TD Dt contrats 2014-15, séances 4 et 5, B Parance

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TD Dt contrats 2014-15, séances 4 et 5, B Parance
Thème N° 4 :
L’objet et la cause du contrat
DOCUMENTS
I. L’OBJET
1. La commercialité de l’objet : quelles sont les choses sur lesquelles peut porter « le commerce
juridique » ?
- Les clientèles civiles sont cessibles, jurisprudence constante depuis 2000
- Doc 1 : Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 98-17731, D. 2001.P 2400 : Y. Auguet, La clientèle civile peut
constituer l’objet d’un contrat de cession d’un fonds libéral.
- Doc 2 : Cass. 1re civ., 19 nov. 2002, n° 08-18339, D. 2003.IR.43
- Doc 3 : Cass. 1ière civ, 10 avril 2013, n° 12-15168, inédit, D. 2014, p. 634, obs. M. Mekki ; RTDciv
2013, p. 369, obs. H. Barbier
- Le corps humain : interdictions posées par les articles 16-5 et 16-7 du code civil
- Doc 4 : Ass. Plén., 31 mai 1991, n° 90-20105, D. 1991. p. 417.
- Doc 5 : Cass. 1re civ., 16 sept. 2010, aff Our Body, n°
Lire : l’article 1128 du code civil.
Doctrine : G. Loiseau, Typologie des choses hors du commerce juridique : RTD civ. 2000, p. 47 ; Th.
Revet, Le développement progressif de la commercialité de la clientèle civile : RTD civ. 2008, p. 123.
II. LA CAUSE :
- La distinction cause de l’obligation et cause du contrat ou cause subjective et cause objective :
Doc 6 : Civ. 1re, 12 juill. 1989, n° 88-11443.
Doc 7 : Civ. 1re, 3 juill. 1996, n° 94-14800, D. 1997, p. 500, note Ph. Reigné, Affaire du point club vidéo
- Cause et équilibre contractuel :
Doc 8: Cass. civ. 1re, 13 juin 2006, n° 04-15456 ; D. 2006, AJ 1819 ; D. 2007, p. 277.
- La cause illusoire ou dérisoire : Les jurisprudences Chronopost et Faurécia seront étudiées plus tard,
dans le cadre des clauses limitatives de responsabilité.
- La disparition de la cause : quand et quelles conséquences ?
Doc 9 : Com. 29 juin 2010, n° 09-67369 : D. 2010, 2481, note D. Mazeaud, et 2485, note T. Genicon ;
JCP G 2010, 1056, note Th. Favario .
Doc 10 : Cass. Com. 23 octobre 2012, n° 11-23376, Droit &Patrimoine juin 2013, p. 66, obs. L. Aynès ;
D. 2013, p. 397, obs. M. Mekki.
- La cause dans les ensembles contractuels :
Doc 11 : Civ. 1re, 4 avril 2006, n° 02-18277 : D. 2006, p. 2656.
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Doc 12 : Civ. 1re, 28 oct. 2010, n° 09-68014 : D. 2011, 566, note Mazeaud et 628 ; JCP E, n° 16-17 du 21
avril 2011, 1326, p. 39, note C. Aubert de Vincelles ; note publiée aussi au JCP G 2011, 303, Dt et
patrimoine juin 2011, p. 72, note Laurent Aynès.
Doc 13 : Com 12 juillet 2011, n° 10-22930, D. 2012, p. 465, obs. M. Mekki.
Doc 14 : Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 et 11.22-927, P+B+I, JCP G 2013, n° 673, p. 1155,
note F . Buy et n° 674, p. 1159, note J-B. Seube ; RLDC sept 2013, numéro 107, p. 8, note N. Martial.
DOCUMENTS
I . L’OBJET
Doc 1 : Cour de cassation, chambre civile 1, 7 novembre 2000
N° de pourvoi: 98-17731
Publié au bulletin
Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y..., chirurgien, a mis son cabinet à la disposition de son confrère, M. X..., en
créant avec lui une société civile de moyens ; qu'ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une
convention aux termes de laquelle M. Y... cédait la moitié de sa clientèle à M. X... contre le
versement d'une indemnité de 500 000 francs ; que les parties ont, en outre, conclu une "
convention de garantie d'honoraires " par laquelle M. Y... s'engageait à assurer à M. X... un chiffre
d'affaires annuel minimum ; que M. X..., qui avait versé une partie du montant de l'indemnité,
estimant que son confrère n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, a assigné
celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Y... a demandé le paiement de la somme lui
restant due sur le montant conventionnellement fixé ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 2 avril 1998) d'avoir prononcé la nullité du
contrat litigieux, de l'avoir condamné à rembourser à M. X... le montant des sommes déjà payées
par celui-ci et de l'avoir débouté de sa demande en paiement du solde de l'indemnité prévue par la
convention, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en décidant que le contrat était nul comme
portant atteinte au libre choix de son médecin par le malade, après avoir relevé qu'il faisait
obligation aux parties de proposer aux patients une " option restreinte au choix entre deux
praticiens ou à l'acceptation d'un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé
par son médecin traitant ", ce dont il résultait que le malade conservait son entière liberté de
s'adresser à M. Y..., à M. X... ou à tout autre praticien, de sorte qu'il n'était pas porté atteinte à son
libre choix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en
violation des articles 1128 et 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de
rechercher comme elle y était invitée, si l'objet du contrat était en partie licite, comme faisant
obligation à M. Y... de présenter M. X... à sa clientèle et de mettre à la disposition de celui-ci du
matériel médical, du matériel de bureautique et du matériel de communication, de sorte que
l'obligation de M. X... au paiement de l'indemnité prévue par le contrat était pour partie pourvu
d'une cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1128, 1131 et
1134 du Code civil ;
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Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la
cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession, n'est pas illicite, c'est à la condition que soit
sauvegardée la liberté de choix du patient ; qu'à cet égard, la cour d'appel ayant souverainement
retenu, en l'espèce, cette liberté de choix n'était pas respectée, a légalement justifié sa décision ;
d'où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Doc 2 : Cour de cassation, chambre civile 1, 19 novembre 2002
N° de pourvoi: 00-18339
Publié au bulletin
Rejet.
Attendu que Jean-Baptiste X..., qui exerçait la profession de chirurgien-dentiste, est décédé en
1960, laissant sa veuve, qui décédera en 1983, et leurs deux filles, Simone et Jeanine épouse Y... ;
que cette dernière a assigné sa soeur en partage de la communauté de biens ayant existé entre leurs
parents et de la succession de chacun ; que l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 mai 2000) a notamment fixé
la valeur du cabinet dentaire, exploité par des remplaçants jusqu'à ce que Mme Y... ait achevé ses
études dentaires et reprenne le cabinet à son nom fin 1964 ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de nouvelle expertise et
d'avoir fixé la valeur du cabinet dentaire à la somme de 410 000 francs, alors, selon le moyen :
1 / que seul le droit de présentation de la clientèle constitue une valeur patrimoniale ; que JeanBaptiste X... n'ayant pas exercé son droit de présentation de sa clientèle avant son décès,
l'avantage pécuniaire représentant la valeur de cette clientèle ne pouvait entrer dans le cadre du
partage successoral, de sorte qu'en retenant la valeur de cette clientèle en 1960, la cour d'appel a
violé les articles 826 et 1128 du Code civil ;
2 / qu'en s'abstenant de prendre en considération la déperdition de clientèle entre le décès de JeanBaptiste X... et la reprise du cabinet, la cour d'appel a encore violé l'article 826 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cession d'une clientèle médicale n'est pas illicite dès lors qu'elle
sauvegarde la liberté de choix du patient ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel était fondée à prendre
en compte la valeur de la clientèle médicale ; qu'ensuite, ayant relevé qu'au décès de son mari,
Mme veuve X... avait fait fonctionner le cabinet avec un remplaçant jusqu'en 1962, date à laquelle
sa fille Jeanine avait obtenu son diplôme de dentiste, que de 1962 à 1964, celle-ci avait exploité le
cabinet comme remplaçante, jusqu'à ce qu'elle le reprenne à son nom, et que ce mode
d'exploitation avait été décidé dans son intérêt exclusif, c'est dans l'exercice de son pouvoir
souverain que la cour d'appel, évaluant en réalité l'avantage recueilli par Mme Y..., restituable à
l'indivision successorale, a estimé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la baisse de clientèle
et de valeur du cabinet dentaire résultant de son exploitation temporaire par un remplaçant ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en la seconde ;
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PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 3 : Cour de cassation, chambre civile 1, 10 avril 2013
N° de pourvoi: 12-15168
Non publié au bulletin
Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 21 décembre 2007, M. X..., expert-comptable, a
cédé à la société Abax expertise un droit dit « de présentation de clientèle », pour le prix de 119 635 euros,
payable comptant à concurrence de 102 886 euros et le solde, soit 16 749 euros, étant payable au plus tard
le 31 décembre 2014, sans intérêt jusqu'à cette date, avec une clause de garantie de clientèle aux termes de
laquelle « en cas de défection de tout ou partie de la clientèle présentée, pour quelque cause que ce soit,
autre que la faute lourde de la société Abax expertise, M. X... remboursera à première demande de ladite
société la partie du droit de présentation associée aux honoraires récurrents annuels HT figurant sur la liste
annexée aux présentes. Cette obligation de garantie expirera une année après le règlement de l'indemnité
prévue au présent acte payée comptant et à terme » ; que, le même jour, par acte sous seing privé, les
parties ont conclu, pour une durée courant jusqu'au 31 décembre 2014, un contrat dit de sous-traitance
permettant à M. X... d'effectuer des missions d'expertise comptable pour certains clients, ses prestations
étant facturées à la société Abax expertise au taux de 95 % des honoraires facturés aux clients par cette
dernière ; que M. X..., qui avait résilié le contrat de sous-traitance le 20 mai 2008, a obtenu une injonction
de payer la somme de 16 149 euros à l'encontre de la société Abax expertise qui a formé opposition à
l'ordonnance ;
Attendu que les griefs du premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et des deuxième,
troisième, cinquième et sixième moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le quatrième moyen, réunis :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Abax expertise à payer à M. X... la somme de 16 749 euros
correspondant au solde des sommes dues au titre de l'acte notarié du 21 décembre 2007 et pour la débouter
de sa demande d'indemnisation au titre de la clause de garantie de clientèle, l'arrêt retient, d'une part, que
cette clause n'a pas à s'appliquer, faute de preuve de détournement volontaire de clientèle par M. X..., dès
lors que, nonobstant le droit de présentation, la clientèle présentée reste libre de choisir l'expert comptable
auquel elle souhaite confier les travaux, et, d'autre part, que, si, sous réserve que soit sauvegardée la liberté
de choix du client, le droit de présentation n'est pas illicite, la société Abax expertise est néanmoins mal
fondée à se prévaloir de la défaillance des clients qui lui ont été présentés, dès lors que le professionnel
qui présente sa clientèle à un confrère ne peut être tenu des conséquences de cette « défection » alors que
la clientèle reste libre du choix du professionnel avec lequel elle souhaite travailler ;
Qu'en statuant ainsi, quand la clause dite de garantie de clientèle n'en excluait la mise en oeuvre qu'en cas
de faute lourde de la cessionnaire, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ladite clause portait atteinte à la
liberté de choix des clients, a violé le texte susvisé ;
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PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Abax expertise à payer à M. X...
la somme de 16 749 euros au titre du solde d'indemnité et l'a déboutée de sa demande fondée sur la clause
dite de garantie de clientèle stipulée dans l'acte notarié liant les parties, l'arrêt rendu le 16 décembre 2011,
entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel d'Angers ;
Doc 4 : Cour de cassation, Assemblée plénière, 31 mai 1991
N° de pourvoi: 90-20105
Publié au bulletin
Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation :
Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article 353 du même Code ;
Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à
porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de
l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;
Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d'une
stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée
artificiellement, a porté et mis au monde l'enfant ainsi conçu ; qu'à sa naissance, cet enfant a été
déclaré comme étant né de Y..., sans indication de filiation maternelle ;
Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant par Mme Y..., l'arrêt retient qu'en
l'état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit
être considérée comme licite et non contraire à l'ordre public, et que cette adoption est conforme
à l'intérêt de l'enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis
sa naissance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble
destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat
tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de
l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un
détournement de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l'intérêt de la loi et sans renvoi, l'arrêt rendu le 15
juin 1990 par la cour d'appel de Paris.
Doc 5 : Cour de cassation, chambre civile 1 , 16 septembre 2010
N° de pourvoi: 09-67456
Publié au bulletin
Rejet
Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir
du 12 février 2009, une exposition de cadavres humains " plastinés ", ouverts ou disséqués,
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installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant
ainsi le fonctionnement des muscles selon l'effort physique fourni ; que les associations "
Ensemble contre la peine de mort " et " Solidarité Chine ", alléguant un trouble manifestement
illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du code de la santé publique et
225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de
ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de
l'exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps et pièces anatomiques
présentés, et la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur
introduction sur le territoire français que leur cession par la fondation ou la société commerciale
dont elle prétendait les tenir ;
Et sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009) d'avoir dit y avoir lieu à
référé et de lui avoir fait interdiction de poursuivre l'exposition des corps et pièces anatomiques
litigieuse, alors, selon le moyen :
1° / que la formation des référés n'est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de
remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble que si celui-ci est manifestement illicite,
c'est-à-dire d'une totale évidence, consistant en un non-respect caractérisé de la règle de droit ; que
sa compétence doit, dès lors, être exclue en cas de doute sérieux sur le caractère illicite du trouble
invoqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, d'une part, a procédé à un véritable débat de fond sur
le sens qu'il convenait de donner à l'article 16-1-1 du code civil et sur son éventuelle applicabilité
au cas d'espèce et qui, d'autre part, a rappelé les termes des fortes divergences qui opposaient les
parties sur l'origine licite ou non des corps litigieux, n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de
ses propres constations en estimant qu'elle était en présence, non d'un doute sérieux sur le
caractère illicite du prétendu trouble invoqué, mais d'une violation manifeste de ce même article
16-1-1, justifiant qu'il y ait lieu à référé, et a violé, de ce fait, l'article 809 du code de procédure
civile ;
2° / que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes
décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être
traités avec respect, dignité et décence ; qu'en l'espèce, pour déterminer si les corps exposés
avaient été traités avec respect, dignité et décence, la cour d'appel a recherché s'ils avaient une
origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur
consentement de leur vivant à l'utilisation de leurs cadavres ; qu'en se fondant sur ces motifs
inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d'examiner les conditions dans lesquelles
les corps étaient présentés au public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 16-1-1 du code civil ;
3° / que, par ailleurs, la cour d'appel, a expressément relevé que « le respect du corps n'interdisait
pas le regard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l'entourent dans les
différentes cultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d'un musée des momies
extraites de leur sépulture, voire d'exposer des reliques, sans entraîner d'indignation ni de trouble à
l'ordre public » ; que la juridiction d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
16-1-1 du code civil en ne recherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l'y conduire, si,
précisément, l'exposition litigieuse n'avait pas pour objet d'élargir le champ de la connaissance,
notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en
plus curieux et soucieux d'accroître son niveau de connaissances, aucune différence objective ne
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pouvant être faite entre l'exposition de la momie d'un homme qui, en considération de l'essence
même du rite de la momification, n'a jamais donné son consentement à l'utilisation de son cadavre
et celle, comme en l'espèce, d'un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques
et éducatives ;
4° / qu'enfin celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, en
ayant affirmé qu'il appartenait à la société Encore Events, défenderesse à l'instance en référé, de
rapporter la preuve de l'origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l'existence de
consentements autorisés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé, de ce fait,
l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes
décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence ; que l'exposition de cadavres à des
fins commerciales méconnaît cette exigence ;
Qu'ayant constaté, par motifs adoptés non critiqués, que l'exposition litigieuse poursuivait de telles
fins, les juges du second degré n'ont fait qu'user des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article 16-2 du
code civil en interdisant la poursuite de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu qu'en ses trois branches le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine portée
par la cour d'appel sur l'opportunité d'ordonner les mesures sollicitées ; qu'il ne peut donc être
accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
II. LA CAUSE
Doc 6 : Cour de cassation, chambre civile 1, 12 juillet 1989
N° de pourvoi: 88-11443
Publié au bulletin
Rejet .
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'en 1981, M. Y..., parapsychologue, a vendu à Mme X..., elle-même parapsychologue,
divers ouvrages et matériels d'occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29
décembre 1982 n'ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d'injonction de payer,
à l'encontre de laquelle Mme X... a formé contredit ; que l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987)
a débouté M. Y... de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause
illicite ;
Attendu que M. Y... fait grief audit arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que
la cause du contrat ne réside pas dans l'utilisation que compte faire l'acquéreur de la chose vendue,
mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu'en prenant en compte, pour déterminer
cette cause, le prétendu mobile de l'acquéreur, la cour d'appel aurait violé les articles 1131, 1133
et 1589 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en déclarant nulle pour cause illicite la vente
d'objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu'il soit
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nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu'il y ait lieu de
tenir compte de l'utilisation personnelle que l'acquéreur entend faire à l'égard des tiers de la chose
vendue, l'arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ;
Mais attendu, d'abord, que si la cause de l'obligation de l'acheteur réside bien dans le transfert de
propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste
dans le mobile déterminant, c'est-à-dire celui en l'absence duquel l'acquéreur ne se serait pas
engagé ; qu'ayant relevé qu'en l'espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de
permettre l'exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention
prévue et punie par l'article R. 34 du Code pénal, la cour d'appel en a exactement déduit qu'une
telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ;
Attendu, ensuite, que M. Y... exerçait la même profession de parapsychologue que Mme X..., qu'il
considérait comme sa disciple ; qu'il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d'occultisme
à celle-ci était destinée à lui permettre d'exercer le métier de devin ; que la cour d'appel n'avait
donc pas à rechercher si M. Y... connaissait le mobile déterminant de l'engagement de Mme X...,
une telle connaissance découlant des faits de la cause ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Doc 7 : Cour de cassation, chambre civile 1, 3 juillet 1996
N° de pourvoi: 94-14800
Publié au bulletin
Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que la société DPM fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 mars 1994) d'avoir annulé,
pour défaut de cause, le contrat de création d'un " point club vidéo " et de location de cassettes
conclu avec M. et Mme Y..., en retenant que la cause, mobile déterminant de l'engagement de ces
derniers, était la diffusion certaine des cassettes auprès de leur clientèle, et que cette exploitation
était vouée à l'échec dans une agglomération de 1314 habitants, alors que, d'une part, dans un
contrat synallagmatique la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'obligation de l'autre
partie, et qu'en l'espèce la cause de l'engagement des époux X... était la mise à leur disposition des
cassettes vidéo, et que, d'autre part, les motifs déterminants ne peuvent constituer la cause du
contrat que dans le cas non relevé par la cour d'appel où ces motifs sont entrés dans le champ
contractuel ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, s'agissant de la location de cassettes vidéo pour l'exploitation
d'un commerce, l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible, la
cour d'appel en a exactement déduit que le contrat était dépourvu de cause, dès lors qu'était ainsi
constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix de location des
cassettes, souscrite par M. et Mme Y... dans le cadre de la convention de création d'un " point club
vidéo " ;
Que l'arrêt est ainsi légalement justifié ;
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PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Doc 8 : Cour de cassation, chambre civile 1, 13 juin 2006
N° de pourvoi: 04-15456
Publié au bulletin
Cassation partielle.
