(fnapte) devant la commission varinard i

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(fnapte) devant la commission varinard i
AUDITION DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES
ASSESSEURS PRÉS LES TRIBUNAUX POUR ENFANTS
(FNAPTE) DEVANT LA COMMISSION VARINARD
En préambule, je souhaite préciser que j’interviens en tant que Présidente de la
FNAPTE et que les réflexions que je vais exposer sont le fruit d’informations
collectées auprès des assesseurs exerçant leurs missions dans différentes
juridictions de France et non le reflet de ma seule expérience.
Le principe de juridiction spécialisée pour juger les délinquants mineurs remonte à la
loi du 22 juillet 1912 : cette juridiction est alors composée de 3 magistrats de carrière.
C’est l’Acte dit loi du 27 juillet 1942 qui va consacrer le principe de la participation de
personnes étrangères au monde judiciaire au jugement des mineurs délinquants. Ce
texte limite alors l’intervention aux affaires criminelles de 2 assesseurs choisis parmi
les personnes âgées de plus de 30 ans remplissant les conditions d’accès à la
fonction publique et qui se sont déjà signalées par l’intérêt qu’elles portent aux
questions de l’enfance. L’adverbe « déjà » permet d’identifier l’antériorité des
compétences de ces personnes qui les désignent tout spécifiquement pour exercer
ces fonctions judiciaires.
Cette loi qui n’est jamais entrée en vigueur a pour autant été reprise par
l’ordonnance du 2 février 1945 qui a consacré le système de l’échevinage au tribunal
pour enfants. Et le statut de ces auxiliaires de justice appelé « assesseurs » a été
fixé par un décret n°45-1595 du 18 juillet 1945 modifié par l’ordonnance n° 2006-673
du 8 juin 2006 portant refonte du code de l'
organisation judiciaire et modifiant le code
de commerce, le code rural et le code de procédure pénale (partie Législative).
Ces juges non-professionnels créés par cette ordonnance ne sont pas l’apanage de
notre seul pays on retrouve l’intervention de tels magistrats dans la justice des
mineurs par exemple, en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Angleterre.
Pour autant, il convient de souligner que les assesseurs des TPE sont peu connus
voire méconnus de l’opinion publique en général alors même que l’idée de la
participation des citoyens au fonctionnement de la justice s’est imposée ces
dernières années avec la création des juges de proximité et des délégués du
procureur. Comme le précise le portail les « citoyens-juges » sur le site internet du
ministère de la Justice : « Juger est un métier, mais c’est aussi une mission que la loi
confie à des citoyens » et il vise l’assesseur du TPE.
Il importe de présenter ces citoyens particuliers qui se signalent par l’intérêt qu’ils
portent aux questions de l’enfance avant d’analyser leur mission de juge au tribunal
pour enfants.
I –L’assesseur du TPE : un citoyen technicien des
questions de l’enfance
Cette caractéristique de citoyen technicien des questions de l’enfance est imposée
par les textes et vérifiée par une enquête menée par la FNAPTE auprès des
assesseurs en poste.
A – Le statut de l’assesseur
A la lecture des articles L 251-3 à L 251-6 (créés par l’ordonnance du 8 juin 2006) et
R 522-3 à 522-10 du Code de l’organisation judiciaire qui fixent le cadre du statut de
l’assesseur, on constate que c’est bien un citoyen issu de la société civile mais tout
citoyen n’est pas systématiquement appelé à exercer les fonctions d’assesseur.
Pour être assesseur du tribunal pour enfants il convient donc de remplir certaines
conditions qui limitent l’accès à cette fonction et après le recrutement il convient de
se soumettre à une obligation qui précède cette entrée en fonction : le serment.
Parmi les conditions de recrutement des assesseurs il faut distinguer entre celles qui
concernent le dépôt des candidatures et celle qui répondent aux impératifs fixés par
l’institution judiciaire.
a) les conditions de recrutement : limites au dépôt des candidatures
Si un grand nombre de laïcs peuvent déposer leur candidature une condition
essentielle concerne leur motivation qui doit faire apparaître leur qualité de
technicien de l’enfance.
- Les conditions générales
la nationalité française
l’âge + de 30 ans. On note que le texte fixe une limitation minimale
mais pas de limitation maximale.
la résidence doit être établie dans le ressort du tribunal où l’assesseur
postule.
condition qui ne figure pas dans les textes : c’est l’existence d’un casier
judiciaire vierge. On sait que certains dossiers de candidature sont
rejetés à cause de l’existence d’un casier judiciaire.
