interview davide orifici[cs].

Transcription

interview davide orifici[cs].
Conseiller politique
Monsieur Davide Orifici, conseiller politique et
responsable des relations extérieures au Centre
International de Déminage Humanitaire - Genève
(CIDHG) évoque son goût pour l’esprit de coopération
et la diplomatie
Quelle est votre profession ? Quelle formation avezvous suivie ?
Je travaille depuis maintenant six ans au Centre International de Déminage
Humanitaire à Genève, en tant que conseiller politique et responsable des
relations extérieures du Centre. Après ma maturité fédérale effectuée à Bâle, je
suis parti faire des études de sciences politiques à Pavie en Italie. J’ai fait des
études de relations internationales parce que je voulais me lancer dans une
carrière diplomatique. Etant Italien et Suisse, je voulais mieux connaître l’Italie.
Après avoir fait cette licence, je suis revenu en Suisse, puis j’ai passé six mois
Davide Orifici
aux Etats-Unis pour apprendre l’anglais. Ensuite, j’ai fait un diplôme d’études
Conseiller politique, Respo
spécialisées (DES) en Relations internationales à l’Institut Universitaire des
nsable
des relations extérieures
Hautes Etudes Internationales à Genève pour lequel j’ai effectué un travail
CIDHG
sur l’accession de la Moldavie à l’indépendance. J’ai ensuite terminé par un
doctorat concernant les problèmes de sécurité en Méditerranée occidentale, mais surtout du
point de vue de pays comme l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Libye. Avant même de commencer mes études universitaires,
j’avais en fait trois options claires dans mon esprit : devenir médecin, mais cela aurait impliqué de rester à Bâle, ce que je ne
voulais pas ; l’Ecole Hôtelière de Lausanne où il y avait à l’époque une liste d’attente d’une année et enfin Sciences politiques,
dans le but de devenir diplomate italien. Finalement de 1998 à 2001, j’ai été diplomate à la mission suisse auprès de l’OTAN
à Bruxelles. Puis mon chef d’alors est devenu directeur au CIDHG ici à Genève et, un an plus tard, il m’a offert ce poste.
En quoi consiste votre travail ?
Pour résumer mon travail, il faudrait d’abord résumer ce que fait le CIDHG : nous ne déminons pas nous-mêmes sur
le terrain, nous agissons comme les entreprises de conseil dans le privé qui mettent à disposition leurs connaissances en
gestion, en ressources humaines etc. Le CIDHG est un centre de connaissances et d’expertise qui, à l’inverse des entreprises
privées, met ses connaissances à disposition gratuitement. En ce qui me concerne, je suis le bras droit du Directeur. Nous
travaillons dans un contexte diplomatique multilatéral avec les Etats qui ont signé le Traité interdisant les mines antipersonnel
et aussi avec les Etats ne l’ayant pas signé, mais qui ont des problèmes de mines antipersonnel sur leur territoire national.
Nous collaborons avec l’ONU, le PNUD, l’UNICEF, l’OMS, le UNHCR et avec le Service de l’Action anti-Mines des
Nations Unies (UNMAS) avec lesquels nous avons des contacts quotidiens, au niveau politique et diplomatique. Dans
tout contexte diplomatique, il y a un poste comme celui que j’occupe, où l’on prépare et discute de questions spécifiques,
mais dont la décision finale revient aux chefs. Dans ce poste, mon expérience diplomatique est très utile. J’ai régulièrement
à traiter avec des représentants d’Etats ou des Nations Unies pour discuter de manière informelle, voire amicale. Je suis
également responsable du dossier concernant la « Convention de 1980 sur certaines armes classiques ». A côté de cela, je
suis chargé des relations extérieures, c’est-à-dire des aspects de communication, des produits que nous mettons à disposition
des pays affectés par les mines et de la distribution de nos publications. J’ai par exemple géré le projet du Rapport annuel
2006 du Centre sur la lutte anti-mines et ses activités. L’éventail de mes responsabilités est donc large et j’apprécie cette vue
d’ensemble.
Qu’est-ce qui vous a incité à choisir ce métier ?
Ce sont les questions de paix, de sécurité et de développement qui m’ont toujours intéressé. C’est un domaine de travail que
j’apprécie, quel que soit le point de vue, que ce soit dans une fondation, comme ici au CIDHG, ou pour l’Etat, comme à
l’époque où je travaillais comme diplomate, et pourquoi pas, un jour, pour une ONG. Chacun de ces acteurs peut amener,
selon son point de vue et ses priorités, une contribution à ce thème pour faire avancer les choses. Dans les questions
multilatérales, le rôle du diplomate, même s’il a perdu beaucoup de pouvoir (puisque les ministres peuvent se déplacer
plus facilement pour une réunion et/ou disposent de moyens de communication très performants), est de créer des liens
avec ses interlocuteurs dans le but de faire avancer les négociations en portant les intérêts de son Etat et cela toujours en
concertation. Cela m’a toujours plu et je retrouve dans le domaine de la lutte anti-mines cet esprit nouveau des relations
Mandat International mai 07
internationales (que l’on retrouve dans les questions environnementales ou de justice internationale) où il ne s’agit plus
d’une confrontation entre Etats et ONG avec les organisations internationales au milieu, mais d’un esprit de collaboration
et d’assistance entre Etats donateurs et Etats affectés par une problématique et où les organisations internationales gèrent
les programmes sur place ou font en sorte que les capacités locales soient développées pour que le travail soit fait par le pays
qui rencontre des problèmes.
