Femmes artistes en Essonne

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Femmes artistes en Essonne
Femmes artistes en Essonne
13 septembre – 22 décembre 2013
Musée Robert Dubois-Corneau – Brunoy
Dossier Pédagogique de l’exposition
Présentation
Quatre femmes artistes se sont distinguées par la force de leur lien à la vallée de l’Yerres.
Virginie Demont-Breton à Montgeron, Alice Dubois à Brunoy, Jeanne Eliot à Epinay-sous-Sénart et la baronne
Gourgaud à Yerres, manifestèrent, chacune dans son genre, de l’attachement pour leur résidence qui fut autant
un lieu de travail qu’un lieu de détente et de loisir.
L’exposition, en partenariat avec le musée du château de Dourdan et le musée d’Etampes qui présentent
simultanément leur propre accrochage sur ce thème, est l’occasion de présenter des œuvres inédites d’artistes
méconnues.
Des succès publics de Virginie Demont-Breton à la séduisante pratique amateur de la baronne Gourgaud, les
carrières diverses des quatre peintres représentées dans l’exposition permettent de faire le point sur le statut des
artistes femmes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Vernissage : vendredi 13 septembre 2013.
Quatre artistes dans leur demeure
Le point commun des quatre femmes artistes présentées dans le cadre de cette exposition est leur attachement
pour leur demeure de la vallée de l’Yerres, où chacune vécut et travailla.
La vallée de l’Yerres, une terre de villégiature qui attire les artistes
Les charmes bucoliques de la vallée de l’Yerres, en lisière de la forêt de Sénart, attirent dès le XVIIIe siècle la
société parisienne fortunée, avide de son bon air et des vastes domaines de chasse de la forêt de Sénart.
Jean Paris de Monmartel, richissime financier, banquier de Louis XV et de la Régence, aménage à Brunoy une
vaste propriété demeurée célèbre pour ses grandes eaux dévalant la colline des Bosserons.
A sa suite en 1774, le comte de Provence, futur Louis XVIII, investit le « Petit château », organise de grandes
parties de chasse dans les forêts de Sénart et de Grosbois, et offre des fêtes somptueuses pour sa Cour.
Le domaine est démantelé à la Révolution. Sur les terres morcelées commencent à s’élever de grandes
propriétés bâties par l’élite intellectuelle et artistique parisienne. Talma, acteur de premier plan de l’époque
napoléonienne, y vient se reposer et réunit autour de lui ses amis acteurs, écrivains et poètes.
C’est l’émergence du phénomène de la villégiature qui marque le paysage de Brunoy et de ses environs dans le
cours du XIXe siècle : de riches industriels et commerçants parisiens investissent la campagne et se font
construire des propriétés au bord de l’eau, occupées en fin de semaine et aux beaux jours par une bonne société
oisive, à la recherche des loisirs qu’offrent la forêt, la rivière, les terrains de tennis, les jardins d’agrément.
De nombreux artistes fréquentent les lieux et l’on retrouve la trace d’un séjour de Corot à Brunoy, des
promenades de Delacroix en forêt de Sénart, de Jules Michelin à la recherche de sujets pour ses eaux fortes, de
Claude Monet travaillant à la décoration du château d’Ernest Hoschedé à Montgeron. Carolus-Duran possède
une propriété à Montgeron. Gustave Caillebotte fait de la résidence des vacances de son enfance, à Yerres, un
lieu de travail où il se laisse inspirer par la campagne, les perspectives du parc, la rivière.
L’influence masculine
L'autre trait qui relie au moins trois de ces femmes, c'est leur rapport très important à un homme de leur famille
qui orienta de manière radicale leur vie et leur carrière.
Virginie Demont-Breton eut la chance de recevoir une éducation d'artiste auprès de Jules Breton, son père, qui
faisait de Rosa Bonheur et de ses succès un modèle. Elle fut aussi l'épouse d'Adrien Demont, et il semble qu'ils
aient mené des carrières parallèles sur un pied de rigoureuse égalité. Cette égalité est revendiquée dans leurs
livres de souvenirs, de même que l'indépendance qu'ils souhaitaient conserver l'un par rapport à l'autre dans
leurs recherches artistiques.
