Développements récents en droit et pratique de la tutelle aux États
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Développements récents en droit et pratique de la tutelle aux États
Développements récents en droit et pratique de la tutelle aux États-Unis Allocution de David English, professeur de droit à l’université du Missouri, prononcée le 5 septembre 2008, lors d'un symposium sur la protection des personnes inaptes organisé par Diane Lavallée, curatrice publique du Québec dans le cadre de la 9e conférence mondiale de la Fédération internationale du vieillissement. Aux États-Unis, un tuteur est nommé par les tribunaux pour un adulte dont le tribunal a déterminé qu’il n’a pas les capacités mentales nécessaires pour s’occuper de ses propres affaires. Un tuteur peut également être nommé pour un enfant mineur, mais ce n’est pas le sujet de ce travail. La tutelle est contrôlée par la législation individuelle de chacun des cinquante États américains et il existe énormément de variation en droit et en pratique, y compris le nom utilisé pour désigner la personne nommée par les tribunaux. « Guardian » est le terme le plus courant, mais certains États utilisent des termes tels que « conservator » ou « curator ». Il serait difficile, voire impossible, de tenter de décrire le droit et la pratique américaines en termes de tutelle. Non seulement le droit de la tutelle varie d’un État à l’autre mais même au sein d’un même État, on constate de grandes variations de pratique entre comtés. Étant donné la complexité du panorama, plutôt que de faire une étude approfondie, il sera sans doute plus utile de mettre en évidence les tendances significatives et les meilleures pratiques. Ce document fera rapport de deux études récentes qui mettent en évidence ces tendances significatives et recommandent des pratiques exemplaires. La première de ces études, sous la supervision de madame Naomi Karp du Public Policy Institute (Institut de politique publique) de l’AARP (Association américaine des personnes à la retraite) se concentre sur la surveillance des tuteurs, le processus par lequel les tribunaux vérifient la prestation de ces derniers. La deuxième de ces études, supervisée par madame Pamela Teaster de la School of Public Health (École de santé publique) de l’Université du Kentucky, est un rapport sur le statut actuel du curateur public, le bureau ou fonctionnaire du gouvernement qui est souvent nommé comme tuteur lorsque personne n’est admissible ou disponible pour agir à ce titre. Le document finit par la discussion d’une loi uniforme récente qui constitue aux États-Unis la législation-modèle que les États sont encouragés à adopter. Le Uniform Adult Guardianship and Protective Proceedings Jurisdiction Act (Loi uniforme sur la tutelle des adultes et la compétence en matière d’actions en justice protectrices), pour lequel l’auteur de ce rapport a fait office de 1 sténographe et de principal rédacteur, se penche sur les problèmes qui naissent lorsque la personne qui est en tutelle ou pour laquelle un tuteur pourrait être nommé a des liens avec plus d’un État. Surveillance des tuteurs Beaucoup de l’intérêt porté aujourd’hui à la façon dont les tuteurs font réellement leur travail remonte à une série d’articles d’Associated Press datant de 1987, Guardians of the Elderly: An Ailing System (Les tuteurs des personnes âgées : un système en difficulté), qui examinait les pratiques de tutelle dans l’ensemble des États-Unis. Ceci a conduit à la tenue du National Guardianship Symposium (Symposium national sur la tutelle) de 1988, une rencontre des principaux experts en tutelle qui a produit un ensemble de recommandations connu sous le nom de Wingspread, 1 le nom du centre de conférences au Wisconsin où la réunion s’est tenue. Parmi les recommandations de Wingspread, il y en avait plusieurs conçues pour augmenter le niveau de responsabilisation du tuteur (formation et orientation, revue des rapports des tuteurs, information et engagement du public, normes de tutelle, rôle des avocats et rôle des juges). Les recommandations de Wingspread ont suscité toute une série d’autres études et tentatives de réforme, parmi lesquelles l’étude de l’American Bar Association (Barreau des États-Unis) de 1991, Steps to Enhance Guardianship Monitoring (Façons d’améliorer la surveillance de la tutelle), qui parlait de l’écart qui existe entre les rapports que la loi exige des tuteurs et les pratiques réelles et faisait de nombreuses recommandations d’amélioration. 