2. Le Triomphe (d`un empereur romain

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2. Le Triomphe (d`un empereur romain
Le TRIOMPHE (d’un empereur) - 1
Le TRIOMPHE
(d’un ‘empereur’ romain)
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Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 )
Le TRIOMPHE (d’un empereur) - 2
LE TRIOMPHE
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« Celui qui aspirait à l’honneur du triomphe restait ad Urbem, c’est à dire
aux portes de Rome. Il convoquait le sénat au temple de Bellone ou d’Apollon,
situés tous deux hors des murs, exposait ses exploits et demandait le triomphe ou
l’ovation.
Le sénat, après avoir entendu ses lieutenants ou le collègue du général,
accueillait ou refusait la demande. S’il accordait soit le triomphe, soit l’ovation,
il faisait présenter au peuple une loi de imperio pour le jour où le général se
proposait d’entrer à Rome. Le sénatus-consulte rendu à ce sujet commençait par
ces mots que nous a conservés Tite-Live :
‘Quod bene rempublicam administraverit…’.
Les conditions pour obtenir le triomphe ou l’ovation ont beaucoup varié.
Nous allons les énumérer :
1. A l’origine, on ne pouvait triompher après être sorti de sa charge. P. Philo
obtint le premier deux faveurs singulières : la prorogation de l’imperium
et le triomphe après être sorti de sa charge.
2. Il faut exercer un commandement en chef. Le lieutenant, quelque brillant
succès qu’il ait remporté, ne triomphe jamais car il combat sous les
ordres ou les auspices du général.
3. Il faut qu’il s’agisse d’une guerre légitime, c’est à dire ordonnée par le
peuple et le sénat et déclarée par les féciaux selon les rites religieux.
4. Il faut que le général ait vaincu dans la province qui lui a été assignée,
règle qui n’est pas absolument rigoureuse. Le préteur Fulvius n’obtint
que l’ovation parce qu’il avait vaincu sous les auspices et dans la
province d’un autre général.
5. Qu’il y ait eu lutte sérieuse, sans grande perte pour l’armée romaine.
6. La loi n’accordait le triomphe que pour des ‘accroissements de territoire
et non pour des possessions recouvrées sur l’ennemi, car il y aussi loin
d’une augmentation de fortune à une restitution que d’un acte de
générosité à la réparation d’une injustice’.
7. Il faut que la province ait été pacifiée, en un mot, que la guerre ait été
terminée.
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8. Le général devait être accompagné de ses troupes : la province pacifiée, il
n’y avait plus de raison d’y conserver une armée. Le sénat, seul juge en cette
matière, pouvait seul autoriser de ramener l’armée.
------------L’ovation est appelée triumphus minor et nous avons vu que le sénat
l’accordait lorsqu’une des conditions pour arriver au triomphe venait à faire
défaut. Tite-Live l’appelait aussi medius honor : y avait-il donc un troisième
honneur ? Quelque fois en effet, le général entrait à Rome comme simple
particulier mais, avec l’autorisation du sénat, il faisait porter, devant lui, les
dépouilles des ennemis et montait au Capitole pour offrir un sacrifice.
Si le général estimait que le sénat lui avait fait tort, soit en lui refusant le
triomphe, soit en ne lui accordant que l’ovation, il triomphait sur le mont Albain,
hors de Rome, en vertu des pouvoirs de sa magistrature. Le triomphe sur le mont
Albain ressemblait au triomphe à Rome, il avait cependant moins d’éclat parce
qu’il se célébrait sans la participation du sénat et que le trésor public n’en faisait
pas les frais.
Quelle différence y a-t-il entre le triomphe et l’ovation ? Différence dans
la pompe d’abord, ensuite dans le sacrifice offert au Capitole. Le triomphateur,
couronné de lauriers, se paraît des mêmes ornements que Jupiter très bon et très
grand. Celui qui obtenait l’ovation, sans costume particulier, entrait à Rome à
pied à l’origine, plus tard à cheval, couronné de myrte seulement. Les chevaliers
seuls et non le sénat se portaient à sa rencontre. Au Capitole, au lieu de bœufs
ou de taureaux blancs qu’offrait le triomphateur, on ne sacrifiait qu’un mouton
ovis : de là vient le nom d’ovation. Festus cependant donne une autre
étymologie : ovantes, id est loetantes, ab eo clamore dicti, quem faciunt
redeuntes ex pugna victores milites, geminata o littera.
Il nous reste maintenant à voir comment se célébrait le triomphe. La
pompe, déployée dans cette circonstance, sans constituer le point essentiel, était
néanmoins ce qui frappait le plus vivement. Modeste aux premiers temps de
Rome, le triomphe, sous l’impulsion de Tarquin l’ancien, se transforme
promptement et bientôt devient l’occasion d’étaler à tous les yeux les richesses
et les splendeurs des peuples vaincus... Chaque général tenait à se signaler par
des innovations, des particularités qu’il serait difficile d’énumérer car, depuis
Romulus jusqu’à Vespasien au dire d’Orose, il n’y eut pas moins de 320
triomphes.
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Pour n’en citer qu’un seul exemple, Plutarque nous apprend que Romulus
fit son entrée triomphale à pied ; Publicola le premier monta sur un char.
