Investir dans l`immobilier américain

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Investir dans l`immobilier américain
L
a faiblesse des prix de l’immobilier
aux États-Unis suscite un fort intérêt auprès d’investisseurs
québécois. La perspective de gain à moyen terme est alléchante.
Mais dans la réalité, les frais et de la gestion à distance sont
des motifs de découragement.
Claude Parent a acquis plusieurs biens immobiliers en Floride
après la crise immobilière de 2008. C’est un connaisseur. Il
dirige l’entreprise Prêts Via, spécialisée dans le financement
hypothécaire privé.
« Je travaille dans l’immobilier ici. Je suis allé aux États-Unis
en 2009 parce que les prix étaient bas. Mais ce n’est pas nécessairement un signe de rentabilité », prévient-il.
Trois ans plus tard, Claude Parent fait ses comptes. « Il me reste
deux biens immobiliers. Je vais en garder un et vendre l’autre. »
Bénéfice de l’opération ? « Zéro, répond-il. Quel que soit le
bien que vous achetez, les taxes municipales sont élevées, les frais
de condo aussi, les frais comptables encore plus, et vous devez
vivre avec une grande inconnue : le marché local. Chaque fois,
du coup, il faut engager des intermédiaires. »
Claude Parent possède une maison unifamiliale à Fort Lauderdale. En 2012, il aura payé 8000 $ de taxes, incluant les taxes
municipales, scolaires et l’eau. « C’était 4000 $ quand j’ai acheté
en 2009... », lâche-t-il.
Investir
dans
l’immobilier
américain
Un marché d’acheteurs prêts
à affronter la paperasse
Didier Bert
Les frais d’entretien représentent un autre coût, en argent
comme en temps. « Je suis ici, l’immeuble est là-bas. Qu’est-ce que
je fais ? J’engage quelqu’un à distance. Quand il y a des travaux
plus complexes, il faut obtenir des permis. Et c’est bien plus
difficile là-bas qu’au Québec. »
La lourdeur des formalités administratives a impressionné
Claude Parent. « Il y a énormément de gestion de papier.
Les Américains ont plus de paperasse que nous. Un contrat
d’hypothèque, un contrat d’achat, un bail... Tout passe par le
biais d’avocats. Les risques de poursuites sont par conséquent
multipliés. Il faut bien que les avocats travaillent... »
Et du côté des assurances ? « C’est au moins deux fois plus cher
qu’à Montréal. Dès qu’il y a un ouragan, les prix grimpent... et
quand il n’y en a pas, les assureurs haussent aussi leurs prix pour
se faire des réserves. »
Six règles de fiscalité américaine à connaître
1. P as de revenu, pas de
déclaration de revenus
L’achat d’un bien immobilier aux
États-Unis fait que l’on devient un
contribuable américain. « C’est la
même chose dans tous les pays du
monde », souligne Nick Moraitis,
associé en fiscalité chez Fuller Landau.
Mais si le bien immobilier est utilisé
uniquement à titre personnel, sans
en tirer de revenu (c’est-à-dire sans
location ni vente), il n’est pas
nécessaire de fournir une déclaration
fiscale au fisc américain. Et il n’y a pas
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de déclaration supplémentaire à
effectuer au Québec ou au Canada.
2. Un revenu… jusqu’à cinq
déclarations fiscales
Si le propriétaire canadien
reçoit un revenu de location ou de
vente, il doit déclarer ce revenu aux
États-Unis, où il sera imposé. Certains
états américains demandent aussi
une déclaration de revenus. Et la ville
de New York en exige aussi un pour
les opérations réalisées sur son
territoire. Si vous avez des revenus
dans la Grosse Pomme, ce sont donc
novembre 2012
cinq déclarations fiscales que vous
devrez préparer. « Je n’ai jamais dit
non à un client. Mais je m’inquiète
pour ceux qui ont de la difficulté à
remplir leur déclaration fiscale
canadienne... », confie M. Moraitis.
3. Une retenue à la source pour
les ventes immobilières
La vente de biens supérieurs à
300 000 $ l’unité impose de verser
10 % du montant au fisc américain,
au titre de retenue à la source. Cet
acompte est obligatoire, même si la
résidence a été vendue à perte. Il faut
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Investir dans
l’immobilier américain
Les étapes d’une acquisition
aux États-Unis
Exaspéré par la gestion à distance
Tous ces frais cumulatifs rendent l’opération coûteuse.
