Sur le banc des remplaçants

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Sur le banc des remplaçants
Sur le banc des remplaçants
Il y a les titulaires, ceux qui constituent « le onze de départ », et puis les autres, les remplaçants...
Choix de l’entraîneur, ils sont, quoiqu’il en soit, des éléments essentiels d’un groupe, ceux qui bien
souvent donnent un supplément d’âme, un second souffle à une formation qui fatigue sur le terrain.
Dans les vestiaires, on aime parfois à « chambrer » ceux-là même dont on dit qu’ils « cirent le banc
de touche ». Allusion au temps qu’ils passent à essuyer sur le bois ou le plastique qui les accueille
leur short et leurs regrets de ne pas avoir été alignés dans l’équipe type.
Car si les éducateurs soulignent l’importance fondamentale de la notion de groupe, il y a souvent
sous la guérite un sentiment de frustration, d’impatience et parfois même d’ennui chez ceux qui
restent assis pendant que les autres courent. Voir ses potes jouer et ne pas avoir accès au terrain
peut être vécu comme quelque chose de véritablement agaçant... Mais le foot est ainsi fait : onze
joueurs sur le terrain et les autres sur le banc. Aux éducateurs d’endosser la responsabilité de leurs
choix de composition et de trouver du sens à leur prise de position. Ainsi, une place parmi ceux qui
font « banquette » peut récompenser un joueur de l’équipe réserve méritant et assidu dont l’état
d’esprit mérite d’être souligné, tout comme sanctionner son partenaire au comportement indélicat
pour marquer ses positions pédagogiques.
Il n’y a pas meilleur remplaçant que celui qui sait pourquoi il est sur le bord de la touche.
Mais rien n’est figé, et l’éducateur peut également se servir des changements illimités autorisés dans
certaines divisions de certaines catégories, pour faire souffler, ou préserver un joueur de qualité et
par la même d’offrir du temps de jeu et la possibilité de s’exprimer à ceux qui talonnent les titulaires.
Si dans une majorité des cas les douzième, treizième et quatorzième hommes s’estiment lésés, c’est
que bien souvent, ils ne comprennent pas la décision d’un homme qui évalue, tranche, sélectionne,
départage mais n’explique pas toujours sa logique. Ce qui peut être parfois dommageable car, il n’y a
pas meilleur remplaçant que celui qui sait pourquoi il est sur le bord de la touche. Et rien de plus
héroïque que de voir ce même remplaçant faire basculer la rencontre...
Educateurs et joueurs parlent des remplaçants
Raymond WUJEC, entraîneur des seniors de l’AS Tour Eiffel Club (75) :
« Expliquer au joueur pourquoi il ne joue pas... »
Qu’on soit professionnel ou amateur, c’est toujours rageant pour un joueur d’être sur le banc ! Pour moi, c’est
quand même assez simple de gérer les remplacements dans mon équipe, car c’est avant tout une bande de
copains. Quand il règne un bon état d’esprit dans un groupe, les joueurs acceptent facilement de ne pas être
sur le terrain. Chez nous, on pratique régulièrement le turn over car il n’y a pas de titulaire indiscutable mis à
part quatre ou cinq joueurs défensifs. Attention, ça ne veut pas dire que je cherche à faire plaisir à quelqu’un
en particulier ! Je ne vais pas laisser tout le temps sur un banc un gars sérieux et assidu. Le tout est de bien
expliquer au joueur pourquoi il ne joue pas. Ça, c’est très important ! C’est la même chose avec celui que l’on
remplace. La plupart du temps, les joueurs sont réceptifs. Ces deux dernières années, je n’ai eu à déplorer
qu’un seul cas où ça s’est mal passé avec un remplaçant. »
Thierry, joueur au SC Air Bel en 18 ans :
« je préfère encore être remplaçant dans un bon club que titulaire dans un club médiocre ! »
« Ça va faire cinq ans que je joue stoppeur dans ce club, et jusque-là, j’ai eu la chance de n’avoir jamais été
remplaçant régulièrement. Même si c’est une situation frustrante pour un joueur, il faut savoir l’accepter pour
le bien de l’équipe. C’est pareil quand on est remplacé : on sait que c’est souvent pour des raisons tactiques,
pas parce qu’on n’a pas été bon. Généralement, les consignes du coach sont respectées, même si au début de la
saison quelqu’un s’est plaint auprès de l’entraîneur de ne pas jouer. Moi, je préfère encore être remplaçant
dans un bon club que titulaire dans un club médiocre ! La concurrence nous pousse forcément à nous donner
encore plus à l’entraînement pour gagner sa place. »
Benoît, joueur en 15 ans, FC Aubagne (Ligue Méditerranée) :
« Remplaçant : une promotion »
« Au début de saison, je faisais partie de l’équipe 2, en division Honneur. Je pensais même y rester. Puis de
nombreux joueurs de l’équipe 1 se sont blessés, et vu que je jouais plutôt bien, l’entraîneur m’a appelé. Même
si je ne débute pas régulièrement les matchs, je suis content d’être dans ce groupe. J’ai le sentiment d’avoir
progressé. Pour moi, être remplaçant en 1, ça reste une promotion. »
Thierry Zarrouk, entraîneur de l’équipe Seniors réserve de l’AS Saint-Cyr/mer (Ligue Méditerranée) :
« Je préfère plutôt parler de groupe »
« Remplaçant, c’est un mot négatif, une expression qui ne me plaît pas beaucoup. Tout comme d’ailleurs la
notion de titulaire. Je préfère plutôt parler de groupe. Pour moi un match ne se gagne pas à 11, mais bien à 14
! Pour moi, les remplaçants ne sont pas de simples faire-valoir. A notre niveau (Promotion d’Honneur), le
règlement nous autorise à faire tourner indéfiniment. Il peut donc arriver qu’un remplaçant initial joue plus de
minutes qu’un titulaire. Personnellement, je n’ai pas d’équipe type. D’un dimanche à l’autre, je modifie
toujours ma composition d’équipe. Et ce quel que soit le résultat ! Les trois garçons qui se retrouvent sur le
banc pour un match, sont toujours titulaires la semaine suivante. Avec moi, personne ne se retrouve donc sur le
côté éternellement. Chaque joueur a sa chance. Ça fait cinq ans que je suis éducateur et jamais je n’ai dérogé à
cette règle. Mon discours est clair, et les garçons l’ont intégré. Le respect des consignes s’installe donc
facilement.