Alice Dubois et Jeanne Eliot n'eurent sans doute pas la possibilité de s'affranchir autant de la domination
domestique des hommes de leur famille. Elles furent élevées en jeunes filles de bonne famille et reçurent à ce
titre un solide enseignement du dessin, mais sans être destinées à en faire carrière. Elles demeurèrent toute leur
vie dans une orbite masculine de leurs frères, l’historien amateur et érudit Robert Dubois pour Alice, et l’artiste
confirmé et professeur Maurice Eliot, pour Jeanne. Lorsque des revers de fortunes se manifestèrent, elles durent
abandonner leur vie oisive entièrement consacrée à leur art : après la Première guerre mondiale, Alice Dubois
dut abandonner la peinture pour s’occuper de son frère devenu aveugle et de l'organisation domestique du foyer.
Jeanne dut de son côté chercher des ressources dans la rédaction d'articles pour le magazine ABC et dans
l'organisation de visites guidées dans Paris.
Quatre artistes, quatre vies
Lucienne Gourgaud, baronne Gourgaud, comtesse du Taillis (1898-1982)
La baronne Lucienne Gourgaud ne doit pas être confondue avec la baronne Gourgaud née
Eva Buckingham Gebhard (1896-1959) grande collectionneuse d’art, dont Matisse fit le portrait.
Née Emma Lucienne Haas, elle épouse Robert Gourgaud du Taillis en 1921 (comte du Taillis à la mort de son
père en 1909, et baron Gourgaud à la mort de son cousin en 1944). Son fils, Napoléon Gourgaud du Taillis, naît
en 1922.
Elle mène une vie mondaine entre Paris, le château Gourgaud de Neuville-lès-la Charité (Haute-Saône), et le
château de la Grange à Yerres à partir des années 1960.
Ces deux dernières propriétés sont un héritage de la famille Gourgaud, descendante de Gaspard Gourgaud, qui
fut l’un des dernier fidèles de l’empereur Napoléon Ier et l’accompagna à l’île de Sainte-Hélène.
Le château de la Grange, à Yerres
En 1748, Maurice de Saxe, maréchal de France acquit le château qu'il conserva jusqu'à sa mort deux ans plus
tard et y fit aménager la grande galerie.
La famille Gourgaud posséda ensuite le château jusqu'en 1990. La baronne Gourgaud est une figure encore
familière pour certains des anciens habitants de Yerres.
Le 13 avril 1960, le site est inscrit aux monuments historiques, le 8 avril 1971, il est classé. En 2000, le château
fut racheté par le groupe Savry qui le rebaptisa « Château du Maréchal de Saxe » et y installa un hôtel de
prestige.
Elève du peintre Edouard-Georges MacAvoy (1905-1991)
Il est l’élève de Paul Albert Laurens à l’académie Julian. Il fréquente la maison de Félix Valloton et y rencontre
Bonnard et Vuillard.
Après y avoir rencontré le succès, il est Président du Salon d’Automne de 1967 à 1991.
Il réalise le portrait de nombreuses personnalités de son temps : Pierre Larousse, Honegger, Mauriac, Picasso,
Jean Cocteau, de Gaulle, Béjart, Johnny Hallyday.
Il a consacré une grande part de son activité au professorat.
Une peintre amateur
La baronne Gourgaud peignait en amateur, essentiellement des portraits de ses amis et de sa famille.
En 1948, elle adresse aux établissements Chs Gordinne et fils, imprimeurs éditeurs à Liège, en Belgique, des
projets de livres pour enfants qui sont refusés.
Elle participe à de nombreuses expositions de peintres amateurs, notamment à Deauville, où elle obtient en 1952
le Grand Prix, mention honorable, pour deux œuvres : Etang de Boissy Saint-Léger et Suzy Solidor, puis à
nouveau en 1953 et 1954 (avec la Petite fille au chapeau vert).
En 1953 elle participe à une exposition sur le thème du printemps au Théâtre de Paris, organisée par le Centre
de liaison des Artistes Peintres et Amateurs d’Art.
La série d’aquarelles
Cette série de facture très libre et expressive documente la vie mondaine et familiale d’une jeune fille dans les
années 1920-1930 : une vie où des femmes en grand chapeau, manchon et manteau bordé de fourrure vont
prendre le thé chez leurs amies, prennent leur leçon de dessin chez un peintre, organisent des après-midi de
piano, s’amusent au bal masqué ou s’ennuient en prenant des poses alanguies sur un sofa.