Attendu que M. X..., artiste-compositeur-interprète de musique destinée à l'illustration sonore
d'oeuvres audiovisuelles, a assigné les sociétés Kapagama et Kosimus, éditrices, en nullité des
trois contrats conclus avec ces dernières, en 1996 et 1997, par lesquels il leur confiait
l'exploitation de ses oeuvres ; que l'arrêt attaqué à accueilli sa demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission
du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche :
Vu les articles L. 132-1, L. 132-11 et L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble
1134 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le contrat d'édition est celui par lequel un
auteur cède à l'éditeur le droit de fabriquer ou faire fabriquer en nombre des exemplaires de
l'oeuvre, selon les conditions, dans la forme et suivant les modes d'expression prévus audit
contrat, à charge pour l'éditeur d'en assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion
commerciale conformément aux usages de la profession ;
Attendu que pour annuler le contrat d'édition musicale l'arrêt, après avoir rappelé que l'éditeur
avait une double obligation, celle d'éditer en nombre l'oeuvre destinée à être reproduite et celle de
l'exploiter, énonce que "l'article 5 dudit contrat ne pouvait, sans violer les dispositions légales
impératives, dispenser l'éditeur de l'une ou l'autre de ses deux obligations qui sont de l'essence du
contrat, l'invocation des usages de la profession et de l'évolution des techniques qui concerne
seulement les modes de reproduction, étant sans portée et permettant seulement de vérifier les
conditions d'exécution de l'obligation d'exploitation permanente" ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que ne contrevient pas aux dispositions légales susvisées et ne
dispense pas l'éditeur de son obligation essentielle d'édition et d'exploitation de l'oeuvre, le contrat
qui, pour des oeuvres destinées à être diffusées sous forme d'enregistrement pour l'illustration
musicale, dispense l'éditeur de procéder ou faire procéder à la publication graphique de celle-ci et
à son exploitation discographique auprès du public par l'intermédiaire d'une distribution
traditionnelle, mais lui fait obligation de faire figurer l'oeuvre sur un support adapté à la clientèle à
laquelle elle est destinée et d'en assurer ainsi une exploitation et une diffusion conforme aux
usages, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche :
9
Vu les articles 1134 et 1135 du code civil ;
Attendu que pour prononcer la nullité du contrat d'édition l'arrêt retient qu'en ne prévoyant de
reddition de comptes que pour les seuls exemplaires graphiques, tout en dispensant par ailleurs
l'éditeur d'une telle édition, celui-ci se trouvait déchargé de son obligation de rendre compte, ce
qui entachait le contrat de nullité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune stipulation contractuelle expresse ne venait déroger à
l'obligation légale de rendre compte qui s'attachait pour l'éditeur à l'exploitation des oeuvres
d'illustration sonores qui lui était confiée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, ensemble 1134 du code civil ;
Attendu que pour annuler le contrat d'adaptation audiovisuelle, l'arrêt énonce que la clause qui
dispense l'éditeur de solliciter préalablement l'autorisation de l'auteur pour accorder le droit
d'adapter les oeuvres d'illustration musicale destinées à la sonorisation des oeuvres audiovisuelles,
loin de constituer une simple limitation contractuelle de portée restreinte, porte atteinte au
principe d'inaliénabilité du droit moral, l'auteur, par cette clause, étant réputé y renoncer par
avance et de façon générale ;
Qu'en statuant ainsi alors que cette clause n'entraînait pas aliénation de la part de l'auteur de son
droit moral qu'il pouvait exercer si l'exploitation, autorisée conformément à la destination de
l'oeuvre, venait à y porter atteinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la quatrième moyen :
Vu l'article 1131 du code civil ;
Attendu que pour annuler le contrat dit d'achat de bandes sonores, l'arrêt retient que ce contrat
prévoyant la cession matérielle des bandes et des droits voisins de producteur pour une somme
symbolique d'un franc, soit une somme dérisoire, est dépourvu de cause, les obligations
spécifiques contractées dans le cadre du contrat d'édition, auquel il n'est d'ailleurs pas renvoyé, ne
suffisant pas à constituer la contrepartie des supports et de leur droit d'exploitation ;
Qu'en statuant ainsi sans rechercher si, même sans se référer au contrat d'édition, le contrat de
cession ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une opération économique constituant un ensemble
contractuel indivisible, de sorte qu'il ne pouvait être annulé pour absence de cause, la cour d'appel
n'a pas donné de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs,
CASSE et ANNULE mais seulement en ses dispositions relatives à l'annulation des trois contrats,
l'arrêt rendu le 26 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en
conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt
et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
10
Doc 9 : Cour de cassation, chambre commerciale, 29 juin 2010
N° de pourvoi: 09-67369
Non publié au bulletin
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société d'Exploitation de chauffage (société SEC) a fait
assigner en référé la société Soffimat, avec laquelle elle avait conclu le 24 décembre 1998 un
contrat d'une durée de 12 ans ou 43 488 heures portant sur la maintenance de deux moteurs d'une
centrale de production de co-génération moyennant une redevance forfaitaire annuelle, aux fins
qu'il lui soit ordonné, sous astreinte, de réaliser, à compter du 2 octobre 2008, les travaux de
maintenance prévus contractuellement et notamment, la visite des 30 000 heures des moteurs
;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1131 du code civil et
873, alinéa 2 du code de procédure civile ;
Attendu que pour retenir que l'obligation de la
société Soffimat de satisfaire à l'obligation de révision des moteurs n'était pas sérieusement
contestable et confirmer la décision ayant ordonné à la société Soffimat de réaliser à compter du 2
octobre 2008, les travaux de maintenance prévus et, notamment, la visite des 30 000 heures des
moteurs et d'en justifier par l'envoi journalier d'un rapport d'intervention, le tout sous astreinte de
20 000 euros par jour de retard, et ce pendant 30 jours à compter du 6 octobre 2008, l'arrêt relève
qu'il n'est pas allégué que le contrat était dépourvu de cause à la date de sa signature, que l'article
12 du contrat invoqué par la société Soffimat au soutien de sa prétention fondée sur la caducité du
contrat est relatif aux conditions de reconduction de ce dernier au-delà de son terme et non
pendant les douze années de son exécution et que la force majeure ne saurait résulter de la rupture
d'équilibre entre les obligations des parties tenant au prétendu refus de la société SEC de
renégocier les modalités du contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle
y était invitée, si l'évolution des circonstances économiques et notamment l'augmentation du coût
des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur incidence sur celui des pièces de
rechange, n'avait pas eu pour effet, compte tenu du montant de la redevance payée par la société
SEC, de déséquilibrer l'économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa
signature en décembre 1998 et de priver de toute contrepartie réelle l'engagement souscrit par la
société Soffimat, ce qui était de nature à rendre sérieusement contestable l'obligation dont la
société SEC sollicitait l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le
second moyen :
Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
Attendu que pour
déclarer irrecevable la demande d'expertise sollicitée par la société Soffimat, l'arrêt retient qu'il
s'agit d'une demande nouvelle formée en cause d'appel, sans lien avec les demandes dont le
premier juge était saisi ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que cette demande était destinée à
analyser l'économie générale du contrat et tendait par voie de conséquence aux mêmes fins que la
défense soumise au premier juge dès lors qu'elle avait pour objet d'établir que l'obligation, dont
l'exécution était sollicitée, était sérieusement contestable, compte tenu du bouleversement de
l'économie du contrat entre 1998 et 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES
MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans
toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Denis Mazeaud, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
L'arrêt Canal « moins » ?
11
1 - Le destin des arrêts de la Cour de cassation dépendrait-il essentiellement de la vigilance de
la doctrine, dont le rôle dans la production des règles de droit serait alors sensiblement
rehaussé ? C'est cette première question qu'entre beaucoup d'autres pose l'arrêt rendu le... 29
juin 2010 (soit déjà depuis plus de trois mois) par la chambre commerciale de la Cour de
cassation. Cette décision, dont on pressent qu'elle va susciter des débats passionnés, était
apparemment passée inaperçue. Sauf erreur, aucune plume, grande ou petite, du droit des
contrats n'avait encore daigné lui accorder la moindre attention, absorbée qu'elles étaient sans
doute par le commentaire de l'arrêt rendu le même jour et par la même chambre à propos des
clauses limitatives de réparation(1). Grâce soit donc rendue à Thomas « Sherlock » Génicon qui
a déniché cet OJNI (objet juridique non identifié) presque par hasard, et avec lequel je
dialoguerai à quelques pages de distance, tant nos avis sont partagés au sujet de cet arrêt
oublié.
2 - Les faits de l'espèce font immédiatement penser à ceux qui avaient donné lieu au très
fameux arrêt « Canal de Craponne »(2) dans lequel la Cour de cassation a énoncé sa doctrine
en matière d'imprévision. Les sociétés SEC et Soffimat ont conclu en 1998, pour une durée de
12 ans, un contrat de maintenance portant sur deux moteurs d'une centrale de production de
cogénération moyennant une redevance forfaitaire annuelle. Avec le temps et l'évolution des
circonstances économiques, la société Soffimat a été confrontée à de très graves difficultés en
raison de l'augmentation très sensible du prix des pièces de rechange dont elle doit faire
l'acquisition pour réaliser les travaux de maintenance qui lui incombent contractuellement, le
montant des redevances dues par la société SEC étant alors devenu ridicule. Nonobstant ce
bouleversement profond de l'économie du contrat, survenu au cours de son exécution en raison
d'un changement de circonstances, la société SEC a exigé en référé l'exécution scrupuleuse
des engagements contractuels souscrits par son cocontractant. Voeu exaucé par le juge des
référés qui a condamné ce dernier à exécuter son obligation de révision des moteurs, motif pris
que celle-ci n'était pas sérieusement contestable.
3 - L'arrêt confirmatif de la cour d'appel a été cassé, au visa des articles 1131 du code civil et
873, alinéa 2, du code de procédure civile, aux motifs qu'« en statuant ainsi, sans rechercher,
comme elle y était invitée, si l'évolution des circonstances économiques et notamment
l'augmentation du cours des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur incidence
sur celui des pièces de rechange, n'avait pas eu pour effet, compte tenu du montant de la
redevance payée par la société SEC, de déséquilibrer l'économie générale du contrat tel que
voulu par les parties lors de sa signature en décembre 1998 et de priver de toute contrepartie
réelle l'engagement souscrit par la société Soffimat, ce qui était de nature à rendre
sérieusement contestable l'obligation dont la société SEC sollicitait l'exécution, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale ».
En clair et en bref, la Cour de cassation admet implicitement et potentiellement(3) avec cet arrêt
la caducité du contrat pour imprévision sur le fondement de la cause, et provoque une fissure
dans le « Canal de Craponne ».
Thomas Genicon, Professeur à l’Université de Rennes I
Théorie de l'imprévision... ou de l'imprévoyance ?
D. 2010, p. 2485.
Se peut-il qu'une souris accouche d'une montagne ? Nul doute que l'arrêt rendu le
29 juin dernier par la chambre commerciale sera d'abord l'objet d'une bataille
d'experts en technique de cassation(1). Simple arrêt non publié, dira-t-on d'un
côté, rendu en formation restreinte, pour défaut de base légale, tranchant une
12
simple question de procédure civile (le débat portait seulement sur la compétence
du juge des référés). Oui, mais arrêt de cassation tout de même, rétorquera-t-on,
dont on ne peut négliger, en toute bonne foi, le motif décisoire quand bien même il
laisserait toute latitude à la cour de renvoi. Quelle formule, en effet !, si longue, si
finement ciselée et aux termes si choisis... Formule qu'on ne cesse de relire sans
vraiment y croire et qu'on dirait tout droit sortie du rêve le plus fou du précédent
commentateur : « si l'évolution des circonstances économiques (...) n'avait pas eu
pour effet (...) de déséquilibrer l'économie générale du contrat (...) et de priver de
toute contrepartie réelle l'engagement ( ...) ». Un pavé dans la mare.
Vraiment, cette fois, on ne voit pas comment esquiver le coup. On pourra bien
minimiser la portée de cet arrêt perdu; on ne peut, dans l'immédiat, minimiser la
portée de ce qu'il dit. Car tout y est, ou presque, de la théorie de l'imprévision telle
qu'on l'enseigne aux étudiants de deuxième année avant de brandir le célébrissime
arrêt Canal de Craponne pour la balayer. Il n'est que la sanction de cette
imprévision qui reste dans l'ombre, encore que l'on pourrait deviner une forme de
neutralisation du contrat, sans qu'on sache bien si elle serait provisoire ou
définitive : caducité comme le suggérait le pourvoi ? Résolution sur le mode de
l'effet produit par une condition résolutoire ? mais sans effet rétroactif ? Plus
subtilement, « exception d'imprévision » sur le mode de l'exception d'inexécution
puisque l'arrêt est uniquement cassé pour ne pas avoir recherché si le débiteur
pouvait refuser de s'exécuter (conséquence logique du fait que son obligation
serait devenue sérieusement contestable) ? Et alors, cette nouvelle génération
d'exception serait-elle destinée à imposer l'ouverture d'une renégociation du
contrat ? Quoi qu'il en soit, de révision judiciaire des prestations, il n'est pas
explicitement question et c'est au moins une consolation; la seule à dire vrai.
Car, pour le reste, ce revirement in petto nous semble très regrettable. S'il faut y
voir un arrêt de provocation, sorte de ballon d'essai destiné à sonder les opinions,
on se permettra de dire qu'il mérite d'être condamné. Mais on avouera partir d'un
a priori défavorable sur lequel il faut s'expliquer, dans un premier temps, afin
d'essayer, dans un second temps, de s'en extraire pour voir ce qui peut être
sauvé, à la rigueur, de ce curieux arrêt.
I - Un dérapage avant l'heure
Contrairement à ce que considère une doctrine désormais majoritaire, il ne nous
semble guère que la jurisprudence Craponne soit une vieillerie dont il faudrait se
débarrasser absolument. On osera même admirer ce juge qui sait rester à sa place
en refusant de jouer au justicier et qui, forcément très conscient de l'injustice faite
à l'échelle de l'espèce (on se rappellera que le déséquilibre était caricatural), n'en
maintient pas moins l'intransigeance d'un principe qu'il sait bon à l'échelle du
système juridique tout entier. En sacrifier un, pour en sauver cent, dirait un slogan
révolutionnaire... Capitant, du reste, citant Herriot, lorsqu'il parlait du « respect
étroit, strict, douloureux par moment de la signature », n'avait-il pas pleinement
conscience de ce sacrifice difficile mais nécessaire ?(2) Le monde peut bien
s'effondrer, le contrat sera toujours là, proclame le droit français ! On parlerait
aujourd'hui d'un message de politique juridique dont on mesure, moralement,
l'hommage qu'il rend à la parole donnée et, économiquement, le signal rassurant
qu'il envoie aux milieux d'affaires. Or, précisément, à l'heure d'une compétition
économique présumée des systèmes juridiques, on rappellera à tous ceux qui
13
voient d'abord dans le droit des contrats un instrument au service de ces milieux,
que la common law - dont on a souvent tendance à penser, à tort ou à raison,
qu'elle y fait figure de modèle - est toute proche de la jurisprudence Craponne...
même si, par calcul et délaissant le droit comparé véritable pour le droit virtuel
européen, on a souvent laissé entendre le contraire(3) ! Le droit français aurait-il
alors vraiment intérêt, en ces temps de mondialisation, à proclamer que le contrat
est désormais moins obligatoire et à s'écarter de la « sanctity of contract » qui «
entretient la réputation d'un droit sûr, prévisible, à laquelle les common lawyers
sont ouvertement attachés »(4) ? Bien sûr, il y a l'équité, le sentiment de justice
élémentaire... Mais sur ce terrain, il n'est pas certain que la théorie de
l'imprévision soit elle-même à l'abri de toute critique. Ainsi que l'a souligné M.
Molfessis, n'y aurait-il pas quelque injustice à ne corriger que les déséquilibres les
plus considérables - ce qui est le présupposé de la théorie sauf à ruiner en son
entier le droit des contrats - laissant intacts les déséquilibres simplement graves(5)
? Cette « discrimination » entre les situations de plus ou moins grande détresse ne
serait pas facilement tenable ; avec le risque, à terme, d'ouvrir totalement les
vannes, ce que personne ne veut... Pire encore, la faculté de révision pourrait bien
se transformer... en instrument d'oppression du plus faible, ce que Carbonnier
avait d'ailleurs pressenti(6). Il se dit parfois qu'en ces temps difficiles, certains
fournisseurs puissants, se disant dans une situation intenable, usent (abusent...)
de la clause de hardship qu'ils n'ont pas manqué d'insérer comme d'une
justification un peu facile pour arracher des révisions à la baisse des tarifs... mais
de leurs partenaires faibles seulement, tout en se gardant bien d'agir de même
avec leurs partenaires forts ! Des dangers d'instiller un climat général de « droit à
» la révision... Paraphrasant le mot célèbre, on est donc bien tenté de penser, pour
notre part, que le rejet de l'imprévision, aussi crucifiant soit-il, est peut-être bien
le pire des systèmes... à l'exception de tous les autres.
Encore faut-il rechercher les mérites de celui qu'initie peut-être l'arrêt du 29 juin
2010. Passé le cap de la théorie de l'imprévision, il est des manières plus ou moins
dangereuses de naviguer sur les mers nouvelles. Or, il n'est pas question ici de
révision du contrat mais uniquement de neutralisation de l'obligation contestée sur
le terrain de l'absence de cause, puisque cette obligation aurait perdu en cours de
contrat « toute contrepartie réelle ». La contrepartie devenue insuffisante, même
très gravement, ne suffit donc pas : il en faut une quasi-disparition. De la même
façon, on le sait, qu'il ne peut être question de sanctionner l'absence partielle de
cause au stade de la formation du contrat - ce serait admettre la lésion - il ne peut
être question de sanctionner la disparition partielle de cause lors de son exécution.
