Prospective pour les prochaines législatives à la Martinique

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Prospective pour les prochaines législatives à la Martinique
Prospective pour les prochaines législatives à la Martinique
Xavier Solinski
Depuis les dernières semaines de 2011, les états majors politiques martiniquais s’activent à la
préparation des législatives de juin 2012. Des candidatures sont annoncées un peu partout, et
certains candidats sont déjà en campagne.
Peut-on d’ores et déjà pronostiquer des résultats ?
Un tel exercice est toujours périlleux, surtout lorsque la totalité des candidatures n’a pas encore été
révélée. Mais l’intérêt de toute prospective s’est justement de tenter de prévoir à partir de données
incomplètes. Pour mener à bien cet exercice nous partirons des résultats des élections récentes,
législatives 2007, régionales 2010 et cantonales 2011, et en nous appuyant sur l’analyse politique,
nous essaierons d’identifier les rapports de forces et les tendances récentes à l’œuvre pour envisager
les résultats possibles.
Le nouveau découpage des circonscriptions
Rappelons d’abord qu’avec le nouveau découpage électoral, d’importants changements sont
intervenus dans la cartographie des circonscriptions. Les modifications les plus importantes sont
celles opérées au nord et au centre. Au nord, les anciennes circonscriptions Nord-Atlantique et NordCaraïbe ont été fusionnées pour ne donner qu’une seule circonscription Nord. Elle regroupe
l’ensemble des communes se situant au nord d’une ligne qui relierait Schœlcher à Sainte-Marie, ces
deux communes y étant incluses. La partie ouest de Fort-de-France et les communes du Gros-Morne
et de Trinité n’appartiennent pas à cette nouvelle circonscription. Au centre, Fort-de-France devient,
à elle seule, la nouvelle circonscription du Centre. Une nouvelle circonscription Centre-Atlantique est
créée quasiment de toute pièce par le regroupement autour du Lamentin, de Trinité, Gros-Morne,
Robert et François. Enfin, la circonscription du Sud perd le François et le Robert.
En s’appuyant sur les résultats retraités des élections législatives de 2007, des régionales de 2010,
ainsi que sur les récentes cantonales de 2011, plusieurs points se dégagent.
Les tendances globales
Il semble possible d’affirmer qu’Ensemble pour une Martinique Nouvelle (EPMN) constitue
désormais la première force politique martiniquaise. Cette alliance s’est élargie en intégrant Bâtir
pour la Pays Martinique (BPM) et les municipalités qu’elle contrôle représentent plus de la moitié de
la population martiniquaise. De plus, les premiers résultats positifs qu’a enregistré sa politique
régionale en matière économique, touristique et d’emploi, devrait conforter sa dynamique. Ajouté à
cela, le succès très probable du candidat socialiste aux présidentielles qui précéderont les
législatives, ne pourra que renforcer la tendance. Il semble dans ces conditions qu’EPMN devrait
pouvoir conquérir de nouvelles positions.
A l’inverse, le Rassemblement Démocratique Martiniquais (RDM) et le Mouvement Indépendantiste
Martiniquais (MIM) semblent devoir poursuivre leur reflux. Le premier est menacé d’une
désagrégation d’autant plus rapide qu’il s’agit à l’origine d’un rassemblement assez lâche de maires
autour de l’ex-président du Conseil Général, rassemblement visant à se partager des présidences
d’organismes et de sociétés publics. Depuis que ce dernier a perdu son poste, cette coalition semble
avoir perdu sa raison d’être. De nombreuses défections se sont déjà produites et de nouveaux
ralliements à EPMN sont à prévoir! Le MIM est sur la défensive depuis que son chef a perdu l’outil
essentiel de sa politique : les subventions et les aides régionales grâce auxquelles il pouvait exercer
des pressions sur les chefs des autres collectivités et élargir sa clientèle électorale dans la population.
L’affaiblissement de son mouvement s’est nettement exprimé dans les cantons du sud où ils avaient
des candidats en 2011, à Rivière Salée et aux Trois-Îlets, notamment. Enfin l’UMP est depuis plusieurs
années à son étiage et ne semble guère prête à en sortir de si tôt. Et en tout cas ce n’est l’image
actuelle du Président de la République qui l’y aiderait!
