Thomas Hummel L`orchestre virtuel de Sinaida
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Thomas Hummel L`orchestre virtuel de Sinaida
Thomas Hummel L’orchestre virtuel de Sinaida Kowalenka Sinaida Kowalenka est une fermière biélorusse âgée, et la dernière personne à vivre dans son village dans la zone interdite autour de Tchernobyl. Tous les autres habitants ont été évacués depuis longtemps. Elle vit seule au milieu d’une nature apparemment merveilleusement intacte et vierge, mais en réalité radioactive. Nom : Thomas Hummel Né : 1962, Köln, Allemagne Formation : Composition à la Hochschule für Musik, Freiburg ; Hochschule für Musik, Köln Professionnellement : Ingénieur de son et réalisateur en informatique musicale au SWR Experimentalstudio Freiburg ; Prix de composition à la Villa Concordia Bamberg et Musikprotokoll Graz Performances : Ensemble Court-Circuit, Holst Sinfonietta, Ensemble SurPlus, Kairos Quartett, Orchestre de la Radio de Stuttgart, e.a. Plus d’informations: www.thomashummel.net 8 L’œuvre Sinaida Kowalenka est conçue pour six instruments et orchestre « ePlayer », qui repose sur une grande base de données des sonorités de l’orchestre contemporain, conTimbre. Elaborée entre 2007 et 2012, conTimbre est le plus grand orchestre virtuel au monde, comprenant plus de 86.000 sons, 4.000 techniques de jeu, et 150 instruments d’orchestre. Il permet notamment de jouer des partitions orchestrales de musique nouvelle. D’un point de vue musical, l’orchestre « ePlayer » a ici pour tâche d’étoffer et de compléter le mélange de timbres d’instruments authentiques ou de se trouver en concurrence avec eux. Plus généralement cependant, l’utilisation d’un orchestre contemporain artificiel en lien avec l’orchestre s’inscrit dans l’actuel débat culturel sur la disparition des (vrais) orchestres, et sur les tendances de la musique nouvelle instrumentale, dont les compositeurs exigent actuellement une spécialisation et une flexibilité toujours plus poussées de l’orchestre contemporain. Enfin, le caractère artificiel de l’orchestre « ePlayer » et son souhait de paraître naturel correspondent à la nature radioactive et à ses deux facettes dans les récits d’Alexievitch. Thomas Hummel « Je vis seule depuis sept ans. Cela fait sept ans que les gens sont partis… Dans la nuit, il m’arrive de rester éveillée jusqu’à l’aube. Et de penser, de penser. Cette nuit aussi, je suis restée assise toute la nuit sur mon lit, courbée comme un crochet, et puis je suis sortie pour voir comment allait être le soleil. Que puis-je vous dire d’autre ? La chose la plus juste au monde, c’est la mort. Personne ne peut se cacher d’elle. La terre reçoit tout le monde, les bons et les mauvais, les pécheurs. Mais il n’y a aucune autre justice au monde. J’ai travaillé durement et honnêtement toute ma vie. J’ai vécu selon ma conscience. Mais je n’ai obtenu aucune justice. Dieu a fait le partage quelque part et, lorsque mon tour est arrivé, il ne restait plus rien à me donner. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’une maladie et que celui qui en souffrait mourrait aussitôt. Non, nous a-t-on expliqué, c’est une chose qui s’insère dans le sol, mais qu’on ne peut pas voir. L’animal le peut, il la voit et l’entend, mais pas l’homme. Mais c’est faux ! Moi, je l’ai vue… Il y avait de ce césium dans mon potager jusqu’à ce que la pluie l’ait mouillé. » Svetlana Alexievitch1, La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’Apocalypse Le jeudi 8 octobre 2015, l’auteure bélarusse Svetlana Alexievitch a reçu le Prix Nobel de littérature. 1 Création belge le jeudi 12 novembre à 20h30 par l’ensemble Aventure et le Centre Henri Pousseur. 9