Un monde rythmé par les fiançailles, les naissances dans de grands flots de rubans roses et bleus, les
promenades des enfants avec leur nurse – bébés dans leur landau, fillettes en robe de dentelle et garçon en
costume marin massés devant la vitrine du Nain Bleu.
Certaines scènes moins conventionnelles, légèrement érotiques, évoquent des séances de prise d’opium.
Le trait est frémissant, mais il témoigne d’une certaine fraîcheur et d’intelligence dans l’observation. Le style est
beaucoup plus vif que dans les traditionnels exercices de dessin que l’on retrouve dans ses carnets de croquis.
Elle était familière de Suzy Solidor, dont elle fit le portrait, et fréquentait sans doute les milieux intellectuels
d’avant-garde. L’influence des dessins de Jean Cocteau n’est sans doute pas étrangère à ces aquarelles.
Jeanne Eliot (Paris, 1861 – Epinay-sous-Sénart, 1937)
Jeanne est la première enfant de Claude Gabriel Eliot – qui paraît être marchand de bois mais est aussi reconnu
comme artiste peintre pastelliste et critique d’art (tableaux présentés au Salon entre 1872 et 1880) – et de Marie
Antoinette Eliot née Bouret. Son frère Maurice Eliot naît un an après elle.
Jeanne Eliot est restée célibataire, comme son frère. Une grande affection règne entre eux. Ils vivent dans un
milieu aisé, bourgeois, ouvert au monde artistique. Les souvenirs familiaux font état d’une personnalité très gaie,
originale, parée de grands chapeaux, et toujours accompagnée de son fidèle caniche noir.
La maison Bouret à Epinay sous Sénart
Après la mort précoce de leur père, les deux enfants sont élevés par leur mère à Paris et chez leurs grandsparents maternels, Antoine et Laure Caroline Bouret à Epinay-sous-Sénart (commune limitrophe de Brunoy).
Antoine Bouret est maire du village de 1860 à 1865, et y possède, près de l’Yerres, une grande propriété.
Epinay-sous-Sénart est le point de rassemblement, d’abord à la belle saison (pendant l’hiver les Eliot demeurent
37 boulevard de Clichy, à Paris), puis toute l’année.
Sans doute à la suite de difficultés financières, la maison familiale Bouret est achetée en 1899 par Mme veuve
Jules Caffin, qui met à la disposition des Eliot la « petite maison » dans la propriété. Jeanne et Maurice
possèdent également une maison de rapport, rue de la Roquette, mais qui ne leur assure plus de revenus après
1914. En 1924, les Eliot emménagent 15 rue de Quincy, à Epinay-sous-Sénart, dans une maison achetée par
Henri Caffin.
A partir des années 1930, Jeanne Eliot souffre de maladie mentale, et est hospitalisée. De retour à Epinay, elle y
décède en 1937.
La vie artistique et professionnelle
Jeanne Eliot est l’élève de Mademoiselle Cheron et de son frère Maurice Eliot. Ses cahiers de dessin, conservés,
attestent d’une pratique précoce. Son étude de Marie d’après nature, un portrait de fillette, montre sa maîtrise à
dix ans seulement.
Elle figure au Salon à partir de 1890, et semble avoir produit presque exclusivement des pastels représentant en
majorité des paysages de la campagne et de la forêt, des bords de l’Yerres et des environs de la propriété
d’Epinay-sous-Sénart.
Elle a peut-être été professeur dans les écoles de la ville de Paris (elle reçoit le titre d’officier de l’instruction
publique) et a donné des cours privés de dessin dans l’atelier de l’avenue de Clichy. Elle organisait aussi des
promenades-causeries dans le vieux Paris. En 1933-34, elle publie dans la revue ABC plusieurs articles sur le
vieux Paris, illustrés par son frère (exemples : « Trois belles héroïnes des siècles d’amour », « La rue de la
Chaise », « Histoire de six petites églises de Paris », « Celles qui restent des demeures de Chateaubriand »).
Son frère, Maurice Eliot
Il entre à seize ans dans l’atelier du peintre Emile Bin, à Montmartre, où il fait la connaissance de Paul Signac et
de Charles Léandre.
En 1882, il entre dans l’atelier de Cabanel à l’Ecole des Beaux-Arts. Il est second prix de Rome en 1888.