2 Cependant, en dépit de ce regain d’activité, une étude faite en 2004 par le US General Accountability Office (Bureau de responsabilité générale des États-Unis) indiquait que la plupart des tribunaux « ne conservent pas les renseignements nécessaires pour une bonne surveillance et supervision des tuteurs. » 3 Le but de l’étude de l’AARP de 2006 dont nous parlons ici était de reproduire et d’approfondir l’étude de l’ABA de 1991 afin de déterminer ce qui avait changé dans l’intérim.4 Les buts de l’étude de 2006 étaient de (1) s’assurer des pratiques de surveillance des tuteurs dans l’ensemble du pays; (2) déterminer dans quelle mesure les pratiques réelles atteignent, dépassent ou n’atteignent pas les ABA Commn. Mentally Disabled & Commn. Leg. Problems of the Elderly, Guardianship: An Agenda for Reform-Recommendations of the National Guardianship Symposium and Policy of the American Bar Association (ABA 1989). 2 Sally Balch Hurme, Steps to Enhance Guardianship Monitoring (ABA 1991) (Façons d’améliorer la surveillance de la tutelle). 3 U.S. Govt. Accountability Off., Guardianships: Collaboration Needed to Protect Incapacitated Elderly People (Collaboration nécessaire pour protéger les personnes âgées frappées d’inaptitude) (Pub. No. GAO-04-655, July 2004. 4 Pour obtenir copie de l’étude, voyez Naomi Karp & Erica Wood, Guardianship Monitoring: A National Survey of Court Practices (La surveillance de la tutelle : étude nationale des pratiques des tribunaux), AARP Pub. Policy Inst. #2006-14 (June 2006) ou cliquez sur l’adresse suivante : http://assets.aarp.org/rgcenter/consume/2006_14_guardianship.pdf. Pour une copie presque identique disponible dans Westlaw and Lexis, consultez 37 Stetson Law Review 143 (2007). Ce travail s’appuie en grande partie sur l’article du Stetson Law Review. 1 2 exigences des règles judiciaires et règlementaires; et (3) identifier les meilleures pratiques. L’étude a été menée au moyen d’un questionnaire détaillé rempli par les intervenants dans le processus de tutelle, y compris des tuteurs, des avocats, des juges et du personnel des tribunaux. Parmi les conclusions de l’étude : • Les pratiques de surveillance de la tutelle continuent à varier énormément. Dans des secteurs-clés tels que l’assistance apportée aux tuteurs par les tribunaux, le fait d’informer les tuteurs des échéances de présentation des rapports, la réaction aux retards dans la présentation des rapports, la désignation de vérificateurs, la réaction aux plaintes, la revue du besoin de poursuivre la tutelle et l’utilisation de sanctions, la surveillance va d’inexistante à dynamique, ce qui rend impossible d’évaluer et de décrire la surveillance de façon globale. • Dans certains domaines-clés, les pratiques de présentation de rapports se sont améliorées au cours des quinze dernières années. Plus de tribunaux insistent sur l’exigence pour les tuteurs de présenter des rapports de statut personnel et de façon plus détaillée. • Respect des dispositions règlementaires de présentation de rapports. L’étude de 1991 indiquait que seule une minorité des tribunaux respectait l’exigence règlementaire pour les tuteurs de soumettre périodiquement des rapports de statut personnel. Dans l’étude de 2006, plus de 80% des intimés indiquaient que les tribunaux faisaient un effort d’application de cette exigence de présentation de rapports. • L’utilisation des plans de tutelle est en croissance. Un plan de tutelle fait le résumé de l’état du pupille et de ses finances et établit un plan de la façon dont les soins au pupille seront assurés et dont ses finances sont gérées. L’exigence de plans de tutelle est essentiellement le produit des réformes législatives des années 90. Dans l’étude de 2006, 34 % des