Printemps 2007 - Les bibliothèques de Blois
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Printemps 2007 - Les bibliothèques de Blois
l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l l ’ Courants d air >>> printemps 2007 Rappel BAG : Bibliothèque Abbé-Grégoire BMG : Bibliothèque Maurice-Genevoix Bibliothèque Abbé-Grégoire 4/6 place Jean-Jaurès 41 000 Blois 02.54.56.27.58 Bibliothèque Maurice-Genevoix Rue Vasco De Gama 41 000 Blois 02.54.43.31.13 Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Réalisation graphique : service de documentation de la ville de Blois Impression : atelier administratif de la ville de Blois Agglopolys - Ville de Blois -Mai 2007 Courants d’air Courants d’air vous propose une sélection établie au gré des bonheurs et des humeurs de l’équipe. Ce qui réunit ces œuvres c’est la liberté que s’accordent leurs auteurs. Ni «tendance», ni soumis au soit-disant goût du public. Une proposition de plaisir visuel et sonore original et singulier. Dans le flot des sorties hebdomadaires des films, seuls ceux bénéficiant d’une surexposition médiatique tirent leur épingle du jeu. Des œuvres nous échappent ainsi. Pourtant ces films nous offrent des moments uniques et la joie de retrouver le plaisir du dialogue avec le monde, avec nous même. S’il est difficile de trouver un itinéraire personnel dans le cinéma, la planète musicale n’est pas plus aisée de circulation, une fois sorti des autoroutes…Elle a explosé faisant éclore des milliers de comètes autonomes, aux noms le plus souvent mystérieux et parfois barbares ! Devant une production pléthorique, il est difficile de reconnaître les nouveautés aux allures de classiques ou les incunables incontournables. En soi, des musiques «libres», différentes, ouvertes sur le monde et qui s’adressent autant aux pieds qu’à la tête ! Heureusement il y a des séances de rattrapage ! Nous vous invitons à en partager quelques-unes avec nous. Arrêts sur cd Spencer Dickinson «The Man Who Lives for Love» (Yep Roc) 2 SPE BAG Spencer Dickinson, c’est tout naturellement la rencontre de Jon Spencer, meneur du Blues Explosion, et des frères Dickinson, fondateurs du North Mississippi All-Stars. Leur motivation première : porter le rock’n’roll jusqu’à son paroxysme afin qu’il soit brûlant, torride, écorché, primitif, moite comme à ses premiers jours ! Pas de détours ici, rien que des instruments qui grondent et des amplis qui ronflent desquels jaillissent des riffs musclés et des ryhtmes concassés. Au final, il s’agit d’un assemblage de disgressions et de variations rock’n’roll nourries des musiques populaires le plus souvent d’origine afroaméricaine (blues, soul, funk…) : une œuvre habitée et pénétrante. Jérôme Vermeille 2 Jérôme Vermeille Cut Chemist «The Audience’s Listening» (Warner Bros) 289 CUT BAG Arrêts sur cd Cut Chemist, dj hors-pair officiant au sein du collectif hip-hop Jurassic Five, aussi alter-ego de Dj Shadow, manipule les disques comme d’autres grattent leurs cordes de guitare ou soufflent dans leurs embouchures de trompette. Au moyen de ses platines, il jongle avec les sons, provoque des collisions improbables, s’amuse avec des citations et saupoudre le tout d’effets extra-terrestres ! Son premier album est un régal auditif, ludique et inventif, qui (ré)introduit la platinedisque au rang d’instrument de musique. 