Un régime de responsabilité civile sur le marché secondaire entre

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Un régime de responsabilité civile sur le marché secondaire entre
FÉVRIER 2008
Actualités – Valeurs mobilières
Un régime de responsabilité civile sur
le marché secondaire entre en vigueur
au Québec
Des modifications de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec)
introduisent un régime de responsabilité civile sur le marché
secondaire semblable à celui de l’Ontario.
ROBERT CARELLI ([email protected]) ALEX COLANGELO ([email protected])
Le 9 novembre 2007, le projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur les valeurs
mobilières et d’autres dispositions législatives (le « projet de loi 19 »), est
entré en vigueur au Québec. Le projet de loi 19 introduit un régime de
responsabilité civile sur le marché secondaire permettant aux investisseurs
de poursuivre les émetteurs et d’autres personnes qui manquent à leurs
obligations d’information occasionnelle en ce qui concerne les changements
importants et qui donnent une information fausse ou trompeuse au public. Le
projet de loi 19 suit de près le régime de l’Ontario et les lecteurs remarqueront
une grande similarité entre les deux. Le Québec se joint aussi à d’autres
provinces, comme l’Alberta et la Colombie-Britannique, qui ont adopté ou sont
en train d’adopter des dispositions relatives au recours en responsabilité civile
sur le marché secondaire.
Autorisation du tribunal
« Cabinet d’avocats
canadien de l’année »
Tout comme en Ontario, l’action intentée au Québec doit être autorisée au
préalable par le tribunal. Pour accorder l’autorisation, le tribunal doit estimer
que l’action « est intentée de bonne foi » et qu’il existe une possibilité
raisonnable que le demandeur ait gain de cause. Toutefois, à la différence de
l’Ontario qui prévoit des délais de prescription précis, c’est-à-dire que l’action
ne peut être intentée plus de trois ans après la date de la présentation
inexacte des faits (ou de l’absence de cette présentation) ou plus de six mois
après la publication d’un communiqué annonçant que l’autorisation a été
accordée, le projet de loi 19 du Québec permet aux intéressés de demander
au tribunal de déclarer l’autorisation périmée si l’action n’est pas intentée
dans les trois mois de l’autorisation.
Cause d’action
IFLR 2007
CHAMBERS GLOBAL 2006
Le projet de loi 19 prévoit quatre cas d’ouverture à une action en justice.
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> L’émetteur ou l’un de ses représentants publie un document contenant une information fausse ou trompeuse.
> Un représentant de l’émetteur fait une déclaration verbale publique sur les activités ou les affaires de ce
dernier et contenant une information fausse ou trompeuse.
> Une personne influente ou l’un de ses représentants publie un document ou fait une déclaration verbale
publique sur l’émetteur qui contient une information fausse ou trompeuse.
> L’émetteur manque à une obligation d’information occasionnelle en ce qui concerne un changement important.
Personnes éventuellement responsables
Comme en Ontario, le projet de loi 19 du Québec prévoit un certain nombre de défendeurs possibles, soit :
> l’émetteur, ses administrateurs et ses dirigeants qui ont autorisé ou permis la publication du document ou la
déclaration publique contenant l’information fausse ou trompeuse ou le manquement aux obligations
d’information occasionnelle en ce qui concerne un changement important, ou qui y ont acquiescé;
> une « personne influente » (soit une personne participant au contrôle, un promoteur, un initié autre qu’un
administrateur ou un dirigeant de l’émetteur, ou un gestionnaire de fonds d’investissement si l’émetteur est un
fonds d’investissement) qui a sciemment influencé l’émetteur ou l’un de ses représentants pour qu’il
commette le manquement ou qu’il donne une information fausse ou trompeuse ou pour qu’il l’autorise, le
permette ou y acquiesce comme s’il avait été commis par lui;
> un expert, notamment un comptable, un ingénieur, un analyste financier ou un géologue dont le rapport, la
déclaration ou l’avis contenait l’information fausse ou trompeuse, qui a été cité dans le document ou la
déclaration fautive et qui a consenti par écrit à l’utilisation du rapport, de la déclaration ou de l’avis;
> dans le cas d’une déclaration verbale publique, l’auteur de la déclaration.
Fardeau de la preuve
Le demandeur n’a pas à établir qu’il s’est fié au document ou à la déclaration contenant une information fausse
ou trompeuse ou qu’il a tenu pour acquis que l’émetteur a respecté ses obligations d’information occasionnelle.
Le demandeur doit établir que le défendeur, sauf s’il s’agit d’un expert ou sauf si l’information fausse ou
trompeuse est contenue dans un document essentiel (prospectus, circulaire relative à une offre publique d’achat,
etc.), savait ou avait délibérément évité d’être informé que le document ou la déclaration verbale publique
contenait une information fausse ou trompeuse ou qu’il avait commis une faute lourde relativement à la
publication du document ou à la déclaration verbale publique. En ce qui concerne le manquement à l’obligation
d’information, le demandeur doit établir que le défendeur, sauf s’il s’agit de l’émetteur, du gestionnaire de fonds
d’investissement ou d’un de leurs dirigeants, savait qu’une déclaration de changement important aurait dû être
déposée ou avait délibérément évité d’en être informé ou qu’il avait commis une faute lourde relativement au
manquement à l’obligation d’information occasionnelle. Pour décider si une « faute lourde » a été commise, le
tribunal tient compte d’un certain nombre de facteurs, qui sont quasiment semblables à ceux pris en compte en
Ontario pour établir qu’il y a eu « inconduite grave ». Ces facteurs comprennent la nature de l’émetteur, les
connaissances, l’expérience et les fonctions du défendeur et le fait pour ce dernier de pouvoir raisonnablement se
fier au procédé visant à assurer le respect des obligations d’information continue.