Quelles sont les compétences requises pour ce travail ?
Pour mon travail actuel, je pense qu’il faudrait avoir une expérience diplomatique de quelques années, afin de comprendre
si certaines choses peuvent se dire dans tel contexte ou à tel niveau. Du fait que le Centre est d’inspiration suisse, il faudrait
aussi connaître l’administration fédérale et la culture suisse alémanique, qui est majoritaire à Berne. Il faut être à l’affût
d’opportunités, car le Centre ne peut pas se contenter de mettre son savoir à disposition. Des échanges et des discussions
sont nécessaires pour savoir quels sont les besoins des pays. Il faut connaître des langues, mais aussi la culture qui y est liée
pour bien comprendre la mentalité de son interlocuteur. Enfin, dans ma position, il faut savoir gérer les relations avec les
médias qui sont une arme à double tranchant, il faut être clair sur ce qui peut être dit ou non. Enfin, il est indispensable d’être
une personne à l’aise dans les relations sociales et diplomatiques.
Quels sont les cotés positifs et/ou négatifs de votre métier ?
Les côtés positifs, même si nous sommes loin du terrain, est que le travail du Centre a un impact direct, peut-être pas
réellement mesurable, mais à la fin d’un mois, d’un semestre ou d’une année, nous pouvons dire que nous avons contribué
à résoudre un peu le problème. Le Centre est une petite organisation très réactive ; c’est une structure similaire à celle d’une
ONG, mais avec l’avantage d’avoir une base financière beaucoup plus stable qui nous permet par conséquent de travailler
sur le moyen voire même le long terme. Mon travail implique également quelques voyages. En fait, il n’y a pas vraiment de
points négatifs qui me viennent à l’esprit.
Quel est le projet/mission qui vous a le plus marqué ?
Il y en a deux : c’est lorsqu’en 2004, j’ai vu les champs minés entre l’Iran et l’Irak, à la frontière irakienne, du côté iranien.
Toute la frontière Iran-Irak a été minée en raison des deux guerres des années 1980. Ces champs ont la particularité d’avoir
été lavés, ce qui fait qu’on pouvait y voir à l’œil nu les mines anti-personnel et anti-chars qui ont été plantées par les armées
iranienne et irakienne d’une façon très méthodique : une rangée de mines anti-personnel suivie d’une rangée de mines antichars et ainsi de suite. On pouvait aussi voir, et cela démontrait l’esprit tordu des militaires qui avaient placé ces mines,
qu’elles avaient été reliées entre elles, ce qui les rendait très difficile à désactiver sans causer d’accidents. La deuxième
expérience qui m’a marqué a été de voir le plateau du Golan et son côté israélien très prospère en arbres fruitiers et en
légumes, comparé au côté syrien un peu désolé, sans agriculture, puis, la zone minée entre les deux. Et de se dire que sans ces
mines, la partie syrienne serait peut-être aussi belle que la partie israélienne. Par ailleurs, le projet du Guide de la lutte anti-mines
et des restes explosifs de guerre m’a occupé depuis que je suis arrivé au CIDHG : c’est un ouvrage qui introduit la problématique,
l’historique, le droit international et les conventions qui régissent les mines (Traité d’Ottawa et Convention de 1980 sur
certaines armes classiques) et qui explique le travail sur le terrain : le déminage, la prévention des accidents, l’assistance aux
victimes, la destruction des stocks, et les aspects liés au développement et à la gestion de l’information. Il montre aussi que
les choses évoluent positivement.
Que représente pour vous la Genève internationale ?
C’est un concept à la mode, dont tout le monde parle et chacun en entend quelque chose de différent. En ce qui concerne
la question des mines anti-personnel, la Genève internationale représente pour moi une communauté d’acteurs avec lesquels
nous avons de bons contacts et nous collaborons pour la mise en œuvre du Traité interdisant les mines anti-personnel
et prenant en charge tous les restes explosifs de guerre à la fin d’un conflit. En fait, il ne faudrait pas parler de la Genève
internationale, mais « des Genèves internationales » parce qu’il y a différents domaines internationaux à Genève : la santé,
les réfugiés, le désarmement, le commerce international, les droits de l’Homme, etc. Ce sont des communautés à l’intérieur
desquelles différentes entités collaborent entre elles. Il faudrait d’ailleurs que les acteurs sortent un peu de leur secteur
spécifique. D’un point de vue historique, Genève a toujours été internationale de par sa tradition d’accueil des réfugiés,
d’écrivains, etc.
Que voudriez-vous dire aux jeunes qui s’intéressent à la coopération
internationale ?
La coopération est un terme très large, mais telle que je l’entends, elle implique de croire en certains principes et idéaux.
Elle signifie s’engager pour une cause pendant un certain temps. Cette notion n’englobe pas uniquement les questions de
développement, elle incite à s’inspirer de nouvelles approches qui consistent à réunir autour d’une table les acteurs, afin qu’ils
tirent tous à la même corde. On peut y parvenir, mais parfois ce n’est pas le cas. La coopération internationale, c’est rendre
le monde un peu meilleur, tout en sachant que, derrière ce milieu très politisé, il y a l’aspect humain, le fait que l’on travaille
pour des hommes et des femmes qui souffrent.
Mandat International mai 07