3 Arrêts sur cd Cecile CORBEL «Songbook.1» Keltia Music 2006 089 COR BMG 4 Voici une petite sélection de deux chanteuses confidentielles qui évoluent loin des canons actuels de la mode. A commencer par une jeune harpiste Bretonne, Cécile Corbel qui nous livre le premier cahier de son livre de chansons. Et c’est un enchantement, à l’image de tout l’univers fantastique traversé ici : «Où l’on croisera beaucoup d’oiseaux des corbeaux doués de paroles, des arbres, des filles un peu sorcières et émancipées, des héroïnes celtiques qui attendent l’amour, des amants séparés, une forêt magique et pleine de secrets, un sanglier sauvage et dévoreur d’enfants, un clerc amoureux, un chevalier blessé, une biche blanche… ». Influencée par Loreena McKennitt, Cécile à la voix de rossignol a su teinter la musique traditionnelle celtique d’ambiances plus pop, et même proposer des incursions vers Lionel Bordes Arrêts sur cd le monde méditerranéen. D’ailleurs elle se plaît à considérer son oeuvre comme de la musique celtique éclectique. Elle commence juste à prendre son envol et outre de nombreux festivals celtiques et fêtes médiévales en France, a eu déjà l’occasion de se produire aux EtatsUnis lors d’une tournée en Louisiane. Aujourd’hui, elle enseigne aussi la harpe en cours particuliers. «Avant de monter sur scène, j’ai envie de m’enfuir en courant. Mais une fois dessus je me sens heureuse.» C’est la marque des grands ! 5 Arrêts sur cd La Bergère «Fi de l’eau» Le roseau / Harmonia Mundi 2006 099 BER BMG 6 Derrière ce nom un peu énigmatique, les amoureux des voix magiques vont découvrir Sylvie Berger, accompagnée de ses deux musiciens, le guitariste / bouzoukiste Julien Biget et l’accordéoniste diatonique Emmanuel Pariselle. Née en 1961 dans l’Allier, elle commence à dix ans à chanter dans un groupe d’arts et traditions populaires, «la jimbr’tée bourbonnaise». Puis elle rejoint le quintette vocal «Roulez Fillettes»* et participe à des projets mêlant jazz, danse et musique contemporaine. Elle chante aussi sur plusieurs volumes de l’Anthologie de la chanson traditionnelle avec Marc Robine. Sa rencontre avec l’ex Malicorne Gabriel Yacoub est déterminante et celui-ci signe la moitié des textes du «fi de l’eau». L’appellation «attention chef d’œuvre» n’est pas ici usurpée. Ce deuxième CD nous Lionel Bordes * Roulez Fillettes / «Depuis des lunes» / 099 ROU / BMG Arrêts sur cd transporte dans un univers poétique, un peu autobiographique, ou la «limonade coule à flots» (une reprise de Dick Annegarn) pour la fillette rêveuse, jusqu’au nostalgique «saison des fruits rouges» de la femme mûre. Une dizaine d’invités viennent enrichir le trio avec cornemuses, autoharpe et vielle à roue, pour un résultat éblouissant, revigorant. Et, joli clin d’œil, si vous écoutez bien les dernières paroles de la chanson «Saint-Jean», vous devinerez « Une branche de chasse-diable et La Bergère à l’Elysée» ! Autre CD disponible à la biliothèque «Ouvarosa» (2002) / L’Autre Distribution / 099 BER / BMG 7 Arrêts sur cd 8 Allan Pettersson «Symphonie n° 8» 4 PET BAG Allan Pettersson est né à Stockholm en 1911 dans une famille pauvre. Résolu à faire de la musique, il réussit à acheter son premier violon à douze ans en vendant des cartes postales (mais sans les crayons). Au terme de son existence, il aura composé 17 symphonies, des concertos et une quantité de pièces de chambre. Altiste «sans envergure» dans l’Orchestre de Stockholm dans les années 50, il est déterminé à composer. Il suit donc les cours de composition de René Leibowitz et d’Arthur Honegger à Paris. Le groupe central de ses symphonies (no 6 à 9) se caractérisent par un profond lyrisme. Un langage orchestral complexe faisant appel à la virtuosité de chaque instrumentiste produit une musique anguleuse, âpre sans concession à la sentimentalité, sans posture dans les procédés employés. Emmanuel Schmitt Arrêts sur cd Honnêteté, sincérité, complexité du matériau orchestral ne peuvent laisser