On doit bien admettre qu'ainsi présentée, l'innovation est mesurée car on pourrait
n'y voir que la transposition, au stade de l'exécution du contrat, d'une
jurisprudence bien connue qui accepte d'assimiler la contrepartie dérisoire au
défaut total de cause : c'est notamment la fameuse nullité de la vente à vil prix. Et
nul n'a jamais contesté cette solution traditionnelle qui frôle la lésion sans qu'elle
ait conduit, semble-t-il, à des débordements regrettables. Mais encore faudrait-il
qu'il s'agisse bien de cela et la meilleure façon de le vérifier, en l'espèce comme à
l'avenir (s'il y en a un), sera de se livrer honnêtement au « test » rétrospectif
suivant : le contrat aurait-il été annulé pour « vil prix » s'il avait présenté, au jour
de sa conclusion, la physionomie déséquilibrée qu'il a prise par la suite ? En toute
logique, ce n'est qu'en cas de réponse positive que l'imprévision pourrait être
consacrée techniquement sur le terrain de la cause... Faisant coïncider exactement
14
le domaine de la nullité pour vil prix initial avec la caducité (?) pour vil prix
survenu, on mesure qu'il y aurait là une façon de contenir sévèrement l'arrêt.
Seulement, il n'est pas du tout certain qu'en l'espèce, les juges auraient répondu
par l'affirmative au « test » évoqué, ce qui conduit à penser que l'orientation prise
est loin d'être restrictive. D'abord parce que l'idée de disparition de « toute
contrepartie réelle » est mise en concurrence avec celle de « déséquilibre (de)
l'économie générale du contrat », notion beaucoup plus floue, beaucoup plus
ouverte et donc beaucoup plus dangereuse. Ensuite, parce que l'analyse des faits
de l'espèce montre bien qu'on était très loin d'une situation dramatique « à la
Craponne ». Qu'on en juge, plutôt, à la lumière du pourvoi annexé qui fait
apparaître, pêle-mêle : 1°) que l'augmentation du coût des matières premières
datait de 2006, soit deux ans avant que la prestation ne devienne exigible, mais
que Soffimat, outre le fait que la société SEC lui avait déjà accordé en 2007, une
nette révision à la baisse de la prestation due, n'a fait part de ses difficultés que
quatre mois avant la date d'exigibilité, ce qui rendait plutôt « suspect » - selon le
terme du juge des référés - son accablement soudain ; 2°) qu'elle était prête à
s'en tenir pour quitte, à cet instant, avec une augmentation de... 12,8 %
seulement, ce qui, même à supposer qu'elle cherchait simplement à limiter ses
pertes, montrait peut-être que la situation n'était pas exactement intenable ; 3°)
ainsi que l'avait pertinemment relevé la cour d'appel, qu'une clause avait
spécialement été insérée (art. 12) pour permettre éventuellement une
renégociation à raison des nouvelles circonstances économiques, mais seulement
au terme de la convention si elle était reconduite : à s'en tenir à l'économie
générale du contrat, justement, n'était-ce pas qu'a contrario, il prévoyait lui-même
qu'aucune révision n'était envisageable avant cette date ; une sorte de « clause
implicite de non-imprévision » en somme ! 4°) que d'ailleurs, la difficulté venait de
l'augmentation du prix des pièces de rechange imposée par son propre fabricant
alors qu'on pourrait sérieusement se demander de façon générale si le « risquefabricant » n'est pas par nature un risque à la charge du prestataire. On soulignera
à cet égard que certains droits étrangers font un tri scrupuleux parmi les causes du
bouleversement pour écarter celles qui devaient naturellement demeurer à la
charge du débiteur, que ce soit par exemple à raison de sa santé économique(7)
ou des impératifs d'un milieu considéré(8). Sans compter qu'il pourrait bien y avoir
des erreurs d'imprévision comme il est des erreurs inexcusables sur la substance :
Capitant n'avait-il pas fustigé la thèse de l'imprévision en soulignant « qu'elle
serait plus justement dénommée la thèse de l'imprévoyance »(9) ? 5°) que le «
bouleversement » économique tenait à un triplement du coût initial ce qui, sans
être monnaie courante, doit tout de même arriver. Bien sûr, on a conscience des
risques de méprise qu'il y a à glisser ainsi sur le terrain d'une analyse économique
pour laquelle nous n'avons aucune compétence. Mais on relèvera tout de même,
encore une fois, que récemment des hausses de 400 % du coût de l'exécution
n'ont pas été jugées suffisantes en droit américain pour retenir l'« impracticability
»(10)...
Evidemment, la cour de renvoi restera libre d'écarter l'hypothèse d'un
bouleversement économique de nature à priver Soffimat de toute contrepartie
réelle - il faut le souhaiter - mais on se demande bien pourquoi la chambre
commerciale a pris la peine de casser l'arrêt s'il ne lui semblait pas que le
déséquilibre survenu méritait quelque considération. Aussi bien, on voit déjà
15
s'épanouir sous nos yeux le risque majeur de la théorie de l'imprévision : celui d'un
dérapage. Et il ne s'agit guère là de quelque fantasme car il faut se souvenir de cet
arrêt aberrant qu'avait rendu la cour d'appel de Nancy le 26 septembre 2007(11)
par lequel les juges entendaient imposer une révision de l'accord, non pas pour
remédier à la ruine de l'un des contractants, mais uniquement parce que l'autre
avait bénéficié après coup et contre toute attente d'un enrichissement dont les
magistrats nancéens entendaient que tout le monde profite ! Autant dire, si l'on
met bout à bout cette décision et l'arrêt ici commenté, qu'on peut légitimement
avoir quelque inquiétude pour l'avenir puisque les dérapages ont commencé avant
même que la théorie de l'imprévision ait véritablement fait son entrée dans le droit
français. Et si l'on voulait se montrer terriblement cynique, on pourrait même se
féliciter que l'imprévision vienne à la lumière dans des circonstances aussi peu
glorieuses et aussi dangereuses : un jaloux (Nancy) et un déçu (Com. 29 juin
2010), on fait mieux comme porte-étendards des opprimés ! Finalement, la
jurisprudence n'offre-t-elle pas sur un plateau et par l'exemple ce qu'il fallait
démontrer ? Quand un arrêt aventureux vaut mieux qu'un long discours...
II - Un rattrapage par la loi ?
Au reste, ce que rappelle aussi cet arrêt un peu déplacé, c'est que le rôle naturel
du juge n'est décidément pas de créer le droit, au moins lorsqu'il s'agit de règles
cruciales(12). Certes, on pourra bien dire qu'il y a belle lurette que la
jurisprudence est la source principale du droit des obligations mais l'ampleur d'un
mal n'a jamais été un argument très convaincant pour en prôner la persistance et
même l'aggravation. Et ce d'autant que, sur un point aussi sérieux, appelant un
règlement très maîtrisé, la jurisprudence n'aura jamais la finesse d'approche ni la
précision technique que peut avoir la loi(13). Certes, elle peut tout de même être
source d'inspiration et, on l'a dit, même si elle l'a trahie en pratique, la chambre
commerciale a ici ouvert une voie théorique étroite en s'appuyant sur la disparition
totale de cause. Si l'on voulait absolument introduire la théorie de l'imprévision, il
nous semble que ce serait la moins mauvaise façon de le faire. Mais on voudrait
finir par trois précisions.
D'abord, à creuser le sillon ainsi ouvert par la chambre commerciale, on aurait
plutôt intérêt à dégager une solution a minima, en faisant, en quelque sorte, un
croisement entre la théorie de la frustration du droit anglais(14) et celle de la
risoluzione per eccessiva onerosità sopravvenuta du droit italien(15). Pour faire
vite, côté italien : une demande en résolution du contrat dès lors que la prestation
de l'une des parties est « devenue excessivement onéreuse » à raison
d'événements « extraordinaires et imprévisibles », mais à laquelle l'autre partie
peut faire obstacle « en offrant de modifier équitablement les conditions du contrat
» (art. 1467 c. civ. italien). Côté anglais : là aussi une résolution (non rétroactive,
la termination) dès lors que des circonstances nouvelles et imprévisibles ont eu
pour effet de modifier radicalement la nature des obligations contractuelles, mais
étant entendu, on l'a dit, que l'« economic frustration » n'est pas admise. Des deux
systèmes, on prendrait la sanction, c'est-à-dire la résolution, et l'on irait à michemin pour les conditions. Négativement : ni l'excessive onérosité du droit italien
(trop large), ni le refus total du droit anglais de prendre en compte le
bouleversement de nature économique (qui est aussi la position de notre droit
positif). Positivement : le déséquilibre économique (influence italienne), mais le
seul déséquilibre intégral qui conduit à la ruine complète du contrat (influence
16
anglaise). Le concept de « disparition totale de toute contrepartie réelle et sérieuse
», importé tel quel - et pas au-delà - de la vente à vil prix serait alors l'instrument
pertinent... à supposer qu'on y reste fidèle en pratique ! Le tout serait coiffé de
cette astucieuse possibilité qu'offre le droit italien de contrer la demande en
résolution par une offre de modification du contrat de la part du créancier.
Ensuite, et en prolongement, il faudrait surtout écarter la révision judiciaire(16), ce
qui serait du reste en phase avec les deux droits précédemment évoqués. Si l'on
veut être pragmatique, en effet, outre les doutes que l'on peut avoir sur la
compétence et la légitimité du juge pour procéder à une sorte de thérapie
commerciale (et dont, d'ailleurs, il ne veut pas forcément lui-même), on peut
présumer qu'un contrat judiciairement révisé sera souvent voué à l'échec. On ne
peut exclure en effet un sentiment de frustration de la part du « révisé » et
puisque, par hypothèse, la relation contractuelle aura déjà échoué devant le
tribunal, il serait bien étonnant qu'elle reprenne durablement après un passage
plus ou moins long devant le juge... Il y a là quelque chose de la vérité
fondamentale du contrat : imposer de l'extérieur une relation économique qui n'est
pas voulue dans ses modalités essentielles par les parties est une illusion. Le droit
comparé, là encore, serait éclairant qui montre que certains systèmes ayant
introduit la révision judiciaire pour imprévision n'en usent pas faute d'être
pertinente(17), le seul véritable remède à l'imprévision étant la révision d'un
commun accord, le cas échéant sous la pression du juge. Aussi bien, s'il faut
élaborer légalement un quelconque système, il doit d'abord être orienté vers une
très forte incitation à « l'auto-révision ». Et, précisément, dans cette perspective,
la menace d'un anéantissement du contrat est peut-être la voie la plus efficace car
le message incitatif adressé au créancier est le suivant: « ou vous renégociez, ou
vous perdez tout le contrat et vous trouvez contraint de vous remplacer au coût
exorbitant du marché ». Autant faire alors quelque concession pour garder un
contrat toujours avantageux plutôt que de le perdre entièrement et de devoir
retrouver ailleurs un prix qui ne pourra vraisemblablement pas être aussi profitable
que celui obtenu même après révision... C'est très certainement l'esprit du
système italien, ce que Carbonnier n'avait pas manqué de souligner(18).
Enfin, il faudrait tout de même veiller à ne pas offrir au débiteur une sorte de
faculté immédiate de dédit. Le risque est en effet de coupler ce droit à la résolution
pour imprévision à un pouvoir de résolution unilatérale sur le modèle de la rupture
unilatérale en cas d'inexécution, pouvoir dont l'introduction en droit français est
envisagée. Un débordement s'ajouterait à un autre. N'était-ce pas d'ailleurs ce qui
s'était passé en l'espèce ? En pratique, Soffimat a tout simplement « claqué la
porte » de sa propre initiative et l'on comprend que son partenaire ait entendu
obtenir son dû en référé : prima facie, force doit rester au contrat. On comprend
aussi que le président du tribunal de commerce et les juges d'appel aient prononcé
une lourde condamnation sous astreinte. Ce qu'on comprend moins, c'est que la
chambre commerciale ait refusé de consacrer le pouvoir du juge des référés
d'ordonner l'exécution forcée, ne serait-ce que dans un premier temps, au moins,
et quitte à ce que la pertinence du cas d'imprévision soit discutée dans un second
temps lors de l'instance au fond(19). Car, ce faisant, et contre toute attente, elle
s'est rendue complice d'une véritable forfaiture de la part du contractant.
Josserand, dont on connaît pourtant la fibre sociale, avait décrit cela en termes
choisis : « le changement même des conditions économiques ne devrait pas, en
17
thèse générale, justifier le manquement à la parole donnée (...) ; la destruction du
contrat est aussi celle de la confiance et de la sécurité juridique ; si elle se
généralisait, si, sous le complaisant prétexte d'ouvrir des soupapes de sûreté afin
de sauvegarder la paix sociale, on la faisait entrer dans nos moeurs, elle
entraînerait le retour à un régime non-contractuel qui (...) était celui des sociétés
primitives (...) ; à quoi bon contracter lorsque l'on sait que les engagements pris
n'engagent pas ? Organisation et socialisation du contrat, oui ; désorganisation et
anarchie contractuelle, non »(20). De cet arrêt malheureux, rendu par la chambre
commerciale le 29 juin 2010, on fera peut-être une montagne. Pourvu qu'il n'en
sorte qu'une souris.
Doc 10 : Cass. Com, 23 octobre 2012
N° de pourvoi: 11-23376
Publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 juin 2011), qu'en 1995, M. X... a été nommé directeur général
et président du conseil d'administration de la société Mécasonic ; qu'en 2005, la société Mécasonic a
conclu avec la société PGCD, dont le gérant et associé unique est M. X..., une convention de prestations
de service ; qu'en 2007, M. X... ayant été démis de ses fonctions de directeur général de la société
Mécasonic et le contrat conclu avec la société PGCD ayant été résilié, cette dernière et M. X... ont assigné
la société Mécasonic et demandé le paiement à la société PGCD de l'indemnité contractuelle de résiliation
du contrat ; que la société Mécasonic a ensuite fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, M.
Y... étant désigné mandataire judiciaire, et M. Z... commissaire à l'exécution du plan de continuation ;
Attendu que M. X... et la société PGCD font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société PGCD en
paiement par la société Mécasonic de l'indemnité contractuelle de résiliation au titre de la convention de
prestation de service du 9 novembre 2005 alors, selon le moyen :
1°/ que dans les contrats synallagmatiques, l'obligation d'une partie trouve sa cause dans l'obligation de
l'autre, qui en constitue la contrepartie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la
convention du 9 novembre 2005, la société Mécasonic mettait à la charge de la société PGCD différentes
prestations consistant dans la création et le développement de filiales à l'étranger, l'organisation et/ ou la
participation à des salons professionnels, la définition de stratégie de vente dans les différents pays visés et
la recherche de nouveaux clients à l'étranger ; qu'en prononçant l'annulation de cette convention pour
absence de cause, aux motifs inopérants qu'elle constituait une véritable délégation à la société PGCD
d'une partie des attributions de M. X... en qualité de directeur général de la société Mécasonic et faisait
double emploi avec les fonctions de ce dernier, quand il résultait de ses propres constatations que le
contrat litigieux mettait à la charge de la société PGCD des obligations déterminées dont la société
Mécasonic était en droit de demander l'exécution, de sorte que la convention litigieuse comportait des
contreparties réciproques et réelles, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;
2°/ que la société PGCD faisait valoir que la convention du 9 novembre 2005 avait été conclue pour
décharger M. X... d'une partie de ses attributions au sein de la société Mécasonic et que sa rémunération
avait été corrélativement réduite de 40 %, de sorte que les obligations mises à la charge de la société
PGCD ne faisaient pas double emploi avec celles de M. X..., qui ne les assumait plus, et avait vu de ce fait
même sa rémunération sensiblement réduite ; qu'en prononçant néanmoins l'annulation pour défaut de
cause de la convention litigieuse, en retenant qu'elle constituait une délégation à la société PGCD des
fonctions de M. X... en tant que directeur général de la société Mécasonic et que les prestations mises à la
charge de la société PGCD faisaient double emploi avec les obligations de M. X..., sans rechercher,
18
comme elle y était expressément invitée, si celui-ci n'avait pas cessé d'assumer ces obligations qui avaient
été transférées à la société PGCD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1131 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aux termes de la convention litigieuse, la société Mécasonic avait
confié à la société PGCD les prestations de création et développement de filiales à l'étranger,
d'organisation et (ou) de participation à des salons professionnels, de définition des stratégies de vente
dans les différents pays visés et de recherche de nouveaux clients à l'étranger, l'arrêt retient qu'une telle
convention constitue une délégation à la société unipersonnelle dont M. X... est le gérant d'une partie des
fonctions de décision, de stratégie et de représentation incombant normalement à ce dernier en sa qualité
de directeur général de la société Mécasonic et qu'elle fait double emploi, à titre onéreux pour cette
société, avec lesdites fonctions sociales ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les obligations stipulées à la
charge de la société Mécasonic étaient dépourvues de contrepartie réelle, la cour d'appel en a exactement
déduit, sans avoir à faire la recherche dès lors inopérante visée à la seconde branche, que la convention
litigieuse était dépourvue de cause et devait en conséquence être annulée ; que le moyen n'est fondé en
aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 11 : Cour de cassation, chambre civile 1, 4 avril 2006
N° de pourvoi: 02-18277
Publié au bulletin
Rejet.