Il est nommé professeur de dessin des écoles de la ville de Paris à vingt et un ans, puis à l’Ecole polytechnique à
quarante-quatre ans.
Il participe régulièrement au Salon puis devient membre de la Société des pastellistes.
Héritier des naturalistes à la Jules Bastien-Lepage, il pratiqua aussi une peinture influencée par les
Impressionnistes avec une touche fractionnée, voire dans certains tableaux une tendance au pointillisme et sur le
tard au fauvisme.
Les bords de l’Yerres, les fermes de Boussy, d’Epinay, leurs vastes territoires agricoles ; les jardins des grandes
propriétés, la vie rurale, familiale, sont autant de thèmes puisés qu’il puise dans sa vie quotidienne.
Alice Dubois (22 janvier 1875 – 1945)
Alice naît à Paris dans une famille de négociants en textile. Elle reçoit un enseignement à domicile par une
institutrice, et étudie la musique et le dessin. Vers dix ans, elle suit un cours privé pour jeunes filles dans lequel
l’enseignement du dessin a une place importante. Elle est encouragée dans ses études artistiques par son
grand-père Simon Corneau, qui lui fait construire un atelier dans le jardin de sa maison de Brunoy.
La propriété Dubois-Corneau
La propriété de Brunoy est située à l’emplacement d’anciens jardins et vergers de Paris de Monmartel
(XVIIIe siècle). Après avoir été laissé en friche à la Révolution, le terrain est bâti en 1832. La maison d’origine,
d’apparence modeste, est acquise en 1867 par Simon Corneau, grand-père d’Alice Dubois.
Les familles Corneau puis Dubois-Corneau réalisèrent de nombreux travaux d’embellissement : adjonction d’un
petit pavillon en 1876, ornement de la façade avec des motifs hétéroclites néo-mauresques en stuc et mosaïque
en 1911, et ajout d’une terrasse et d’un balcon central.
Le terrain s’agrandit de nouvelles parcelles en 1883 et 1906, et la propriété atteint plus de 2000 m2 à cette
époque. Elle comporte un petit parc à l’anglaise mêlé d’une pelouse aux bordures classiques, un potager et un
verger, une orangerie, une maison de gardien, un poulailler… Simon Corneau fait en outre construire un petit
atelier pour Alice Dubois dans ce parc.
Il semble qu’Alice et Robert Dubois s’installèrent définitivement dans cette maison au début du XXe siècle.
La vie artistique
Elle poursuit ses études de dessin auprès d’Elisabeth Daumas, pastelliste, élève de Charles Chaplin, dans son
atelier de la rue Trudaine
Par la suite, Alice expose des pastels aux Salons de l’Union des femmes Peintres et Sculpteurs en 1911, 1913,
1914. C’est par cette technique du pastel qu’elle exprime le mieux ses talents d’artiste.
En 1939, 329 œuvres sont recensées dans le catalogue établi par son frère. Alice fait don de nombreux tableaux
à ses amis et aux membres de sa famille. Peu sont localisés aujourd’hui.
Les thèmes qui lui sont chers sont les paysages des bords de l’Yerres et des environs, les fleurs, et les portraits,
qu’ils représentent des personnages religieux, des types pittoresques (vielle femme, ermite, Italienne…) avec une
influence du style troubadour (portraits de mousquetaires) ou bien sa famille et ses amis.
La guerre de 1914, prive la famille de sa fortune, et l’oblige à prendre en charge la vie domestique de la maison
de Brunoy où elle vit désormais avec son frère. Elle cesse de travailler le dessin et la peinture.
Le frère, Robert Dubois-Corneau
Alice Dubois est la sœur de Robert Dubois (1876-1951), historien amateur et collectionneur, qui rassembla un
ensemble d’œuvres et d’archives sur l’histoire de la vallée de l’Yerres. Il légua à la ville de Brunoy cette collection
qui est à l’origine du musée qui porte son nom, installé dans les années 1980 dans la propriété d’Alice et Robert
Dubois.
Alice et Robert Dubois, tous deux célibataires, vécurent toute leur vie ensemble. Il semble qu’Alice se mit plus ou
moins au service de son frère lorsque des revers de fortune, en 1914, les contraignirent à réduire leur train de
vie. S’ils ne semblent pas avoir l’un est l’autre exercé véritablement d’activité professionnelle, il purent vivre une
vie bourgeoise quoique relativement modeste.