indifférent. L’œuvre d’Allan Pettersson est couramment jouée dans les pays du Nord de l’Europe et Anglo-saxons mais reste trop rare ailleurs. Et la valeur du témoignage laissé par l’auteur est inversement proportionnelle à sa diffusion. Pour conclure, je reprendrai à mon compte cette phrase d’Igor Stravinsky à propos d’un célèbre compositeur viennois pour l’appliquer à Pettersson : «Le solitaire qui, ignoré par son entourage, taille ses diamants, bravement et courageusement». Le prix de l’insoumission ? Autre CD disponibles dans les biliothèques Allan Pettersson. «Symphonie n° 13» - 4 PET - BAG «Concertos pour orchestre n° 1-3» - 4 PET - BAG 9 Arrêts sur cd 10 Kayhan Kalhor «The Wind» 028 KAL BAG L’improvisateur Kayhan Kalhor est un maître incontesté de la «kamancha» («petit arc» en persan). Il s’agit d’un petit violon sur pique se pratiquant verticalement avec un archet et dont les inflexions s’apparentent à celles du violoncelle. Né à Téhéran en 1963, Kayhan Kalhor est initié très jeune aux mystères de la musique persane. Ses collaborations, lors de concerts mémorables, avec le violoncelliste Yo Yo Ma, le Kronos Quartet, le sitariste indien Shujaat Husain Khan ou ici avec Erdal Erzincan (luth-Turquie) sont un enchantement pour tous. Grâce à une profonde connaissance des cultures musicales (Turque, Kurde, Indienne et Iranienne), Kayhan Kalhor touche au cœur par le chant de sa «kemenché». Il nous fait partager sa conception de Emmanuel Schmitt A écouter et à voir Kayhan Kalhor - «Ghazal» - 028 KAL - BMG Kayhan Kalhor - «Scattering Stars like Dust» - 028 KAL - BMG Whithout you - «Masters of Persian Music» - O28 ANT - BMGS Arrêts sur cd l’harmonie universelle et l’espace d’une seconde, elle est là, on y croit et c’est bon… «Anthologie de la poésie Persane» - Z. Safâ - 891.5 SAF - BAG 11 Arrêts sur images 12 C’est sans doute à l’image du plus profond de son organisation cellulaire que l’homme façonne le décor de sa cité et de la vie sociale qui s’y déroule. Car l’agencement de nos cellules intimes est à l’image de l’organisation de nos villes, de nos rues et le grouillement en apparence désordonné du flot urbain n’est que le reflet du grouillement cellulaire, c’est-à-dire des communications, des développements et des conflits qui s’y déroulent. Quel est donc ce théâtre intime et quel en est son répertoire ? Le chercheur Peter Peter Friedman et Friedman et le cinéaste Jean-François Jean-François Brunet Brunet tente de répondre en produisant un film divertissant et surprenant. C’est un «Une mort programmée» curieux collage métaphorique d’extraits DVD de films (comédies hollywoodiennes, films 570 FRI fantastiques…) et de films scientifiques BAG (coupes et cultures cellulaires…). Et la Philippe Leclert Arrêts sur images surprise est grande : c’est la même chose, le même déroulement. Les cellules/acteurs naissent, communiquent, travaillent, se battent, meurent. Car pour avoir du vivant, il faut de la mort, pour avoir des processus de transformation, il faut de la disparition ; il faut des cellules qui se suicident parce qu’elles ne reçoivent plus de la part de leurs semblables l’ordre de vivre et leurs morts serviront à une organisation nouvelle, une orientation nouvelle. Par l’intermédiaire de ce film documentaire, sorte de grand rêve scientifique et cinématographique, nous passons du microcosme au macrocosme avec une aisance déconcertante, et nous découvrons à quels processus incroyables de transformation nos cellules et donc nous-mêmes sommes livrés. 