Attendu que depuis 1984 et par l'effet de deux relations contractuelles toujours reconduites, la
société Cofreth, ci-après la société, en charge de l'exploitation de la chaufferie de l'hôpital
militaire Legouest à Metz, s'approvisionnait pour ce faire auprès de Gaz de France ; que depuis
1989, la société était liée avec le gestionnaire de l'hôpital par une convention quinquennale
assortie d'une faculté de dénonciation, et, depuis 1991, avec l'établissement public en vertu d'un
contrat triennal conclu jusqu'au 30 novembre 1994 ; que, dans le courant de l'année 1993, le
gestionnaire ayant fait savoir à la société que l'hôpital aurait désormais recours au chauffage
urbain et que leur convention d'exploitation serait rompue dès le mois d'octobre, l'intéressée, aux
droits de qui se trouve aujourd'hui la société Elyo, a demandé à Gaz de France la résiliation à la
même date du contrat d'approvisionnement ; que l'établissement public lui a alors réclamé, pour la
période s'étendant jusqu'au terme initialement convenu entre eux, paiement des sommes
correspondant à l'abonnement et à une clause de consommation mensuelle minimale ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces griefs, dont aucun ne serait de nature à
permettre l'admission du pourvoi ;
Et sur le premier moyen, et le deuxième, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que l'arrêt attaqué (Metz, 30 janvier 2002), qui a rejeté la demande, a relevé, d'une part,
que les conditions tant générales que particulières de la convention liant la société et Gaz de
France stipulaient l'affectation du combustible commandé à son utilisation par l'hôpital, d'autre
19
part, que la réalisation de l'exploitation de la chaufferie constituait la seule cause du contrat de
fourniture du produit dont Gaz de France a le monopole, et que les deux contrats conclus par la
société, l'un avec le gestionnaire, l'autre avec l'établissement public, de durées différentes pour des
raisons propres à la qualité et à la puissance économique et juridique du partenaire, concouraient
sans alternative à la même opération économique ; qu'ayant souverainement retenu que les deux
conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d'appel en a déduit à bon
droit que la résiliation du contrat d'exploitation avait entraîné la caducité du contrat
d'approvisionnement, libérant la société des stipulations qu'il contenait ; qu'ainsi, la décision est
légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 12 : Cour de cassation, chambre civile 1, 28 octobre 2010
N° de pourvoi: 09-68014
Publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu que par contrat du 27 décembre 2001, Mme X... a commandé à la société Génération
Online un produit appelé « Net in Pack », comprenant, pendant une durée de 36 mois, la création
d'un site internet marchand, du matériel informatique, des services internet et des services
d'assistance téléphonique et de maintenance de ce matériel dont le financement a été assuré par la
souscription auprès de la société Factobail, le 7 janvier 2002, d'un contrat de location financière
d'une durée de 36 mois stipulant un loyer mensuel de 196, 64 euros ; qu'à la suite de la liquidation
judiciaire de la société Génération Online, prononcée par jugement du 18 juin 2002, cette société a
cessé d'exécuter ses obligations ; que Mme X... a alors interrompu le paiement des mensualités du
contrat de location financière ; que la société Factobail l'a assignée en paiement des sommes dues
jusqu'au terme de ce contrat et que Mme X... a reconventionnellement sollicité l'annulation du
contrat pour absence de cause, à défaut la constatation de sa caducité du fait de la liquidation
judiciaire de la société Génération Online et de l'indivisibilité de ces deux contrats ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2008), d'avoir accueilli la
demande de la société Factobail et rejeté la sienne, alors, selon le moyen :
1° / que, lorsque deux contrats constituent un ensemble contractuel indivisible, l'anéantissement
ou l'impossibilité de l'exécution de l'un entraînent la caducité de l'autre ; qu'en outre, deux contrats
constituent un ensemble contractuel indivisible soit lorsque telle a été l'intention des parties, soit
lorsque l'un de ces contrats n'a aucun sens en l'absence d'exécution des obligations stipulées par
l'autre de ces contrats ; qu'en énonçant, dès lors, pour retenir que Mme Z... Y..., épouse X..., ne
pouvait valablement opposer un défaut de cause du contrat de location financière qu'elle a conclu
avec la société Factobail du fait de la disparition de la société Génération Online et pour, en
conséquence, condamner Mme Z... Y..., épouse X..., à payer à la société Factobail la somme de 7
175, 04 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2002 et la débouter
de ses demandes tendant à la condamnation de la société Factobail à lui payer les sommes de 235,
18 euros et de 470, 36 euros en remboursement de loyers qu'elle lui avait versés, qu'en stipulant
qu'elle serait déchargée de toute responsabilité et de toute obligation au titre de la garantie, la
20
société Factobail avait entendu rendre divisibles les obligations de la société Génération Online et
ses propres obligations, quand le contrat de location financière que Mme Z... Y..., épouse X...,
avait conclu avec la société Factobail n'avait aucun sens en l'absence d'exécution par la société
Génération Online des obligations qu'elle avait souscrites à l'égard de Mme Z... Y..., épouse X...,
aux termes du contrat qu'elle avait conclu avec elle le 27 décembre 2001 et quand, par conséquent,
les contrats conclus par Mme Z... Y..., épouse X..., respectivement avec la société Génération
Online et avec la société Factobail constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour
d'appel a violé les dispositions des articles 1217 et 1218 du code civil ;
2° / qu'est sans portée la clause contractuelle stipulée en contradiction avec l'économie générale
ou avec la finalité de la convention ou de l'opération pour laquelle cette convention a été conclue ;
qu'en se fondant, dès lors, sur les clauses stipulées dans le contrat de location financière conclu
entre Mme Z... Y..., épouse X..., et la société Factobail, selon lesquelles le loueur était déchargé
de toute responsabilité et de toute obligation au titre de la garantie relative aux produits loués et
selon lesquelles l'immobilisation temporaire des produits pour quelque cause que ce soit
n'entraînait aucune diminution des loyers, ni indemnité, pour retenir que la société Factobail avait
entendu rendre divisibles les obligations de la société Génération Online et ses propres obligations
et que Mme Z... Y..., épouse X..., ne pouvait valablement opposer un défaut de cause du contrat
de location financière qu'elle a conclu avec la société Factobail du fait de la disparition de la
société Génération Online et pour, en conséquence, condamner Mme Z... Y..., épouse X..., à payer
à la société Factobail la somme de 7 175, 04 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter
du 12 décembre 2002 et la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de la société
Factobail à lui payer les sommes de 235, 18 euros et de 470, 36 euros en remboursement de loyers
qu'elle lui avait versés, quand, interprétées comme rendant divisibles le contrat de location
financière et le contrat conclu, le 27 décembre 2001, entre Mme Z... Y..., épouse X... et la société
Génération Online, ces clauses avaient été stipulées en contradiction avec la finalité et l'économie
générale de l'opération pour laquelle le contrat de location financière avait été conclu, la cour
d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3° / qu'enfin, la disparition de la cause d'un engagement à exécution successive entraîne sa
caducité ; qu'en énonçant, par conséquent, pour écarter le moyen soulevé par Mme Z... Y...,
épouse X..., tiré de la disparition de la cause du contrat de location financière qu'elle a conclu avec
la société Factobail du fait de la cessation d'activité de la société Génération Online et pour, en
conséquence, condamner Mme Z... Y..., épouse X..., à payer à la société Factobail la somme de 7
175, 04 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2002 et la débouter
de ses demandes tendant à la condamnation de la société Factobail à lui payer les sommes de 235,
18 euros et de 470, 36 euros en remboursement de loyers qu'elle lui avait versés, que l'objet et la
cause de ce contrat devaient s'apprécier au jour de sa signature et qu'ils existaient à cette date
puisqu'un procès-verbal de livraison du matériel avait été signé sans réserve par Mme Z... Y...,
épouse X..., le 25 janvier 2002, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé,
en conséquence, les dispositions de l'article 1131 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le contrat de location litigieux stipulait que les
produits ayant été choisis par le locataire sous sa seule responsabilité et sans la participation du
loueur, ce dernier mandatait le locataire pour exercer tout recours à l'encontre du fournisseur, que
le loueur serait déchargé de toute responsabilité et de toute obligation à cet égard et que
l'immobilisation temporaire des produits pour quelque cause que ce soit n'entraînerait aucune
diminution de loyers ni indemnité ; qu'elle en a souverainement déduit que la commune intention
des parties avait été de rendre divisibles les deux conventions, de sorte que la disparition de l'une
ne pouvait priver de cause les obligations nées de l'autre ; qu'aucun des griefs n'est donc fondé ;
21
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 13 : Cour de cassation, chambre commerciale, 12 juillet 2011
N° de pourvoi: 10-22930
Non publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 12 mai 2010), que la société
Sodema a conclu le 28 septembre 1994 avec la société Prodim ,aux droits de laquelle vient la
société Carrefour proximité France, un contrat de franchise d'une durée de sept ans, pour
l'exploitation d'un supermarché sous l'enseigne Shopi ainsi qu'un contrat d'approvisionnement
d'une durée de cinq ans ; que la société Sodema ayant, le 29 mars 1999, notifié le non
renouvellement du contrat d'approvisionnement et déposé en octobre 1999 l'enseigne Shopi, a mis
en oeuvre la procédure arbitrale contractuellement prévue ; que la sentence arbitrale a été annulée
par la cour d'appel qui a statué en application de l'article 1485 du code de procédure civile
;
Attendu que la société Prodim fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de toutes ses demandes
relatives à la violation par la société Sodema d'un contrat de franchise, alors, selon le moyen
:
1°/ que deux contrats ne forment un tout indivisible que lorsque l'exécution de l'un devient
impossible sans l'exécution de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le contrat de
franchise n'imposait au franchisé qu'une obligation d'assortiment minimum ; qu'en revanche, il ne
contenait aucune mention du caractère obligatoire de l'exécution d'un contrat d'approvisionnement
; que dès lors, en retenant pour considérer que les contrats de franchise et d'approvisionnement
étaient indivisibles, que la stratégie de la société Prodim était de conditionner l'exécution du
contrat de franchise à celle du contrat d'approvisionnement, la cour d'appel a dénaturé ledit contrat
de franchise et, partant, violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel, qui n' a pas
recherché, comme elle y était invitée, si le contrat de franchise n'était pas exécutable en l'absence
du contrat d'approvisionnement, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du
code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que les deux contrats ont été signés le même jour
entre les mêmes parties ; qu'il relève que la société Prodim propose des tarifs de vente à la fois en
qualité de fournisseur et de franchiseur ; qu'il retient qu'aux termes des contrats de franchise et
d'approvisionnement, d'une part, le contrôle par le franchiseur de la publicité suppose que les
produits distribués par le franchisé lui soient fournis par le franchiseur ou une société qu'il
contrôle et, d'autre part, les commandes pour l'assortiment général du magasin doivent être
effectuées auprès du fournisseur agréé par le franchiseur ; qu'en l'état de ces constatations et
appréciations, exemptes de dénaturation, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour
d'appel a retenu, sans avoir à faire la recherche dès lors inopérante visée par la seconde branche,
l'intention commune des parties de rendre leurs conventions indivisibles ; que le moyen n'est pas
fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 14 : Cass. ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 et 11.22-927, P+B+I
Cour de cassation, chambre mixte 17 mai 2013
N° de pourvoi: 11-22768
Publié au bulletin
Rejet
22
M. Lamanda (premier président), président
Statuant sur le pourvoi formé par la société Siemens lease services, société par actions
simplifiée, dont le siège est 9 boulevard Finot, 93527 Saint-Denis cedex,
contre l'arrêt rendu le 6 avril 2011, par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10),
dans le litige l'opposant à la société Bar le Paris, société à responsabilité limitée, dont le
siège est 1 place des Récollets, 82200 Moissac,
défenderesse à la cassation ;
Par arrêt du 27 novembre 2012, la chambre commerciale, financière et économique a
renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance
du 15 avril 2013, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première,
deuxième et troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et
économique ;
La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au
présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de
cassation par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Siemens lease
services ; un mémoire complémentaire a été déposé au greffe de la Cour de cassation
par la SCP Yves et Blaise Capron ;
Le rapport écrit de Mme Kamara, conseiller, et l'avis écrit de M. Le Mesle, premier
avocat général, ont été mis à la disposition de la SCP Yves et Blaise Capron ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 26 avril 2013,
où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Charruault, Terrier, Espel,
présidents, M. Bizot, conseiller doyen remplaçant Mme le président Flise, empêchée,
Mme Kamara, conseiller rapporteur, MM. Gridel, Petit, Mme Aldigé, M. Mas, Mme
Robineau, MM. Le Dauphin, Cadiot, Jardel, Echappé, Mme Verdun, M. Gérard,
conseillers, M. Le Mesle, premier avocat général, Mme Stefanini, directeur de greffe
adjoint ;
Sur le rapport de Mme Kamara, conseiller, assistée de Mme Lalost, greffier en chef au
service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Yves et
Blaise Capron, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, auquel la SCP Yves et
Blaise Capron invitée à le faire, n'a pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré
conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2011), que deux conventions de partenariat
ont été signées, les 25 novembre 2004 et 8 avril 2005, entre la société Bar le Paris et la
société Media vitrine, aux termes desquelles la seconde s'est engagée, d'une part, à
installer chez la première un "réseau global de communication interactive", par la mise
en place d'un ensemble informatique et vidéo "avec un contenu interactif pour les clients
et un contenu en diffusion médiatique", contenant notamment des spots publicitaires
23
dont la commercialisation devait assurer l'équilibre financier de l'ensemble, d'autre part,
à lui verser une redevance de 900 euros hors taxes par mois, pendant une durée de
quarante-huit mois, la société Bar le Paris s'obligeant à garantir à la société Media vitrine
l'exclusivité de l'exploitation du partenariat publicitaire, que, les 29 décembre 2004 et 4
janvier 2005, la société Leaseo, qui avait acquis de la société Cybervitrine le matériel
nécessaire, a consenti à la société Bar le Paris la location de ce matériel, avec effet au
1er janvier 2005, pour une durée identique et moyennant le paiement d'un loyer mensuel
de 1 000 euros hors taxes, que, le 5 janvier 2005, la société Leaseo a cédé le matériel à
la société Siemens lease services, qui a apposé sa signature sur le contrat de location
en qualité de bailleur substitué, que le système n'a jamais fonctionné de manière
satisfaisante, que la société Siemens lease services a mis en demeure la société Bar le
Paris de lui régler les loyers impayés, puis lui a notifié la résiliation du contrat faute de
règlement des arriérés s'élevant à 10 166,60 euros et l'a assignée en paiement, que la
société Bar le Paris a appelé en intervention forcée la société Cybervitrine et la société
Techni-force, anciennement dénommée la société Media vitrine, que la société Techniforce et la société Cybervitrine ont été mises en liquidation judiciaire ;
Attendu que la société Siemens lease services fait grief à l'arrêt de prononcer, avec effet
au 17 janvier 2007, la résiliation du contrat de partenariat, aux torts exclusifs de la
société Media vitrine, ainsi que la résiliation du contrat de location, de condamner la
société Bar le Paris à lui payer la somme de 3 588 euros, outre intérêts, et de rejeter le
surplus de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'hormis le cas où la loi le prévoit, il
n'existe d'indivisibilité entre deux contrats juridiquement distincts que si les parties
contractantes l'ont stipulée ; qu'en énonçant, à partir des éléments qu'elle énumère, que
le contrat de location des 29 décembre 2004 et 4 janvier 2005 est indivisible du contrat
de partenariat des 25 novembre 2004 et 8 avril 2005, quand elle constate qu'une clause
du contrat de location stipule qu'il est « indépendant » du contrat de prestation de
services (partenariat), la cour d'appel, qui refuse expressément d'appliquer cette clause
et qui, par conséquent, ampute la convention qui la stipule de partie de son contenu, a
violé les articles 1134, 1217 et 1218 du code civil, ensemble le principe de la force
obligatoire des conventions ;
Mais attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une
opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non
écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation, chambre mixte 17 mai 2013
N° de pourvoi: 11-22927
Publié au bulletin
Cassation
M. Lamanda (premier président), président
24
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Business support services (B2S), dont le
siège est 1 avenue général de Gaulle, 92230 Gennevilliers,
contre l'arrêt rendu le 16
juin 2011, par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant
: 1°/ à la société KBC lease France, dont le siège est 55 avenue maréchal Foch,
69006 Lyon,
2°/ à la société Risc group, dont le siège est 7 rue Casteja, 92100
Boulogne-Billancourt, venant aux droits de la société Adhersis, elle-même venant aux
droits de la société Adhersis lease,
défenderesses à la cassation ;
Par arrêt du 27
novembre 2012, la chambre commerciale, financière et économique a renvoyé le pourvoi
devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 15 avril 2013,
indiqué que cette chambre mixte serait composée des première, deuxième et troisième
chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;
La
demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au
présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de
la Cour de cassation par Me Foussard, avocat de la société Business support services
(B2S) ; Des conclusions banales en défense et des observations complémentaires ont
été déposées au greffe de la Cour de cassation par Me Jacoupy, avocat de la société
KBC lease France ;
Le rapport écrit de Mme Kamara, conseiller, et l'avis écrit de M.
Le Mesle, premier avocat général, ont été mis à la disposition de Me Foussard et de Me
Jacoupy ; Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du
26 avril 2013, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, MM. Charruault,
Terrier, Espel, présidents, M. Bizot, conseiller doyen remplaçant Mme le président Flise,
empêchée, Mme Kamara, conseiller rapporteur, MM. Gridel, Petit, Mme Aldigé, M. Mas,
Mme Robineau, MM. Le Dauphin, Cadiot, Jardel, Echappé, Mme Verdun, M. Gérard,
conseillers, M. Le Mesle, premier avocat général, Mme Stefanini, directeur de greffe
adjoint ;
Sur le rapport de Mme Kamara, conseiller, assistée de Mme Lalost, greffier
en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de Me
Foussard, de Me Jacoupy, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, auquel Me
Foussard et Me Jacoupy invités à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir
délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil :
Attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération
incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les
clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 14 janvier
2010, pourvoi J 08-15.657), que la société Business support services (B2S) a conclu, le
26 avril 2002, avec la société Adhersis, aux droits de laquelle vient la société Risc group,
trois contrats de télésauvegarde de ses fichiers informatiques et, avec la société
Adhersis lease, trois contrats de location financière du matériel informatique, que ces
contrats, d'une durée de quarante-huit mois, prévoyaient le paiement par la société B2S
de mensualités dont 85 % représentaient le loyer dû au titre du contrat de location et 15
% le coût de la prestation de services, que les contrats de location ont été cédés à la
société KBC lease France (KBC lease), que, par lettre du 24 juillet 2002, la société B2S,
invoquant l'inexécution par la société Adhersis de ses obligations, lui a notifié sa décision
25
de résilier les contrats de prestation de services et a cessé de régler les mensualités
prévues, que la société KBC lease a assigné la société B2S en résiliation des contrats
de location aux torts de celle-ci, en paiement des redevances impayées et en restitution
du matériel, que la société Risc group a sollicité la condamnation de la société B2S à lui
payer les sommes dues au titre des contrats de sauvegarde, que cette dernière, faisant
valoir que les contrats de location étaient indivisibles des contrats de prestation de
services, a soutenu que la résiliation de ceux-ci, qui a été prononcée irrévocablement,
avait pour conséquence la résiliation de ceux-là ;
Attendu que, pour décider que les contrats de prestation de services et les contrats de
location n'étaient pas indivisibles et refuser, en conséquence, de constater la caducité
des seconds, l'arrêt retient que les parties ne sont pas liées par un ensemble
conventionnel dont les composantes combinées révéleraient objectivement une
économie générale, marquée notamment par des prestations réciproques ayant pour
effet de diminuer les obligations résultant de leur engagement propre envers chacune
des autres parties, ou produisant de quelque autre façon un effet s'intéressant à la
permanence des contrats auxquels elles ne sont pas parties, ou même suggérant
qu'elles auraient eu l'intention commune de rendre ces contrats indivisibles au bénéfice,
au moins, de l'une d'entre elles, que l'exécution de chaque contrat ne dépend donc pas,
dans l'intention commune des parties, de l'exécution de l'autre et qu'aucun élément ne
permet d'écarter la stipulation d'indépendance figurant aux contrats de location ;
D'où
il suit que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations,
a violé le texte susvisé
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2011, entre les
parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Grenoble ;
Recueil Dalloz 2013 p. 1658
L'important, c'est la clause, l'important..
