et belles finitions.
Par cet écrit je tiens à rendre hommage à un des grands maîtres
de la haute couture qui a quitté le métier le 7 janvier 2002 pour
laisser un grand vide mais aussi beaucoup d’ espoir pour les créateurs
contemporains
Une de ses plus belles citations : «La mode passe, le style demeure».
Noëlle Fleury
Dans le «Courant d’Air» d’automne, nous
parlions du cinéaste belge André Delvaux
pour saluer son oeuvre. Toutefois, dans
une carrière de créateur, peuvent se
glisser quelques réalisations mineures,
comme par exemple «Rendez-vous à Bray».
Mais arrêtons-nous, pendant plusieurs
lignes, sur un «bonus de 10 minutes» qui
accompagne ce titre.
La poésie qu’on ne sollicite pas et qui
se montre par là où ne l’attend pas,
est sans doute la plus significative parce
que venant d’un ailleurs sur lequel notre
conscient n’étend pas ses restrictions. Il8
Reportage R.T.B.F
sur le tournage de
«Rendez-vous à Bray»
DV DEL
BAG
Arrêts sur images
Valeur de «l’inachevé» ou mieux encore
de «l’inachevable»
Ou, quand un «bonus» va plus haut que
«son film»
17
Arrêts sur images
18
8y a des «ratés» plus valables que des «réussites» celles-ci s’opérant
toujours précisément dans une limite.
Donc André Delvaux tourne dans une vieille demeure «Rendez-vous à
Bray». C’est une pleine nuit d’hiver. L’équipe a froid. Pour se réchauffer,
elle allume un grand feu dans la cheminée du salon, mais le feu se propage
à la maison. Le décor brûle sous les yeux du cinéaste qui, dans un grand
désarroi, songe à une catastrophique fin de carrière. Une équipe de la
R.T.B.F. se trouve là par hasard, elle «tourne» son reportage au débotté,
sans son synchro et dans la pagaille que suscite un violent incendie.
Il en résulte une fable métaphysique d’une grande force poétique, d’un
achevé-inachevable, d’une précision imprécise, qui pourraient être le
propre de toute création cinématographique : nous faire voir sans nous
montrer. Et puis quelle leçon! Le cinéma s’est vengé, il a brûlé où fait
brûler par ses serviteurs mêmes, le convenu d’un carton-pâte dans lequel
s’agitent des «actants», pour y introduire une vérité de vie plus forte
que celle que l’on prétendait filmer. Pendant quelques minutes, le cinéma
devient à travers ce reportage un outil de prospection qui cherche de
l’or, un cinéma qui ne nous parlerait pas de métaphysique mais serait
métaphysique, un cinéma qui dissocie le son de l’image pour créer un
espace nouveau et qui n’est pas là pour une séance d’enregistrement de
* Antonin Artaud «Cinéma et réalité, 1927».
A voir
Deux grands films «inachevés» : Une partie de campagne de J. Renoir
(V REN) et Que viva Mexico ! de S.M. Eisenstein (DV EIS)
Ou encore, l’un des plus beaux cas de films «achevé/inachevable» : La
Jetée, un court-métrage de Chris Marker (DV MER).
Arrêts sur images
choses déjà mortes puisque imitées.
Il y a dans ce vieux document de la RTBF comme une solution d’avenir pour
un art qui doit se réinventer pour un siècle nouveau et ne plus être «cette
sorte d’art véniel hybride qui s’obstine à traduire en images plus ou
moins heureuses des situations psychologiques qui seraient parfaitement
à leur place sur une scène ou dans les pages d’un livre, mais pas sur
l’écran […] non pas que le cinéma doive se passer de toute psychologie
humaine : ce n’est pas son principe, bien au contraire, mais de donner à
cette psychologie une forme beaucoup plus vivante et active, et sans ces
liaisons qui essaient de faire paraître les mobiles de nos actes dans une
lumière absolument stupide […]».*
Philippe Leclert
19
Arrêts sur images
20
En mer de Sicile, la vie est âpre pour
ce groupe de pêcheurs napolitains qui
traverse clandestinement les frontières
de navigation entre la Sicile et l’Afrique
du nord, dans l’espoir de trouver les
meilleures prises. Au péril de leur vie,
le capitaine veut pousser l’embarcation
dans les eaux territoriales africaines.
Après avoir échappé de justesse à la
police tunisienne, les pêcheurs décident
de rentrer chez eux, près de Naples.