13 Arrêts sur images Yves Saint Laurent : «Le Style» 14 David Teboul «Yves Saint-Laurent» 381 SAI BAG La haute couture, celle qui rend la femme… femme et qui peut prétendre à être reconnue comme un art : au plus large de l’appellation, reste un privilège de rareté symbole de mille richesses. Yves Saint Laurent est un magicien, un artiste de nature instinctive et exacerbée, il a le pouvoir de créer, mais dit «être resté proche du monde de l’ enfance et de l’ adolescence». Sa création est douloureuse, car vécue de l’intérieur, il ne part jamais avec une idée fixe, il dessine dans l’instant, c’est une création sans vision : à l’état pur, qui jaillit comme un miracle perpétuel ! Grand admirateur de la femme, il fait donc hommage au corps de la femme en priorité, il pense la femme et ne travaille que sur Arrêts sur images des mannequins «vivants» à peau noire en général. Son travail est basé sur l’ aisance et l’ attitude de ses mannequins. C’est un homme qui porte la nostalgie en lui et qui avoue «ne pas aimer la haute couture d’ aujourd’hui». Ses modèles sont un hymne à la jeunesse et la beauté. Ce grand maître de la haute couture qui a officié pendant plus de quarante ans, a longtemps privilégié le style «androgyne» par sa vision du tailleur. Yves Saint Laurent a beaucoup travaillé sur les contrastes de deux couleurs : le noir et le blanc pendant de longues années, puis la couleur lui est apparue l’ hors d’un voyage au Maroc, à Marrakech plus particulièrement. Il s’est donc inspiré de la couleur et de la lumière particulière à ce pays pour coloriser ses créations Il cite cette phrase «Pour parvenir à la lumière il faut passer par l’ombre» , en réussissant à dompter le noir et le blanc il fit jaillir la couleur ! Faisant partie des grands créateurs qui trônent au sommet de leur art et qui ont derrière eux des années de collections tels : Christian Dior, Chanel, Nina Ricci, Pierre Balmain, Hubert de Givenchy,8 15 Arrêts sur images 16 8Edward Molyneux, Christian Lacroix, Pierre Cardin, Jean Louis Scherrer, Cristobal Balanciaga... La couture est un apprentissage qui prend sa source à l’origine d’une véritable vocation, ses ouvrières sont vouées à leur métier et leur créateur. Lors des présentations de leurs modèles au cours de prestigieux défilés de mode, les podiums de ces talentueux créateurs brillent aussi grâce aux accessoires et broderies rares (savoir faire d’artisans en voie de perdition) : le summum entre belles matières et belles finitions. Par cet écrit je tiens à rendre hommage à un des grands maîtres de la haute couture qui a quitté le métier le 7 janvier 2002 pour laisser un grand vide mais aussi beaucoup d’ espoir pour les créateurs contemporains Une de ses plus belles citations : «La mode passe, le style demeure». Noëlle Fleury Dans le «Courant d’Air» d’automne, nous parlions du cinéaste belge André Delvaux pour saluer son oeuvre. Toutefois, dans une carrière de créateur, peuvent se glisser quelques réalisations mineures, comme par exemple «Rendez-vous à Bray». Mais arrêtons-nous, pendant plusieurs lignes, sur un «bonus de 10 minutes» qui accompagne ce titre. La poésie qu’on ne sollicite pas et qui se montre par là où ne l’attend pas, est sans doute la plus significative parce que venant d’un ailleurs sur lequel notre conscient n’étend pas ses restrictions. Il8 Reportage R.T.B.F sur le tournage de «Rendez-vous à Bray» DV DEL BAG Arrêts sur images Valeur de «l’inachevé» ou mieux encore de «l’inachevable» Ou, quand un «bonus» va plus haut que «son film» 17 Arrêts sur images 18 8y a des «ratés» plus valables que des «réussites» celles-ci s’opérant toujours précisément dans une limite. Donc André Delvaux tourne dans une vieille demeure «Rendez-vous à Bray». C’est une pleine nuit d’hiver. L’équipe a froid. Pour se réchauffer, elle allume un