Courrier C.Taubira maison d`arrêt de Nîmes 16-12-15

Transcription

Courrier C.Taubira maison d`arrêt de Nîmes 16-12-15
Nîmes, le 16 décembre 2015
Christophe CAVARD
Député du Gard
Assemblée Nationale
126 rue de l'Université
75355 Paris 07 SP
Madame Christiane Taubira
Ministre de la justice
13 Place Vendôme
75001 Paris
Dossier suivi par : Catherine SENECAL
Collaboratrice parlementaire
[email protected]
06 73 21 87 44
Objet : Demande d’organisation d'une visite officielle de la maison d'arrêt de Nîmes
Madame la Ministre,
Je me suis adressé à vous par courriers en date de janvier 2014 et juillet 2015, afin de vous faire
part de mes préoccupations concernant la maison d'arrêt de Nîmes. Je suis étonné qu'aucune
réponse de votre cabinet ne m'ait été faite depuis.
Dans ces précédents courriers je vous alertais du constat que j'avais pu faire lors de ma visite en
décembre 2013, d'une sur-occupation de plus de 200 % par rapport à une capacité d'accueil de
cet établissement prévue pour 370 détenus répartis dans 192 cellules, entrainant vous en
conviendrez, des conditions de détention inacceptables.
Le 4 décembre dernier pour faire suite à la saisine du Conseil d’État par l’Observatoire
International des Prisons (OIP) et afin d'évaluer si des mesures avaient été apportées pour
améliorer les conditions de vie des détenus, je me suis de nouveau rendu à la maison d'arrêt.
J'étais cette fois-ci accompagné, comme ma fonction parlementaire m'y autorise, d'une
journaliste du Midi Libre (voir les articles joints qui ont suivis).
J'ai pu constater qu'à ce jour, non seulement la situation de la maison d'arrêt de Nîmes est
inchangée mais qu'elle s'aggrave en terme de dégradation et d'insalubrité des cellules. Si
actuellement la surpopulation est légèrement en baisse, les conditions de détention restent
inhumaines et les conditions de travail difficiles pour les personnels.
En présence de son directeur Monsieur July, j'ai pu avant notre visite, rencontrer un responsable
syndical du personnel. Faisant référence aux tensions et aux incidents qui ont eu lieu cette
année, ce représentant syndical a souligné que pour la première fois depuis 10 ans, le personnel
se retrouve dans une entente syndicale. L'ambiance dans les équipes reste cependant tendue,
des problèmes de management et d'absentéisme ont été évoqués. La nécessité de réévaluer le
recrutement a également été abordée, en prévoyant plus de formation initiale et notamment sur
la problématique d'actualité qu'est la lutte contre la radicalisation.
J'ai pu échanger avec certains détenus dans leurs cellules, ils souffrent tous d'une grande
promiscuité et du manque d'activité, et sont nombreux à vouloir bénéficier de l'enseignement et
du sport. Certains voudraient préparer leur sortie avec les Services d'Insertion et de Probation
(SPIP), qui eux aussi sont en sous-effectif pour pouvoir accompagner les demandes.
Si la lutte contre l'illettrisme et la remise à niveau constituent la mission prioritaire des
enseignants qui interviennent en prison, ce dispositif souffre également de la surpopulation et
beaucoup de détenus inscrits sur les listes d'attente ne peuvent y accéder. En dehors de la
promenade et des visites de parloir, ils sont nombreux à passer 22 h par jour en cellules. Les
personnels et les intervenants déplorent leur incapacité, dans de telles conditions, d'assurer un
travail d'accompagnement et de lien avec les personnes détenues.
Deux autres points noirs restent le parloir et la salle de sport : des travaux sont prévus pour
l'aménagement d'une nouvelle salle de sport. En revanche et bien que la loi prévoit des parloirs
familiaux, des unités de vie familiale et l'individualisation de boxes parloirs, le projet d'un
nouveau parloir est abandonné car le coût prévisionnel de 5 millions d'euros est jugé trop
important dans l'état actuel des budgets. Pourtant, le personnel craint toujours d'être confronté
à des débordements comme des mouvements de foule dans l'actuel parloir sans aménagement
particulier. L'établissement ayant été construit en 1974, tous les espaces communs devraient
être repensés.
L'établissement est immergé dans une zone pavillonnaire de la ville, la cour est quotidiennement
le réceptacle de projectiles qui lestent des objets lancés aux détenus, en particulier des
téléphones portables… Il semble que le personnel se sente démuni et il nous invite à mesurer les
risques que représentent certains détenus, notamment la pression qu'ils exercent sur les plus
faibles, contraints de jouer les « mules » sur l'acheminement des objets dans l'établissement.
Depuis un an et demi, il n'y a plus de fouille systématique.
Cette année des coups de feu ont été tirés sur les murs extérieurs de la maison d'arrêt et le
personnel d'entrée est soumis depuis au port de gilets pare-balle. Il réclame l'installation d'un
système de vidéo surveillance sur la rue et le domaine pénitencier, estimant que si l'état
d'urgence se renforce partout, les établissements pénitenciers, qui sont des lieux sensibles,
devraient avoir plus de moyens.
Madame la Ministre, je suis élu du Gard, territoire où la montée des idéologies racistes
sécuritaires et identitaires frôle les 50 %, et où, issus de quartiers prioritaires de la politique de
la ville, des jeunes deviennent des délinquants occasionnels ou multi récidivistes et où d'autres
sont, toujours plus nombreux, attirés par l’islamisme radical.
Vous comprendrez que je sois plus que jamais préoccupé par le fait que les conditions de
détention ne soient pas, au-delà d'une sanction attendue ou prononcée, le terreau d'une injustice
prompte à la radicalisation des comportements. Je suis déterminé à faire avancer ce dossier
prioritaire à mes yeux en termes de droits de l'homme et du citoyen, c'est pourquoi je sollicite
aujourd'hui de votre Ministère l'organisation d'une visite officielle de la maison d'arrêt de Nîmes
afin que vous puissiez lors de ce déplacement, vérifier la réalité de mes différentes
interpellations.
J'attends avec confiance de pouvoir compter sur votre appui pour qu'ensemble, nous travaillions
à apporter des solutions susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil des femmes et des
hommes qui séjournent dans cet établissement.
Je reste à votre entière disposition pour qu'avec les services de l'état, nous veillions à la mise en
place de cette visite officielle dans les meilleures conditions.
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de ma haute considération.
Christophe CAVARD