Plusieurs conditions de compatibilité qui ne figurent pas textuellement
mais que l’on peut rapprocher des incompatibilités visant les magistrats
professionnels comme par exemple les liens de parenté. Une note du
17 avril 1997 rappelle qu’ « un assesseur qui connaîtrait à quelque titre
que ce soit un jeune appelé à comparaître devant le tribunal pour enfant
ne saurait bien évidemment siéger à cette audience ».
- La condition liée à la motivation :
Une motivation est prévue par le texte:
o d’une part : par l'
intérêt que les personnes portent aux
questions de l'enfance
o d’autre part par leurs compétences.
b) la procédure de recrutement restreint le nombre des candidatures
Tout d’abord, deux modes de recrutement prévus par le texte coexistent :
1-la candidature spontanée : qui doit être adressée auprès du
président du TGI (art. R.522-4)
2-la cooptation : le président du TGI peut proposer et donc susciter
des candidatures : ce qui caractérise le dispositif de cooptation (art. R.
522-4).
Quelque soit le mode de recrutement, il fait appel au volontariat ce qui
permet de distinguer l’assesseur du TPE des jurés auxquels on tente
parfois de l’assimiler. Les jurés sont tirés au sort ce qui laisse place au
hasard et qui constitue pour certain une corvée à laquelle ils tentent
d’échapper par des certificats médicaux et malgré la menace d’une
sanction pénale…
Ensuite, l’institution judiciaire va tenir compte de divers impératifs qui vont
imposer une sélection des candidatures déposées. (R 522-3 à R 522-9
ancien du code de l’organisation judiciaire) parmi ces impératifs on
distingue :
o Tout d’abord, un motif arithmétique textuel va limiter le nombre
de candidats : l’effectif des assesseurs des TPE est fixé par le
texte (art. R 522-3) dans chaque juridiction à raison de 2
assesseurs titulaires et 4 assesseurs suppléants par juge des
enfants ou 2 titulaires et 2 suppléants dans les juridictions
comprenant au moins 5 magistrats.
o Ensuite, l’institution judiciaire se réserve un choix discrétionnaire.
2 articles visent ce pouvoir
L’art. L 251 du code d’organisation judiciaire : « les
assesseurs titulaires et suppléants sont choisis … »
L’art. R 522-4 du COJ : une liste, classée par ordre de
présentation, est établie par le président du tribunal de
grande instance à partir des candidatures déposées. Cette
liste est transmise au Premier président de la cour d’appel
qui l’envoie au ministère de la justice. Et sur cette liste
sont choisis ceux qui seront nommés par arrêté du
ministre.
De fait, des circulaires internes viennent donner des recommandations aux
juridictions pour un meilleur recrutement. Cela vient légitimer, s’il en est
besoin, le choix qui peut résulter du classement dans le but d’équilibrer la
représentation de la société civile.
Enfin, les assesseurs retenus sont nommés par arrêté du ministre de la
justice pour 4 ans. La nomination est publiée au JO. Ce qui confère une
officialisation nationale comme toute une affectation dans un service public.
Et, s’agissant de la fonction judiciaire, une obligation particulière est
imposée : celle de la prestation de serment.
c) la prestation de serment : l’obligation des auxiliaires de justice
C’est l’article L 251-5 du COJ qui précise qu’avant d’entrer en fonction les
assesseurs prêtent serment devant le TGI de « bien et fidèlement remplir leurs
fonctions et de garder religieusement le secret des délibérations ». Ce principe du
secret « a pour but d’assurer l’indépendance et la dignité des juges en même
temps que l’autorité morale de leurs décisions. « Il est général et absolu ». Ce
principe est à rapprocher de l’Article L111-1 du COJ créé par l’Ordonnance
n°2006-673 du 8 juin 2006 : « Les juridictions judiciaires rendent leurs décisions
au nom du peuple français ».
Cependant le secret revêt au TPE une importance toute particulière eu égard à
la personnalité des délinquants jugés : les mineurs qui doivent être
spécialement protégés.
Une fois ce serment prêté l’assesseur pourra légalement siéger. Et un texte
l’art. R 522-10 du COJ accompagne l’exercice de cette mission du versement
d’une indemnité calculée sur le traitement moyen net de tout prélèvement des
juges du TGI.
B – Le profil de l’assesseur du TPE recruté
En 2005, la FNAPTE a procédé à une enquête par questionnaire expédiée
auprès de 1785 assesseurs des TPE sur le territoire métropolitain.