Denis Mazeaud, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
1. Autosatisfaction. « Par ces décisions, la Cour de cassation remplit pleinement
son rôle normatif, de création prétorienne du droit, mais exerce aussi sa fonction
régulatrice, visant à harmoniser la jurisprudence sur l'ensemble du territoire »...
Bigre, à lire le communiqué de presse de la Cour de cassation relatif aux arrêts
commentés, on pressent que leur lecture remplira d'aise les amateurs du droit des
contrats qui peinent encore à identifier précisément la notion d'interdépendance
contractuelle et à déterminer la portée d'une clause de divisibilité, stipulée dans un
des contrats qui compose un groupe de contrats interdépendants.
Et on est d'autant plus pressé d'en prendre connaissance que le même
communiqué claironne que : « La Cour de cassation vient préciser les éléments
caractérisant l'interdépendance contractuelle ». En somme, on a tout simplement
l'eau à la bouche...
26
2. Validation. On se précipite donc avec enthousiasme et gourmandise sur ces
prétendus grands arrêts de la jurisprudence contractuelle pour valider cet exercice
d'autosatisfaction et... on ne peut, en première lecture, s'empêcher de ressentir
une légère déception au regard de ce qui nous était annoncé, avec tambours et
trompettes, dans le communiqué précité. Qu'on en juge plutôt !
Dans les deux arrêts, il s'agissait d'un ensemble contractuel composé de contrats
d'entreprise et de contrats de location financière, laquelle, comme l'a écrit notre
érudit camarade Alain Ghozi, est « une variété du crédit-bail, dont elle se distingue
par l'absence d'une promesse unilatérale de vente au bénéfice du preneur »(1).
Les contrats financés ayant été résiliés, la question du sort des contrats de location
financière était posée, étant entendu que, dans les deux espèces, une clause de
divisibilité avait été stipulée dans ceux-ci.
Dans la deuxième espèce(2), les juges du fond avaient décidé que la résiliation du
contrat financé emportait celle du contrat de location financière. Le bailleur avait
alors formé un pourvoi au moyen que l'indivisibilité contractuelle ne peut exister «
que si les parties contractantes l'ont stipulée » et que la cour d'appel avait violé,
notamment, le principe de la force obligatoire du contrat en refusant d'appliquer la
clause de divisibilité stipulée dans le contrat de location financière. La Cour a rejeté
le pourvoi au motif que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent
dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants (et) que
sont réputées non écrites les clauses du contrat inconciliables avec cette
interdépendance ».
Dans le premier arrêt(3), les juges du fond avaient décidé que les contrats de
prestation de services et de location financière n'étaient pas indivisibles, faute
d'éléments « suggérant qu'elles (les parties) auraient eu l'intention commune de
rendre ces contrats indivisibles » et permettant « d'écarter la stipulation
d'indépendance figurant aux contrats de location ». La Cour de cassation a cassé
cette décision au visa de l'article 1134 du code civil et énoncé dans le chapeau de
son arrêt que : « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une
opération incluant une location financière, sont interdépendants ; (...) sont
réputées non écrites les clauses du contrat inconciliables avec cette
interdépendance ».
3. Hésitations. Quitte à passer pour un empêcheur de communiquer en rond, on
doit concéder qu'on peine à découvrir dans la motivation de ces arrêts, non
seulement les « éléments caractérisant l'interdépendance contractuelle », mais
encore, et par ricochet, les critères qui permettent, sans coup férir, de prédire le
destin d'une clause de divisibilité, claire et précise, stipulée dans un groupe de
contrats.
On aurait même tendance à penser que la Cour de cassation procède plutôt ici par
voie d'affirmation et qu'elle laisse le soin à ceux qui font profession d'expliquer et
d'apprécier sa production, de déceler les raisons qui justifient les solutions qu'elle a
retenues.
27
A s'en tenir à l'écume de leurs motivations, pour ne pas se voir reprocher (comme
le fait avec un soupçon de condescendance M. le premier avocat général Le Mesle
dans son avis conforme) de « surinterpréter » ces arrêts, on comprend donc que
si, en l'espèce, les contrats étaient interdépendants, c'est parce qu'ils s'inscrivaient
dans une opération incluant une location financière. C'est donc la présence d'un tel
contrat dans un groupe qui permet de conclure à l'interdépendance contractuelle et
aux conséquences qui s'ensuivent, et ce, indépendamment du point de savoir si les
contractants avaient entendu ou non qu'il en soit ainsi.
Puis, par déduction, on saisit que la clause de divisibilité est considérée,
implicitement au moins, comme étant « inconciliable » avec cette interdépendance
et, par conséquent, réputée non écrite.
4. Déception. Maigre moisson à la vérité, étant entendu qu'il est évidemment
hors de question d'induire de ces arrêts qu'a contrario les contrats concomitants ou
successifs qui s'inscrivent dans une opération n'incluant pas une location financière
ne sont nécessairement pas interdépendants, pas plus, sans doute, que ceux qui
s'inscrivent dans une opération incluant un autre type de contrat de financement,
tel un prêt d'argent. Autant dire, alors, qu'avec ces deux arrêts, la Cour fait un
petit pas vers la notion d'interdépendance contractuelle, qu'elle consacre quand un
groupe de contrats inclut un contrat de location financière, mais certainement pas
un grand pas pour cette notion en général, dont les éléments caractéristiques
demeurent ce qu'ils étaient avant ces arrêts, c'est-à-dire très largement
imprévisibles. La déception est d'autant plus forte que l'intérêt de caractériser
l'interdépendance contractuelle ne se réduit pas à la seule question de l'influence
de la résiliation d'un contrat sur la pérennité de l'autre. L'examen de la
jurisprudence révèle, en effet, que cette notion est aussi exploitée pour sauver un
contrat qui serait voué à la nullité si sa cause, par exemple, était appréciée
isolément. Ainsi, lorsqu'il existe un lien d'interdépendance avec un autre contrat, la
Cour de cassation considère que l'existence de la cause doit alors être appréciée,
non pas à l'aune du seul contrat litigieux, mais à l'échelle du groupe de contrats
interdépendants(4).
Quant au destin des clauses de divisibilité stipulées dans un contrat intégré dans
un groupe de contrats, les arrêts ne nous livrent pas d'autres secrets que celui de
suggérer leur neutralisation, lorsqu'elles sont stipulées dans un groupe qui inclut
un contrat de location financière. Elles ne peuvent, en effet, pas contredire
l'interdépendance contractuelle dans ce contexte contractuel spécifique, mais une
incertitude demeure quant à leur efficacité, lorsqu'elles sont stipulées dans
d'autres types de groupes de contrats économiquement liés, ne serait-ce que parce
qu'on n'est guère plus avancé que naguère quant à la notion d'interdépendance.
Pas de quoi, en définitive, accéder au prestigieux label de grands arrêts de la
jurisprudence civile !
5. Réflexions. Fatalement, faute de certitudes, la Cour de cassation ravive la
réflexion sur l'interdépendance contractuelle, d'une part, sur le destin des clauses
de divisibilité, d'autre part.
Sans trancher aucunement le débat doctrinal récurrent sur le fondement
28
conceptuel de l'interdépendance contractuelle, puisqu'elle ne règle la question de
l'existence de celle-ci que dans une hypothèse très spécifique, la Cour semble
toutefois adopter une conception plus objective que volontariste du phénomène,
même si le visa sous lequel est rendu le premier arrêt, l'article 1134 du code civil,
laisse subsister une ambiguïté. Cela étant, la neutralisation de la clause de
divisibilité, réputée non écrite, dans ce contexte contractuel spécifique, révèle
l'inanité de la volonté contractuelle, en l'occurrence évincée, ignorée, désactivée
par la Cour. Et, de même qu'une clause qui contredit l'interdépendance doit être
réputée non écrite, de même une clause qui révélerait, expressément ou
tacitement, la volonté des parties de nouer entre leurs contrats un lien
d'interdépendance n'est peut-être pas nécessaire pour que celle-ci puisse être
caractérisée(5). C'est désormais certainement le cas dans l'hypothèse d'un
ensemble de contrats qui s'inscrivent dans une opération qui inclut un contrat de
location financière. L'hésitation reste de mise pour les autres variétés
d'interdépendance.
Mais c'est le triste sort réservé à la clause de divisibilité qui suscite le plus
d'attentions, si on veut bien considérer que c'est dans cette clause que se
cristallise l'enjeu essentiel attaché à l'effet extinctif des groupes de contrats. En
effet, puisqu'il est désormais acquis de longue date en droit positif que, lorsque
des contrats sont interdépendants, la résiliation de l'un emporte la caducité de
l'autre(6), on comprend aisément que certains contractants cherchent à se
prémunir de cette conséquence d'autant plus néfaste lorsque leur rôle est cantonné
à celui de simple dispensateur de crédit, comme c'était le cas dans les espèces qui
ont donné lieu à nos deux arrêts.
6. Cause de la clause. La clause de divisibilité, stipulée dans le contrat de
financement, révèle ainsi que le financier n'entend pas supporter les conséquences
de la résiliation du contrat financé, contrat auquel il n'est pas, par hypothèse,
partie. Elle est destinée à le prémunir contre le risque de caducité de son propre
contrat, en modifiant la répartition des risques consécutifs à la résiliation du
contrat financé, telle qu'elle résulte mécaniquement de la règle créée par la Cour
de cassation depuis la fin du XXe siècle et aux termes de laquelle le destin des
contrats interdépendants est fatalement lié.
Grâce à une telle clause, le contrat de financement devrait donc continuer de
produire ses effets jusqu'à l'expiration de son terme extinctif, en dépit de
l'anéantissement pour l'avenir du contrat financé. Parce qu'elle exprime clairement
l'intention commune des contractants de désolidariser le sort des contrats qui
composent le groupe, la clause de divisibilité devrait donc nécessairement déployer
ses effets et assurer la sécurité du financier, indépendamment des événements qui
affectent le contrat financé par ses soins.
7. Vitalité de la clause. Sur ce point particulier, la jurisprudence manquait
d'homogénéité et la doctrine était partagée. Autant la chambre commerciale faisait
preuve de défiance envers cette clause qu'elle jugeait(7) ou suspectait(8) d'être en
contradiction avec l'économie générale du groupe de contrats dans lequel elle était
insérée (groupe le plus souvent composé dans ses arrêts d'un contrat de location
financière et d'un contrat d'entreprise), autant la première chambre civile(9) avait
récemment paru beaucoup plus sensible aux charmes de la liberté contractuelle
29
confrontée à la réalité économique, incarnée par des contrats interdépendants.
Quant à la doctrine, quelques auteurs avaient plaidé, au nom de l'exigence de
cohérence contractuelle, pour la neutralisation de ces clauses qui contredisent
l'économie générale de l'opération économique dont le groupe de contrats
constitue le support. D'autres avaient, au contraire, défendu, sans hésitation
aucune, l'efficacité des clauses de divisibilité en pareil cas : « (...) lorsque, (...),
certaines clauses montrent clairement que le financier n'a pas accepté d'être aux
risques du contrat principal, la cause est entendue »(10) ! Entendez par là que la
clause doit déployer ses effets et n'emporter aucune conséquence sur l'exécution
du contrat de financement, malgré la résiliation du contrat financé et l'absence de
tout intérêt du contrat de financement pour le maître de l'ouvrage.
Manifestement, au regard des arrêts commentés, non seulement la cause n'est pas
entendue, mais, pire, la clause est purement et simplement enlevée du contrat de
location financière, dans lequel elle était stipulée. Elle est dépourvue de toute force
obligatoire, réputée non écrite, réduite au rang de simple leurre contractuel, parce
qu'elle est inconciliable avec l'interdépendance contractuelle qu'incarne un groupe
de contrats qui inclut en son sein un contrat de location financière. Comme
l'avaient déjà souligné MM. Jacques Mestre et Bertrand Fages, à l'attention des «
praticiens que l'interdépendance des contrats préoccupe (...) : l'indivisibilité
conventionnelle tacite peut l'emporter sur la clause de divisibilité expresse »(11).
8. Suppression d'une clause pourtant claire et précise. Même si on s'en tient
à la variété d'interdépendance contractuelle pour laquelle la Cour a posé son
principe, selon lequel les clauses « inconciliables » avec l'interdépendance
contractuelle émanant d'un groupe de contrats dans lequel est inclus un contrat de
location financière doivent être réputées non écrites, on pourrait, dans un premier
mouvement au moins, s'étonner que la Cour de cassation fasse si peu de cas de la
volonté contractuelle claire et précise qu'exprime une clause de divisibilité dans
pareil cas. Sa présence révèle, en effet, clairement que le financier n'accepte pas
d'assumer le risque résiliation du contrat financé, à laquelle il est par hypothèse
totalement étranger.
Dans un autre domaine, d'ailleurs, la chambre commerciale, celle-là même qui
s'est toujours montrée hostile aux clauses de divisibilité stipulées dans les groupes
de contrats économiquement interdépendants, s'était montrée beaucoup plus
respectueuse de la volonté des contractants. Il s'agissait, en l'occurrence, d'une
clause d'indivisibilité stipulée dans un contrat de location-gérance, en vertu de
laquelle l'illicéité de la clause d'indexation devait nécessairement emporter la
nullité du contrat en question. Alors que les juges du fond avaient neutralisé cette
clause d'indivisibilité, la chambre commerciale les avait sèchement rappelés à
l'ordre : « en statuant ainsi alors qu'une stipulation précisait "toutes les clauses
sont de rigueur, chacune d'elles est condition déterminante du présent contrat
sans laquelle les parties n'auraient pas contracté", la cour d'appel en a dénaturé
les termes clairs et précis »(12). Cette hymne à la volonté déclarée des parties
avait été fermement approuvée par M. Jacques Mestre qui s'était réjoui de ce
respect de la clause, dans des termes qui pourraient être exploités pour régler le
sort des clauses examinées dans nos développements : « à une époque où le
contenu de plus en plus hétérogène de certains actes soulève fréquemment
30
l'irritante question de leur divisibilité ou indivisibilité (...) si les parties ont pris la
peine de désamorcer cette mine de contentieux par une stipulation expresse de
l'acte, il faut respecter leur volonté expresse »(13). Certes, on se souvient aussi
que, dans ce même domaine des clauses d'indexation, la troisième chambre civile
avait réservé l'exception de fraude, dans les hypothèses dans laquelle l'indivisibilité
avait été conventionnellement stipulée(14), mais, dans les espèces qui ont donné
lieu à nos deux arrêts, de fraude, il n'est point question.
Même cristallisée dans une clause claire et précise, la volonté des contractants
n'est donc pas toute puissante, quand il s'agit de créer un lien entre des contrats
ou de le dénouer. Au fond, ce dont on est certain désormais avec les arrêts
commentés, c'est que doit être réputée non écrite la clause qui contredit
l'interdépendance contractuelle que traduit un groupe de contrats dans lequel est
intégré un contrat de location financière. Le lien d'interdépendance ainsi noué
entre ces contrats est irréductible, à tel point que la volonté contractuelle,
cristallisée dans une clause de divisibilité, est impuissante à le dénouer, alors
même que toute idée de fraude est absente de l'esprit qui anime la clause en
question.
9. Et maintenant... Les arrêts, on l'a compris, laissent toujours planer un mystère
en matière d'interdépendance contractuelle(15) et un doute en ce qui concerne la
force des clauses de divisibilité, en dehors du cas spécifique dans lequel ils ont été
rendus.
En dehors du groupe de contrats dans lequel est intégré un contrat de location
financière, on ne sait toujours pas avec certitude quels sont les éléments
constitutifs de l'interdépendance contractuelle. Suffit-il que puissent être constatés
l'objectif économique commun poursuivi par les contrats du groupe et l'intensité du
lien qui les unit(16), en ce sens que l'un est la raison d'être de l'autre et que
chacun n'a d'intérêt qu'à travers l'existence et l'exécution de l'autre, ou bien faut-il
que l'intention commune des contractants de nouer un lien irréductible entre deux
corps juridiques a priori autonomes soit avérée, pour conclure à l'interdépendance
contractuelle ? La notion de cause est-elle « au coeur »(17) de la notion
d'interdépendance ou la volonté seule des contractants, leur commune intention,
est-elle la condition nécessaire et incontournable pour que cette notion émerge
d'un ensemble contractuel(18) ?
Dans les autres variétés de groupes de contrats que celle sur laquelle la Cour de
cassation s'est prononcée, une clause de divisibilité peut-elle déployer ses effets et
neutraliser l'effet extinctif du groupe de contrats interdépendants ? La question
est, si on s'arrête à la lettre des arrêts commentés, légitime, puisque la Cour de
cassation précise que « sont réputées non écrites les clauses du contrat
inconciliables avec cette interdépendance », autrement dit avec celle qui procède
de « contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération
incluant une location financière ». Dans les autres hypothèses, si on s'en tient à la
jurisprudence antérieure de la chambre commerciale, le sort de la clause de
divisibilité dépendra du point de savoir si elle contredit ou non l'économie générale
de l'opération contractuelle, telle qu'elle procédait de l'intention commune des
contractants. Aussi, si les juges du fond constatent que l'économie du contrat,
reflet de l'intention commune des contractants, consistait à créer un lien
31
d'interdépendance entre les contrats intégrés dans un seul et même ensemble, il
est permis de penser que la clause de divisibilité ne pourra alors pas prospérer,
parce que jurant avec l'esprit qui anime le groupe de contrats et le but dans lequel
les contractants l'ont conçue, elle péchera par incohérence, elle entachera le
contrat d'une contradiction inconcevable. Mais la force de la liberté contractuelle a
pourtant été actée, dans un tel cas de figure par la première chambre civile,
alors...
Tels sont les interrogations et les doutes qui subsistent malgré ces arrêts rendus
par une chambre mixte, et ce, alors même que : « Par ces décisions, la Cour de
cassation remplit pleinement son rôle normatif, de création prétorienne du droit
»... du moins si on en croit le communiqué précité...
Mots clés :
CONTRAT ET OBLIGATIONS * Résiliation * Interdépendance * Location
financière * Contrat concomitant ou successif
(1) La location financière : des liaisons dangereuses ?, D. 2012. 2254, spéc. n° 1.
(2) Pourvoi n° 11-22.768.
(3) Pourvoi n° 11-22.927, D. 2013. 1273, obs. X. Delpech.
(4) Civ. 3e, 3 mars 1993, n° 91-15.613, RTD civ. 1994. 124, obs. P.-Y. Gautier ;
RTD com. 1993. 665, obs. C. Champaud et D. Danet ; JCP 1994. I. 3744, obs. M.