Claude Parent évalue les coûts annuels de possession en
Floride à 6 % minimum, avant même d’inclure une hypothèque dans le calcul. « Vous allez obtenir un loyer à prix
intéressant, mais les divers frais élevés le grugeront. Ça a
beau se louer facilement, c’est à peine rentable. »
Même s’il espère tirer une plus-value de la vente de sa
propriété, Claude Parent sait que son bénéfice est bien
incertain. Il lui faut tenir compte du taux de change, et de
ces incertitudes. « Actuellement, le dollar américain est en
deçà du dollar canadien, mais c’est possible qu’il ait remonté
lorsque l’on vendra. » C’est ce qui lui a coûté cher lors de
ses ventes précédentes. « J’ai perdu mes profits à cause du
taux de change. »
Gourmand en temps et en frais, l’investissement immobilier aux États-Unis devrait intéresser d’abord ceux qui
peuvent y aller en vacances. « Achetez pour en faire votre
résidence secondaire, mais pas pour revendre rapidement,
recommande Claude Parent. Et si c’est seulement pour une
semaine par an, mieux vaut louer ! »
Claude Parent n’est pas prêt de réinvestir aux États-Unis.
« J’en eu marre de la gestion à distance plus que des frais.
L’immobilier, quand on ne s’en occupe pas sur place, requiert
que quelqu’un le fasse à notre place. De plus, il faut connaître
les règles fiscales et légales. Avoir un associé local est encore
la solution parfaite. »
L’homme d’affaires montréalais retournera en vacances
en Floride. Mais à l’avenir, c’est sur le marché québécois qu’il
fera prospérer ses affaires. « Je pensais que c’était une bonne
occasion d’affaires, mais à long terme, investir est plus rentable
ici que là-bas. »
1. L’offre d’achat
Ce document légal exprime les volontés et les obligations de
l’acheteur et du vendeur, notamment le prix de vente, le
délai pour l’acceptation de l’offre, et la date de clôture de
l’acte de vente, et autres modalités.
2. Le financement et l’inspection
Quand votre offre est acceptée par le vendeur, vous devez
en faire parvenir copie à votre institution financière. Vous
procédez alors à l’inspection du bâtiment. Votre prêteur
peut demander une évaluation de la propriété pour vérifier
la valeur marchande. Dans la plupart des prêts en Floride,
l’emprunteur est assujetti à une taxe d’enregistrement.
3. L’agent de titre
Il procède à la vérification du titre de propriété, des taxes
foncières, de l’état de compte des frais de condo et il émet
une police d’assurance titre.
4. Les documents à préparer pour la clôture
Vous devez signer plusieurs documents pour valider la
vente : le Settlement Statement, le Deed, et le Title Insurance.
5. La clôture
L’acquisition se conclut par la signature des documents et le
transfert des fonds. L’agent de titre enregistre les documents
dans le registre du comté. Les documents peuvent être
signés au Québec devant un notaire public. Cependant, les
procédures doivent être accomplies selon les lois
floridiennes.
Source : www.racicottax.com
Six règles de fiscalité américaine à connaître
alors préparer une déclaration de
revenus pour réclamer ce montant
aux autorités fiscales des États-Unis.
4. Impossible d’échapper
aux impôts d’ici
Si vous devez payer de l’impôt aux
États-Unis sur vos revenus
immobiliers (de location ou de vente),
vous ne payez pas une deuxième fois
ce montant au fisc canadien. Mais si
cet impôt est inférieur à ce que vous
auriez dû payer au Canada, vous
devrez verser la différence à
l’administration fiscale canadienne.
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5. Les calculs savants
de la résidence
Le visiteur canadien doit
compter scrupuleusement le
nombre de jours passés sur le
territoire américain, chaque année et
au cours des trois dernières années.
« Il est faux de croire que passer cinq
mois par année suffit à ne pas être
considéré comme résident
américain », prévient M. Moraitis.
Si un Canadien passe plus de six mois
aux États-Unis durant une année, il est
considéré comme résident. Mais c’est
novembre 2012
aussi le cas si le calcul suivant donne un
total supérieur à 183 jours : comptez le
nombre de jours passés aux États-Unis
en 2012, ajoutez le tiers du total de
l’année 2011, et ajoutez aussi le sixième
du total de l’année 2010.
« Si on est considéré comme résident,
les autorités fiscales américaines
veulent recevoir une déclaration. La
convention fiscale entre les États-Unis
et le Canada évite la double
imposition. Mais de fortes pénalités
sont prévues si on ne remet pas le
formulaire », avertit M. Moraitis.
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Investir dans l’immobilier américain
Deux fois moins
cher qu’en 2007
Le marché américain est particulièrement favorable aux
investisseurs canadiens. Mais l’acquisition doit être
soigneusement planifiée. Entrevue avec Marcel Racicot, le
président de la Chambre de commerce Québec-Floride et associé
principal du cabinet juridique Racicot et Associés.