intimés indiquaient que les tribunaux locaux exigeaient des plans, même dans des cas où la législation ou la règle judiciaire locale n’en faisait pas une obligation. • L’appel à la technologie en matière de surveillance est minime. En dépit des immenses progrès faits par la technologie informatique au cours des dix dernières années, son utilisation en surveillance demeure rare. Seul le tiers des répondants à l’étude de 2006 ont indiqué que les tribunaux faisaient appel à l’informatique pour des tâches telles qu’aviser les tuteurs des retards dans la production des rapports. La transmission électronique de données, de plus en plus courante dans les procès civils, est rare quand il s’agit de tutelle. Bien des formulaires ne sont pas encore accessibles sur le site Web des tribunaux. • La formation des tuteurs a augmenté mais demeure un besoin pressant. Bien qu’il y ait de plus de en plus de guides et de vidéos-échantillons pour les tuteurs, seulement 40 % des répondants ont indiqué que des instructions écrites ou des manuels fournis par les tribunaux étaient à la 3 • • disposition des tuteurs. De plus, au-delà de 40 % d’entre eux ont indiqué qu’ils n’avaient pas d’échantillon de rapport de statut personnel ou de comptabilité à leur disposition. Étant donné que la majorité des tuteurs sont des membres de la famille sans formation particulière, le défaut de les guider dans la façon de faire leur travail est une lacune importante. Il faut des instructions claires, du matériel de formation et un point de contact d’assistance technique. La vérification des rapports des gardiens et des comptes-rendus de visite aux personnes en tutelle est souvent insuffisante. Sans revue indépendante, les rapports et la comptabilité ne sont sujets, au mieux, qu’à une revue sur papier. Cependant, dans l’étude de 2006, le tiers des répondants a indiqué que personne n’était assigné par les tribunaux pour la vérification des comptes et des rapports, et seulement 16 % des répondants ont déclaré que le tribunal vérifiait tous les rapports plutôt que d’effectuer une vérification au hasard ou lorsqu’une question était soulevée. Par ailleurs, plus de 40 % des répondants à l’enquête ont déclaré que personne n’était assigné pour visiter leur pupille. Le rôle des bénévoles dans la vérification est minime mais offre du potentiel. Au début des années 90, l’AARP a lancé un important projet destiné à faire appel à des bénévoles pour passer les rapports en revue et visiter les pupilles. Le financement de cet effort a pris fin en 1997, quoiqu’un petit nombre de tribunaux continue à faire appel à des bénévoles. Bien que de la main d’œuvre gratuite puisse sembler attrayante à un système judiciaire en mal de ressources, c’est ce manque de ressources même qui a découragé l’utilisation plus étendue des bénévoles. L’utilisation de bénévoles exige un investissement important de la part des tribunaux dans le recrutement, la formation et la supervision. Le manque de financement a également d’autres effets sur les tribunaux comme celui de les empêcher d’embaucher le personnel nécessaire, de mettre en œuvre des programmes de formation et d’installer la technologie informatique appropriée. La tutelle publique La plupart des tuteurs nommés aux États-Unis sont des membres de la famille directe de la personne en tutelle. Cependant, dans tous les États à l’exception de deux, un organisme gouvernemental peut être nommé comme tuteur dans certaines circonstances spécifiques. La tutelle publique a fait l’objet d’une étude pour la première fois dans les années 70. 5 L’étude de 2005 dont nous parlons Winsor Schmidt, Kent Miller, William Bell & Elaine New, Public Guardianship and the Elderly (La tutelle publique et les personnes âgées) (Ballinger Publg. Co. 1981). 