Fabre-Magnan ; Civ. 1re, 13 juin 2006, n° 04-15.456, D. 2007. 277, note J.
Ghestin, 2006. 2638, spéc. 2642, obs. S. Amrani Mekki, et 2991, spéc. 2999, obs.
P. Sirinelli ; RTD com. 2006. 593, obs. F. Pollaud-Dulian ; RDC 2007. 256, obs. D.
Mazeaud.
(5) Contra, L. Aynès, obs. ss Civ. 1re, 28 oct. 2010, Dr. et patr., juin 2011. 72.
(6) En ce sens, V. entre autres, Com. 4 avr. 1995, n° 93-20.029, D. 1996. 141,
note S. Piquet, et 1995. 231, obs. L. Aynès ; CCC 1995. Comm. 105, obs. L.
Leveneur ; 15 juin 1999, n° 97-12.122, D. 2000. 363, obs. D. Mazeaud ; JCP
2000. I. 215, obs. A. Constantin ; 15 févr. 2000, n° 97-19.793, D. 2000. 364, obs.
P. Delebecque ; RTD civ. 2000. 325, obs. J. Mestre et B. Fages ; Defrénois 2000.
1118, obs. D. Mazeaud ; Civ. 1re, 4 avr. 2006, n° 02-18.277, D. 2006. 2656, note
R. Boffa, et 2638, spéc. 2641, obs. S. Amrani Mekki ; RTD civ. 2007. 105, obs. J.
Mestre et B. Fages ; Defrénois 2006. 1194, obs. J.-L. Aubert ; RDC 2006. 700,
obs. D. Mazeaud ; 13 juin 2006, n° 04-15.456, préc. ; Com. 13 févr. 2007, n° 0517.407, D. 2007. 654, obs. X. Delpech, et 2966, spéc. 2975, obs. B. FauvarqueCosson ; RTD civ. 2007. 567, obs. B. Fages ; Defrénois 2007. 1042, obs. R.
Libchaber ; JCP 2007. II. 10063, obs. Y.-M. Serinet ; RDC 2007. 707, obs. D.
Mazeaud et 764, obs. G. Viney ; 24 avr. 2007, n° 06-12.443, RDC 2008. 276, obs.
D. Mazeaud ; 5 juin 2007, n° 04-20.380, D. 2007. 1723, obs. X. Delpech ; RTD
civ. 2007. 569, obs. B. Fages ; RTD com. 2008. 173, obs. B. Bouloc ; JCP 2007. II.
10184, obs. Y.-M. Serinet.
(7) Com. 15 févr. 2000, préc. ; 3 mai 2000, n° 98-18.782 ; 5 juin 2007, préc.
32
(8) Com. 24 avr. 2007, préc. ; 23 oct. 2007, n° 06-19.976 ; 2 janv. 2008, n° 0618.708. La cassation est dans ces arrêts prononcée pour manque de base légale.
(9) Civ. 1re, 28 oct. 2010, n° 09-68.014, D. 2010. 2703, obs. X. Delpech, 2011.
566, note D. Mazeaud, et 622, spéc. 628, chron. C. Creton ; RTD com. 2011. 400,
obs. D. Legeais ; Dr. et patr., juin 2011. 72, note L. Aynès ; JCP 2011. 303, obs.
C. Aubert de Vincelles ; RLDC 2011/79, n° 4114, obs. G. et L.-F. Pignarre.
(10) L. Aynès, préc. Etant entendu que ces contrats interdépendants étaient un
contrat d'entreprise et un contrat de location financière...
(11) J. Mestre et B. Fages, obs ss Com. 15 févr. 2000, préc.
(12) Com. 27 mars 1990, n° 88-15.092, D. 1991. 289, note F. X. Testu ; RTD civ.
1991. 112, obs. J. Mestre.
(13) Eod. loc. spéc. p. 112.
(14) Civ. 3e, 6 juin 1972, D. 1973. 151, note P. Malaurie ; 9 juill. 1973, D. 1974.
24, note P. Malaurie.
(15) Pour ajouter au flou jurisprudentiel, on relèvera qu'alors qu'il avait été
affirmé par un conseiller référendaire, dans le Recueil (D. 2011. 622), que « de ce
que l'indivisibilité des contrats repose sur la commune intention des parties, il
résulte logiquement que celle-ci est appréciée souverainement par les juges du
fond », le communiqué de la Cour de cassation précise que l'interdépendance est
une qualification « soumise à son contrôle »...
(16) A travers différents indices matériels, telles l'identité des dates de signature
et des durées respectives des contrats qui composent le groupe, la parenté entre
le montant de la prestation dû par son cocontractant « au pivot de l'opération » et
par celui-ci à son autre partenaire contractuel, l'information du contractant auquel
la résiliation du contrat est opposée de l'existence du contrat lié, etc.
(17) R. Libchaber, obs. préc.
(18) En ce sens, la motivation d'un grand nombre des arrêts précités (note 4)
dans lesquels, pour traiter du sort de la clause de divisibilité, la Cour de cassation
se réfère à « l'économie générale du contrat, telle que résultant de la commune
intention des parties ».
33
Thème N° 5 :
LE DROIT DE LA CONSOMMATION
LES CLAUSES ABUSIVES
LA NULLITE DU CONTRAT ET SES EFFETS
I. Le droit de la consommation
Notion de consommateur :
- Doc 1 : Cass. 1ière civ, 23 juin 2011, n° 10-30645, D. 2011, p. 2245, note S. Tisseyre
Définition et sanction des clauses abusives :
- Doc 2 : Cass. 1ière civ. 14 mai 1991, n° 89-20.999, D. 1991, p. 449, note J. Ghestin
- Doc 3 : Cass. 1ière civ. 13 novembre 1996, n° 94-17.369, D. 1997, Somm., p. 174, n° 8, obs. Ph.
Delebecque
- Doc 4 : Cass. 1ière civ. 25 février 2010, n° 09-12.126, Droit et patrimoine juillet 2010, p. 106, obs. L.
Aynès.
Exercice du droit de rétraction :
- Doc 5 : Cass. 2ième civ. 7 mars 2006, n° 05-12.338, RDC 2007, p. 223, obs. J . Rochfeld
- Doc 6 : Cass. 2ième civ. 10 juillet 2008, n° 07-12.072, Droit et patrimoine, juillet 2009, obs. L. Aynès
Bibliographie : - G. Paisant, A la recherche du consommateur, JCP G, 2003, I, 121
- D. Mazeaud, Droit commun du contrat et droit de la consommation, Nouvelles frontières, Etudes J
Calais-Auloy, Dalloz 2004, p. 697 svt.
II. La nullité du contrat et ses effets
Intérêt de la distinction entre la nullité relative et la nullité absolue – modalités d’exercice de l’action en
nullité :
- Doc 7 : Civ. 1re, 20 mai 2009, n° 08-13018, D. 2009 n° 22, AJ p. 1479, obs. I. Gallmeister.
-Doc 8 : Cass. com. 5 février 2013, n° 12-11720, D. 2013, p. 1113, note R. Libchaber, Droit &
Patrimoine, juin 2013, p. 68, obs. L. Aynès.
Conséquences de la nullité – problèmes juridiques liés à la rétroactivité de la nullité :
Doc 9 : Ch. Mixte, 9 jull. 2004, D. 2004, p 2175 ; JCP G 2004, II, 10190, note G. François ; RTD civ.
2005, p. 125 .
- Doc 10 : Civ. 3e, 24 juin 2009, n° 08-12251 ; D. 2009, n° 27, p. 1823.
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DOCUMENTS
NOTION DE CONSOMMATEUR :
Doc 1 : Cour de cassation, chambre civile 1, 23 juin 2011
N° de pourvoi: 10-30645
Publié au bulletin Cassation
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 136-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier
2008 ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 68 rue Albert à Paris (le SDC) a conclu
avec la société Somainnet, un contrat d'entretien prenant effet le 2 août 2004, pour une durée d'un an,
reconductible de plein droit à l'expiration de chaque période ; que par lettre recommandée du 30 juin 2008,
son syndic, la société Pargest, faisant application des dispositions susvisées, a informé la société
Somainnet de la résiliation de ce contrat au 1er août 2008 ; qu'estimant cette résiliation irrégulière, celle-ci
a demandé paiement de factures pour les mois suivants ;
Attendu que pour accueillir cette demande, la juridiction de proximité, saisie à la suite de l'opposition
formée à l'encontre de l'injonction de payer qu'avait obtenue la société Somainnet, s'est bornée à énoncer
que le SDC, qui est une personne morale, ne pouvait se prévaloir de l'article L. 136-1 du code de la
consommation qui "vise exclusivement les personnes physiques" ;
Qu'en se déterminant ainsi alors que les personnes morales ne sont pas exclues de la catégorie des nonprofessionnels bénéficiant des dispositions susvisées, applicables à la reconduction des contrats concernés,
dès lors que le délai imparti au prestataire de services par le premier alinéa pour donner l'information
requise n'avait pas commencé à courir à la date d'entrée en vigueur de l'article 33 de la loi du 3 janvier
2008, la juridiction de proximité qui, en l'absence de mention de la durée du préavis déterminant, en
l'espèce, le point de départ du délai précité, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son
contrôle, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er décembre 2009, entre les
parties, par la juridiction de proximité de Paris 13e; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de
proximité de Paris 14e ;
DEFINITION ET SANCTIONS DES CLAUSES ABUSIVES
Doc 2 : Cour de cassation, chambre civile 1, 14 mai 1991
N° de pourvoi: 89-20999
Publié au bulletin, Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 4 février 1989, M. X... a confié au magasin
Minit Foto de Béthune, succursale de la société Minit France, dix-huit diapositives en vue de leur
reproduction sur papier ; que ces diapositives ayant été perdues, le jugement attaqué (tribunal d'instance de
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Béthune, 28 septembre 1989) a condamné la société Minit France à payer à M. X... la somme de 3 000
francs en réparation de son préjudice ;
Attendu que, la société Minit France fait grief au jugement d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen,
d'une part, que l'entrepreneur-dépositaire est tenu d'une obligation de moyen, en ce qui concerne la
conservation de la chose qui lui a été confiée en vue de l'exécution d'un travail ; qu'en se bornant à
affirmer, sans s'expliquer sur ce point, que le magasin Minit Foto était tenu d'une obligation de résultat, le
jugement attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles 1137, 1787 et 1927 et suivants
du Code civil ; et alors, d'autre part, que sont licites les clauses susceptibles d'atténuer ou de diminuer la
responsabilité du locateur ; qu'en se contentant d'affirmer, sans s'expliquer davantage sur ce second point,
que la clause de non-responsabilité, figurant sur le bulletin de dépôt des diapositives, apparaissait comme
une clause abusive, inopposable à un client de bonne foi, le tribunal d'instance n'a pas légalement justifié
sa décision au regard des mêmes textes ;
Mais attendu, d'abord, selon l'article 1789 du Code civil, que le locateur d'ouvrage est tenu de restituer la
chose qu'il a reçue et ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve de l'absence de faute ; que,
dès lors, le jugement attaqué, d'où il résulte que la cause de la disparition des diapositives est inconnue, est
légalement justifié, abstraction faite du motif surabondant relatif à l'obligation de résultat, critiqué par le
moyen ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que la clause figurant sur le bulletin de dépôt exonérait le laboratoire de
toute responsabilité en cas de perte des diapositives, le jugement attaqué, dont il ressort qu'une telle clause
procurait un avantage excessif à la société Minit France et que celle-ci, du fait de sa position économique,
se trouvait en mesure de l'imposer à sa clientèle, a décidé à bon droit que cette clause revêtait un caractère
abusif et devait être réputée non écrite ; d'où il suit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux
branches ;
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi.
Doc 3 : Cour de cassation, chambre civile 1, 13 novembre 1996
N° de pourvoi: 94-17369
Publié au bulletin, Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société France Télécom a commercialisé une
carte téléphonique dénommée " Pastel ", qui permet à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou
privé situé en France ou à l'étranger sans avoir à payer le prix de la communication, dont le montant est
débité directement sur le compte du titulaire de la carte auquel une facturation détaillée est ensuite
adressée ; que cette carte comporte un numéro gravé sur l'une de ses faces et un numéro de code secret qui
est attribué à chaque titulaire ; que, lorsque l'abonné téléphone sur le réseau automatique, il compose
successivement le numéro qui lui permet d'entrer dans le service, celui qui figure sur sa carte, son code
secret et enfin le numéro de téléphone de son correspondant et, lorsqu'il téléphone en France depuis
l'étranger, sans que la communication soit automatique, il donne à l'opérateur de France Télécom le
numéro de sa carte, celui de son code et celui du correspondant qu'il veut atteindre ; que le contrat d'accès
à ce service stipule, dans son article 6, que, " ... Pour les communications passées depuis l'étranger par
l'intermédiaire d'un opérateur de ce pays, le code ne doit pas être communiqué. Dans le cas contraire,
France Télécom dégage toute responsabilité " ; qu'estimant que le fait de donner son numéro de code
confidentiel à un opérateur qui n'est pas étranger présente des risques pour l'abonné, l'association Union
fédérale des consommateurs (UFC) a assigné France Télécom pour le faire constater et faire déclarer
abusifs et réputés non écrits les articles 6 et 10 du contrat stipulant, notamment, que " l'usager est seul
responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte " et que France Télécom ne peut être déclaré
responsable des " conséquences de l'impossibilité pour l'abonné d'utiliser sa carte par suite de son
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altération, ou du fonctionnement défectueux des matériels de France Télécom, de leur non-fonctionnement
ou de leur mauvaise utilisation... " ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 10 mai 1994) a débouté l'UFC de
ses demandes ;
Attendu que l'UFC reproche à l'arrêt de s'être prononcé ainsi, alors que, d'une part, en refusant de
supprimer comme abusives les clauses qui imposent le secret, lequel ne peut être entièrement respecté par
l'utilisateur, la cour d'appel aurait violé, par refus d'application, l'article L. 132-1 du Code de la
consommation ; que, de deuxième part, en refusant de supprimer l'article 6 comme abusif, en dépit du
déséquilibre significatif créé entre l'obligation au secret imposée au titulaire de la carte et le droit de celuici de communiquer son code prétendument confidentiel à tout opérateur français, la cour d'appel aurait
violé l'article 1134 du Code civil dont il résulte qu'une clause qui n'a pas fait l'objet d'une négociation
individuelle doit être supprimée lorsque, malgré les exigences de bonne foi, elle crée au détriment du
consommateur un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, de troisième part,
en refusant d'annuler la clause de l'article 10 du contrat selon laquelle l'abonné est seul responsable de
l'utilisation et de la conservation de sa carte, qui aboutit à supprimer la responsabilité découlant de la
violation par France Télécom d'une obligation essentielle, à savoir l'obligation de garantie, et procure un
avantage excessif à France Télécom qui, du fait de sa position économique, se trouve en mesure de
l'imposer à sa clientèle, et caractérise ainsi l'abus, la cour d'appel aurait violé par refus d'application
l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; alors que, de quatrième part, en refusant d'annuler les
stipulations de l'article 10, alinéa 3, qui font peser sur le consommateur toutes les conséquences du
dysfonctionnement d'un matériel auquel il n'a pas accès et dont France Télécom a la maîtrise exclusive, la
cour d'appel aurait encore violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, de cinquième part, en
refusant d'annuler cette même clause bien qu'elle supprime tout droit à réparation du consommateur en cas
de manquement de France Télécom à ses obligations, la cour d'appel aurait violé par refus d'application
l'article 2 du décret du 24 mars 1978 ; que, de sixième part, en refusant de supprimer l'article 10 en dépit
du déséquilibre créé entre la responsabilité exclusive de l'abonné, résultant du premier alinéa, et
l'irresponsabilité totale de France Télécom résultant de l'alinéa 3, la cour d'appel aurait méconnu l'article
1134 du Code civil ; que, de septième part, en refusant d'éliminer une clause ayant pour effet de conférer à
l'usage de la carte avec le code confidentiel une valeur probante que le titulaire de la carte ne peut
combattre, la cour d'appel aurait violé la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 9402 du 27 septembre 1994 ; qu'enfin, en refusant de supprimer les clauses 6 et 10 du contrat carte Pastel,
manifestement contraires aux dispositions des articles 4, 12 et 15 de la recommandation de synthèse n° 912 de la Commission des clauses abusives, la cour d'appel aurait violé ces mêmes dispositions ;
Mais attendu, d'abord, que la clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte, loin de constituer
une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des
abonnés, de la commodité d'utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé ; que c'est
donc à bon droit que la cour d'appel, qui a souligné que France Télécom demeurait responsable de ses
propres opérateurs, a dit que la demande d'annulation de cette clause n'était pas justifiée, que ce soit au
regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ou en vertu de l'article 1134 du Code civil auquel
le pourvoi prête une portée dont ce texte est dépourvu ; qu'ensuite la clause stipulant que la responsabilité
de l'utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire, qui n'emporte aucune dispense de
l'obligation de garantie au bénéfice de France Télécom, dont, par motif expressément adopté, les juges du
fond ont relevé qu'il s'obligeait à remplacer les cartes défectueuses, n'est pas davantage entachée d'abus ;
que c'est donc à juste titre, également, que la cour d'appel, qui relève que la clause n'est pas en
contradiction avec les principes qui régissent la responsabilité civile, énonce qu'elle n'a aucun caractère
abusif ; qu'ensuite encore la clause stipulant que France Télécom ne saurait être tenue pour responsable
des conséquences résultant pour l'abonné de l'altération et du fonctionnement défectueux de son matériel
ou de la mauvaise utilisation de celui-ci ne relève pas de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978,
qui ne concerne que la vente ; que cette clause, qui ne tend, dans le cadre du service spécifique convenu,
lequel vise à donner, avec un service de facturation, un mode d'accès facilité aux réseaux téléphoniques
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interne et international, qu'à interdire à l'abonné d'invoquer les dysfonctionnements propres à ces réseaux,
et dont la cour d'appel a relevé que, pas plus que la précédente, elle ne conférait à France Télécom un
avantage excessif, n'est pas abusive ; qu'enfin les recommandations de la Commission des clauses
abusives ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation ; qu'il suit
de là que le moyen, qui n'est pas fondé en ses six premières branches, est inopérant en ses deux dernières ;
Et attendu que le pourvoi est abusif ;
PAR CES MOTIFS, REJETTE le pourvoi.
Doc 4 : Cour de cassation, chambre civile 1, 25 février 2010
N° de pourvoi: 09-12126
Publié au bulletin
Rejet
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que, victime d'un accident
vasculaire cérébral survenu le 11 février 2000, ayant entraîné d'importantes séquelles, M. X... a
signé avec l'Association générale de prévoyance militaire vie (l'assureur) un "protocole
d'expertise arbitrale" en vue de voir déterminer à quelle date il pouvait être considéré en état
d'invalidité totale et définitive, les parties déclarant s'en remettre à la décision du médecin arbitre
et renoncer à toutes contestations ultérieures ; que le médecin arbitre ayant conclu que M. X...