On a obtenu 625 réponses soit 35% des questionnaires envoyés.
La collecte des données recueillies a permis d’approcher un profil de
l’assesseur qui permet de vérifier leurs motivations.
1 - Le profil lié à la personne
a) le sexe
On note une légère prédominance de femmes 61% contre 39% d’hommes.
Pour rétablir une certaine parité, on notera que les candidatures masculines
seront privilégiées aux candidatures féminines. Ce qui justifie la notion de
choix de l’institution judiciaire ou la cooptation.
On peut évoquer le cas de l’Allemagne qui fait appel aussi à deux magistrats
non-professionnels pour siéger dans les juridictions pour mineurs mais qui
prévoit la parité à l’audience de : 1 homme et 1 femme.
b) l’âge
On remarque que l’âge moyen est de 52 ans. Périodiquement des notes
émanent de la Chancellerie pour tenter d’apporter une limite d’âge maximale ;
En 1997 elle invitait à ne pas retenir les candidatures au-delà de 65 ans.
Parfois la limite préconisée est celle de 60 ans mais, les assesseurs concernés
ont fait remonter au ministère l’argument concernant les juges de proximité
dont la limite d’âge est de 75 ans. (la durée de la fonction étant de 7 ans ceuxci ne doivent pas avoir plus de 68 ans au moment de leur engagement)
Dans la pratique, il faut reconnaître que la classe d’âge des 55 - 60 ans
correspond à des fonctionnaires hommes ou femmes à la retraite qui vont être
plus disponibles que les actifs pour répondre aux exigences nouvelles
d’audiencement des procédures accélérées ou d’absence imprévue d’un
assesseur. Il faut rappeler qu’en principe en cas d’empêchement, les
assesseurs ne peuvent être remplacés ni par des magistrats ni par des
avocats (contrairement aux assesseurs du tribunal correctionnel).
Certaines juridictions ont instauré la pratique suivante : ils convoquent un
assesseur supplémentaire pour parer toute absence et notamment pour cause
de maladie ou pour raison professionnelle. Ce qui est relativement rare comme
l’a démontré l’enquête réalisée par la FNAPTE : à la question l’activité
d’assesseur est-elle aisément compatible avec votre profession ? Les
assesseurs ont répondu positivement à 94%. Mais cette enquête a révélé
aussi la part importante du corps enseignant ou assimilé qui a plus de facilité
pour s’absenter notamment quand les audiences sont fixées le mercredi.
2 – Le profil lié à la motivation et aux compétences
La motivation d’intérêt pour les questions de l’enfance et les compétences
peuvent se vérifier à travers les catégories socioprofessionnelles mais aussi à
travers les activités annexes des assesseurs.
a) la catégorie socio professionnelle
Ce sont les enseignants, chefs d’établissements : 25 %, enseignants
spécialisés- éducateurs : 7%, para enseignement : 5% qui représentent la
catégorie professionnelle la plus représentée soit au total 37% de l’ensemble
des assesseurs.
Le corps médical représente 12% et les travailleurs sociaux 11%.
Des données statistiques détenues par le ministère de la justice font apparaître
une proportion majoritaire des cadres et professions intellectuelles supérieures
ainsi que les professions intermédiaires, professions libérales, cadres de la
fonction publique, les enseignants …Il est aisé de rapprocher les professions
exercées avec le critère de compétences notamment le milieu enseignant en
prise directe avec la même population qu’ils rencontrent dans l’exercice de
leurs fonctions. Ils en connaissent les réactions, les comportements, les modes
vie.
b) autres activités exercées.
Une question particulière figurait dans cette enquête concernant les autres
activités exercées indépendamment de la profession et de la fonction
d’assesseur.
On a pu relever que 40% des assesseurs étaient investis dans du bénévolat
ou bien étaient membres d’associations diverses. Cela dénote le caractère
social et l’investissement personnel, volontaire dans la société civile qui
caractérise donc une partie importante des assesseurs : ils pourront apporter
des connaissances territoriales, géographiques, ethniques des populations
locales qu’ils côtoient. Intégrés dans la société civile locale, c’est la réaction de
cette société face à la délinquance des jeunes qu’ils pourront évoquer. Ils
savent que dans tels quartiers les populations sont excédées par certains
comportements attribués aux jeunes : graffitis, dégradations, etc…Mais aussi
par une fréquentation ou une connaissance plus large de l’ensemble des
mineurs de cette classe d’âge ils peuvent aussi expliquer certains
comportements des mineurs délinquants qui se retrouvent dans l’ensemble de
cette population. Ex : l’identité du groupe et sa dérive la dynamique de groupe
dans les actes infractionnels. Ce qui fait la richesse de ces auxiliaires de
justice c’est qu’ils vont pouvoir ainsi apporter leurs connaissances, leurs
expériences, leurs vécus.