Virginie Demont-Breton (1859-1935)
Jeunes années
Virginie Demont-Breton est née le 26 juillet 1859 à Courrières en Artois. Son père, le peintre Jules Breton (18271906) avait épousé en 1858 Elodie de Vigne, fille du maître gantois Félix de Vigne (1806-1862).
Sa vie d’enfant et d’adolescente à Courrières est simple et rustique, mais ouverte de façon permanente à l’art et
à la littérature. Ses dons artistiques précoces se développent dans une tradition mi académique, mi naturaliste,
sous la direction de son père qui l’incite à privilégier des études d’après nature, afin de développer observation et
imagination.
Les succès
Virginie épouse en 1880 le jeune peintre paysagiste douaisien Adrien Demont (1851-1928), avec qui elle
s’épanouit dans l’exercice de son art, comme dans sa vie d’épouse et de mère.
Hors-concours dès le Salon de 1883 avec La Plage (acheté par l’Etat pour le Luxembourg, en dépôt au musée
d’Arras), ce brillant début de carrière se confirme rapidement en France et aux Etats-Unis, autour des thèmes de
la famille et de ses figures privilégiées : la femme et l’enfant.
La découverte de la baie de Wissant, puis l’installation définitive au Typhonium, leur demeure construite
« à l’égyptienne » au-dessus du village avec l’aide de l’architecte belge Edmond de Vigne, amène la jeune
femme à se consacrer à la représentation de la vie quotidienne des pêcheurs : Les Loups de mer (1885, musée
de Gand), Hommes de mer (1898, musée de Picardie à Amiens). Elle observe les futurs mousses aux prises
avec la mer (La Trempée, 1892 ; A l’eau, 1897, musée de Gand). Bouleversée par les drames que la mer
suscite, elle peint l’attente angoissée de l’épouse dont L’Homme est en mer (1889), copié par Van Gogh, et le
deuil inéluctable pour Les Tourmentés (1905, Palais des Beaux-Arts de Lille).
A partir des années 1890, au culte du héros (Jean Bart, 1894, acquis par le musée de Dunkerque, détruit
pendant la Seconde guerre mondiale), s’ajoute une certaine veine mystique assez caractéristique d’une peinture
mi naturaliste, mi symboliste de la fin du siècle. Enfin, la présence permanente de la mer, en toutes circonstances
et dans la grande diversité de sa palette, habite sa peinture. De jeunes peintres, séduits également par le site et
ses habitants, ne tarderont pas à rejoindre Virginie Demont-Breton et son époux, et développeront leur propre
talent sous leur égide très ouverte.
Une artiste féministe
Rosa Bonheur constitue le modèle d’après lequel Virginie fut élevée. Son père Jules Breton et son oncle Emile
Breton, y font constamment référence à et aspirent pour Virginie au même succès : « Emile Breton aurait voulu
qu’elle ne se mariât pas « pour être une seconde Rosa Bonheur » » (Adrien Demont, Souvenances).
Un désir profond de voir les femmes se réaliser à part entière dans leur carrière artistique incite Virginie à
rejoindre L’Union des Femmes peintres et sculpteurs. Sous sa présidence (1895-1901), et conjointement avec
Madame Léon Bertaux, elle obtient de Jules Ferry l’entrée officielle des femmes à l’Ecole des Beaux-Arts et le
droit de concourir elles aussi pour le Prix de Rome, prestigieux prix qui récompense le meilleur élève et lui offre
l’opportunité d’un séjour en Italie pour y étudier l’art, ainsi qu’une garantie d’achat des œuvres qu’il produira.
En couronnement de sa prestigieuse carrière, Virginie est faite Chevalier de la Légion d’honneur en 1894, puis
Officier en 1914, devenant ainsi la deuxième femme peintre à recevoir cette distinction après Rosa Bonheur.