grand feu dans la cheminée du salon, mais le feu se propage à la maison. Le décor brûle sous les yeux du cinéaste qui, dans un grand désarroi, songe à une catastrophique fin de carrière. Une équipe de la R.T.B.F. se trouve là par hasard, elle «tourne» son reportage au débotté, sans son synchro et dans la pagaille que suscite un violent incendie. Il en résulte une fable métaphysique d’une grande force poétique, d’un achevé-inachevable, d’une précision imprécise, qui pourraient être le propre de toute création cinématographique : nous faire voir sans nous montrer. Et puis quelle leçon! Le cinéma s’est vengé, il a brûlé où fait brûler par ses serviteurs mêmes, le convenu d’un carton-pâte dans lequel s’agitent des «actants», pour y introduire une vérité de vie plus forte que celle que l’on prétendait filmer. Pendant quelques minutes, le cinéma devient à travers ce reportage un outil de prospection qui cherche de l’or, un cinéma qui ne nous parlerait pas de métaphysique mais serait métaphysique, un cinéma qui dissocie le son de l’image pour créer un espace nouveau et qui n’est pas là pour une séance d’enregistrement de * Antonin Artaud «Cinéma et réalité, 1927». A voir Deux grands films «inachevés» : Une partie de campagne de J. Renoir (V REN) et Que viva Mexico ! de S.M. Eisenstein (DV EIS) Ou encore, l’un des plus beaux cas de films «achevé/inachevable» : La Jetée, un court-métrage de Chris Marker (DV MER). Arrêts sur images choses déjà mortes puisque imitées. Il y a dans ce vieux document de la RTBF comme une solution d’avenir pour un art qui doit se réinventer pour un siècle nouveau et ne plus être «cette sorte d’art véniel hybride qui s’obstine à traduire en images plus ou moins heureuses des situations psychologiques qui seraient parfaitement à leur place sur une scène ou dans les pages d’un livre, mais pas sur l’écran […] non pas que le cinéma doive se passer de toute psychologie humaine : ce n’est pas son principe, bien au contraire, mais de donner à cette psychologie une forme beaucoup plus vivante et active, et sans ces liaisons qui essaient de faire paraître les mobiles de nos actes dans une lumière absolument stupide […]».* Philippe Leclert 19 Arrêts sur images 20 En mer de Sicile, la vie est âpre pour ce groupe de pêcheurs napolitains qui traverse clandestinement les frontières de navigation entre la Sicile et l’Afrique du nord, dans l’espoir de trouver les meilleures prises. Au péril de leur vie, le capitaine veut pousser l’embarcation dans les eaux territoriales africaines. Après avoir échappé de justesse à la police tunisienne, les pêcheurs décident de rentrer chez eux, près de Naples. Vincenzo Marra «Tornando a casa» DV MAR BAG Vincenzo Marra « Mon film vient de la nécessité de raconter deux mondes, deux mondes en conflit permanent mais aussi solidaires. Je voulais montrer la rage, le mécontentement des gens du sud, et l’extraordinaire solidarité qui les unit. […] Les pêcheurs du Sud de l’Italie sont contraints de ne pas Isabelle Volut Arrêts sur images respecter leur zone de pêche à la recherche d’eaux plus poissonneuses. S’ils sont interceptés, on leur tire dessus. De l’autre côté de la mer (au Nord de l’Afrique), il y a tout un monde en quête d’une vie meilleure qui cherche à émigrer clandestinement. Depuis longtemps déjà, cette mer est devenue le dernier obstacle à franchir avant d’atteindre le bonheur tellement rêvé.» 21 Arrêts sur images 22 Du rêve de l’autre, de sa figure et de son positionnement (ou : le désir de convaincre) «Parce que dès qu’il y a rêve de l’autre, il y a danger. A savoir que le rêve des gens est toujours un rêve dévorant qui risque de nous engloutir. […]. Et