Sans avoir pu, pour autant, croiser les catégories socio professionnelles et les
activités annexes de bénévolat ou associatives, il est permis de repérer à
travers ces activités des qualités, des dispositions particulières qui orientent et
justifient l’exercice de leurs missions au TPE.
II – Les missions de l’assesseur au tribunal pour
enfants : celles d’un juge d’exception
Les missions de l’assesseur ce sont celles d’un juge que l’on peut qualifier
d’exception à double titre : à compléter
- d’abord parce qu’il est le juge d’un jour et qu’il n’exerce pas cette fonction à plein
temps.
- ensuite parce que son identité de citoyen justifie ce qualificatif pour le
différencier du magistrat professionnel
L’analyse du rôle de l’assesseur au TPE permet de vérifier cette assertion
A – Rôle de l’assesseur
Le terme assesseur vient du mot latin « assessor » construit sur le verbe «
assidere » qui signifie « être assis auprès de quelqu’un ». L’assesseur, c’est donc
une «personne qui siège auprès de quelqu’un, l’assiste dans ses fonctions ou le
supplée en son absence »1.
L’assesseur du TPE va donc assister le Président, le suppléer plus rarement
encore que dans certaines juridictions, Paris notamment, une réflexion porte sur
le fait que des assesseurs pourraient être rapporteur du dossier et serait donc
mis à contribution pour préparer une partie du dossier.
Pour autant le remplacement du magistrat professionnel apparaît difficile à
envisager compte tenu de l’absence de formation juridique de la majorité des
assesseurs en poste.
Lors de l’enquête faite par la FNAPTE: on a mis en évidence la part restreinte
des juristes qui ne représentent que 2% de l’ensemble des assesseurs. De plus,
aucune formation préalable n'
est imposée, les assesseurs étant simplement
incités à suivre une formation proposée par l'
ENM quand elle est organisée ou
bien localement par les juridictions. Les pratiques locales peuvent être différentes.
Certaines proposent, par exemple, à l’assesseur nouvellement nommé d’assister
à plusieurs audiences avant de siéger définitivement.
A la question posée dans notre enquête : Pensez-vous qu’une formation initiale
soit utile ? 94 % ont répondu positivement et 88% se sont prononcés pour une
formation continue. Et à la question : avez-vous une connaissance préalable de la
justice des mineurs ?une faible majorité de 59% connaissaient cette justice contre
41% qui l’ignoraient. Pour autant la mission des assesseurs ne reposent pas sur
des compétences juridiques.
Les missions de l’assesseur qui collabore à la justice des mineurs sont de 2
ordres :
L’assistance à l’audience du TPE
La participation au délibéré
a) L’assistance à l’audience du TPE
2 étapes : où le rôle de l’assesseur est différent : avant et au moment de
l’audience.
Le préalable à l’audience
Il importe de préciser que l’assesseur contrairement au juré d’assises prend
connaissance du dossier avant l’audience. Une note émanant du ministère en
date du 17 avril 1997 le rappelle expressément. Cette exception a très
certainement un impact important sur le rôle de l’assesseur à l’audience. La
connaissance avant l’audience du dossier motive davantage et facilite la mission
de l’assesseur pour participer activement à l’audience et éclairer le magistrat en
poste à partir de ses compétences techniques.
En effet, l’assesseur, lors de ce premier contact avec le dossier va porter plus
particulièrement son attention sur les documents concernant d’une part la
personnalité du mineur : les rapports des éducateurs, les examens
psychologiques et psychiatriques, la fiche pénale (spécificité du TPE) qui
complète ou remplace le casier judiciaire et d’autre part sur ceux qui détaillent les
circonstances de la commission de l’infraction (rapport de synthèse de la police ou
de la gendarmerie)
- L’assesseur regrette parfois l’insuffisance ou l’absence de l’un ou l’autre de
ces documents susceptibles d’éclairer le comportement délinquantiel du
mineur. Il n’y a pas toujours d’information suffisante sur le mineur : manquent
les expertises psychologiques ou psychiatriques, l’enquête sociale, le rapport
de l’éducateur qui arrive par fax parfois la veille de l’audience. De fait, les
assesseurs attachés à l’étude de la personnalité s’inquiètent de l’application
des procédures accélérées qui privilégient la rapidité de la réponse pénale à
l’analyse de la personnalité du jeune qui pour eux est essentiel et sert de base
à la décision de sanction.