Les nouveaux succès possibles pour EPMN, pourraient se répartir entre le PPM et les autres
participants à la coalition : Parti Socialiste (PS), BPM et les individualités faisant partie d’EPMN, en
fonction des rapports de forces en vigueur dans chacune des circonscriptions.
Circonscription du centre
Dans la circonscription du Centre, un candidat du Parti PPM devrait l’emporter sans difficulté puisque
cette circonscription correspond à la ville de Fort-de-France. Le candidat sortant du PPM l’avait
largement emporté aux législatives de 2007 (alors que le Lamentin faisait partie de la circonscription)
et tant aux régionales 2010 qu’aux cantonales de 2011, la domination du PPM sur la capitale s’est
largement confirmée.
Circonscription Centre-Atlantique
Dans la circonscription du Centre-Atlantique la prévision est plus délicate. Le retraitement des scores
dans cette circonscription donne une large majorité aux candidats d’EPMN, tant aux législatives
qu’aux régionales. Le total des voix recueillies par ces candidats à chacune de ces consultations est
supérieur au tiers des électeurs dès le premier tour et se situe autour de la moitié au second. Dans ce
total, le montant des voix propres au PPM demeure minoritaire. Le MIM vient en seconde position
avec un quart de l’électorat aux législatives et aux régionales.
Un candidat non-PPM d’EPMN pourrait l’emporter, mais le résultat dépendra largement de la
manière dont sera gérer cette candidature et de ce que fera le MIM. La mésentente qui s’est
manifesté entre le candidat sortant du PS et l’ex-député de BPM, pourrait conduire à des primaires et
serait dommageable non seulement en divisant les voix au premier tour, mais aussi pourrait
compromettre un report suffisant des voix sur le candidat de EPMN retenu pour le second tour. La
candidature annoncée, -sans être confirmée- du leader du MIM pourrait jouer dans le même sens car
ce dernier ne manquerait pas d’exploiter la division comme il a su le faire aux régionales de 2010. En
effet, sa liste avait bénéficié au second tour d’un important report des voix qui s’étaient exprimées
au premier tour sur la liste conduite le maire du Lamentin. Cependant, il semble bien que même dans
cette hypothèse, EPMN devrait pouvoir l’emporter, car l’un des deux candidats sera de toute
évidence au second tour et pourra bénéficier du report d’une bonne partie des voix de l’autre
candidat.
Circonscription du Nord
Dans la circonscription Nord la situation est plus complexe. Si le candidat de l’UMP, alors maire de
Schœlcher, l’avait emporté en 2007, aujourd’hui les choses se présentent très différemment. La
circonscription n’est plus du tout la même. Un retraitement des voix des régionales montre
qu’EPMN rassemble au premier tour 40% des voix et au second 55%. Et les cantonales ont confirmé
cette tendance. Dans ce montant, le score propre au PPM reste limité. Le MIM vient en seconde
position avec 32% au second tour des régionales. Le poids des représentants du RDM, même si cette
organisation est affaiblie, ne doit pas être négligé puisque son candidat tient Sainte-Marie, la
seconde ville de la circonscription, et que deux maires semblent être restés attachés au RDM, ceux
de Saint Pierre et Grand-Rivière.
Dans cette circonscription un candidat non-PPM d’EPMN pourrait l’emporter. Mais cela dépendra de
la manière dont cette candidature et les accords de second tour seront gérés. Deux candidats
d’EPMN semblent vouloir se positionner : le maire de Schœlcher et la maire du Morne Rouge.
Chacun possède des atouts. Le premier a pour lui le poids de sa ville, la première ville de la
circonscription, et un charisme personnel indiscutable. En dépit de la taille réduite de sa commune, la
seconde peut faire valoir le fait qu’elle serait l’une des rares femmes à porter les couleurs d’EPMN, et
qu’elle dispose d’un réseau tisser de longue date par son mentor, l’ex-maire du Morne-Rouge, exdéputé de la circonscription. Si la division devait prévaloir, le maire de Sainte-Marie pourrait être en
mesure d’exploiter la situation car compte tenu de la taille de sa ville sa présence au second tour ne
peut être exclue. Pourrait-il pour autant l’emporter ? C’est peu probable! La droite fait dans cette
circonscription son meilleur score aux régionales (13%), mais paraît loin de pouvoir jouer un rôle
déterminant.