5 4 ici 6 met à jour le rapport antérieur pour déterminer ce qui a changé et ce qui pourrait être amélioré. Les programme de tutelle publique sont organisés et financés d’une foule de façons différentes. Dans une formule que l’étude qualifie de légalement explicite, formule en vigueur dans 24 states, un fonctionnaire que l’on appelle « tuteur public » a la responsabilité de ce rôle. Dans une formule implicite, qui est utilisée dans 19 États, quelqu’un joue le rôle, mais sans avoir de titre officiel. Dans certains cas, les services sont offerts par un organisme privé agissant sous contrat d’État. Dans d’autres cas, un fonctionnaire ou organisme gouvernemental est nommé parce qu’il n’y a tout simplement ni membre de la famille ni ami qui puisse ou veuille servir. Les programmes varient également en termes des populations desservies, où certains servent tous les adultes tandis que d’autres ne servent que les personnes âgée et d’autres encore uniquement les adultes atteints de handicaps du développement. Le financement est obtenu partout où c’est possible, y compris au niveau des budgets d’État et de comté, des fonds Medicaid et des frais imputés à l’avoir du pupille. En plus de la distinction entre explicite et implicite, les programmes peuvent être classés en fonction de l’organisme gouvernemental qui en a la responsabilité. Dans le modèle judiciaire, le tuteur public est un fonctionnaire du tribunal, nommé par le juge en chef. Dans le modèle de comté, un fonctionnaire responsable de remplir la fonction ou de choisir le personnel du bureau est nommé par le conseil de comté ou encore élu par le public. Dans un modèle d’État, un bureau indépendant du gouvernement d’État a la responsabilité de fournir le service. Dans un modèle d’organisme de services sociaux, un organisme qui autrement fournit directement des services est nommé comme tuteur, ce qui crée un conflit d’intérêt inhérent lorsque le pupille est également récipiendaire des services en question. La contribution la plus importante de l’étude de 2006 est d’avoir fait des suggestions d’amélioration et établi un ensemble de mesures-étalons auxquelles devrait aspirer un programme particulier. Parmi les suggestions d’améliorations : • Les États devraient offrir du financement pour les soins à domicile ou dans la communauté aux pupilles en tutelle publique. La capacité des prendre des décisions par au nom de la personne est de peu d’utilité si le tuteur ne dispose pas des ressources nécessaires pour mettre ces décisions en œuvre. • Les États bénéficieraient d’un modèle de loi sur la tutelle publique. La loi et son commentaire aiderait à clarifier la structure administrative la plus Pour obtenir copie complète de l’étude, voyez Pamela Teaster, Erica Wood, Naomi Karp, Susan Lawrence, Winsor Schmidt & Marta Mendiondo, Wards of the State: A National Study of Public Guardianship (Pupilles de l’état : une étude nationale de la tutelle publique) (2005) ou cliquer sur l’adresse suivante : http:/www.abanet.org/aging/publications/docs/wardofstatefinal.pdf. Pour une version moins complète disponible dans Westlaw and Lexis, voyez 37 Stetson Law Review 193 (2007). Ce travail s’appuie en grande partie sur l’article du Stetson Law Review. 6 5 • • • • efficace. En particulier, le modèle de services sociaux devrait être évité en raison du fait qu’il limite la capacité du tuteur de parler librement pour le pupille. Les programmes de tutelle publique d’État devraient établir des formulaires et des instruments de rapport normalisés. Des formulaires de rapport uniformes devraient être conçus et des mécanismes créés pour la production de rapports électroniques. Il faudrait décourager les programmes de tutelle publique de se mettre eux-mêmes en nomination. En raison de l’existence de conflits inhérents, il serait préférable d’encourager d’autres parties à soumettre leur candidature lorsque c’est approprié. Que les programmes soumettent leur candidature ou pas, ils devraient établir un jury de sélection multidisciplinaire ayant pour rôle de trouver d’autres possibilités moins restrictives, de trouver des requérants et des tuteurs dans la communauté, de trouver des façons de limiter la portée de l’ordonnance de tutelle et de concevoir des plans de soins. Les programmes de tutelle publique devraient adopter des normes minimales de pratique. Des politiques écrites assurent la constance dans le temps et d’un bureau local à l’autre. Les programmes de tutelle publique