- De même le dossier d’assistance éducative, il n’est pas toujours joint au
dossier pénal quand il existe. Or on sait bien que nombre de mineurs
comparaissant au TPE sont déjà connus de la juridiction par le biais de ce
dossier ouvert par le juge des enfants au civil. Cette lacune va être comblée à
l’audience par le magistrat professionnel qui en a connaissance et qui
apportera le complément d’informations qu’il détient. Mais les assesseurs ne
cachent pas leur inquiétude face au projet de réforme tendant à décharger les
juges des enfants du dossier civil. Si la réforme consistant à séparer le civil du
pénal entre 2 magistrats différents devait aboutir, il conviendrait de prévoir des
procédures systématiques de communications de dossiers entre les 2 juges
pour éviter par exemple la décision de placement d’un mineur chez un parent
déchu de l’autorité parentale par le juge civil quelques jours avant l’audience
pénale. A contrario, des affaires civiles ont déjà défrayé la chronique et
témoignent de telles bavures concernant le droit de visite attribué en
méconnaissance du dossier pénal.
L’audience
Dans cette étape, si la position de l’assesseur au côté du Président dans la salle
d’audience lui confère le rôle de juge, sa participation effective est malgré tout
limitée d’autant qu’il ne siège pas en permanence mais épisodiquement ce qui
justifie le caractère de juge d’exception. Il y a globalement parmi les assesseurs
une satisfaction du nombre d’audiences (77%) mais cela recouvre une très grande
variété de cas. Il y a aussi des demandes de plus d’audiences (et, non exprimé
dans l’enquête, des assesseurs qui ne pourraient pas y consacrer plus de temps
que environ 5 audiences par an).
o La place de l’assesseur : celle d’un juge
Dans la salle d’audience, la position des assesseurs au côté du Président du
tribunal pour enfants présente un avantage et cela les différencie des jurés
d’assises.
Tout d’abord cette place conforte leur rôle de juge en les plaçant dans une
position d’égalité par rapport au magistrat professionnel. C’est important à relever
d’autant qu’une revendication récurrente de beaucoup d’assesseurs concerne le
port d’un signe distinctif qui leur conférerait plus de solennité aux côtés du
Président en robe. Cette revendication est à rapprocher de celle émise par les
juges de proximité qui se sont vus attribués une médaille.
Ensuite, cette position facilite les échanges avec le Président pendant les débats.
o La participation (limitée) aux débats : celle d’un juge assesseur
Cette position de proximité permet, tout en respectant l’obligation de passer par le
président pour poser des questions, d’intervenir plus facilement soit par la
transmission d’une note écrite ou la demande de parole. Dans la pratique, on
constate une adaptation de la règle : le Président souvent tout en se tournant vers
le ministère public, les avocats s’adresse aussi aux assesseurs pour savoir s’ils
ont des questions à poser.
Mais, à ce stade de la procédure l’intervention des assesseurs est assez limitée
souvent pour éviter d’alourdir les débats et elle s’apparente, somme toute, au rôle
des magistrats professionnels assesseurs au tribunal correctionnel Si intervention
il y a, elle portera plus sur des points précis sur lesquels l’expérience de
l’assesseur permet d’éclairer les débats : dans leurs activités professionnelles ou
associatives ils côtoient au quotidien la même classe d’âge de mineur,
connaissent leur réaction, leur comportement. De plus, ils peuvent apporter leurs
connaissances personnelles de la vie locale, du territoire urbain, géographique,
social : ces données peuvent échapper parfois au magistrat professionnel
nouvellement affecté dans la région.
b) La participation essentielle au délibéré : juge-citoyen exceptionnel
Le caractère exceptionnel du juge assesseur se déduit :
d’une part du principe de la collégialité auquel il contribue
d’autre part de son caractère original de laïc qui rend la justice
Le principe de collégialité
Tout d’abord, une jurisprudence de la Cour de cassation en date du 7 avril
1993 a considéré la présence des assesseurs au délibéré comme
indispensable pour justifier le caractère de collégialité de cette juridiction.