Q
uels sont les principaux
attraits du marché immobilier américain pour les
investisseurs canadiens ?
On parle d’une diminution
d’au minimum 50 % de la valeur
des propriétés. Seules les résidences situées à proximité de
l’océan ont limité leur baisse.
Aussi, les restrictions au crédit
empêchent les Américains de
financer leurs acquisitions. Et le
taux de change est favorable
aux investisseurs canadiens.
Quel marché est le
plus prometteur ?
La location aux résidents de la
Floride présente des rendements intéressants, entre 5 et
10 %. Les investisseurs peuvent
acheter des propriétés à très
bas prix, et les louer à des
Floridiens qui ont perdu leur
maison. Cela concerne surtout
les quartiers industriels. Le taux
d’inoccupation est très bas sur
ce marché en Floride. Et quand
le marché s’améliorera, il sera
possible de vendre avec des
gains importants. C’est le gain
le plus important qu’il y a à faire.
Qu’est-ce qui surprend
les investisseurs
Canadiens en Floride ?
Il faut bien prendre la mesure des
lois de la Floride qui s’appliquent.
Les droits successoraux sont particulièrement complexes. En cas
de décès, il faut engager un avocat de Floride et faire des requêtes
devant les tribunaux. C’est pour
cela qu’il n’est jamais avantageux
de détenir personnellement un
titre de propriété. Il est recommandé de passer par une fiducie
révocable de la Floride, qui allège
le règlement de la succession.
Y a-t-il un piège à éviter ?
Des investisseurs québécois
croient bien faire en créant une
société américaine à responsabilité limitée (SARL). Mais cette
structure entraîne une double
imposition fiscale aux États-Unis
et au Canada. La SARL a des avantages pour les Américains. Mais
pour les Canadiens, elle crée plus
de problèmes que de solutions.
Six règles de fiscalité américaine à connaître
6. Danger à propos des droits
successoraux
Si un Canadien décède alors qu’il
est propriétaire aux États-Unis, il est
assujetti aux droits successoraux
américains. « C’est une taxe sur le
patrimoine qui ignore le fait qu’on
soit résident américain ou non »,
explique M. Moraitis.
La convention fiscale entre les deux
pays permet aux Canadiens de
bénéficier de la même exemption
fiscale que les Américains, soit
cinq millions de dollars. Mais pour les
Canadiens, ce montant est réduit au
prorata de leurs biens situés aux ÉtatsUnis relativement à leur patrimoine
mondial. Par exemple, si 25 % de votre
patrimoine mondial est aux États-Unis,
vous bénéficiez d’une exemption
fiscale de 25 % de cinq millions, soit
1,25 million de dollars.
C’est l’ex-président américain
George W.Bush qui avait décidé de
faire passer d’un à cinq millions de
dollars l’exemption fiscale sur les
droits successoraux, en 2001 et ce
pour une période de dix ans. Il y a
deux ans, son successeur,
Barack Obama, avait reconduit ce
montant jusqu’à la fin de l’année 2012.
En Floride, un achat immobilier
résidentiel sur quatre a été
réalisé par des étrangers, sur la période
s’étalant de mai 2010 à juin 2011.
En 2013, le montant de l’exemption
pourrait donc retomber à un million
de dollars. Pour plusieurs Canadiens,
le montant au prorata pourrait alors
chuter au-dessous de la valeur de
leur propriété américaine. Leur
succession devrait alors débourser
de l’impôt en cas de décès.
En moyenne, les Canadiens dépensent
151 500 $ dans leur achat résidentiel
en Floride.
En fin d’année, un compromis sera
trouvé quelque part entre un et
cinq millions de dollars, croit
M. Moraitis. Mais la note pourrait être
salée pour les successions de
propriétaires canadiens... d’autant
que le taux d’imposition qui varie
actuellement entre 18 % et 35 %
pourrait lui aussi revenir à son niveau
initial, soit 55 %.
10Novembre 2012
Sur la même période, le marché résidentiel
pesait 48,8 milliards de dollars dans
l’état de Floride.
Les Canadiens représentent 39 % des
achats résidentiels en Floride.
Neuf fois sur dix, les Canadiens
achètent uniquement avec des liquidités,
sans hypothèque.
53 % des Canadiens propriétaires en
Floride ont acheté pour y aller en vacances.
16 % ont acquis une résidence dans un
but d’investissement locatif, 26 % en
font un double usage.
Source : Florida Realtors
www.conseiller.ca

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