Vincenzo Marra
«Tornando a casa»
DV MAR
BAG
Vincenzo Marra
« Mon film vient de la nécessité de raconter
deux mondes, deux mondes en conflit
permanent mais aussi solidaires. Je voulais
montrer la rage, le mécontentement des
gens du sud, et l’extraordinaire solidarité
qui les unit. […] Les pêcheurs du Sud
de l’Italie sont contraints de ne pas
Isabelle Volut
Arrêts sur images
respecter leur zone de pêche à la recherche d’eaux plus poissonneuses.
S’ils sont interceptés, on leur tire dessus.
De l’autre côté de la mer (au Nord de l’Afrique), il y a tout un monde
en quête d’une vie meilleure qui cherche à émigrer clandestinement.
Depuis longtemps déjà, cette mer est devenue le dernier obstacle à
franchir avant d’atteindre le bonheur tellement rêvé.»
21
Arrêts sur images
22
Du rêve de l’autre,
de sa figure
et de son positionnement
(ou : le désir de convaincre)
«Parce que dès qu’il y a rêve de l’autre, il y a danger. A savoir
que le rêve des gens est toujours un rêve dévorant qui risque
de nous engloutir. […]. Et que le rêve est une terrible volonté
de puissance, et que chacun de nous est plus ou moins victime
du rêve des autres […]. Méfiez-vous du rêve de l’autre, parce
que si vous êtes pris dans le rêve de l’autre, vous êtes foutu.»
Extrait de la conférence de Gille Deleuze, donnée à l’Ecole
Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son,
le 17 mai 1987.
Robert Bresson
«Journal d’un curé
de campagne»
V BRE
Arrêts sur images
Journal d’un curé de campagne
Un jeune curé est nommé dans une petite
paroisse, Ambricourt, située dans la rude
campagne d’Artois. Il s’entête à conquérir
la confiance de ses paroissiens, mais ceux-ci
opposent quelques résistances à l’image de
Séraphita, une petite fille qui se moque de
lui à la sortie du catéchisme. Régulièrement,
le prêtre note dans un journal intime, ses
difficultés, ses interrogations. Il confie
également ses états d’âme et ses problèmes
de santé à son confrère le curé de Torcy.
Ce vieux prêtre, une âme pratique et solide,
lui recommande d’aller se faire ausculter
par le docteur Delbende et surtout de
ménager des paroissiens déjà suffisamment
en proie à des soucis matérialistes. Le curé
d’Ambricourt n’écoute pas son confrère,
continue à se nourrir de pain et de vin (un
héritage d’ «alcoolisme familial») et se8
BAG
23
Arrêts sur images
24
8met à dos le comte d’Ambricourt, qui a pour maîtresse la préceptrice
de sa fille. La mère de celle-ci est une femme brisée, qui a perdu
la foi après le décès de son jeune fils. Le curé, qui apprend le
«suicide ?» de Delbende, va jeter toutes ses forces dans une bataille
qui consiste à ramener la comtesse à la foi. Il réussira son entreprise
mais celle-ci décède d’une crise cardiaque la nuit suivante. On tient le
jeune prêtre pour responsable. Il décide de partir à Lille où un médecin
lui diagnostique un cancer de l’estomac. Il trouve refuge chez un ancien
ami, prêtre défroqué, vivant avec une femme. Il meurt en leur compagnie
et termine sa vie en prononçant ces mots : «tout est grâce».
On n’oubliera jamais le visage de cet enfant tourmenté, idéaliste, un
peu orgueilleux (par défense) qui cherchera vainement une grandeur
rédemptrice dans la boue et la neige d’Artois. En forçant la comtesse à
retrouver la foi, il la fragilise par un choc en retour qui pourrait bien
être la cause de sa crise cardiaque. Il meurt à son tour, vaincu par un
cancer, car il aura cherché à prolonger une trace familiale trop ténue,
par un sillon trop profond. Son dernier souffle, le curé le consacre à un
grand cri d’amour («tout est grâce !»). Il importe toujours de mourir
sans haine.