devraient subir périodiquement des évaluations externes. Une telle évaluation permettrait la rétroaction d’intervenants en tutelle et d’évaluateurs indépendants et assurerait le respect des normes de pratique. Parmi les caractéristiques d’un bon programme de tutelle publique, on retrouve : • un ratio règlementaire de dotation en personnel; • un comité de présélection (qui se chargerait d’envoyer au tuteur public les cas appropriés); • des formulaires informatisés uniformes (accueil, évaluation initiale, plan de soins, comptabilité décisionnelle, journaux de pointage du personnel, changements dans l’état du pupille, historique des valeurs, etc.); • constance et uniformité des composantes locales et régionales des programmes d’État; • conduite périodique d’évaluations externes sérieuses; • soutien et reconnaissance du personnel; • élaboration et mise à jour de politiques et procédures écrites, en utilisant comme guide les National Guardianship Association Standards (Normes de l’Association nationale de la tutelle); • création de liens solides avec la communauté; • le fait d’éviter de se mettre en nomination pour ses propres pupilles; • nomination d’un conseil consultatif; • visites régulières aux pupilles, au moins une fois par mois; • le fait de cultiver plus d’une source de financement; 6 • • élaboration d’information destinée aux décideurs et au grand public à propos des services et possibilités de tutelle; et mise sur pied d’une base de données informatisée fiable de renseignements sur les nominations. Compétence de la tutelle 7 Dans le cadre de la loi actuelle, les tribunaux de plusieurs États ont souvent la compétence de nommer un tuteur pour une même personne, peu d’États ont des procédures pour transférer une tutelle existante d’un État à un autre et l’autorité qu’a un gardien d’agir en dehors de l’État où il a été nommé peut être limitée. Le Uniform Adult Guardianship and Protective Proceedings Jurisdiction Act (2007) (Loi uniforme sur la tutelle des adultes et la compétence en matière d’actions en justice protectrices), rédigé par l’auteur de ce document, est destiné à faire face à ces problèmes. Selon cette loi, un « tuteur » (guardian) est nommé par les tribunaux pour prendre des décisions sur les soins personnels, tandis qu’un « conservateur » (conservator) est nommé par les tribunaux pour prendre les décisions ayant trait à la gestion des biens de la personne en tutelle. Un tuteur est nommé par « action de mise en tutelle ». Un conservateur est nommé par « action en justice protectrice. » Le problème des compétences multiples Étant donné que les États-Unis comptent cinquante systèmes de mise en tutelle, le problème de déterminer qui a compétence est souvent soulevé. La question de savoir quel État a la compétence de nommer un tuteur ou un conservateur peut surgir entre un État américain et un pays étranger. Mais le plus souvent, le problème provient du fait que la personne a de liens avec plus d’un État américain. Dans presque tous les États, un tuteur peut être nommé par les tribunaux d’un État où la personne est domiciliée ou dans lequel elle se trouve physiquement. Dans presque tous les États, un conservateur peut être nommé par les tribunaux d’un État dans lequel la personne est domiciliée ou dans lequel elle détient des biens. La contestation de cas où plus d’un État a compétence devient de plus en plus fréquente. Certains de ces cas surgissent parce l’adulte se trouve physiquement situé dans un État autre que celui où il a son domicile. Ils surgissent parfois parce que le domicile de l’adulte est incertain, en particulier s’il possède une deuxième résidence dans un autre État. Il faut un mécanisme efficace pour résoudre ces conflits de compétence. L’article 2 de l’UAGPPJA est destiné à offrir un tel mécanisme. Pour obtenir copie du Uniform Adult Guardianship and Protective Proceedings Jurisdiction Act, aller à http://www.law.upenn.edu/bll/archives/ulc/ugijaea/2007_final.htm. Pour un article qui décrit non pas la version finale mais une des dernières ébauches de la loi, consultez Sally Hurme, Crossing State Lines: Issues and Solutions in Interstate Guardianship (Traverser les frontières entre États : problèmes et solutions en matière de tutelle inter-États), 37 Stetson law Review 87 (2007). 