Olivier, joueur de l’équipe réserve de l’AS Saint-Cyr/mer (Ligue Méditerranée) :
« De la déception, parfois même de la colère ! »
« Quand je vois que mon nom ne figure pas dans le onze de départ, j’éprouve toujours de la déception, parfois
même de la colère. Mais cette colère, je la garde pour moi, je ne la montre pas. Elle me sert à me concentrer
sur mon match. Quand je suis remplaçant au départ, je suis toujours plus motivé. J’ai envie de me surpasser et
de prouver à mon entraîneur qu’il s’est trompé. Mais je n’ai pas toujours eu cette réaction. Quand gamin, je
me retrouvais remplaçant, j’avais l’impression que le monde s’écroulait autour de moi. Je le vivais comme une
véritable punition. J’étais abattu et je perdais confiance en moi. Depuis mon banc, je me sentais seul et inutile.
De ces moments, j’en garde de très mauvais souvenirs. En grandissant, j’ai pris confiance en moi. Et j’ai
appris à relativiser. Quand j’étais jeune, je ne rêvais que d’une seule chose : devenir footballeur professionnel.
Du coup, je vivais particulièrement mal le fait d’être remplaçant. Aujourd’hui, je pense plus au bien de l’équipe
qu’à mon plaisir personnel. Et si j’éprouve de la fatigue lorsque je joue, je laisse volontiers ma place. Pour
aller retrouver ce bon vieux banc de touche...
Lofti Hasni, entraîneur des 15 ans nationaux à Air Bel (Ligue Méditerranée) :
« Les problèmes, c’est avec les parents »
« Quand j’annonce l’équipe type dans le vestiaire, le silence règne. Aucune effusion de joie chez les joueurs
retenus, les remplaçants grimacent et râlent dans leur coin. Ce qui est bon signe car ça prouve qu’ils ont « faim
». Les garçons ne contestent jamais mes choix car ils connaissent d’entrée mon mode de fonctionnement. Pour
moi, le bien du groupe passe avant tout. Ce sont donc les meilleurs du moment qui jouent, tout simplement !
Que cela plaise ou non aux parents d’ailleurs. Car les problèmes, ce ne sont pas les gamins qui les créent, mais
plutôt leurs parents. Lorsque leur enfant se retrouve remplaçant, la pilule est amère pour eux. En moins de 15
ans nationaux, nous rencontrons des équipes comme l’Olympique de Marseille, l’OGC Nice ou encore l’AS
Monaco. Cela monte à la tête de certains parents qui considèrent leurs minots comme de futures stars. La
concurrence, ils l’acceptent que si elle ne concerne pas leurs enfants ».
Henri Romolacci, entraîneur des 13 ans de la JO Saint-Gabriel (Ligue Provence) :
« je n’ai pas trop de mal à me faire comprendre auprès de mes joueurs »
« Le statut de remplaçant est fixé selon les possibilités techniques du joueur ou relève alors de choix tactiques.
Je n’ai pas trop de mal à me faire comprendre auprès de mes joueurs. Le tout est de savoir le dire, calmement,
sans crier sur eux. La pression vient davantage des parents qui veulent absolument que leurs enfants jouent
tous les matches et n’acceptent jamais qu’ils soient sur le banc. Pour ne pas subir cette concurrence, le mieux
est encore d’être gardien car il y a un vrai manque à ce poste dans les catégories de jeunes de notre club.
Malgré tout, à cet âge, le jeu passe avant la compétition, donc je donne la chance à tous de jouer, notamment
lors de matches plus « tranquilles ». Il est même arrivé à ces occasions que des remplaçants habituels me
prouvent que je m’étais trompé sur eux ! Je me souviens également d’un petit joueur qui avait les qualités
techniques requises mais qui était un peu juste physiquement. Je me suis aperçu qu’en le faisant entrer à 10 ou
15 minutes de la fin, il faisait quasiment la différence à chaque fois en marquant des buts. »