Le film de Bresson est plus qu’une simple adaptation, c’est un
Léon Morin prêtre
Durant l’occupation, une femme, veuve et ancienne militante
communiste, va se confronter à un jeune prêtre afin de lui signifier
sa haine de la foi et sa liberté. Mais le prêtre, sûr de lui et de
sa rhétorique, anticonformiste, charismatique et plein de charme,
saura établir une relation dont, détachement aidant, il ne sera jamais
prisonnier et dont on peut croire qu’il sortira également vainqueur
tant l’assurance de la femme sera ébranlée. Rendez-vous après rendezvous, conseils de lecture après conseils de lecture, Léon Morin gagnera
la confiance de sa visiteuse par une vision moderne d’un christianisme
dépoussiéré. Mais le prêtre doit déménager. Entrant une dernière fois
à la cure pour monter dans un appartement qu’elle découvre vide,
la femme est fragilisée par l’idée de la perte de son confident,8
Arrêts sur images
éblouissant exercice d’abstraction, d’invisibilité, de dépouillement,
de jeu neutre. Rarement un film aura été autant à la hauteur de son
texte (le roman de Bernanos) car les mots changent véritablement
de nature et deviennent des images, des images puissantes où la
boue n’existe que parce que le ciel lui fait face. Après ce film,
l’histoire du cinéma ne sera plus tout à fait la même…
25
Arrêts sur images
26
Jean-Pierre Melville
«Léon Morin prêtre»
V MEL
BAG
8jusqu’au moment où celui-ci surgit dans
la pièce. Un ultime entretien a lieu où
elle livre encore quelques interrogations
sur ses contradictions. Léon Morin lui
répond : «Les contradictions sont surtout
dans votre esprit» et la qualifie gentiment
de «Seigneur Taupe». La femme quitte
à regret un homme dont elle était
amoureuse. Mais on sent dorénavant, pour
elle, un chemin possible...
La position neutre de Léon Morin,
thérapeute de l’âme, son dynamisme et sa
bonne santé fait de ce prêtre une figure
très particulière qui n’a rien de christique.
Il ne vas pas chercher ses âmes. Elles
viennent à lui, attirées par une sorte
de personnalité concave qui permet la
symbiose. Ce ne sont pas les lectures qu’il
propose, elles ne sont que supports, ce
ne sont pas les informations qu’il donne,
Arrêts sur images
ce ne sont que paroles, c’est en quelque sorte et avant tout son
propre positionnement qui engendre la réponse. Au contraire du Curé
d’Ambricourt, qui contraint plus ou moins les âmes au risque de les
faire se rompre, Léon Morin permet plutôt une chance qui sera saisie
(ou pas), par celui ou celle qui la cherche.
Si le film de Melville, tiré du roman de Béatrice Beck, est
loin d’atteindre la force de celui de Bresson, car il constitue
plus simplement un théâtre de la parole qui n’a rien de très
cinématographique, on peut tout de même lui trouver un grand
charme. Loin des figures policières glaçantes* et maintenant
un peu vieillies (mais paradoxalement pleines de qualités
cinématographiques), qui feront plus tard sa réputation, Melville a
tenté une entreprise un peu risqué en confiant le rôle du prêtre à
Jean-Paul Belmondo. Mais revoir celui-ci dans une emploi inattendu,
nous permettra de garder en tête l’idée qu’à côté du «Gigolo»
existait un Léon Morin, prêtre, autrement plus convaincant.
Philippe Leclert
* «Le Doulos», «Le Samouraï», etc…
27
Un numéro Courants d’air
spécial adhérents cet automne !
Vous avez «rencontré» une œuvre musicale ou
cinématographique empruntée dans les bibliothèques de Blois
ces derniers mois ? Celle-ci vous a profondément ému ? Vous
souhaitez faire partager votre découverte ?
Alors, sans plus attendre, empoignez votre plume ou votre
clavier et rédigez une chronique qui pourra figurer dans le
prochain numéro de «Courants d’air automne 2007» !
Ce numéro sera entièrement le vôtre et contribuera à célébrer
les «10 ans» de la bibliothèque Abbé-Grégoire !
Attention !
Le texte répond toutefois à quelques exigences : votre choix
convergera davantage vers une œuvre singulière n’ayant pas
fait l’objet d’une grande médiatisation. Il se situera entre 800
et 1500 caractères (espaces compris)*.
La participation est ouverte jusqu’au 31 août 2007 inclus.
Le dépôt des textes se fera :
» dans la section «Musique & cinéma»
des bibliothèques de Blois
ou
» par mail :
[email protected]
ou
» par voie postale :
Bibliothèque Abbé-Grégoire
section «Musique & cinéma»
4/6 place Jean-Jaurès - BP 10 - 41003 Blois cedex
Renseignements complémentaires au
02 54 56 27 58 ou 02 54 56 27 67
* Les bibliothèques de Blois se réservent le droit de publication.
Bibliothèque Abbé-Grégoire - Place Jean-Jaurès - 41000 Blois
Téléphone : 02.54.56.27.40 ou 02.54.56.27.58
Bibliothèque Maurice-Genevoix - Rue Vasco-de-Gama - 41000 Blois
Téléphone : 02.54.43.31.13 ou 02.54.43.00.96
Site Internet : www.ville-blois.fr/bib

Documents pareils