7 7 Le problème du transfert Des problèmes surgissent souvent même en l’absence de contestation. Même si tout le monde s’entend sur le fait qu’une ordonnance de tutelle ou de conservation existante devrait être transférée à un autre État, peu d’États ont des procédures simples pour le transfert à un autre État ou l’acceptation d’un tel transfert. Dans la plupart des États, il faut refaire toutes les procédures de nomination initiales, ce qui demande du temps et de l’argent. L’article 3 of the UAGPPJA est destiné à offrir un processus de transfert expéditif, évitant ainsi le besoin de plaider à nouveau l’inaptitude et la question de savoir si le tuteur ou conservateur nommé dans l’État de départ était le bon choix. Le problème de la reconnaissance hors état La clause de reconnaissance totale (Full Faith and Credit) de la Constitution américaine exige que les décisions judiciaires d’un État soient honorées dans les autres. Mais il existe des exceptions à la doctrine de reconnaissance totale, dont les actions de mise en tutelle et les actions protectrices. Il arrive qu’il soit nécessaire d’entamer des action en justice de justice ou de protection dans un second État parce que les institutions financières, centres de soins et tribunaux refusent de reconnaître une décision de tutelle ou de protection rendue dans un autre État. L’article 4 de l’UAGPPJA crée une procédure d’inscription. Une fois la décision de tutelle ou de protection inscrite dans le second État, le tuteur peut y exercer tous les pouvoirs qui lui sont conférés par sa nomination dans l’État original, à l’exception de ceux qui ne peuvent être exercés légalement dans le second État. La loi uniforme et son analogie avec la garde des enfants Des problèmes de compétence du même type ont existé durant de longues années aux États-Unis dans le domaine de la garde des enfants. Si un parent vivait dans un État et l’autre dans un autre État, il arrivait fréquemment que les tribunaux de plus d’un État aient compétence de rendre décision en matière de garde. Mais la Uniform Law Conference (Conférence sur le droit uniforme) a approuvé deux lois uniformes qui ont réduit de façon efficace le problème des compétences multiples en matière de garde d’enfants; le Uniform Child Custody Jurisdiction Act (UCCJA) (Loi uniforme sur la compétence en matière de garde d’enfants) , ratifié en 1968, suivie du Uniform Child Custody Jurisdiction and Enforcement Act (UCCJEA) (Loi uniforme sur la compétence et l’exécution en matière de garde d’enfants), ratifié en 1997. Les rédacteurs de l’UAGPPJA ont choisi de prendre comme modèle de l’article 2 et de certaines parties de l’article 1 de leur loi ces analogies avec la garde des enfants. Cependant, l’UAGPPJA s’applique uniquement aux actions en justice ayant à trait à des adultes. L’UAGPPJA se limite aux adultes en grande partie parce que la plupart des questions de compétence ayant trait à la tutelle des enfants sont subsumées dans l’UCCJEA. 8 Les objectifs et concepts-clés de l’UAGPPJA L’UAGPPJA est organisé en cinq articles. L’article 1 contient des définitions et dispositions destinées à faciliter la coopération entre tribunaux de différents États. L’article 2 est le cœur de la loi, spécifiant quel tribunal a compétence de nommer un tuteur ou conservateur ou de rendre ordonnance de protection autre et contient les définitions qui s’appliquent exclusivement à cet article. Son principal objectif est de s’assurer qu’une nomination ou une ordonnance ne se fait que dans un seul État, sauf en cas d’urgence ou si la personne possède des biens dans plusieurs États. L’article 3 spécifie une procédure de transfert des actions de tutelle ou de conservation d’un État à un autre. L’article 4 traite de l’exécution des ordonnances de mise en tutelle et de protection dans d’autres États. L’article 5 contient une disposition de date d’entrée en vigueur, un endroit pour énumérer les dispositions de la législation