que le rêve est une terrible volonté de puissance, et que chacun de nous est plus ou moins victime du rêve des autres […]. Méfiez-vous du rêve de l’autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l’autre, vous êtes foutu.» Extrait de la conférence de Gille Deleuze, donnée à l’Ecole Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son, le 17 mai 1987. Robert Bresson «Journal d’un curé de campagne» V BRE Arrêts sur images Journal d’un curé de campagne Un jeune curé est nommé dans une petite paroisse, Ambricourt, située dans la rude campagne d’Artois. Il s’entête à conquérir la confiance de ses paroissiens, mais ceux-ci opposent quelques résistances à l’image de Séraphita, une petite fille qui se moque de lui à la sortie du catéchisme. Régulièrement, le prêtre note dans un journal intime, ses difficultés, ses interrogations. Il confie également ses états d’âme et ses problèmes de santé à son confrère le curé de Torcy. Ce vieux prêtre, une âme pratique et solide, lui recommande d’aller se faire ausculter par le docteur Delbende et surtout de ménager des paroissiens déjà suffisamment en proie à des soucis matérialistes. Le curé d’Ambricourt n’écoute pas son confrère, continue à se nourrir de pain et de vin (un héritage d’ «alcoolisme familial») et se8 BAG 23 Arrêts sur images 24 8met à dos le comte d’Ambricourt, qui a pour maîtresse la préceptrice de sa fille. La mère de celle-ci est une femme brisée, qui a perdu la foi après le décès de son jeune fils. Le curé, qui apprend le «suicide ?» de Delbende, va jeter toutes ses forces dans une bataille qui consiste à ramener la comtesse à la foi. Il réussira son entreprise mais celle-ci décède d’une crise cardiaque la nuit suivante. On tient le jeune prêtre pour responsable. Il décide de partir à Lille où un médecin lui diagnostique un cancer de l’estomac. Il trouve refuge chez un ancien ami, prêtre défroqué, vivant avec une femme. Il meurt en leur compagnie et termine sa vie en prononçant ces mots : «tout est grâce». On n’oubliera jamais le visage de cet enfant tourmenté, idéaliste, un peu orgueilleux (par défense) qui cherchera vainement une grandeur rédemptrice dans la boue et la neige d’Artois. En forçant la comtesse à retrouver la foi, il la fragilise par un choc en retour qui pourrait bien être la cause de sa crise cardiaque. Il meurt à son tour, vaincu par un cancer, car il aura cherché à prolonger une trace familiale trop ténue, par un sillon trop profond. Son dernier souffle, le curé le consacre à un grand cri d’amour («tout est grâce !»). Il importe toujours de mourir sans haine. Le film de Bresson est plus qu’une simple adaptation, c’est un Léon Morin prêtre Durant l’occupation, une femme, veuve et ancienne militante communiste, va se confronter à un jeune prêtre afin de lui signifier sa haine de la foi et sa liberté. Mais le prêtre, sûr de lui et de sa rhétorique, anticonformiste, charismatique et plein de charme, saura établir une relation dont, détachement aidant, il ne sera jamais prisonnier et dont on peut croire qu’il sortira également vainqueur tant l’assurance de la femme sera ébranlée. Rendez-vous après rendezvous, conseils de lecture après conseils de lecture, Léon Morin gagnera la confiance de sa visiteuse par une vision moderne d’un christianisme dépoussiéré. Mais le prêtre doit déménager. Entrant une dernière fois à la cure pour monter dans un appartement qu’elle découvre vide, la femme est fragilisée par l’idée de la perte de son confident,8 Arrêts sur images éblouissant exercice d’abstraction, d’invisibilité, de dépouillement, de jeu neutre. Rarement un film aura été autant à la hauteur de son texte (le roman de