Circonscription du Sud
Dans la circonscription du Sud la situation est confuse et grosse de changements. Le leader du MIM
l’avait emporté en 2007 et aux élections régionales de 2010. Mais aux cantonales de 2011, les scores
du MIM se sont nettement tassés, notamment à Rivière Salée et aux Trois Îlets. Le maire de Rivière
Salée candidat aux législatives de 2007 et tête de liste UMP aux régionales de 2010, est arrivé en
seconde position aux législatives et en troisième position aux régionales en réalisant un score de
11%. Le maire du Vauclin est arrivé en troisième position aux législatives, tandis que la liste du RDM
sur laquelle il figurait aux régionales a réalisé un score de 6,8% dans la circonscription. Enfin, la liste
EPMN était en seconde position aux régionales avec plus du tiers des suffrages. La majorité des voix
recueillies par EPMN provenait des municipalités PPM de la circonscription, Marin et Sainte Luce et
des communes où existent des balisiers dynamiques (Ducos, Rivière Salée, Sainte Anne…), le
complément étant apporté par Trois-Îlets dont le maire appartient à EPMN.
Dans cette circonscription, le candidat sortant semble opter pour la circonscription CentreAtlantique. La multiplication des candidatures conforte cette hypothèse. Un candidat du MIM, le
conseiller général et régional de Sainte Luce et un candidat du RDM, le maire des Anses d’Arlets –
pourtant allié du MIM- sont déjà en campagne. Un second candidat du RDM, le maire de Ducos, s’est
fait annoncé. Le maire de Rivière Salée, candidat de l’UMP, ex-député de la circonscription, battu en
1997 par le leader du MIM, est aussi en campagne. On peut supposer que le maire du Vauclin
(RDM ?), éternel candidat, éternellement battu aux législatives, ne laissera pas passer ce qu’il devrait
considérer comme une occasion unique! Enfin, il se murmure que le maire du Saint Esprit pourrait
être aussi de la partie. C’est dire que, dans cette circonscription, l’atomisation des candidatures est à
son comble ! EPMN poursuit encore sa procédure de désignation. Il devra choisir entre un candidat
PPM et le maire des Trois-îlets, candidat non PPM.
Compte tenu des rapports de forces politiques entre le PPM et les non PPM au sein d’EPMN, le
candidat retenu devrait être du PPM. Ce choix permettrait une mobilisation forte des progressistes
car il correspondrait au rapport de force entre le PPM et ses alliés tant dans la circonscription que sur
l’ensemble de l’île. En effet, la population des deux communes PPM du Sud représente 75% de la
population totale des trois communes EPMN de la circonscription. De surcroit ce candidat serait le
deuxième candidat PPM sur les quatre circonscriptions. Ce qui répond bien au fait que la population
des municipalités dirigées par des maires PPM représente plus de la moitié de la population totale
des communes dirigées par des membres d’EPMN.
Quoiqu’il en soit, dans l’hypothèse où le leader de MIM ne serait pas présent, le candidat soutenu
par EPMN dans la circonscription du Sud pourrait sortir en première position au premier tour et
l’emporter au second tour grâce aux reports des voix de gauches. Il ne faut cependant pas exclure un
éventuel retour leader du MIM sur ce terrain, car il semble encore hésiter à poursuivre son aventure
dans la circonscription Centre-Atlantique. Le fait que la municipalité du Robert, dont il espérait au
moins une neutralité bienveillante, semble prête à soutenir ouvertement d’autres candidats, n’est
pas étranger à ses hésitations. Son retour au sud sera cependant problématique dans la mesure où
ceux qui misaient sur son absence ont déjà entamé leur campagne et ne se retireront pas facilement,
même s’il s’agit d’un membre du MIM!
En tous cas, dans un tel capharnaüm, l’hypothèse la plus sûre semble être celle du succès possible
d’un candidat du PPM, dans la mesure où il serait porté par la dynamique forte en faveur d’EPMN, et
s’appuierait sur l’électorat mobilisé par les maires des trois communes déjà citées et les balisiers
présents dans de nombreuses communes du sud.