était en invalidité totale définitive depuis la date de la consolidation médico-légale de son état
acquise au 31 décembre 2001, l'assureur a versé à celui-ci les indemnités convenues à compter
de cette date ; que M. X... a assigné l'assureur en paiement d'indemnités depuis la date de son
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 2008)
accident ;
d'avoir déclaré son action irrecevable, alors, selon le moyen, qu'est abusive la clause ayant pour
effet d'obliger un consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte
par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des
litiges, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en
imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir
normalement à une autre partie au contrat ; qu'en admettant que la stipulation, conclue entre M.
X... et l'AGPM vie, organisant un "arbitrage médical", interdisait à l'exposant de saisir le juge
étatique, après que l'expert avait rendu ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1
du code de la consommation ;
Mais attendu que le compromis d'arbitrage signé, hors toute
clause compromissoire insérée à la police d'assurance, entre l'assureur et l'assuré après la
naissance d'un litige, ne constitue pas une clause figurant dans un contrat conclu entre un
professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, et n'est donc pas susceptible de
présenter un caractère abusif au sens du texte visé au moyen ; d'où il suit que le grief n'est pas
fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres griefs qui ne seraient pas de
nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
EXERCICE DU DROIT DE RETRACTATION
Doc 5 : Cour de cassation, chambre civile 2, 7 mars 2006
N° de pourvoi: 05-12338
Publié au bulletin
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2005), que M. X... (l'assuré) a souscrit le 5 novembre 1999
auprès de la société La Mondiale Partenaire (l'assureur) un contrat d'assurance sur la vie multisupport ;
que dans le bulletin de souscription, il a reconnu "avoir reçu et pris connaissance des conditions générales
et de leurs annexes" valant note d'information du contrat ; qu'il a opté pour une formule dans laquelle il se
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réservait, pour moitié environ des fonds, la possibilité de gérer lui-même ; qu'il a versé à la souscription la
somme de 2 020 202 francs puis, le 11 janvier 2000, 2 500 000 francs ; que, mécontent de l'évolution de
son capital et reprochant à l'assureur de n'avoir pas respecté son obligation précontractuelle d'information
au moment de la souscription du contrat, telle que prévue par l'article L. 132-5-1 du Code des assurances,
M. X... a entendu exercer, le 6 novembre 2001, la faculté de renonciation prévue par ce texte ; que devant
le refus de l'assureur, il a fait assigner ce dernier devant le tribunal de grande instance en restitution du
capital investi dans les conditions prévues par le troisième alinéa du texte précité ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de M. X..., alors, selon le moyen :
1 / que l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, en ce qu'il fixe en son alinéa 1er le point de départ du
délai de renonciation de 30 jours du premier versement et en ce qu'il prévoit en son alinéa 2 que le défaut
de remise des documents et informations qu'il énumère entraîne de plein droit la prorogation du délai de
renonciation prévu au premier alinéa jusqu'au 30e jour suivant la date de remise des documents, n'est pas
compatible avec les dispositions précises et inconditionnelles de l'article 35 de la directive 2002/83/CEE
concernant l'assurance directe sur la vie qui imposent aux Etats membres l'obligation de fixer le délai de
renonciation "entre 14 et 30 jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le
contrat est conclu" ; que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances qui
sanctionnent l'obligation d'information de l'assuré par l'assureur par une prorogation du délai de
renonciation, soit par une durée illimitée de ce délai, ne sont pas à cet égard encore compatibles avec les
dispositions de l'article 35 de la directive et de son article 36 intitulé : "Information des preneurs", ces
deux articles n'établissant aucun lien entre les informations qui doivent, selon l'article 36, être données aux
preneurs et la durée et le point de départ du délai de renonciation, tels qu'impérativement fixés par l'article
35 ; qu'en déclarant le droit interne compatible avec la directive 2002/83/CEE pour refuser d'interpréter les
dispositions de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances à la lumière du texte européen et de la finalité
de la directive, qui a pour objet l'unification du marché de l'assurance-vie dans la communauté et non la
protection de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 249, alinéa 3 (ancien article 189, alinéa 3) du traité
instituant la Communauté européenne ainsi que les articles 35 et 36 de la directive 2002/83/CEE ;
2 / qu'aux termes de l'article 234 du Traité CEE (ancien article 177) : "La Cour de justice est compétente,
pour statuer à titre préjudiciel, ... sur la validité de l'interprétation des actes pris par les institutions de la
Communauté. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres, cette
juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement,
demander à la Cour de justice de statuer sur cette question" ;
que la procédure de renvoi préjudiciel est une procédure de coopération judiciaire par laquelle juridictions
nationales et Cour de justice, dans l'ordre de leurs compétences, sont appelées à contribuer à l'élaboration
d'une décision en vue d'assurer l'application uniforme du droit communautaire ; que ne peuvent donc être
assimilées à une exception de procédure, telle que définie par l'article 73 du nouveau Code de procédure
civile et devant être, par application de l'article 74 du même Code, soulevée sous peine d'irrecevabilité
avant toute défense au fond, les demandes de la société La Mondiale tendant à ce que la Cour use de la
prérogative que lui confère l'article 234 du Traité CEE et pose à la Cour de justice des questions
préjudicielles concernant l'interprétation des dispositions de la directive 2002/83/CEE relatives à la faculté
de renonciation du preneur d'assurance, qu'en déclarant ces demandes irrecevables, la cour d'appel a violé
l'article 234 du Traité CEE, ensemble les articles 73 et 74 du nouveau Code de procédure civile par fausse
application ;
Mais attendu, sur la première branche, que, dans la mesure où l'action de M. X... n'était pas fondée sur
l'exercice du délai de réflexion institué par l'alinéa 1 de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, le
moyen qui conteste la compatibilité de ce texte précis avec la directive 2002/83/CEE du Parlement
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européen et du Conseil concernant l'assurance directe sur la vie, serait-il fondé, est inopérant ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés
européennes que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique
prévoyant une sanction en cas de violation ou renvoie sur ce point aux dispositions législatives,
réglementaires et administratives nationales, l'article 10 du Traité CEE impose aux Etats membres de
prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les
conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
Qu'ainsi, alors que la finalité de la directive 2002/83/CEE, telle qu'elle résulte de son préambule, est de
veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour
profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations
nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins, ce d'autant que la durée de ses
engagements peut être très longue, en l'état de l'article L. 132-5-1, alinéa 2, du Code des assurances qui
énumère les documents et informations qui doivent être remis au souscripteur avant la conclusion du
contrat, les textes invoqués par la première branche du moyen ne font pas obstacle à ce que le défaut de
remise de ces documents et informations soit sanctionné en vertu du même article L. 132-5-1 par la
prorogation du délai de renonciation prévu à son deuxième alinéa et par la restitution au cas de
renonciation, de l'intégralité des sommes versées par le souscriptieur dans les conditions fixées par le
troisième alinéa ;
Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée
;
Attendu, enfin, qu'en sa seconde branche le moyen est inopérant en ce qu'il critique l'exercice par les juges
du fond d'un pouvoir remis à leur appréciation, dès lors que, en dépit du motif erroné mais surabondant
critiqué par le moyen, ils estimaient que l'article L. 132-5-1 du Code des assurances était en adéquation
avec le droit communautaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de M. X..., alors, selon le
moyen :
1 / que, dans l'annexe III de la directive 2002/83/CEE à laquelle renvoie son article 36 ne figure pas parmi
les informations devant être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat le sort de la garantie
décès dont la cour d'appel, infirmant à cet égard le jugement entrepris, reproche à la société La Mondiale
de n'avoir pas informé M. X... ; qu'en affirmant que les informations mentionnées à l'article A. 132-4 du
Code des assurances correspondent à celles énumérées dans l'annexe III de la directive, la cour d'appel a
violé l'article 36 de la directive et son annexe III ;
2 / que l'annexe III de la directive précise à titre préliminaire que "les informations suivantes qui doivent
être communiquées au preneur, soit A, avant la conclusion du contrat, soit B, pendant la durée du contrat,
doivent être formulées de manière claire et précise, par écrit, et être fournies dans une langue officielle de
l'Etat membre de l'engagement" ; qu'en affirmant que l'annexe III de la directive prévoit deux documents
distincts, à savoir une notice d'informations et les conditions générales du contrat, qu'elle prévoit de façon
expresse que la note est nécessairement distincte des conditions générales, qu'elle impose l'établissement
de deux documents, d'une part, les informations devant être remises avant la conclusion du contrat, d'autre
part, les conditions générales qui constituent le contrat lui-même communiquées pendant la durée du
contrat, la cour d'appel a violé les dispositions de l'annexe III de la directive 2002/83/CEE ;
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3 / qu'ainsi qu'il est soutenu dans la deuxième branche du premier moyen de cassation, ne constitue pas
une exception de procédure, telle que définie par l'article 73 du nouveau Code de procédure civile et
devant être, par application de l'article 74 du même Code, soulevée avant toute défense au fond à peine
d'irrecevabilité, la demande d'une partie tendant, comme celle de la société La Mondiale, à ce que la cour
d'appel use de la prérogative que lui confère l'article 234 du Traité CEE et pose à la Cour de justice des
questions préjudicielles concernant l'interprétation des dispositions de l'article 36 de la directive
2002/83/CEE relatives à l'information des preneurs ; qu'en déclarant irrecevable cette demande de la
société La Mondiale parce que, constituant une exception de procédure, elle devait être soulevée avant
toute défense au fond, la cour d'appel a violé l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne,
ensemble, par fausse application, les articles 73 et 74 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, sur la deuxième branche du moyen qui est préalable, qu'il résulte des dispositions de l'article
36 de la directive relatives à l'information des preneurs que, si avant la conclusion du contrat au moins les
informations énumérées à l'annexe III point A doivent être communiquées au preneur, l'Etat membre peut
exiger la fourniture d'informations supplémentaires qui apparaîtraient nécessaires à la compréhension
effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement ; que ce texte prévoit que les modalités de
son application et de l'annexe III sont arrêtées par l'Etat membre ;
Qu'il s'en déduit que le formalisme de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances dont les dispositions
d'ordre public tendent à assurer la plus claire information du preneur qualifié de consommateur par le
considérant n° 52 de la directive, constitue une simple modalité d'application de l'article 36-I de l'annexe
III de la directive ;
Et attendu que l'arrêt retient que l'assureur ne peut valablement soutenir que la directive ne prescrit pas la
fourniture de deux documents distincts, à savoir la notice d'informations et les conditions générales, la
remise au souscripteur d'une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat étant
nécessairement distincte des conditions générales du contrat qui constituent le contrat lui-même ;
Attendu qu'en sa première branche, le moyen s'attaque à un motif surabondant, la décision attaquée étant
justifiée par ses autres motifs, non critiqués par le pourvoi, relatifs à l'absence d'information, même dans
les conditions générales, sur les indemnités de rachat prélevées par l'assureur, les indications relatives au
régime fiscal, les indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat ;
Attendu qu'en sa troisième branche, le moyen est inopérant en ce qu'il critique l'exercice par les juges du
fond d'un pouvoir remis à leur appréciation, dès lors qu'ils avaient jugé les dispositions de l'article L. 1325-1 du Code des assurances en adéquation avec l'article 36 de la directive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de M. X..., alors, selon le
moyen :
1 / qu'une partie peut toujours, après la naissance du droit, renoncer à l'application d'une loi, fût-elle
d'ordre public ; que le droit de l'assuré de renoncer au contrat lui est ouvert, aux termes de l'article L. 1325-1 du Code des assurances, à compter du premier versement ; que les informations que l'assureur doit
communiquer au souscripteur devant l'être avant la conclusion du contrat, ce dernier est parfaitement en
mesure de constater, avant l'expiration du délai de 30 jours suivant le premier versement, que toutes les
informations exigées ne lui ont pas été communiquées, et notamment qu'il n'a pas reçu deux documents
distincts, soit une note d'information, d'une part, et les conditions générales du contrat, d'autre part ; que le
droit de renonciation dérogeant au principe de l'effet obligatoire du contrat, renonce de façon non
équivoque au droit de renoncer au contrat le souscripteur qui, ainsi que le faisait valoir la société La
41
Mondiale dans ses conclusions récapitulatives, exécute pendant deux ans le contrat en procédant à
plusieurs arbitrages successifs, en décidant seul de modifier ses supports boursiers et en choisissant seul
de nouveaux supports ; que tout en relevant que la société La Mondiale invoquait l'exécution du contrat
par M. X..., la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer qu'aucun acte de la part de ce dernier ne manifestait
qu'il ait eu la volonté non équivoque de renoncer à son droit à rétractation, a violé l'article 1134 du Code
civil ainsi que l'article L. 132-5-1 du Code des assurances ;
2 / et que, faute d'avoir précisé en quoi consistaient les actes de l'assuré qui, selon elle, ne suffiraient pas à
manifester sa volonté non équivoque de renoncer au droit de rétractation, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu que, selon l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, le défaut de remise des documents et
informations énumérées par l'alinéa 2 de ce texte entraîne de plein droit la prorogation du délai de
renonciation prévu par son premier alinéa ; qu'en vertu de l'article L. 111-2 du Code des assurances, ces
dispositions sont d'ordre public ;
Qu'il s'ensuit que la renonciation au bénéfice des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-5-1 n'est
pas possible ;
Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée
;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que l'assureur fait encore grief à l'arrêt d'avoir fait droit aux demandes de l'assuré, alors, selon le
moyen :
1 / qu'en cas de renonciation du souscripteur au contrat, celui-ci ne peut plus recevoir une quelconque
exécution et, partant, l'assureur devoir la garantie en cas de décès ; que, de plus, le droit de renonciation
étant un droit personnel au souscripteur, celui-ci est nécessairement vivant lorsqu'il renonce au contrat ;
que ne peut donc se poser la question de savoir si les sommes qui, aux termes de l'alinéa 3 de l'article L.
132-5-1 du Code des assurances, doivent être restituées par l'assureur dans les 30 jours à compter de la
réception de la lettre de l'assuré notifiant sa renonciation au contrat, doivent être remises au bénéficiaire
désigné ou à ses héritiers, être intégrées ou non dans l'actif successoral ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait,
la cour d'appel a méconnu la nature et les effets du droit de renonciation et violé l'article L. 132-5-1 du
Code des assurances ;
2 / que, l'assuré perdant sa qualité de souscripteur d'un contrat d'assurance-vie en renonçant à ce contrat,
ne peuvent en tout état de cause être appliquées aux sommes que l'assureur doit restituer à la suite de cette
renonciation les règles propres au contrat d'assurance-vie qui permettent au souscripteur d'un tel contrat
d'échapper aux règles du droit successoral relatives au rapport et à la réduction des libéralités pour atteinte
à la réserve héréditaire, aux règles des régimes matrimoniaux relatives aux récompenses dues à la
communauté et aux règles du droit fiscal relatives aux droits de mutation en cas de mort ; qu'en se
déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 132-12, L. 132-13, L. 132-16 du
Code des assurances et l'article L. 757-B du Code général des impôts ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu que la notice d'information n'a pas été remise à l'assuré, le
moyen est inopérant ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que l'assureur fait enfin grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes de M. X..., alors, selon le
moyen :
42
1 / que, selon l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi
; que manque à l'exigence de bonne foi l'assuré qui, parfaitement à même de connaître dans le délai de 30
jours prévu à l'alinéa 1er de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances les documents et informations
exigés qui ne lui auraient pas été communiqués par l'assureur et qui, en procédant, dans le cadre du
contrat, à des opérations successives d'arbitrage et plus en plus spéculatives, démontre, par un tel
comportement, que l'information qui aurait été omise ne lui a pas fait défaut, qu'il avait une parfaite
compréhension et maîtrise du contrat d'assurance, décide, deux ans après la conclusion du contrat, sous
prétexte d'un défaut d'information, de renoncer au contrat afin d'échapper aux conséquences des risques
financiers encourus du fait d'une baisse des supports boursiers qu'il a librement choisis ; qu'en retenant,
pour rejeter le moyen tiré par la société La Mondiale de la mauvaise foi de M. X..., que le législateur a
entendu contraindre l'assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante et a choisi d'assortir
cette obligation d'une sanction automatique dont l'application ne peut être subordonnée aux circonstances
de l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que, la finalité du droit de renonciation étant, comme la société La Mondiale le faisait valoir dans ses
conclusions, la protection du souscripteur contre un engagement inconsidéré, pris sans que son
consentement ait été suffisamment éclairé, caractérise un détournement des dispositions de l'article L. 1325-1 du Code des assurances et un exercice abusif du droit de renonciation qu'il institue l'exercice par le
souscripteur de ce droit aux seules fins de faire supporter par l'assureur les conséquences financières de
ses choix boursiers ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société La Mondiale dans ses
conclusions, si M. X... n'avait pas commis un abus de droit en faisant jouer la faculté de renonciation non
parce qu'il n'avait pu apprécier lors de la souscription du contrat l'opération d'assurance à laquelle il s'est
engagé, mais parce que la mise en oeuvre de celle-ci sur la base de ses propres choix boursiers s'est
révélée préjudiciable à ses intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 132-5-1 du Code des assurances ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances, d'ordre public, et conforme à la
directive 2002/83/CEE du 5 novembre 2002, que l'exercice de la faculté de renonciation prorogée ouverte
de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par
ce texte est discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise ;
Et attendu que l'arrêt retient exactement que, par les dispositions de l'article précité, le législateur a
entendu contraindre l'assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante et a assorti cette
obligation d'une sanction automatique, dont l'application ne peut être subordonnée aux circonstances de
l'espèce ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS , REJETTE le pourvoi ;
Doc 6 : Cour de cassation, chambre civile 2, 10 juillet 2008
N° de pourvoi: 07-12072
Publié au bulletin
Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a adhéré le 2 septembre 2000 à un contrat collectif d'assurance
sur la vie souscrit par la Société générale auprès de la société Sogecap (l'assureur) ; que, le 9 novembre
2000, Mme Y... a également adhéré à ce contrat ; que, par lettres recommandées avec demandes d'avis de
réception du 28 juin et du 1er juillet 2002, M. X... et Mme Y... ont chacun déclaré renoncer au contrat,
conformément aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction en
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vigueur à l'époque, en faisant valoir qu'aucune des dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des
assurances n'avait été respectée et que le délai de renonciation avait été en conséquence prorogé ; que,
l'assureur ayant refusé de faire droit à leurs demandes, M. X... et Mme Y... l'ont assigné devant le tribunal
de grande instance pour se voir reconnaître le bénéfice de la faculté de renonciation et obtenir la restitution
des primes versées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer certaines sommes à M. X... et Mme
Y..., alors, selon le moyen, que les modalités d'information des adhérents à un contrat d'assurance de
groupe étaient, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant modification
des articles L. 132-5-1 et suivants du code des assurances, régies par les dispositions particulières de
l'article L. 140-4 du même code, dont l'application excluait le jeu des dispositions générales de l'article L.