« Quand on dit d’une œuvre d’art : « c’est de la peinture ou de la sculpture de femme », on entend par là « c’est
de la peinture faible ou de la sculpture mièvre », et quand on a à juger une œuvre sérieuse due au cerveau et à
la main d’une femme, on dit : « c’est peint ou sculpté comme par un homme ». Cette comparaison de deux
expressions convenues suffit à prouver sans qu’il soit nécessaire de la commenter, qu’il y a un parti pris d’avance
contre l’art de la femme. »
Virginie Demont-Breton, 1896, « La femme dans l’art », Revue des revues, XVI, 1/03/1896, p. 448
« Virginie Demont-Breton revendique de pouvoir traiter la peinture d’histoire à l’égal des hommes : « Comment se
fait-il que l’histoire ait produit autant d’héroïnes que de héros mais que les femmes soient interdites de faire de la
peinture d’histoire ? »
Convaincue d’insuffler une tendresse féminine particulière aux sujets héroïques, elle se tourna vers des
mystiques femmes, des figures représentant la dévotion maternelle et des saintes. Elle fit aussi largement son lot
de peinture de genre, suivant les pas de son père comme peintre de scènes paysannes idéalisées. Elle fut l’une
des rares peintres de la fin du XIXe siècle qui ne s’effraya pas de traiter d’ambitieuses scènes historiques, comme
le démontrent des peintures comme Jean Bart, montré au Salon de 1894. »
[d’après Tamar Garb, Sisters of the brush. Women’s artistic culture in late nineteenth-Century Paris, Yale
University Press, New Haven and London, 1994, p. 135. La citation de Virginie Demont-Breton est tirée d’un
article paru dans Le féminisme Chrétien en 1896]
Parmi ses peintures d’histoire, on peut citer Jeanne à Domrémy (1893), Jean Bart (1894) Agar et Ismaël (1896).
L’admission des femmes à l’école des Beaux-Arts
« Il est juste de fournir [aux deux sexes] les mêmes moyens de développement intellectuel.
C’est dans ce but que, dès 1884, alors que je venais l’année précédente d’être mise hors concours au Salon, je
m’entretins avec Jules Ferry d’un projet qui devait bouleverser les préjugés depuis toujours admis : l’entrée des
femmes à l’Ecole des Beaux-Arts et leur participation aux concours en vue du prix de Rome. […] Il m’avait promis
formellement son appui au moment opportun. Ensuite, le 10 mai 1890, nous avions obtenu, Mme Léon Bertaux,
sculpteur, et moi, une audience auprès d’une commission de l’Ecole des Beaux-Arts composée de Paul Dubois,
directeur, Charles Garnier, Cavellier, Bailly, Gérôme et Guillaume. […] Ce fut elle qui prit la parole en sa qualité
de présidente de l’Union des femmes peintres et sculpteurs […] et à mon tour, encouragée par ces physionomies
sympathiques, je développai avec énergie ce que je considérais comme une question de simple justice. […]
Gérôme, qui n’avait fait que rire jusqu’alors, objecta qu’à tous les points de vue, la dépense serait double, ce qui
jeta un froid, ce froid qui accompagne toujours la question budgétaire et on tomba d’accord pour remettre à plus
tard l’examen sérieux de la question. […]
C’était tout ce que nous pouvions espérer alors, c’était le premier pas fait vers le but que nous poursuivions.
La présidence de notre société l’Union des femmes peintres et sculpteurs m’ayant été confiée, en remplacement
de Mme Bertaux, à la fin de 1894, alors que je venais, quelques mois auparavant d’être décorée de la Légion
d’honneur, je continuai mes démarches auprès des ministres qui se succédaient. Ce fut long, ce fut laborieux,
mais la réussite est venue et de beaux succès féminins ont prouvé combien nos revendications étaient
légitimes. »
(Virginie Demont-Breton, Les maisons que j’ai connues, vol. 2).
Les Maisons que j’ai connues et les demeures de Montgeron
Virginie Demont-Breton a publié un recueil de souvenirs sur sa vie familiale et professionnelle en quatre volumes,
Les Maisons que j’ai connues. Dans le second volume, Nos amis artistes, elle parle longuement des maisons de
Montgeron.
Son mari Adrien Demont a lui aussi publié des Souvenances, Promenades à travers ma vie, dans lesquelles il
évoque Montgeron et le cercle d’amis réunis dans ces maisons.
C’est après leur mariage, en 1880, que Virginie et Adrien s’installent à Montgeron, d’abord dans une maison
meublée au 1 avenue de la Villa. Les mobilier est vieillot mais le jardin, qui comprend une pelouse, un petit bois,
un potager et une vigne leur semble un paradis. Ils font bâtir un double atelier « partagé par une draperie, chaque
côté ayant sa porte spéciale, afin de nous isoler, Adrien et moi, chacun chez soi, pour y travailler sans crainte
d’influence mutuelle. C’est là que furent exécutés nos tableaux qui figurèrent aux Salons de 1881, 1882, 1883,
1884 et 1885, premiers succès qui nous mirent hors concours » (Les maisons que j’ai connues, vol. 2, p. 177).