L’importance de cette collégialité a été réaffirmée à l’occasion des critiques de
partialité portées à l’encontre du juge des enfants qui est à la fois juge
d’instruction et juge de jugement. La chambre criminelle a écarté le risque
objectif de partialité en s’appuyant notamment sur la présence au sein du
tribunal pour enfants de deux assesseurs délibérant collégialement aux côtés
du juge des enfants (et aussi de la possibilité de faire appel devant une
juridiction supérieure composée de magistrats qui n’ont pas connu l’affaire et
dont l’un des membre est délégué à la protection de l’enfance) Cass. crim. 7
avril 1993.2 Cette jurisprudence rend donc les assesseurs garants du principe
d’impartialité de la juridiction. Cela vient conforter leur rôle de juge
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exceptionnel indispensable à une bonne administration de la justice des
mineurs.
Ensuite, au stade du délibéré, l’assesseur remplit pleinement sa fonction de
juge. Et, il convient de bien préciser que la décision sur la culpabilité du
mineur et sur le choix de la sanction est prise par 3 juges : le Président et les
2 assesseurs. De là, un constat simple, le magistrat professionnel peut être
mis en minorité et les 2 assesseurs emportent la décision. Un assesseur nous
a rapporté la surprise d’une jeune auditrice qui n’avait pas pris la mesure de
cette situation.
C’est pourquoi, parfois la discussion peut être longue parce que chacun
argumente, rapporte ses impressions sur le dossier. On peut dire que les
assesseurs sont globalement satisfaits du comportement des magistrats
professionnels qui n’imposent pas leur opinion et laissent ouverte la
discussion. Cependant il serait vain de nier l’influence légitime du Président du
TPE à ce stade qui peut avoir un impact parfois déterminant sur le choix de la
sanction.
Plusieurs raisons en attestent :
1 - La connaissance par le magistrat professionnel des dossiers pénaux du
prévenu
- tout d’abord, en amont même si la fiche pénale remplace avantageusement
le casier judiciaire dans la juridiction pour mineur et sert d’élément de preuve
du passé pénal du mineur, le magistrat professionnel a pu seul connaître le
prévenu dans un précédent dossier pénal. On sait que 5% de l’ensemble des
jeunes délinquants constituent le noyau dur de la délinquance des mineurs
puisqu’ils commettent près de 50% des actes délictueux commis par les
mineurs et ce sont ceux là justement qui vont revenir fréquemment devant le
TPE (parfois 7 fois). Hormis le cas des juridictions où les assesseurs siègent
toujours avec le même juge (14%) et attestent de cet avantage qui leur permet
de connaître mieux ces mineurs réitérants, un roulement des assesseurs est
le plus souvent (86 % des cas) instauré auprès des magistrats en poste et
l’assesseur n’aura pas nécessairement connaissance de l’activité délinquante
du mineur antérieure à l’audience.
- ensuite, de façon concomitante : quand le même juge des enfants a pu être
saisi quelques jours auparavant en tant que juge d’instruction d’une nouvelle
mise en examen concernant le mineur prévenu.
2 - la connaissance approfondie du dossier civil en assistance éducative par le
magistrat professionnel, soit du mineur en cause (dossier qui peut figurer aux
débats mais pas toujours), soit d’un autre mineur de la fratrie dont le dossier
n’est pas du tout joint aux débats : de tels dossiers attestent d’une carence
éducative des parents et d’un fâcheux exemple pour celui que l’on doit juger.
Parmi le panel des mesures éducatives à la disposition du juge, il sera
inopportun, par exemple, de prononcer une remise à parents si le dossier civil
atteste de leur défaillance.
)
3 – la connaissance de la réalité du dispositif d’exécution des sanctions
prononcées dans le ressort de la circonscription judiciaire dont le magistrat
professionnel a la charge. Certaines sanctions qui retiendraient l’assentiment
de tous comme les mesures de réparation ou de TIG ne peuvent être
prononcées parce que le Président expose les difficultés de mise en œuvre
dont il a connaissance dans le secteur où le mineur est domicilié (certaines
communes ne proposent pas de poste de TIG). L’influence est encore plus
significative depuis la loi du 9 mars 2004 qui a attribué au Juge des enfants
les qualités de JAP. Sa responsabilité étant engagée, il argue de ce nouveau
pouvoir pour légitimer le prononcé de certaines mesures ou renoncer à
d’autres. On peut faire remarquer qu’il y a alors, confusion des genres qui
risque de porter atteinte au principe d’impartialité.
L’assesseur ne peut que se rendre à ces évidences. Où serait l’intérêt de la
sanction prononcée si elle n’est pas appliquée ou applicable ? On est bien
forcé de tenir compte de tels impératifs qui finalement restreignent, on le
constate au quotidien, le choix de la sanction alors que le législateur s’évertue
à les démultiplier.