132-5-1 ; qu'en affirmant, au contraire, que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances,
dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, s'appliquaient aux contrats d'assurance de groupe, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des
assurances, dans leur rédaction alors en vigueur, s'appliquent à tout contrat d'assurance sur la vie, y
compris aux contrats d'assurance de groupe ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que lorsqu'une directive
communautaire ne comporte aucune disposition spécifique assortissant de sanctions les obligations qu'elle
entend mettre à la charge de personnes privées, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de
prendre toutes mesures propres à garantir l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond
et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ; que, dans le souci
de préserver le principe de sécurité juridique, l'article 30 de la directive 92 / 96 / CEE (devenu l'article 35
de la directive 2002 / 83 / CEE) impose, par des dispositions précises et inconditionnelles, aux Etats
membres d'enfermer le droit de repentir du preneur d'assurance dans un délai compris entre 14 et 30 jours
à compter du moment où celui- ci est informé que le contrat est conclu ; que cette directive n'établit pas de
lien entre l'exercice de ce droit de repentir et l'obligation faite aux assureurs de fournir les informations
prévues par son article 31 ; que la sanction instituée par l'article L. 132- 5- 1 du code des assurances,
consistant, en cas d'insuffisance de l'information précontractuelle fournie au preneur d'assurance, à
proroger indéfiniment le délai d'exercice de son droit de repentir, sans exiger de sa part la démonstration
préalable d'un préjudice, n'est pas proportionnée aux objectifs poursuivis par la directive précitée ; qu'en
affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 10 du Traité CE ;
Mais attendu que la finalité de la directive 2002 / 83 / CEE, telle qu'elle résulte de son préambule, est de
veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour
profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations
nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins, ce d'autant que la durée de ses
engagements peut être très longue ; que, dès lors, pour être proportionnée à cet objectif, la sanction édictée
n'a pas à être subordonnée à la démonstration préalable d'un préjudice subi par le preneur d'assurance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que l'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1° / qu'il est toujours permis à un contractant de renoncer au bénéfice d'une règle d'ordre public de
protection instituée en sa faveur pourvu que cette renonciation intervienne postérieurement à l'acquisition
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de son droit ; qu'en l'espèce, l'assureur invitait la cour d'appel à constater que M. X... avait nécessairement
renoncé à se prévaloir du délai de réflexion et de rétractation institué en sa faveur par l'article L. 132-5-1
du code des assurances en décidant, postérieurement à la conclusion du contrat d'assurance vie, d'effectuer
un nouveau versement d'un montant de 1 125 220 francs (171 538,68 euros), puis de nantir ce contrat
d'assurance au profit de la Société générale, en garantie d'un prêt personnel consenti par cette dernière ;
qu'en refusant de faire droit à ce moyen de défense, aux motifs erronés que le caractère d'ordre public du
délai de réflexion institué par l'article L. 132-5-1 du code des assurances se serait par principe opposé à
une telle renonciation et que le droit de rétractation ne serait pas né avant la remise effective de l'ensemble
des informations dues au preneur d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2° / que la renonciation à un droit peut être tacite et s'évincer de tout acte de volonté incompatible avec
l'exercice de ce droit ; que la décision du preneur d'assurance d'affecter son contrat d'assurance vie en
nantissement à la garantie d'un prêt bancaire qui lui est octroyé est incompatible avec l'intention de se
prévaloir ultérieurement de la faculté de rétractation instituée en sa faveur par l'article L. 132-5-1 du code
des assurances ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a derechef violé le texte susvisé, ensemble
l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article L. 132-5-1 du code des assurances, le défaut de remise des documents et
informations énumérées par l'alinéa 2 de ce texte entraîne de plein droit la prorogation du délai de
renonciation prévu par son premier alinéa ; qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code des assurances, ces
dispositions sont d'ordre public ; que la renonciation au bénéfice des dispositions d'ordre public de l'article
L. 132-5-1 n'est pas possible ;
Et attendu que l'arrêt retient que le droit de renonciation au contrat de M. X... et de Mme Y... ne peut être
éteint par l'expiration du délai dans lequel il doit être exercé, avant qu'ils aient été en mesure de l'exercer
de façon utile par la remise effective des documents dont s'agit ; que la renonciation au bénéfice du
formalisme protecteur et d'ordre public énoncé à l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'est pas
possible puisque le droit n'avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation ;
Que par ces énonciations la cour d'appel a fait une exacte application des dispositions en cause ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer certaines sommes à M. X... et Mme
Y..., alors, selon le moyen :
1° / que le caractère discrétionnaire de la faculté de renonciation instaurée par l'article L. 132-5-1 du code
des assurances a pour seule signification de dispenser l'assuré d'avoir à motiver son exercice et n'interdit
pas au juge de sanctionner, le cas échéant, l'exercice abusif de ce droit ; qu'en l'espèce, l'assureur rappelait
dans ses écritures que, postérieurement à la conclusion de son contrat d'assurance vie, M. X... avait
successivement effectué un nouveau versement d'un montant de 1 125 220 francs (171 538,68 euros), puis
décidé de nantir ce contrat d'assurance dans le but d'obtenir un prêt personnel de la Société générale ; qu'à
la lumière de ces décisions, qui procédaient de l'intention de l'assuré de mobiliser son contrat d'assurance
vie pour en retirer les utilités économiques, l'assureur soulignait que M. X... n'avait pu, de bonne foi,
prétendre exercer ultérieurement son droit de renoncer au contrat au vu de l'évolution décevante de son
placement ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas, par là, abusé de
son droit de renoncer au contrat d'assurance vie, au motif erroné que la faculté de renonciation instaurée
par l'article L. 132-5-1 du code des assurances ne serait pas susceptible d'abus de la part du souscripteur,
dont la bonne foi ne serait pas requise, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134,
alinéa 3, du code civil ;
2° / qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que
lorsqu'une directive communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en
cas de violation des prescriptions qu'elle édicte, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de
prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les
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conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
que la prorogation sans limitation de durée du délai d'exercice de la faculté de rétractation instituée en
faveur du souscripteur ne peut revêtir le caractère d'une sanction proportionnée aux objectifs poursuivis
par la directive 2002 / 83 / CEE si l'assureur se voit interdire d'invoquer, le cas échéant, un abus du
souscripteur dans l'exercice différé de sa faculté de rétractation ; qu'en déniant à l'assureur la faculté
d'invoquer un tel abus, la cour d'appel a violé l'article 10 du Traité CE ;
3° / que l'existence d'une faculté de rétractation est destinée à permettre au preneur d'assureur d'émettre un
consentement éclairé au contrat d'assurance vie, à la faveur d'un bref délai de réflexion ; que la
prorogation sans limitation de durée de cette faculté de rétractation, y compris lorsque le contrat a été
exécuté pendant plusieurs années par un souscripteur qui en a tiré profit, aboutit en revanche à transformer
la rétractation en une peine privée sanctionnant, indépendamment de toute preuve d'un grief, une
insuffisance d'information, en faisant supporter par l'assureur l'intégralité des pertes financières de
l'opération d'assurance, sans aucun pouvoir modérateur du juge ; qu'en considérant cette sanction, que le
preneur d'assurance peut décider de mettre en oeuvre au moment de son choix et pour des considérations
de pure opportunité, comme étant toujours juste et proportionnée, sans qu'il y ait place à un examen par le
juge, au vu des circonstances de l'espèce, de l'éventuel abus ou de la mauvaise foi du preneur d'assurance à
invoquer une insuffisance d'information, la cour d'appel a également violé l'article 1er du Premier
Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens ;
Mais attendu qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés
européennes que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique
prévoyant une sanction en cas de violation ou renvoie sur ce point aux dispositions législatives,
réglementaires et administratives nationales, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de
prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les
conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
Et attendu qu'il résulte de l'article L. 132- 5- 1 du code des assurances, d'ordre public, et conforme à la
directive 2002 / 83 / CEE du 5 novembre 2002 que l'exercice de la faculté de renonciation prorogée
ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations
énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable en sa troisième
branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction alors en vigueur, et l'article 1315 du
code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit remettre,
contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions
d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette
faculté de renonciation ;
Attendu que pour condamner l'assureur à restituer certaines sommes à Mme Y..., l'arrêt, par motifs propres
et adoptés, retient que le bulletin d'adhésion signé par Mme Y... porte la mention suivante : " l'Adhérent
assuré déclare avoir reçu un exemplaire du présent bulletin d'adhésion ainsi que de la note d'information
n° 539.236 relative au contrat collectif " ; qu'il est cependant impossible, en l'état des pièces versées aux
débats par l'assureur, de déterminer quelle est la note n° 539.236 qui a été remise à Mme Y... ; qu'il
apparaît donc impossible de vérifier si, en l'espèce, les exigences de l'article L. 132-5-1 du code des
assurances ont été respectées envers le preneur d'assurance ; que la charge de la preuve en incombant à
l'assureur, le requérant doit de ce seul chef être considéré comme ayant usé à bon droit de sa faculté de
rétractation ;
46
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que Mme Y... avait signé le récépissé établissant la remise de la
note d'information, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Sogecap à restituer à Mme Y... la
somme de 68 283, 44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2002 jusqu'au 3 octobre 2002,
puis au double du taux légal, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de
Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement
composée ;
LA NULLITE DU CONTRAT ET SES EFFETS
Doc 7 : Cour de cassation, chambre civile 1, 20 mai 2009
N° de pourvoi: 08-13018
Publié au bulletin
Cassation
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1304 et 2262 du code civil, ensemble les articles 1131 et 1321-1 du même code ;
Attendu que par acte sous seing privé du 22 avril 1998 la société des Editions X... , actuellement
dénommée Santé équilibre performance (SEP), a cédé à la société les Bureaux du patrimoine, aux droits
de laquelle se trouve la société Epargne actuelle, son fonds de commerce de courtage d'assurances,
constitué par la gestion d'un portefeuille AFER, pour le prix de 1 200 000 francs ; que le même jour les
parties ont signé une convention pour régler le sort des commissions versées par l'AFER concernant quatre
clients; que la SEP ayant sollicité le paiement de diverses sommes en exécution de la seconde convention,
la société Epargne actuelle lui a opposé une exception de nullité de cette convention ;
Attendu que pour faire droit à la demande de la SEP et rejeter l'exception de nullité l'arrêt énonce que les
deux conventions signées le même jour sont indivisibles, qu'il résulte de la lettre adressée le 19 février
1999 par le GIE AFER à la SEP que la deuxième convention a reçu un commencement d'exécution et que
l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique
qui n'a pas encore été exécuté ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la nullité invoquée était une nullité relative alors que seule
une telle qualification la rendait inopposable en cas d'exécution de l'obligation découlant de l'acte, la cour
d'appel n' a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2007, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Doc 8 : Cour de cassation, Com, 5 février 2013
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N° de pourvoi: 12-11720
Publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 octobre 2011), que le 17 mai 2005, M. X... (la caution) s'est
rendu caution solidaire envers la Banque Dupuy de Parseval (la banque) des engagements de la société,
dont il était le gérant ; que le 26 septembre 2005, cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la
banque a déclaré sa créance ; qu'après avoir intégralement exécuté son engagement le 15 novembre 2005,
la caution a assigné la banque, en nullité de cet engagement ;
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement prononçant la nullité de son
engagement et condamnant la banque à lui restituer une certaine somme alors, selon le moyen, qu'est nul
l'engagement de caution pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier
professionnel qui ne comporte pas les mentions exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la
consommation ; que cette nullité d'ordre public ne peut être couverte par l'exécution de son engagement
par la caution ; qu'en décidant que l'exécution par la caution de son engagement pris en vertu d'un acte de
cautionnement nul pour défaut des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du
code de la consommation valait confirmation de l'acte, la cour d'appel a violé ensemble ces articles ;
Mais attendu que la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation,
qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative, à
laquelle elle peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du
vice l'affectant ; qu'ayant constaté que l'engagement litigieux ne comportait pas les mentions légales
prescrites, l'arrêt retient que la caution, après avoir souscrit un prêt à cette fin, a réglé les sommes dues,
sans mise en demeure préalable et en dépit des conseils contraires de son avocat et de son comptable et,
qu'ainsi conseillée, elle a agi en toute connaissance de cause ; que de ces constatations et appréciations, la
cour d'appel a pu déduire que la caution avait entendu réparer le vice affectant son engagement , de sorte
que cette confirmation au sens de l'article 1338 du code civil, l'empêchait d'en invoquer la nullité ; que le
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Doc 9 : Cour de cassation, chambre mixte, 9 juillet 2004
N° de pourvoi: 02-16302
Publié au bulletin
Cassation partielle sans renvoi.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1234 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré, que les époux X... ont acquis des consorts Y... un immeuble à
usage d'habitation ; qu'un arrêt, devenu irrévocable, a annulé la vente aux torts des vendeurs, les a
condamnés à restituer le prix de vente et à réparer l'entier préjudice subi par les époux X... ;
qu'ultérieurement, les consorts Y... ont demandé le paiement d'une indemnité d'occupation ;
Attendu que pour accueillir la demande des consorts Y..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que
les époux X... ont occupé l'immeuble pendant 65 mois et que la vente de cet immeuble ayant été annulée,
ils sont redevables d'une indemnité d'occupation pour la période durant laquelle ils ont utilisé l'immeuble
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sans en être propriétaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la
vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble, la cour d'appel a violé
le texte susvisé ;
Et sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les acquéreurs sont tenus
d'une indemnité correspondant à l'avantage qu'ils ont retiré de la chose entre la date de la vente et celle de
son annulation pour dol des vendeurs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la
condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat
annulé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure
civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... à payer aux consorts Y... la
somme de 195 000 francs au titre de l'indemnité d'occupation, ordonné la compensation des sommes
réciproquement dues entre les parties et dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés
par moitié par les parties, l'arrêt rendu le 4 septembre 2001, entre elles, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Doc 10 : Cour de cassation, chambre civile 3, 24 juin 2009
N° de pourvoi: 08-12251
Publié au bulletin
Cassation partielle
Sur le deuxième moyen et la première branche du troisième moyen, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 septembre 2007, rectifié le 6 novembre 2007), que la société
Montfort dépôt vente antiquités (MDVA) a acquis, par acte du 31 décembre 2000, avec le droit au bail, le
fonds de commerce exploité par la société Modeve dans des locaux appartenant à la société Garage X... ;
que par arrêt devenu définitif du 29 janvier 2004 de la cour d'appel, l'acte de cession du fonds de
commerce a été annulé pour dol ; que la société Garage X... a assigné la société MDVA pour la voir
condamner à payer les loyers échus ou, à titre subsidiaire, une indemnité d'occupation ; que cette dernière
s'est prévalue de la nullité de la cession du fonds de commerce, entraînant celle du bail, et a demandé la
condamnation de la société Garage X... à lui payer diverses sommes pour manquement à l'obligation de
loyauté ;
Attendu que la société Garage X... fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des préjudices subis par la
société MDVA, alors, selon le moyen :
1° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose une faute de ce
cocontractant ; qu'en déclarant la société Garage X... responsable des préjudices subis par la société
MVDA du fait de l'annulation du bail tout en ayant relevé que le bail était un élément du fonds de
commerce de sorte que l'annulation de la cession du fonds de commerce avait eu pour conséquence
nécessaire de rendre nul pour défaut de cause le bail concédé par la société Garage X... à la société
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MDVA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1304
et 1382 du code civil ;
2° / que le bailleur auquel la cession du fonds de commerce du preneur est notifiée n'est tenu à l'égard du
cessionnaire d'aucune obligation d'information ; qu'en considérant que la société Garage X... était tenue
d'avertir la société MDVA de la non conformité des locaux loués et de la nécessité d'une régularisation
administrative avec des travaux à réaliser à cette fin, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation d'un contrat suppose qu'une faute
imputable à ce cocontractant ait causé l'annulation du contrat à l'origine du préjudice allégué par l'autre
partie ; qu'en déclarant la société Garage X... responsable des préjudices subis par la société MVDA du
fait de l'annulation du bail sans retenir un lien de causalité entre la faute d'information retenue et
l'annulation, qu'elle avait prononcée pour défaut de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4° / que la responsabilité du cocontractant du fait de l'annulation du contrat ne permet pas à la partie qui
s'estime victime d'obtenir réparation du préjudice né de l'inexécution du bail ; qu'en retenant, au titre du
préjudice réparable, un préjudice d'exploitation résultant de la mise en conformité des locaux ainsi que
divers préjudices liés à la cessation d'activité et en considérant que la société Garage X... devait réparation
des préjudices ayant un lien direct avec le bail tandis qu'elle avait prononcé la nullité de ce bail, la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1304 du code
civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Garage X... avait commis une faute délictuelle en s'abstenant
délibérément, lors du renouvellement du bail des locaux, d'informer la société MDVA de leur situation de
non conformité, et qu'elle était responsable des préjudices subis par cette dernière du fait de la location et
en résultant directement, la cour d'appel, qui n'a pas dit que la faute de la société Garage X... était en
rapport avec la cession du fonds de commerce, l'exécution du bail ou son annulation, a légalement justifié
sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1304 du code civil ;
Attendu que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans
la situation initiale ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Garage X... du paiement par la société MDVA des
loyers ou, à titre subsidiaire, d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient que, le bail étant annulé pour
défaut de cause en conséquence de l'annulation, par un arrêt antérieur, de l'acte de cession du fonds de
commerce, la société Garage X... ne peut prétendre, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation du bail, à
l'indemnisation de la jouissance des lieux par la société MDVA ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société MDVA avait bénéficié de la jouissance des
locaux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le
texte susvisé ;
Et sur la seconde branche du troisième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que l'arrêt retient, au titre des préjudices subis par la société MDVA, que la société Garage X...
doit réparer, des sommes au titre des pertes sur les stocks initial et constitué ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le même préjudice n'avait pas déjà été réparé par l'arrêt du 29
janvier 2004, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
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PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu ‘ il a débouté la société garage X... de sa demande en
paiement d'une indemnité d'occupation et condamné cette dernière à payer à la société MDVA des
sommes au titre des pertes sur les stocks, l'arrêt rendu le 4 septembre 2007, entre les parties, par la cour
d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles,
autrement composée ;
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