Bernanos) car les mots changent véritablement de nature et deviennent des images, des images puissantes où la boue n’existe que parce que le ciel lui fait face. Après ce film, l’histoire du cinéma ne sera plus tout à fait la même… 25 Arrêts sur images 26 Jean-Pierre Melville «Léon Morin prêtre» V MEL BAG 8jusqu’au moment où celui-ci surgit dans la pièce. Un ultime entretien a lieu où elle livre encore quelques interrogations sur ses contradictions. Léon Morin lui répond : «Les contradictions sont surtout dans votre esprit» et la qualifie gentiment de «Seigneur Taupe». La femme quitte à regret un homme dont elle était amoureuse. Mais on sent dorénavant, pour elle, un chemin possible... La position neutre de Léon Morin, thérapeute de l’âme, son dynamisme et sa bonne santé fait de ce prêtre une figure très particulière qui n’a rien de christique. Il ne vas pas chercher ses âmes. Elles viennent à lui, attirées par une sorte de personnalité concave qui permet la symbiose. Ce ne sont pas les lectures qu’il propose, elles ne sont que supports, ce ne sont pas les informations qu’il donne, Arrêts sur images ce ne sont que paroles, c’est en quelque sorte et avant tout son propre positionnement qui engendre la réponse. Au contraire du Curé d’Ambricourt, qui contraint plus ou moins les âmes au risque de les faire se rompre, Léon Morin permet plutôt une chance qui sera saisie (ou pas), par celui ou celle qui la cherche. Si le film de Melville, tiré du roman de Béatrice Beck, est loin d’atteindre la force de celui de Bresson, car il constitue plus simplement un théâtre de la parole qui n’a rien de très cinématographique, on peut tout de même lui trouver un grand charme. Loin des figures policières glaçantes* et maintenant un peu vieillies (mais paradoxalement pleines de qualités cinématographiques), qui feront plus tard sa réputation, Melville a tenté une entreprise un peu risqué en confiant le rôle du prêtre à Jean-Paul Belmondo. Mais revoir celui-ci dans une emploi inattendu, nous permettra de garder en tête l’idée qu’à côté du «Gigolo» existait un Léon Morin, prêtre, autrement plus convaincant. Philippe Leclert * «Le Doulos», «Le Samouraï», etc… 27 Un numéro Courants d’air spécial adhérents cet automne ! Vous avez «rencontré» une œuvre musicale ou cinématographique empruntée dans les bibliothèques de Blois ces derniers mois ? Celle-ci vous a profondément ému ? Vous souhaitez faire partager votre découverte ? Alors, sans plus attendre, empoignez votre plume ou votre clavier et rédigez une chronique qui pourra figurer dans le prochain numéro de «Courants d’air automne 2007» ! Ce numéro sera entièrement le vôtre et contribuera à célébrer les «10 ans» de la bibliothèque Abbé-Grégoire ! Attention ! Le texte répond toutefois à quelques exigences : votre choix convergera davantage vers une œuvre singulière n’ayant pas fait l’objet d’une grande médiatisation. Il se situera entre 800 et 1500 caractères (espaces compris)*. La participation est ouverte jusqu’au 31 août 2007 inclus. Le dépôt des textes se fera : » dans la section «Musique & cinéma» des bibliothèques de Blois ou » par mail : [email protected] ou » par voie postale : Bibliothèque Abbé-Grégoire section «Musique & cinéma» 4/6 place Jean-Jaurès - BP 10 - 41003 Blois cedex Renseignements complémentaires au 02 54 56 27 58 ou 02 54 56 27 67 * Les bibliothèques de Blois se réservent le droit de publication. Bibliothèque Abbé-Grégoire - Place Jean-Jaurès - 41000 Blois Téléphone : 02.54.56.27.40 ou 02.54.56.27.58 Bibliothèque Maurice-Genevoix - Rue Vasco-de-Gama - 41000 Blois Téléphone : 02.54.43.31.13 ou 02.54.43.00.96 Site Internet : www.ville-blois.fr/bib