Pour autant, derrière le choix de la sanction recueillie en formation collégiale,
on note que le plus important pour les assesseurs c’est la pédagogie de la
sanction : axer leur décision sur la nature du message donné au jeune et
sur l’objectif de la mesure décidée. Souvent les assesseurs pressent le
Président d’apporter des explications complémentaires au moment du
prononcé de la sanction en audience publique pour faire comprendre au jeune
le sens de la sanction choisie (ex. du sursis simple) et faire adhérer (si
possible) le jeune ainsi que ses parents à cette sanction.
Le caractère original de laïc
Ensuite, le caractère original de laïc qui rend la justice. C’est l’image du
« peuple jugeant » qui caractérise l’assesseur du TPE. C’est un citoyen qui
participe à l’acte de juger.
Ce statut permet une réponse directe face aux attaques venant de l’opinion
publique contre la justice en général et contre la justice des mineurs si décriée
pour être selon les uns trop laxiste selon les autres trop sévère : cette justice
est rendue par des citoyens issus de la même société civile que ceux qui la
contestent! C’est un gage de transparence et de démocratie.
De plus, la participation des citoyens les rapproche aussi du monde judiciaire
et des difficultés d’assurer la fonction de juger. Il y a donc un retour sur
expérience qui n’est pas négligeable. Les assesseurs investis dans cette
mission prennent toute la dimension de cette fonction de JUGER qui les
conduit à être partagés entre la dimension humaine du mineur prévenu et la
gravité des actes commis. Ce conflit interne est particulièrement ressenti dans
cette juridiction des mineurs où l’on a tous le sentiment que l’on arrive en bout
de chaine, que tout a été tenté auparavant et que l’on se sent bien désarmé
face à des personnalités inadaptées, en déshérence qu’il faudrait non pas
réinsérer ou réadapter mais tout simplement tenter d’insérer s’il en est encore
*
temps dans une société dont les apprentissages élémentaires de la vie sociale
font quasiment défaut chez ces jeunes. Et d’un autre côté, on ne peut
s’empêcher de considérer la gravité des actes commis, souvent ressentis
comme inacceptables pour soi-même et donc pour la société dont on est issu.
L’exercice délicat de cette fonction de juge nous autorise à émettre quelques
réflexions sur cette justice des mineurs.
B - Réflexions des assesseurs sur l’actuelle justice des mineurs.
Plusieurs remarques sont formulées par les assesseurs :
a) Remarques de fond sur la justice des mineurs :
Les assesseurs restent foncièrement attachés aux principes de l’ordonnance
de 45 à savoir:
- la primauté de l’éducatif sur la répression
- l’importance de l’analyse de la personnalité du mineur délinquant.
Hormis ces principes, d’autres interrogations sont émises par les assesseurs :
- sur les sanctions :
- Les assesseurs ne peuvent que confirmer l’impression générale
de confusion engendrée par la multiplication de l’arsenal des sanctions certes
prometteuses mais difficilement applicables et donc en définitive peu
appliquées.
- Certaines sanctions sont inadaptées « aux circonstances de
l’espèce ou à la personnalité du délinquant » ex du stage de formation civique,
sanction éducative.
- sur les difficultés tenant à la législation de droit commun applicable aux
mineurs soit dans le silence de l’ordonnance de 45 (exemple : la confiscation :
elle a toujours été appliquée aux mineurs en l’absence de visa exprès), soit par
défaut de visa spécifique de la catégorie des mineurs.
- Absence de connaissance de la décision rendue par les
juridictions pour majeurs quand il y a disjonction des procédures. Le risque
c’est de prononcer des sanctions disproportionnées par rapport aux majeurs.
- Le choix de la sanction est parfois difficile quand une même
audience porte sur plusieurs dossiers concernant un mineur. On va tenter de
procéder chronologiquement pour graduer les sanctions quand cela est
possible sinon, le prononcé d’une seule sanction n’aura pas beaucoup de sens
face à la multiplicité des infractions commises.
- Certains jeunes quittent la salle d’audience sans
accompagnement pour expliciter cette sanction prononcée ; cela les conforte
dans l’impunité, le ressenti immédiat est diffus, il faudrait donc des relais à ce
moment précis. Pour les mineurs les mesures sont abstraites et il faudrait
s’assurer de la présence d’un référent à ce stade là.
