Deux mille ans de chansons en une heure trente

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Deux mille ans de chansons en une heure trente
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n une heure et demie, La Plus Folle Histoire de la chanson, nouveau spectacle du trio
Chanson plus bifluorée, fait un état des lieux humoristique du genre en débutant par les
borborygmes des hommes préhistoriques et en terminant sur les rythmes du slam (ce qui
permet d'évoquer les nouveaux de la chanson française).Xavier Cherrier, Michel Puyau et
Sylvain Richardot mènent leur affaire avec un beau talent vocal. A leur meilleur, ils évoquent
le chansonnier Georgius avec son Il travaille du pinceau contre Hitler, chantent Ouvre la
fenêtre, l'une des nombreuses chansons coquines des années 1920. Ils pratiquent aussi le
"shaker", soit la musique de l'un, les textes d'un autre (ainsi le sombre Avec le temps de Ferré
sur l'air de Y'a d'la joie de Trenet), donnent une interprétation forte d'une chanson d'époque
contre la guerre de 1914-1918 ou s'envolent dans un numéro très vif de mélange de chansons
pleines d'allitérations (dont le savoureux Ta Cathy t'a quitté de Bobby Lapointe)…
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Chanson Plus Bifluorée
(en fluor massif)
De la préhistoire au slam, de l’âge de pierre à celui de l’informatique, en passant par
le Moyen Age, l’âge bête, la Révolution, les Années folles, les guerres de 14 et de
40, Mai-68, voici un panorama sans pareil de la chanson francophone qui fait
alterner complaintes insolites, tordantes ritournelles et poilantes goualantes. Outre
des créations d’une réjouissante loufoquerie qui, l’air de rien, se fondent sur une
grande maîtrise et de ses effets (même dans les excès), cet attrayant trio excelle
dans le détournement de standards. Ainsi « L’Informatique » redonne une énergie
très high-tech à « Je ne suis pas bien portant ». Quand à « Chômeur dans la
vallée », c’est vraiment une chanson de crise… de rire.
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Avec son spectacle "La plus folle histoire de la chanson", le trio fantaisiste entame sa nouvelle tournée
à Alès Ils triomphent chaque soir (jusqu'au 4 janvier) à l'Alhambra où leur nouvelle formule se patine
doucement sous les applaudissements parisiens. Ils, vous les connaissez : Sylvain, Michel et Xavier.
Avec leur fantôme préféré, Boubou, qui rigole quelque part dans son coin. Car le trio a été quatuor.
Mais c'est de l'histoire déjà ancienne : 23 ans très exactement. On pourrait presque les confondre
avec les 3 Jean bretons pour une simple question de longévité. Mais chez eux, la tradition a le goût du
pastiche. Le côté sud sans doute.
Sylvain habite toujours à Castries (c'est là que la bande répète), Xavier ne peut pas rester trop
longtemps sans respirer l'air de Marseille. Bon, Michel fait un peu le fier à la capitale. Mais aussi, c'est
lui le plus fou. Le plus monstrueux. Voyez-le dans son rôle de marionnette. Il est inquiétant,
incontrôlable. On sent bien que s'il n'était pas artiste il serait à l'asile.
L'histoire qu'ils racontent - en chantant mais pas seulement - commence par le début. C'est une
femme, apprenons-nous, qui a créé en Périgord noir la première berceuse de l'humanité. Gloria
Lascaux qu'elle s'appelait, la pipole en peau de bêtes. La berceuse ? Un Haka à vous tuer tout début
d'angoisse dans l'oeuf. Et le rire est déjà parmi nous. Il redouble d'intensité quand, grâce à un certain
troubadour, Jospin de Ré, le Kyrie Eleison devient qu'ils riaient les hérissons. Juste avant le passage
du camion, vous l'aviez deviné ?
Pour autant, les "bifluorés" n'en passent pas toujours par la dérision pour saluer cette culture
populaire que sédimente ce bel art modeste. Il y a, bien sûr, Ce soir j'attends Ségolène façon
Madeleine de Brel, il y a cette invention remarquable consistant à placer un texte connu sur un air
connu mais pas le sien (exemple irrésistible : Y'a d'la joie de Trénet sur la musique de Avec le temps
de Ferré) mais aussi du granit, intouchable et indémodable, des diamants noirs récupérés après un
braquage dans le XIX e siècle : Fille d'ouvrier par exemple. Et là, on pleure pour de bon.
Jean-François BOURGEOT