Moyens de défense
Le projet de loi 19 contient un certain nombre de moyens de défense dans un recours en responsabilité civile
semblables à ceux prévus dans le projet de loi 198 de l’Ontario, notamment ceux indiqués ci-après :
> Le demandeur avait connaissance de l’information fausse ou trompeuse ou du changement important.
> Le défendeur a procédé à une enquête raisonnable et n’avait pas de motif raisonnable de croire qu’il y aurait
une information fausse ou trompeuse ou un manquement à l’obligation d’information occasionnelle.
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> L’information fausse ou trompeuse se trouvait aussi dans un document déposé par ou pour un tiers, autre
que l’émetteur, auprès de l’Autorité des marchés financiers ou de la commission des valeurs mobilières d’une
autre province, à condition qu’elle n’ait pas été rectifiée dans un autre document déposé, que le document ou
la déclaration contienne le renvoi à la source de l’information fausse ou trompeuse et que le défendeur n’ait
pas eu connaissance ou n’ait pas eu de motif raisonnable de croire qu’il y avait une information fausse ou
trompeuse.
> Une information fausse ou trompeuse ou un manquement à l’obligation de déclarer un changement important
qui a été donnée ou commis sans que le défendeur en ait connaissance ou donne son consentement a été
suivi de mesures correctives sous la forme d’un avis au conseil d’administration de l’émetteur et, peut-être,
d’un avis à l’Autorité des marchés financiers. Ce moyen de défense ne peut être adopté par l’émetteur.
> Dans le cas d’une déclaration verbale publique, le défendeur, autre que l’auteur de la déclaration, n’avait pas
eu connaissance et n’aurait pas dû raisonnablement avoir eu connaissance de l’information fausse ou
trompeuse au moment où le demandeur a acquis ou cédé ses titres et que l’auteur n’avait qu’un pouvoir
apparent de faire la déclaration publique.
> Dans le cas d’un document prospectif ou d’une information prospective, une mise en garde suffisante figurait
dans la déclaration ainsi qu’une mention des facteurs ou hypothèses significatifs pris en compte. La
déclaration ou le document doit contenir certaines réserves pour que le défendeur puisse utiliser ce moyen de
défense. En outre, ce moyen de défense ne peut être utilisé pour les déclarations ou l’information à déposer
en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières ou de ses règlements.
> Le défendeur autre que l’expert qui s’appuie sur un rapport, une déclaration ou un avis d’expert peut invoquer
le fait qu’il ne savait pas et n’avait pas de motif raisonnable de croire que le rapport contenait une information
fausse ou trompeuse et que l’avis de l’expert était fidèlement reproduit dans le document ou la déclaration.
> Un expert peut établir la preuve qu’il avait retiré par écrit son consentement à l’utilisation de son rapport, de
sa déclaration ou de son avis avant la publication du document contenant l’information fausse ou trompeuse
ou la déclaration publique.
> Le défendeur ne savait pas et n’avait pas de motif raisonnable de croire que le document contenant une
information fausse ou trompeuse serait publié.
> L’émetteur a déposé une déclaration de changement important de façon confidentielle, a rendu public le
changement important dès que les circonstances justifiant la confidentialité ont pris fin, n’a pas publié de
document ou de déclaration contenant une information fausse ou trompeuse et, si le changement important
est devenu connu du public d’une autre façon, il l’a rendu public.
Dommages-intérêts et limite de responsabilité civile
Les dommages-intérêts prévus dans le projet de loi 19 sont calculés en fonction du prix des titres achetés ou
vendus et du prix moyen du titre une fois que le changement important a été déclaré. Le calcul des
dommages-intérêts ne prend pas en compte les fluctuations du cours des titres sans lien avec l’information
fausse ou trompeuse ou le manquement à une obligation d’information occasionnelle. Comme en Ontario, le
projet de loi 19 prévoit les limites de responsabilité civile ci-après.
> Dans le cas de l’émetteur ou d’une personne influente qui n’est pas une personne physique, 5 % de sa
capitalisation boursière, sous réserve d’un maximum de 1 000 000 $.
> Dans le cas d’une personne physique autre que l’expert, 50 % de la rémunération globale reçue de l’émetteur
et des sociétés de son groupe, sous réserve d’un maximum de 25 000 $; dans le cas de l’administrateur ou
du dirigeant de la personne influente, 50 % de la rémunération globale reçue de cette dernière et des
sociétés de son groupe, sous réserve d’un maximum de 25 000 $.
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> Dans le cas de l’expert, le revenu que lui et les sociétés de son groupe ont tiré de l’émetteur et des sociétés
de son groupe au cours de l’année précédant le moment où les informations fausses ou trompeuses ont été
fournies, sous réserve d’un maximum de 1 000 000 $.
Les limites de responsabilité civile ne s’appliquent toutefois pas si le demandeur établit que le défendeur, autre
que l’émetteur, a autorisé ou permis la publication du document ou la déclaration verbale publique contenant
l’information fausse ou trompeuse ou y a acquiescé, ou bien a manqué à son obligation d’information
occasionnelle, tout en sachant qu’il s’agissait d’une information fausse ou trompeuse ou d’un manquement à
l’obligation d’information occasionnelle.
Entrée en vigueur et transition
Comme indiqué plus haut, le projet de loi 19 a été sanctionné le 9 novembre 2007.
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