existante qui doivent être abrogées ou amendées et des dispositions générales communes à toutes les lois uniformes. Définitions-clés (sous-article 201) Pour déterminer quel État a primauté de compétence en vertu de l’UAGPPJA, les facteurs-clés sont de déterminer quel est l’« État d’origine » (home state) de la personne et son « État d’attache significative » (significant-connection state). Un « État d’origine » (sous-article 201(a)(2)) est l’État où se trouvait physiquement la personne durant au moins six mois consécutifs, compte tenu de toute période d’absence temporaire, immédiatement avant le dépôt d’une requête d’ordonnance de protection ou de nomination d’un tuteur. Si l’intimé n’était pas physiquement présent dans un seul État durant les six mois précédant immédiatement le dépôt de la requête, l’État d’origine est alors le dernier endroit où l’intimé s’est trouvé physiquement présent durant une période d’au moins six mois, à condition que la fin de cette période se soit située dans les six mois précédant le dépôt de la requête. Sous-article 201(a)(2). En d’autres termes, la capacité de l’État d’origine de nommer un tuteur ou de rendre décision de protection pour une personne se poursuit durant six mois après le déménagement physique de la personne dans un autre État. L’« État d’attache significative », qui est un concept potentiellement plus large, désigne un l’État avec lequel la personne a des attaches significatives dépassant la simple présence physique et où il existe une preuve substantielle ayant trait à la personne. Sous-article 201(a)(3). Les facteurs à considérer quand il s’agit de décider si un intimé donné a des attaches significatives comprennent : • l’endroit où se trouvent la famille de l’intimé et autres personnes qui doivent être avisées de l’action de mise en tutelle ou de protection; • la durée totale de la présence physique de l’intimé dans l’État et la durée de ses absences; • l’emplacement des biens de l’intimé; et 9 • les autres liens, s’il y a lieu, de l’intimé avec l’État : inscription à la liste électorale, déclarations d’impôt locales ou d’État, enregistrement du véhicule, relations sociales et réception de services. Sous-article 201(b). Un intimé dans une action de mise en tutelle ou de protection peut avoir plusieurs États d’attache significative, mais il a un seul État d’origine. Compétence (article 2) Le sous-article 203 est la principale disposition régissant la compétence, créant trois niveaux de priorité : l’État d’origine, suivi d’un État d’attache significative, suivi d’autres niveaux de compétence : • État d’origine : L’État d’origine a première compétence dans la nomination d’un tuteur ou conservateur ou l’émission de toute autre ordonnance de protection. • État d’attache significative : Un État d’attache significative a la compétence de nommer un tuteur ou conservateur ou d’émettre toute autre ordonnance de protection si, à la date de dépôt de la requête : o l’intimé n’a pas d’État d’origine ou si son État d’origine a décliné compétence en invoquant le fait que l’État d’attache significative est un forum plus approprié; ou o l’intimé a un État d’origine, il n’y a pas de requête de nomination ou d’ordonnance devant les tribunaux de l’État en question ou d’un autre État d’attache significative et, avant le moment où le tribunal nomme le tuteur ou conservateur ou rend ordonnance, (i) aucune requête de nomination ou d’ordonnance n’est déposée dans l’État d’origine de l’intimé; (ii) aucune objection à la compétence du tribunal n’est déposée par une des personnes qui doivent être avisées de l’action; et (iii) le tribunal de cet État conclut qu’il constitue un forum approprié selon les facteurs établis au sousarticle 206. • Autre État : Un tribunal d’un autre État a compétence si l’État d’origine et tous les États d’attache significative ont décliné compétence parce que le tribunal de cet autre État est un forum plus approprié ou encore si l’intimé n’a pas d’État d’origine ou d’État d’attache significative. Le sous-article 204 traite des cas spéciaux. Qu’il ait compétence selon les principes généraux établis au sous-article 203 ou pas, un tribunal de l’État où l’intimé est physiquement présent a toujours compétence de nommer un tuteur en cas d’urgence, et un tribunal d’un État où l’intimé détient des biens immeubles ou tangibles a compétence de nommer un conservateur ou de rendre toute autre ordonnance de protection à propos des biens en question. De plus, un tribunal qui n’a normalement pas compétence en vertu du sous-article 203 a toujours compétence d’entendre une requête d’acceptation d’un transfert d’une ordonnance de tutelle ou de conservation d’un autre État tel que disposé à l’article 3. 