Le travail législatif dans la matière pénale
Encore récemment le législateur élabore des textes sans précision
d’application ou d’exclusion de la catégorie des mineurs, ce qui conduit à
étendre systématiquement leurs dispositions aux mineurs. Alors que la part
des mineurs susceptibles d’être concernés par de tels textes est somme toute
réduite. Ex. : les textes sur la récidive et surtout la récidive criminelle qui a
mathématiquement peu de chance (heureusement !) de s’appliquer à cette
classe d’âge. De même la dernière législation sur la rétention de sûreté : rien
n’indique si elle s’applique ou non aux mineurs, alors que la peine de sûreté
dite peine incompressible créée par la loi du 12 décembre 2005 a bien prévu
l’exclusion des mineurs. (Art. 20-2 alinéa 3 de l’ordonnance de 45). Il faudrait
donc un visa exprès.
- Pour une meilleure lisibilité de la législation concernant les mineurs ne
conviendrait-il pas de rassembler l’ensemble des dispositions les concernant
dans un véritable code et non dans une simple compilation des législations en
vigueur.
b) Remarques de forme sur la justice des mineurs :
1 - En faveur de juridictions spécialisées pour mineurs avec deux suggestions :
- si la réforme tendant à la création d’une nouvelle juridiction collégiale est
proposée, ils souhaitent y participer.
- Cour d’assises des mineurs avec des laïcs, à l’exemple de l’Allemagne
- Extension du principe de juridiction spéciale et collégiale pour les jeunes
majeurs (jusqu’à 21 ans par exemple) avec la collaboration pareillement de
juges laïcs.
2– la procédure et les droits de la défense
- Tout le débat sur le rejet d’appliquer la garde à vue aux mineurs de 10 ans
pour adopter en définitive le système de la rétention qui n’est qu’une garde à
vue déguisée finit par rendre non seulement illisible mais bien plus incohérent
le droit des mineurs.
- les nullités de procédures soulevées devant les juridictions pour mineur
demeurent une garantie des droits de la défense louable. Pour autant, le
constat qui vient du sens commun d’étaler devant des jeunes déjà en rupture
avec la société les arcanes d’une justice destinée à défendre certes leurs
droits mais qui en réalité les confirme dans leur sentiment d’impunité reste un
constat affligeant. Il s’agit en l’occurrence des nullités soulevées de plus en
plus par les avocats contre le défaut d’enregistrement de garde à vue
insuffisamment motivé. Vouloir faire bénéficier les mineurs des grands
principes des droits de la défense c’est certainement une avancée pour leur
reconnaître la qualité de sujet de droits mais est-ce que pour autant
l’application de ces principes ne compromettent-ils pas l’image déjà négative
que se font ces jeunes de la justice ? Ces jeunes qui fonctionnent dans la toute
puissance et qui au sortir de la salle d’audience ne pourront que se gausser du
spectacle que les adultes auront donné de la justice. Ce sont les vertus
pédagogiques de l’audience pénale qui en pâtit.
3- La reconnaissance des assesseurs
Ces assesseurs qui sont peu connus souhaiteraient être intégrés, associés
davantage dans la vie de la juridiction où ils exercent leurs fonctions et dans ce
prolongement aussi dans la vie de la cité où ils résident pour ceux qui
souhaitent s’investir davantage soit en faisant partie des conseils communaux
de prévention soit en participant activement à des actions de connaissance de
la justice des mineurs auprès des populations locales : manifestations en
collaboration avec l’éducation nationale par exemple.
Je serai tentée en conclusion, de plaider la cause des assesseurs des
tribunaux pour enfants qui s’impliquent particulièrement dans l’exercice de
leurs missions et qui sont disposés à donner plus de leur temps. Ils apportent
un éclairage différent sur le comportement, la personnalité des mineurs, sur
leur place dans la société en général alors que le magistrat professionnel peut
en avoir une vision tronquée de cette classe d’âge par le traitement de
dossiers judiciaires. Les assesseurs remplissent alors une fonction régulatrice
au sein de la juridiction des mineurs.
Cet apport rend la collaboration entre les magistrats professionnels et les
citoyens juges particulièrement fructueuse pour rendre une justice plus
équitable face à une catégorie de délinquants particulièrement sensible au
sentiment de justice et surtout d’injustice subi. Selon Lebovici « l’enfant se
plaint plus vite des injustices dont il est victime qu’il n’apprécie la justice, même
distributive ».
Paris le 29 mai 2008
&
Maryvonne AUTESSERRE
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