Camille.. se servit d’un quadrige de chevaux blancs. ‘La magnificence de son
triomphe, dit Tite-Live, excéda la mesure réservée à ces sortes de fêtes ; ce qui
frappa le plus les regards, ce fut le dictateur faisant son entrée dans Rome sur un
char attelé de chevaux blancs, chose qui non seulement parut au-dessus d’un
citoyen, mais même au-dessus de la condition humaine. Cette distinction en
effet était réservée aux chars du Soleil et de Jupiter et c’est pour cette raison que
son triomphe satisfit les yeux bien plus que les cœurs.’ …
Le triomphateur se fardait ou se peignait le visage de vermillon comme
Jupiter et se revêtait d’une toge sur laquelle étaient brodées des palmes d’or,
tunica picta ou palmata. La tête ornée d’une couronne, il tenait de la main droite
une branche de laurier et de la gauche un sceptre d’ivoire surmonté d’un aigle.
Enfin, comme nous venons de le voir, il était monté sur un char traîné par
quatre chevaux blancs. Macrobe ajoute qu’une boule d’or renfermant un
préservatif contre l’envie tombait sur sa poitrine…
Le triomphe que l’on appelait aussi θριαµβος lorsqu’il avait remporté un
succès important et qu’il méritait le triomphe, le général était, sur-le-champ,
proclamé imperator par ses soldats ; il entourait ses faisceaux de branches de
laurier et en donnait aux coureurs chargés d’aller annoncer la victoire à Rome.
Arrivé près de la Ville, il assemblait le sénat et demandait qu’on lui décernât le
triomphe. S’il obtenait le décret du sénat et du peuple, le titre d’imperator lui
était confirmé…
Après cela, le triomphateur montait sur le char. Ce char ne ressemblait ni
au char de course, ni au char de guerre ; il avait la forme d’une tour ronde. Le
triomphateur n’était pas seul sur le char ; s’il avait des enfants ou des parents, il
y faisait monter les filles et les garçons en bas âge, tandis qu’il mettait ceux qui
étaient plus forts sur les chevaux, tant sur les chevaux attelés au timon, que les
chevaux de volée…
Aucun des assistants n’était sur un char tous allaient à pied, des lauriers à
la main. Un esclave public était porté sur le char même, tenant au-dessus de la
tête du triomphateur la couronne d’or enrichie de pierreries et lui disait :
‘Regarde derrière, c’est à dire dans la suite, le passé, et l’avenir ; ne
t’enorgueillis pas des circonstances présentes et n’en conçois pas de vanité’…
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C’était dans cet appareil que les triomphateurs entraient dans Rome,
précédés des dépouilles et des trophées des forteresses qu’ils avaient prises,
représentées en peinture, ainsi que les villes, les montagnes, les fleuves, les
ports, les mers, en un mot toutes leurs conquêtes…
Après le passage de cette pompe, arrivé sur le Forum romain, le
triomphateur, ayant donné l’ordre de conduire en prison quelques-uns des
captifs et de les mettre à mort, poussait jusqu'au Capitole où, après avoir
accompli certaines cérémonies, suspendu des offrandes et soupé sous les
portiques qui l’entourent, il revenait chez lui, vers le soir, au son des flûtes et des
chalumeaux. Tel était autrefois le triomphe. Depuis, les séditions et les factions
y ont introduit de nombreux changements… Tous les ordres de la République se
portaient à la rencontre du triomphateur et, le sénat y compris, suivaient son
char à pied. A partir d’Auguste seulement, les magistrats précédèrent le
triomphateur. Les soldats couronnés de lauriers paraient aussi des récompenses
qu’ils avaient méritées… Les soldats chantaient leurs propres louanges ou celles
de leur général. Dans ces moments, ils jouissaient de la plus grande liberté de
parole et ils en usaient pour accabler le général dont ils avaient à se plaindre des
plus mordantes railleries… Pendant ce temps, le triomphateur montait à genoux
les degrés du Capitole et attendait, pour offrir les sacrifices, qu’un licteur luit eût
annoncé la mort des condamnés. Puis, remerciant les dieux de leur protection
signalée, il immolait les victimes généralement de couleur blanche et consacrait
à Jupiter une couronne avec une partie des dépouilles. Il donnait alors seulement
le repas…
Un mot encore sur l’itinéraire suivi par le triomphateur… Le cortège
entrait à Rome par la porta triomphalis : on ne sait pas exactement où se trouvait
cette porta. On croit qu’elle n’était pas éloignée des temples d’Apollon et de
Bellone, et par conséquent voisine du cirque Flaminien. En tous cas, elle ne
s’ouvrait que pour livrer passage aux triomphateurs : de là, le nom de Porta
triomphalis. Puis traversant le Vélabre et le Forum boarium, le cortège longeait
le grand cirque, tournait à gauche entre le Cœlius et le Palatin, suivait la Voie
sacrée, traversait tout le Forum et montait au Capitole, par le Clivus
Capitolinus. »
(Charles Hoffmann : Régime des provinces sous la République romaine)
(Colmar - 1874 - aux pages 173 à 189)
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