10 Le reste de l’article 2 élabore sur ces concepts fondamentaux. Le sous-article 205 dispose qu’une fois qu’un tuteur ou conservateur est nommé ou une autre ordonnance de protection rendue, la compétence du tribunal se poursuit jusqu’au moment où l’action est levée ou transférée ou au moment où la nomination ou l’ordonnance expire par elle-même. Le sous-article 206 autorise un tribunal à décliner compétence s’il détermine que les tribunaux d’un autre État constituent un forum plus approprié et elle spécifie les facteurs à prendre en considération pour cette décision. Le sous-article 207 autorise un tribunal à décliner compétence ou à composer une autre mesure de redressement appropriée si la compétence a été obtenue suite à conduite injustifiable. Le sous-article 208 prescrit d’autres exigences d’avis si une action est intentée dans un État autre que l’État d’origine de l’intimé. Le sous-article 209 spécifie une procédure de résolution des questions de compétence si des requêtes sont en instance dans plus d’un État. L’UAGPPJA comporte également des dispositions ayant trait à la communication entre tribunaux de différents États, aux requêtes d’assistance d’un tribunal à un tribunal d’un autre État et l’audition de témoignages dans un autre État. Sous-articles 104-106. Transfert à un autre État (article 3) L’article 3 spécifie la procédure de transfert à un autre État d’une ordonnance de tutelle ou de conservation existante. Pour effectuer le transfert, il faut des ordonnances judiciaires du tribunal qui transfère le cas ainsi que de celui qui l’accepte. Le tribunal qui transfère doit conclure que la personne inapte ou protégée est physiquement présente ou va selon attente raisonnable déménager de façon permanente dans l’autre État, que des dispositions adéquates ont été prises pour la personne ou ses biens dans l’autre État et que le tribunal est satisfait que la cause sera acceptée par le tribunal de l’autre État. Pour assurer la continuité, le tribunal de l’État qui transfère ne peut rejeter l’instance qu’une fois l’ordonnance de l’État qui accepte le cas est déposée auprès du tribunal qui transfère. Pour accélérer le processus de transfert, le tribunal de l’État qui accepte doit en déférer au tribunal qui transfère pour ce qui est de la conclusion d’inaptitude et de la sélection du tuteur ou conservateur. L’article 3 se fonde en grande partie sur le travail de pionnier de National Probate Court Standards (Normes nationales de la cour des successions), un projet conjoint de 1993 du National College of Probate Judges (Collège national des juges successoraux) et du National Center for State Courts (Centre national des tribunaux d’État). Exécution hors État (article 4) Pour faciliter l’exécution des ordonnances de tutelle et de protection dans les autres États, l’article 4 autorise un tuteur ou conservateur à inscrire ces ordonnances dans les autres États. Après inscription, le tuteur ou conservateur peut exercer dans l’État d’inscription tous les droits que lui confère l’ordonnance, à l’exception de ceux qui sont interdits par les lois de l’État d’inscription. 11 Application internationale (sous-article 103) Le sous-article 103 parle de l’application de la loi aux ordonnances de tutelle et de protection provenant d’autres pays. Une ordonnance étrangère n’est exécutable qu’après inscription aux termes de l’article 4, mais un tribunal des États-Unis peut en décider autrement et décider d’appliquer la loi comme si le pays étranger était un État américain. 12