Littérature polonaise - université populaire montelimar
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Littérature polonaise - université populaire montelimar
Littérature polonaise Le 20 novembre 2014, dans le cadre de l’exposition « les affiches polonaises », François Deydier, libraire à Montélimar, invitait le public à écouter une conférence sur la littérature polonaise. L’initiative de cette rencontre revenait à l’Université populaire de Montélimar et à la Médiathèque Maurice Pic. Fructueux partenariat qui du 7 au 30 novembre 2014 aura permis à des dizaines d’auditeurs de découvrir les aspects historiques et culturels d’une nation dont les fondements culturels sont quelquefois peu connu. François Deydier nous présente quelques tendances et mouvements littéraires des XIX°- XX° siècle (romantisme, patriotisme, nationalisme, réalisme socialiste, nouvelle vague, « petite stabilisation » et enfin « nouvelle intimité »). Tel un chirurgien plasticien de talent, le conférencier dissèque avec précision et passion les romans de trois auteurs du XX° siècle : Neiges bleues de Piotr Bednarsky, Le corbeau blanc de Andrzej Stasiuk, enfin Les ossements des morts d’Olga Tokarczuk. Chaque analyse renvoie à des situations historiques récentes dont le détail avait été présenté dans une première conférence intitulée « Une histoire de la Pologne ». De Piotr Bednarsky, le conférencier nous rappelle qu’il est né en 1934, dans une ville de Pologne orientale qui sera annexée (à nouveau !) par l’U.R.S.S après l’invasion du 17 septembre 1939. Deuxième enfant d’une famille juive, déportée en Sibérie (Verkhoïansk?), il sera en 1945 le seul rescapé. Son roman (Les) Neiges bleues paru en 2004, décrit ce milieu répulsif à l’homme qu’est la toundra russe où l’hiver dure près de 8 mois et où « seuls le feu de bois, l'amour et trois cents grammes quotidiens d'un pain mêlé de cellulose et d'arêtes de poisson devaient nous défendre contre la mort ». C’est au cœur du système répressif du goulag, organisé par les agents et gardes chiourme du N.K.V.D soviétique qu’ « un petit garçon de huit ans tente, malgré les épreuves, de garder l'allégresse naturelle à l'enfance ». Et dès lors, alors que sa famille disparaît progressivement, ce petit garçon « Malgré une vie rythmée par les morts, les disparitions, les emprisonnements, le jeune Petia, [est] condamné à devenir adulte avant d'avoir dix ans, [et] va découvrir un terrain de jeu nécessaire et absolu où pousse une des plus belles fleurs de l'espoir : la poésie ». L’auteur met en évidence dans ce premier roman les effets de la déportation, de l’errance, de la judéité et affiche le rôle de la foi face aux situations périlleuses et douloureuses. Crédo qu’il reprend longuement dans Un goût de sel (2007) par de longs développements sur l’Ancien et le Nouveau Testament. Pour Andrzej Stasiuk, François Deydier nous rappelle qu’il est né en 1960, qu’il est à la fois éditeur, journaliste et romancier. Enfant de la Guerre Froide, il est préoccupé par les oppositions de part et d’autre du Rideau de fer et veut montrer les mécanismes d’hystérisassions et de violence des esprits auxquels conduisent la manipulation des intelligences, les surveillances et les dénonciations diverses. Dans une nature violente (les Carpates orientales), cinq jeunes gens, brimés par des années de régime communiste «prennent conscience de l'inanité de leur vie ». « Las de traîner dans des bars enfumés de la capitale, ils décident sur un coup de tête d'aller tenter l'aventure dans la région enneigée des Bieszczady, légendaire Far-East montagneux qui sépare la Pologne orientale de l'Ukraine ». Mêlant suspense et réflexion philosophique, Stasiuk transforme le récit de cette escapade à rebondissements inattendus en une quête métaphysique. On y découvre la beauté des paysages, les limites de l'amitié virile et l'ambiance des dernières années de la République populaire de Pologne. Lorsqu’il présente Olga Tokarczuk, François Deydier précise qu’il s’agit d’une auteure très engagée, née en 1962. Passionnée par les œuvres du poète anglais XVIIIe siècle William Blake, elle étudie la psychologie à l’université de Varsovie. Dans ce roman, elle affiche sa « solidarité avec le règne animal » dont elle affirme qu’il est « le maillon le plus faible et le plus maltraité dans la chaîne du pouvoir ». Ce roman est un « polar » à connotations politico-sociales qui se déroule dans une vallée perdue des Sudètes, située entre la République tchèque et la Pologne. Meurtres, organisations mafieuses, règlements de compte se succèdent dans ces pages. « Olga Tokarczuk ne se contente pas de construire une intrigue. Elle confirme aussi que le polar est un instrument hors pair de critique sociale ». Elle dénonce l’état de corruption des nouveaux riches du régime post communiste, ceux qui « n’étaient rien avant et qui sont devenus puissants et influents aujourd’hui grâce au système capitaliste». La thèse de l’héroïne surprendra le lecteur : « Et si les meurtriers étaient les animaux » dira-t-elle aux villageois médusés ? L’auteure rappelle en cela la multitude de procès faits aux animaux durant tout le Moyen Âge, thème cher aux diffuseurs de superstitions. Mais chez elle, cette thèse doit être prise au second degré, car elle entend défendre la cause animale face à l’ineptie humaine. Olga Tokarczuk construit en fait un « polar écologiste et métaphysique » dans lequel le « juste châtiment d’une population méchante et insatiable » sera accompli. De ces trois romans, François Deydier conclut que chacun des auteurs, à sa manière, aborde trois des thèmes les plus présents dans la littérature polonaise du XX° siècle : ● le thème des frontières, un des fondements de l’histoire polonaise, ● le thème de l’opposition Est-Ouest et des formes de sociétés qui lui sont affiliées, ● le thème de la nature sauvage ignorée et délaissée par les sacrilèges économiques et politiques récents. Trois ouvrages qui complètent le dossier ouvert cette année par l’Université populaire de Montélimar et qui se poursuit jusqu’au 30 novembre 2014 (salon d’honneur de l’Hôtel de Ville, Médiathèque Maurice Pic, Centre rural d’animation de Sauzet). Gérard Molines Université populaire de Montélimar