En 1885 ils déménagent dans une villa achetée par Jules Breton, et réaménagée par son oncle Edmond de
Vigne, en y ajoutant « deux vastes ateliers jumeaux ayant chacun son entrée particulière et ouvrant leurs glaces
sans tain sur le jardin qui mesurait un hectare et demi. Un kiosque en hémicycle aux vitraux de couleurs, élevé
près d’une petite pièce d’eau, permettait à la vue de s’étendre jusqu’à la côte de Crosne, par-delà la vallée de
l’Yerres. Une serre élevait tout un monde de boutures de géraniums rangées, dans leurs pots rouges, sur des
gradins comme les élèves bien sages d’une école. Une autre serre, attenant à mon atelier, me servait à faire
poser les modèles par les effets de plein air. » (Les maisons que j’ai connues, vol. 2).
« Notre année était à peu près organisée ainsi : comme les élèves qui rentrent au lycée, nous arrivions à
Montgeron en octobre. Travail intense à l’atelier en nous servant des documents pris sur nature.
Plus on approchait de Mars, l’époque de la livraison au Salon, plus nous étions nerveux. Le jour de l’envoi,
M. Force notre messager, venait prendre nos toiles et nous les portions, avec sa voiture, au Palais de l’Industrie
où avait lieu le Salon. Notre doreur Duval nous attendait avec les cadres.
Alors vacances mais même en voyage, nous avions toujours nos boîtes à peindre avec nous, pour pouvoir
ramener un document de ce qui nous charmait. Avril se passait à Douai et Courrières, beaucoup à Gand.
A moment du Salon, nos parents Demont et Breton, logeaient chez nous à Montgeron et nous avions des
réunions plus importantes. C’était la belle saison, notre jardin était fleuri et les bosquets offraient à nos invités des
ombrages et des chants d’oiseaux délicieux. […] Nous quittions généralement Montgeron fin juin pour être à
Douai lors des fêtes de Gayant […]
Après ce séjour à Douai nous partions pour Wissant. C’était pour nous, le moment du travail intense sur nature,
je dirais même presque forcé, car nous profitions de la mer, des dunes et des landes pour faire des études très
poussées, des pochades et des dessins, pour les tableaux que nous comptions exécuter avec les impressions
ressenties.
[…]
Nous quittions Wissant fin août afin d’être à Douai pour l’ouverture de la chasse. »
(Adrien Demont, Souvenances)
Virginie et Adrien eurent trois filles : Louise, Adrienne et Eliane, qui meurt encore enfant. Les petites posent
fréquemment pour leur mère qui aime représenter l’univers de l’enfance, en explorant aussi bien la sphère de son
intimité que celle du monde des familles de marins autour de Wissant.
La visite
Elle comprend une visite dans les salles du musée suivie d’un atelier, dans la salle de dessin de l’école Robert
Dubois attenante.
Elle a lieu les jeudis et vendredis de 9h à 11h en période scolaire.
Groupes périscolaires, accueils de loisirs : visite les mercredis de 9h à 11h en période scolaire, sous réserve
de la disponibilité d’une salle d’atelier.
La réservation est impérative et s’effectue par téléphone (du lundi au vendredi, de 8h30 à 12h et de 13h à 18h).
Atelier : Portrait au pastel ou à l’aquarelle
A partir d’une photographie de famille amenée par l’enfant (vacances, jardin, bord de mer), réalisation d’un
dessin à l’aquarelle ou au pastel sec.
Matériel à amener :
Demander impérativement aux enfants d’amener le jour de la visite une photographie de famille en plein air ou
vacances, imprimée sur feuille standard A4.
Venir au musée
Musée Robert Dubois-Corneau
16, rue du Réveillon
91800 Brunoy
Tél : 01 60 46 33 60
Fax : 01 60 47 29 20
[email protected]
www.brunoy.fr
Accès depuis Paris
Par la route
A4 (Autoroute de l’Est, Sénart, Créteil)
A5 (Troyes)
N6, direction Melun, sortie Brunoy
En transport en commun
RER D, direction Melun (20 min au départ de la Gare de Lyon)