Mondovino - Cinéma BIO

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Mondovino - Cinéma BIO
Mondovino
Du Brésil aux caves bordelaises, le réalisateur américain Jonathan Nossiter enquête sur
le monde du vin. Derrière les politesses de façade se cache un univers trouble où
pouvoir, argent et amour du divin nectar se confondent.
IN VINO VERITAS
Réalisateur indépendant américain très apprécié de la
critique, Jonathan Nossiter (Sunday) a une seconde
passion en dehors des plateaux de cinéma, le vin.
Onologue respecté - il établit la carte des vins de
certains grands restaurants new-yorkais -, il rêvait
depuis longtemps de mettre en scène un film sur cet
univers si particulier. Trois longues années furent
nécessaires pour réaliser son voeu. Auréolé d'une
sélection de dernière minute dans la compétition
officielle du dernier Festival de Cannes, Mondovino
est un documentaire vertigineux sur les ravages de la
mondialisation économique, une vaste enquête sur le nouveau marché du vin, ou comment les
Mondavi, une famille californienne attirée par l'odeur du profit (bien aidée par un critique
gastronomique omnipotent, Robert Parker et son ami français, Michel Rolland qui, lui, établit les
crus à la carte dans ses laboratoires de goût), se sont emparés d'une culture millénaire en
imposant une norme universelle. Jonathan Nossiter n'a même pas besoin de forcer le trait ou
d'expliquer par une voix off les tenants et les aboutissants d'une dérive quasi mafieuse. Les
images et les discours suffisent. Le contraste est saisissant entre la mégalomanie des
nouveaux riches de la viticulture qui exposent leurs oeuvres d'art comme autant de trophées et
l'humilité des anciens vignerons qui se battent chaque jour pour résister à l'envahisseur.
APPELLATION D'ORIGINE CONTROLEE
Mondovino débute en Amérique du Sud, dans la
province désertique du Nordeste, au Brésil, une terre
dépourvue de vignes. Une façon pour Jonathan
Nossiter d'expliquer que le vin n'est pas un exemple
isolé, que les affres de la globalisation concernent
l'ensemble du monde agricole, que l'on soit exploitant
viticole ou simple paysan. On quitte vite cette vision de
pauvreté, de dénuement absolu pour rejoindre les
grands châteaux bordelais. Changement de décor.
Mercedes avec chauffeur, costard cravate de rigueur,
Michel Rolland arpente entre crises de fous rires
savamment orchestrées les domaines qui font appel à ses services. Tout semble bien rôdé.
Robert Parker donne un mauvais classement à tel ou tel cru. On s'en remet à Michel Rolland
qui en modifie le goût ancestral par l'ajout de différentes substances et comme par
enchantement, Robert Parker modifie sa note et les ventes s'envolent. On reste les bras
ballants devant tant de cynisme avéré. Bien sûr, la résistance s'organise - un village
languedocien, une famille de vignerons bourguignons – mais paraît bien faible face à la
puissance financière des grands groupes américains. Et puis, comme le souligne un journaliste
"corrompu" - il vit aux frais d'un propriétaire dont il met les vins en une de son magazine! -, si
les Français râlent trop, l'argent ira ailleurs. En Italie, au Chili, en Argentine, où le vin est resté
une affaire d'élites. Edifiant. Avec Mondovino, Jonathan Nossiter signe un grand film politique,
une oeuvre d'utilité publique.
Yannick Vély